La soif de la Miséricorde dans les sociétés traversées par les atteintes à la vie
(Discours de Tugdual Derville au Congrès apostolique mondial de la Miséricorde; source : aleteia.org).
J’évoquerai d’abord les souffrances morales provoquées par les atteintes délibérées à la vie et spécialement l’avortement. (I)
Je continuerai en explicitant les soifs que ces blessures font naître (II).
Tout cela conduit à considérer l’annonce de la Miséricorde une priorité en matière d’évangélisation. (III)
I – Les souffrances morales provoquées par les atteintes à la vie
Nos cœurs se penchent avec Dieu sur les misères du peuple
Quand j’essaie de saisir la nature de notre vocation chrétienne dans nos sociétés actuelles, je repense souvent à celle de Moïse. Choqué par la servitude de son peuple, Moïse avait d’abord réagi par la violence, allant jusqu’à tuer un Egyptien qui maltraitait l’un des siens, avant de fuir au désert. C’est là, au Buisson ardent, que la parole de Dieu l’appelle. Cette parole rejoint son propre regard : « J’ai vu la misère de mon peuple » (Ex 3, 7). Ce que Moïse avait vu, ce qu’il avait tenté de régler avec maladresse et brutalité, Dieu le voit, lui, parfaitement. Il l’appelle à agir, à négocier (« Je t’envoie auprès de Pharaon »). Il lui donne les clés de cette démarche : un bâton, un compagnon… Il souligne aussi le sens spirituel et communautaire de cette vocation de libération de ses frères : « Vous me célèbrerez sur cette montagne » (Ex 3, 12). Tout cela part d’un cœur à cœur brulant entre l’homme et Dieu penchés ensemble sur la misère du peuple. Miséricorde déjà !
Le saint Père parle dans son encyclique Dieu est amour du « programme du bon samaritain » : « Un cœur qui voit ». Or, que voyons-nous ? Dieu merci, pas tout. Nous ne pourrions le supporter. Chacun d’entre-nous, là où il vit, est appelé à voir les misères qui touchent et appellent son cœur. Et c’est quand nos cœurs s’empierrent que nos regards s’en détournent. Chacun passe à côté de ceux qu’il ne veut pas voir. Nous en faisons tous l’expérience, amère comme un reniement. Permettez-moi cependant de vous confier un sentiment de solitude qui, parfois, nous étreint. Il étreint, je pense, beaucoup de membres de mouvements engagés au service de la vie. C’est aussi la solitude que peut ressentir toute personne qui essaie de répondre à des urgences sociales, humanitaires ou spirituelles. Nous avons parfois l’impression, comme dans un cauchemar, d’être les seuls à voir ce que nous voyons, à prendre conscience de l’ampleur d’un drame. C’est vrai pour la famine, la misère matérielle, la maltraitance et toute forme d’injustice. C’est vrai pour les atteintes à la vie et leurs conséquences.
Nous écoutons, rencontrons et soutenons, au sein de Alliance VITA, de nombreuses personnes confrontées aux épreuves de la vie : fractures familiales, deuils anténataux et postnataux, drames du handicap, de la solitude ou de la fin de vie. J’insisterai ici sur la question de l’avortement, même si nous pourrions aisément transposer ces réflexions à d’autres atteintes délibérée à la vie ou à la dignité humaine comme l’euthanasie, le passage à l’acte suicidaire, la prostitution…