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Religions - Page 98

  • Union européenne : les conférences épiscopales de l’Eglise catholique se divisent

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    Lu sur le site du journal « La Croix » :

    En l’espace d’une semaine, EuropeInfos, revue coéditée par la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (Comece) et le Centre social européen jésuite (Jesc), a dû retirer deux articles de son site web : « Que se passe-t-il en Pologne ? » du directeur des éditions Znak, Henryk Woźniakowski, le 10 février ; « À propos de l’idéologie de la Nouvelle Droite en Hongrie », d’un professeur de théologie autrichien, une semaine plus tard. Ces articles, mettant en cause la politique des gouvernements polonais et hongrois, étaient vertement contestés par les épiscopats des deux pays.

    > A lire : L’Église catholique se mobilise pour l’accueil des migrants et des réfugiés

    L’épiscopat polonais a menacé de se retirer de la Comece

    « Depuis un moment, nous sentions un certain malentendu, notamment à l’Est de l’Europe, autour de la culture européenne, explique-t-on du côté la Comece. D’où cette série d’articles pour essayer de comprendre ce qu’il se passe. » Mais le débat aura tourné court : dénonçant une « ingérence dans les affaires intérieures de la Pologne », l’épiscopat polonais a menacé de se retirer de la Comece, tandis que, le cardinal Peter Erdö, archevêque de Budapest, mais aussi président du Conseil des conférences épiscopales d’Europe, a évoqué un boycott d’une réunion commune avec la Comece sur la question des migrants.

    Pour le jésuite Martin Maier, secrétaire pour les affaires européennes du Jesc et corédacteur en chef d’EuropeInfos« nous sommes ici au cœur de la crise de l’Europe, liée à la question des réfugiés et des migrants ». Et à l’identité européenne. « Ce qui est arrivé à la Comece a servi de prétexte à une crise qui couvait depuis longtemps, confirme un observateur. D’abord parce qu’on n’a jamais voulu réfléchir à ce que cela veut dire être Européen. »

    « Avouons-le: la réconciliation des esprits entre Est et Ouest prend plus de temps que nous l’avions imaginé », reconnaît Jérôme Vignon, ancien haut fonctionnaire européen qui se rend compte aujourd’hui combien les« visions très différentes à l’Ouest et à l’Est n’ont pas du tout été abolies par les échanges commerciaux ou entre élites. » « On a cru bien faire en procédant rapidement à l’élargissement. On l’a préparé tambours battants entre 2000 et 2004, puis chacun est retourné à ses affaires, se souvient-il. On n’a pas eu cette rencontre véritable des peuples, ni d’ailleurs entre Églises. »

    Deux structures épiscopales parfois en concurrence

    La place de la religion dans chaque État de l’Union européenne ajoute aux incompréhensions. « Les évêques dénoncent une Europe libérale, qui serait une menace, relève Henryk Woźniakowski. Il y a aussi des craintes concernant l’identité culturelle de la Pologne. » « La Pologne est un pays où le catholicisme fait partie de l’identité », met-on en garde au CCEE où on rappelle que, à l’Est, la question se pose moins en termes de relations Églises-État que du rapport de la foi à la culture, dont la première irrigue profondément la seconde : « Il faut comprendre les contextes locaux. La crise migratoire intervient quand ces pays de l’Est sont en train de comprendre ce qu’est leur identité par rapport aux autres mais aussi au moment où les évêques craignent de perdre le contrôle sur les évolutions de la société. » D’où une certaine compréhension vis-à-vis des partis qui s’affichent en défenseurs de l’identité chrétienne, PiS en Pologne, Fidesz en Hongrie.

    Ces deux visions sur l’Europe se traduisent à travers deux structures épiscopales, le CCEE et la Comece, qui, même si elles ne se recoupent pas, se retrouvent parfois en concurrence. « Entre le CCEE et la Comece, ça a toujours été chien et chat, reconnaît Jérôme Vignon. Avec des postures pastorales plus identitaires du côté du CCEE, plutôt conciliaire, d’une Église qui est dans la pâte de la société, pour la Comece. » La composition des deux joue aussi : délégués des conférences épiscopales pour la Comece –« beaucoup d’évêques auxiliaires, avec un désintérêt gentil à l’Ouest, plus d’hostilité à l’Est », commente un connaisseur – présidents des conférences pour le CCEE. « Se pose aussi la question du statut de la parole des deux organismes », relève ainsi un observateur qui souligne que le CCEE prend, par exemple, garde de ne jamais parler au nom des évêques européens.

    À l’inverse, en prenant la présidence de la Comece, en 2012, le cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich, avait voulu en faire un véritable lieu d’expression de l’épiscopat européen, à l’instar du conseil épiscopal latino-américain (Celam) en Amérique latine. Il s’est senti renforcé dans cette volonté après avoir été « l’Européen » choisi par le pape François au sein du « C9 ». « Mais les évêques d’Europe ne veulent pas forcément de l’approche allemande de l’Europe », confie-t-on au CCEE. Volontairement, le cardinal Marx est resté très discret depuis quinze jours. L’assemblée plénière de la Comece, la semaine prochaine, sera sans doute l’occasion de clarifier les positions.

    Deux structures pour les épiscopats européens

    La Commission des épiscopats de la Communauté européenne (Comece) rassemble des délégués des conférences épiscopales des 28 membres de l’Union européenne pour accompagner la politique de l’UE dans chaque domaine d’intérêt pour l’Église. Basée à Bruxelles, la Comece est présidée par le cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich (Allemagne).

    Le Conseil des conférences épiscopales d’Europe (CCEE) est un organe de collaboration pour les présidents des épiscopats de 45 pays du continent européen. Basé à Saint-Gall (Suisse), le CCEE est présidé par le cardinal Péter Erdö, archevêque d’Esztergom-Budapest (Hongrie).

    Loup Besmond de Senneville et Nicolas Senèze »

    Réf. Entre les évêques européens, deux visions de l’Europe

    S’agissant des relations entre  institutions européennes et Eglises, communautés associations religieuses ou organisations philosophiques, l’article 17 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise que : 

    - « L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Eglises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres » ;

    -« L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles » ;

    -« Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Eglises et organisations ».

    La Commission des Episcopats de la Communauté Européenne (COMECE)  est composée d'évêques délégués par les conférences épiscopales des Etats membres de l'Union européenne et possède un Secrétariat permanent à Bruxelles. Elle a pour objet de maintenir un dialogue régulier avec les Institutions de l'Union (Commission européenne, Conseil de l'Union européenne et Parlement européen),  sur base de l’article 17 du traité  précité.

    Dans les relations entretenues par l’Eglise catholique avec l’Union européenne, il convient de distinguer le rôle de la COMECE  de celui du Saint-Siège, lequel est un sujet souverain de droit international public et dispose, comme tel, d’une Représentation permanente auprès de l’Union.

    JPSC

  • La réalité religieuse multiple de l’Arabie Saoudite

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    De l’excellent « Courrier du Maghreb et de l’Orient », éditions décembre 2015-janvier 2016 :

    « Ce n’est plus un secret pour aucun observateur : l’Arabie Saoudite mène une guerre par procuration dans le Moyen-Orient pour contenir l’influence de l’Iran et du chiisme. Le royaume saoudien se veut ainsi le pays de l’axe sunnite et soutient, partout où il peut, les gouvernements ou rebelles qui luttent contre les satellites et auxiliaires de l’Iran. Pourtant, l’Arabie n’est elle-même pas une terre religieuse homogène, et on découvre que le royaume, dominé politiquement et religieusement par une version rigoriste et conservatrice de l’Islam, le Wahhabisme, est lui-même traversé de plusieurs courants religieux et abrite une minorité chiite importante.

    Saudi-Arabia-religions-CMO-jan-2016-E-Pène.jpg

     

    Les Sunnites saoudiens constituent la majorité des habitants (52%). Ils peuplent majoritairement l’ouest (depuis la frontière yéménite jusqu’à la frontière jordanienne), le nord, quelques zones à l’est le long du Golfe persique, et quelques zones désertiques du sud-est. Le sunnisme est structuré en quatre rites ou écoles de jurisprudence (mad’hab) : le Hanafisme, le Shafi’isme, le Malikisme et le Hanbalisme. Seuls ces deux derniers sont représentés en nombre dans la population saoudienne (à l’exception de la population expatriée). Le Malikisme, une doctrine qui prône une approche moraliste de la loi, est majoritairement pratiqué dans l’ouest, le long du golfe persique et dans les zones désertiques du sud-est. Le Hanbalisme, qui a emprunté au Safi’isme une adhérence rigide aux Hadith/Sunna, rejette la spéculation juridique et se réfère à la lettre des textes sacrés originels. Il a été en grande partie absorbé par le Wahhabisme depuis la fin du XVIIIème siècle et n’est plus pratiqué qu’au nord du royaume, dans les hautes terres de Shammar, et dans les zones désertiques du sud de la Syrie et de l’Irak.

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  • 21 martyrs coptes, un an après : une foi fortifiée

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    Mgr Bafnotios, 66 ans, a l’habitude de faire face au péril islamiste. Il est, depuis trente-huit ans,mgr-bafnotios-eveque-copte-orthodoxe-de-samalout-en-moyenne-egypte_article.jpg l’évêque copte orthodoxe de Samalout, en Moyenne-Égypte. C’est de son diocèse que sont originaires les martyrs exécutés le 16 février 2015. Comment le diocèse de Samalout a-t-il fêté ce premier anniversaire le 16 février? Interview lue sur le site  du magazine « famille chrétienne » :

    Nos diocésains, et spécialement les habitants d’El Our, sont très fiers de leurs enfants qui ont montré une foi digne de celle des premiers chrétiens, et des Coptes depuis mille quatre cents ans. Mais, au-delà du diocèse, c’est toute l’Église copte qui les célèbre. Le saint synode [assemblée des évêques ] d’Égypte sera invité tous les ans pour célébrer cet anniversaire ; la fête de l’entrée du Seigneur au Temple sera désormais aussi la célébration des vingt et un martyrs.

    Où en est le chantier de la basilique qui leur est dédiée?

    Dans une semaine, le rez-de-chaussée sera achevé et le premier étage commencera. Elle fera 4 200 m2.

    Le président El Sissi a autorisé la construction de cette basilique. N’est-ce pas radicalement nouveau dans un pays où, depuis quatorze siècles, les chrétiens sont considérés comme des citoyens de seconde zone?

    C’est exact. Il a déclaré que les otages sacrifiés n’étaient pas seulement des martyrs chrétiens, mais ceux de toute la nation égyptienne. L’Église a actuellement une excellente relation avec le président El Sissi, et avec le gouvernement.

    Qu’est-ce que cet événement tragique a changé au village d’El Our?

    Il a fortifié la foi et ouvert une fenêtre vers le Ciel. Le quotidien est devenu plus chrétien, avec une pratique religieuse plus profonde, je vois la différence.

    À El Our, cet évènement tragique a fortifié la foi et ouvert une fenêtre vers le Ciel.

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  • Les 30 points de la déclaration commune signée par le pape François et le patriarche Cyrille

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    De Radio Vatican :

    La déclaration commune du Pape François et du patriarche Cyrille

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    (RV) A l'issue de leur rencontre en privé, le Pape François et le patriarche Cyrille ont signé une déclaration commune, un texte dense et dont chaque mot a été soupesé, témoignant d'une convergeance sur de nombreux points. Une déclaration qui comprend trente paragraphes et qui revient sur les grands enjeux contemporains comme les conflits au Moyen-Orient, la liberté religieuse, la famille, la destruction de la création ou encore l'unité de l'Europe. Conscients que de nombreux obstacles restent à surmonter, le Pape et le patriarche de Moscou souhaitent, dans leur déclaration commune, que leur rencontre contribue au rétablissement de l’unité voulue par Dieu. 

    Dans ce texte, les deux chefs spirituels font part de leur joie de se retrouver « comme des frères dans la foi chrétienne ». Ils reviennent sur l'importance de Cuba, symbole des espoirs du « Nouveau Monde » et des événements dramatiques de l’histoire du XXe siècle et théatre de cette rencontre. « Conscients que de nombreux obstacles restent à surmonter, nous espérons que notre rencontre contribue au rétablissement de l’unité voulue par Dieu » écrivent-ils, faisant part de leur détermination commune à entreprendre tout ce qui est nécessaire pour surmonter les divergences historiques, et à répondre ensemble aux défis du monde contemporain. 

    Eviter une nouvelle guerre mondiale

    La déclaration revient aussi de façon précise sur la situation des Chrétiens persécutés surtout au Proche et Moyen-Orient et Afrique du Nord : des chrétiens exterminés par familles et villages entiers, des églises détruites et pillées de façon barbare, des objets sacrés profanés, et évoquent l'exode massif qui a transformé l'Irak et la Syrie. Le Pape et le patriarche de Moscou appellent la communauté internationale à trouver des actions urgentes pour faire cesser ces persécutions, mais l'invitent aussi à tout faire pour mettre fin au terrorisme et à trouver des solutions pour rétablir la paix. Toutes les parties sont par ailleurs invitées à agir de façon responsable et prudente et les croyants sont exhortés à prier pour que Dieu protège sa création de la destruction et ne permette pas une nouvelle guerre mondiale, écrivent-ils.

    Dans ce texte, les Eglises catholique et orthodoxe russe sont également préoccupées par la situation qui prévaut dans les sociétés sécularisées où la liberté religieuse est menacée, où les chrétiens n’ont plus le droit de témoigner de leurs convictions religieuses. Ils se déclarent convaincus que l’Europe doit rester fidèle à ses racines chrétiennes. Le Pape François et le Patriarche Cyrille espèrent que leur rencontre contribuera aussi à la réconciliation là où des tensions existent entre gréco-catholiques et orthodoxes. A propos de l’Ukraine, ils appellent leurs Églises à travailler pour atteindre la concorde sociale, à s’abstenir de participer à la confrontation et à ne pas soutenir un développement ultérieur du conflit.

    Après avoir signé chacun le texte, le Pape et Cyrille ont prononcé à tour de rôle quelques paroles improvisées. « Nous nous sommes parlé comme des frères, nous avons le même baptême, nous sommes des évêques » a relevé François, soulignant  « avoir senti la consolation de l'Esprit au cours de cet entretien »: de son côté, le patriarche russe a souligné que cette discussion « a montré que les deux Églises peuvent travailler ensemble pour défendre le christianisme dans le monde entier, afin qu'il n'y ait plus de guerre et que la vie humaine soit respectée ». 

    Voici le texte intégral de cette déclaration commune:

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  • Le nouvel archevêque de Malines-Bruxelles dénonce une tendance à privatiser la religion

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    Un communiqué de l’agence Belga, reproduit par « La Libre », a repris hier la position que le  nouvel archevêque avait exprimée sur RTL et que nous avons rapportée ici.

    « Le nouveau chef de l'Eglise catholique belge, Jozef De Kesel, a déploré mercredi sur Bel-RTL une tendance de la société à "privatiser la religion", alors que la Chambre a ouvert un débat sur la laïcité de l'Etat. 

    "Je sais bien qu'il y a cette tendance dans une société moderne et sécularisée, une société que j'accepte, c'est la mienne (...) Mais cette tendance - vouloir privatiser la religion (...), sans droit de cité dans le domaine public, où même la visibilité pose problème -, je ne trouve pas cela un bon signe", a affirmé Mgr De Kesel.

    A ses yeux, "c'est au moment où la différence se manifeste que le respect commence". Il demande "en quoi cela me dérange de voir quelqu'un porter une kippa".

    A la Chambre, la commission de révision constitutionnelle a ouvert une réflexion sur les valeurs et les principes de l'Etat, prolongeant un débat mené dans la presse sur la séparation entre l'Eglise et l'Etat, le caractère de l'Etat, la prééminence de la loi sur le prescrit religieux et les valeurs de la société.

    En toile de fond, la limitation du port de signes convictionnels dans l'espace et la fonction publics, voire l'inscription de la laïcité de l'Etat dans la Constitution, plutôt que sa neutralité.

    Sur ce dernier point, "je ne suis pas très favorable", répond Jozef De Kesel. "Je suis tout à fait d'accord avec la séparation entre l'Eglise et l'Etat, l'Etat est neutre. Mais la société n'est pas neutre. Là vivent les croyants aussi, dans un pluralisme actif", a commenté le président de la conférence épiscopale. »

    Neutralité ou pluralisme de l’Etat ? Le débat n’est pas neuf.

    Face à la diversité idéologique, philosophique, religieuse et culturelle, à quels principes obéissent aujourd’hui les institutions de l’Etat et de ses démembrements ?  L’espace public n’est-il pas aussi plus que l’addition des collectivités publiques, celui d’une société civile exprimant la pluralité des opinions, cultes, associations ou partis ? L’Eglise et  les communautés religieuses ou philosophiques n’ont-elles pas un rôle à jouer  pour construire cet espace public et les collectivités auxquelles celui-ci donne naissance ? Enfin, la neutralité et le pluralisme n’ont-ils pas aussi leurs propres limites : les pays ont aussi une mémoire, une histoire, des traditions, bref une culture. Sous prétexte de neutralité, les pouvoirs publics ne peuvent l’ignorer.

    Pour mémoire, en Belgique, les sénateurs Philippe Mahoux, Christine Defraigne, Josy Dubié, Jean-Jacques De Gucht, Paul Wille et Olga Zirhen avaient déjà déposé le 06.11.2007 une  proposition de loi « visant à appliquer la séparation de l'État et des organisations et communautés religieuses et philosophiques non confessionnelles ». Sous prétexte de neutralité, cette proposition prévoyait, entre autres, la suppression du « Te Deum » officiel organisé lors de la fête nationale et celle de tous les signes religieux des lieux publics comme les maisons communales ou les tribunaux, voire les cimetières. Ses auteurs n’ont pas trouvé de majorité parlementaire pour soutenir la proposition, qui fut alors retirée.

    Et dans son arrêt Lautsi du 18.03.2011, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que  la présence d’un crucifix dans les salles de classe des écoles publiques italiennes ne violait pas le droit à l’éducation tel qu’il doit être dispensé dans ce type d’écoles. Un arrêt sans doute appelé à faire jurisprudence.

    Dans un débat organisé à l’Université de Liège par l’Union des étudiants catholiques le 25 avril 2012 , la parole avait  été donnée sur ce point à un éminent spécialiste du droit public belge: Francis DELPÉRÉE, sénateur et professeur émérite de droit constitutionnel à l’Université Catholique de Louvain (U.C.L.) pour savoir ce qu’il est de l’usage actuel des concepts de neutralité et de pluralisme dans le droit public belge, sans avoir besoin de réinventer le monde.

    Tentons de résumer son propos :

    Les mots ne sont pas toujours univoques. Il suffit d’ouvrir un dictionnaire pour le vérifier. Au sens premier, être neutre signifie s’abstenir, ne pas prendre parti. Cela peut valoir pour un individu ou une collectivité. Le pluralisme au contraire est un principe actif, valorisant la diversité : la société civile peut-elle, en effet, s’accommoder d’un espace public circonscrit par la seule expression d’une « volonté générale » que les appareils étatiques sont censés exprimer ? 

    Le seul service public que la constitution qualifie de « neutre » est l’enseignement organisé par les Communautés. L’orateur pense que cette qualification n’est pas exclusive mais exemplative. Le terme « pluralisme » n’appartient pas au vocabulaire de la constitution mais le régime des droits et libertés que celle-ci instaure implique la chose, tout comme la diversité que la loi organise ou favorise au sein des collectivités belges. 

    Neutralité, pluralisme : sur l’application de ces deux concepts, la doctrine et la jurisprudence ont-elles été plus loquaces ?  

    La doctrine distingue plusieurs types de neutralité possibles : passive, active et organisationnelle. 

    La « neutralité passive » consiste à ne pas tenir compte dans l’espace public des appartenances philosophiques, idéologiques ou religieuses des personnes. Selon le Conseil d’Etat (arrêt du 20.05.2008), c’est un principe constitutionnel lié au droit à la non-discrimination et à l’égalité. Il s’applique aux institutions publiques, à leurs agents et usagers (mais pas aux mandataires publics ni aux citoyens comme tels).

    La « neutralité active » fait acception de la diversité des appartenances philosophiques, idéologiques ou religieuses : elle recherche l’équilibre ou la pondération des tendances là ou la neutralité individuelle est jugée impossible à atteindre : par exemple, dans l’information radiotélévisée (arrêt Lenaerts du 26.07.1968) ou les fonctions culturelles (loi du 16.07. 1973).

    La « neutralité organisationnelle », enfin, s’applique aux programmes et au recrutement des maîtres de l’enseignement organisé par les Communautés. 

    Le pluralisme se déduit des articles 10 (égalité) et 11 (protection des tendances idéologiques et philosophiques) de la constitution. Il se décline sous deux formes : le pluralisme externe que manifeste la pluralité des institutions privées et publiques (enseignement, soins de santé, aide sociale etc.) et le pluralisme interne que traduit l’intégration de groupes idéologiques différents dans la direction d’une institution publique (cela va de la Banque nationale aux Transports publics en passant la sécurité sociale ou la radiotélévision…). 

    Bref, entre la neutralité et le pluralisme, la Belgique ne choisit pas, elle conjugue et décline ces concepts sous des modes divers. Une symphonie peut-être inachevée mais pas à jeter…

    Le texte complet de la conférence peut être consulté ici: neutralité ou pluralisme dans l'espace public 

    Ref. L'archevêque de Malines-Bruxelles dénonce une tendance à privatiser la religion

    JPSC

  • Quand Mgr De Kesel s'exprime sur RTL et prend position sur la question de la laïcité de l'Etat

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    Jozef De Kesel : l’interview politique

  • Quelle est la portée de la rencontre entre le pape et le patriarche de Moscou ?

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    D'Antoine Pasquier sur le site de l'excellent hebdomadaire "Famille Chrétienne" :

    Rencontre entre le pape et le patriarche Cyrille – «L’unité se fait par le martyre»

    Pour le Père Patrice Mahieu, moine à l’abbaye de Solesmes et auteur de plusieurs ouvrages sur l’orthodoxie (1), la rencontre entre le pape François et le chef de l’Église russe le 12 février à Cuba constitue une étape décisive vers la pleine communion.

    Pourquoi cette rencontre entre François et Cyrille est jugée historique ?

    Il s’agit d’un long mûrissement, d’un don de Dieu et d’un point de départ. Cette rencontre était très nécessaire. En Occident, on croit facilement que le patriarche de Constantinople est l’équivalent du pape pour les orthodoxes. Il n’en est rien. Les Églises orthodoxes sont autocéphales, et il importe que le pape ait des relations personnelles avec chacun des patriarches. De plus, ce n’est pas une simple rencontre fraternelle. Le patriarcat l’envisage bien comme une étape décisive dans les relations entre les Églises de Rome et de Moscou.

    Quel est l’enjeu spirituel de cette rencontre ?

    L’enjeu spirituel est un accroissement, un approfondissement du dialogue de la charité. Sous le pontificat de Paul VI, les relations entre Rome et Moscou ont connu des moments de grande proximité, sous l’impulsion du métropolite Nicodème Rotov. En décembre 1969, le Saint-Synode de l’Église russe avait décidé d’admettre aux sacrements les fidèles catholiques. Bien sûr, c’était dans le contexte de la persécution soviétique. Mais, dans l’esprit du métropolite Nicodème, c’était un pas décisif vers la pleine communion. Cette rencontre peut être comprise comme un engagement dans ce sens. Mais les circonstances ont également changé, et l’Église russe est traversée par des courants très opposés à l’œcuménisme. Le pape François, par son style d’exercice du ministère pétrinien – il est avant tout évêque de Rome –, et ses orientations théologiques – l’importance qu’il donne à la synodalité – ne peut que rencontrer l’adhésion des orthodoxes.

    En quoi est-ce la fin symbolique du schisme de 1054 ?

    Je ne pense pas que l’on puisse le dire. Il faudrait d’ailleurs relire ce qu’a écrit le Père Congar sur cette date de 1054 qui marque une brouille, mais absolument pas un schisme. Ce n’est que deux siècles plus tard, avec la croisade, le sac de Constantinople, la nomination d’évêques latins… qu’il y eut réellement schisme. Et 1054 ne concerne que Rome et Constantinople ; c’est pour cela que les anathèmes ont été levés à Rome et Constantinople en décembre 1965. C’était d’ailleurs la position du métropolite Nicodème : cela ne regarde que ces deux sièges.

    Pourquoi y a-t-il eu de nombreux rendez-vous ratés entre Jean-Paul II et Alexis II ?

    En œcuménisme, vous avez beaucoup de facteurs non dogmatiques. Jean-Paul II avait la malchance, pour les Russes, d’être polonais. Dom Lanne, moine de Chevetogne, m’a rapporté les réactions de son ami le Père Borovoy, observateur de l’Église russe au concile, au moment de l’élection du cardinal Wojtyla : « Les cardinaux auraient pu élire un Africain, ou un Asiatique, mais pas un Polonais. Vous aviez quand même l’embarras du choix. » Puis, à partir de 1988, il y eut la sortie des catacombes des Églises catholiques orientales, ukrainienne, roumaine, en particulier. Ce qui attisa les tensions. Mais l’absence de rencontre n’est pas heureuse. Quand surgissent des difficultés, il importe encore plus de se parler.

    Benoît XVI a réussi à tisser davantage de liens, notamment avec Cyrille. Comment l’expliquer ?

    Benoît XVI fut avant tout un pape théologien, un mystagogue, très apprécié par les orthodoxes, fin connaisseur des traditions théologiques, canoniques, liturgiques de l’Orient. Le métropolite Hilarion avait déclaré que ce serait ce pape-ci qui rencontrerait le patriarche du Moscou. Pourquoi cela ne s’est pas fait reste un mystère. Un ami œcuméniste m’a dit une fois que si le cardinal Ratzinger avait été élu dix ans plus tôt, il aurait eu l’énergie pour prendre des décisions audacieuses. C’est bien vu.

    L’Ukraine reste-t-elle toujours la principale pierre d’achoppement pour une réconciliation véritable ?

    Pour l’Église russe, c’est un point très sensible. L’Ukraine est le berceau de l’Église russe, qui y a actuellement un quart de ses paroisses, des monastères prestigieux… Mais la situation touche tant d’aspects ecclésiastiques, géopolitiques, stratégiques ! En orthodoxie, l’Église est nationale. À longue échéance, pourra-t-on éviter la constitution d’une Église orthodoxe canonique ukrainienne ? Il faut remarquer que, sur ce dossier, le Saint-Siège s’est montré très prudent, car il s’agit surtout d’un face-à-face Moscou-Constantinople. Le fait que le pape François soit un pape non-européen lui donne encore plus de crédibilité.

    En quoi l’actualité des chrétiens d’Orient persécutés en Syrie et en Irak favorise-t-elle cette rencontre ?

    Le Saint-Père l’a redit de nombreuses fois. Il l’a répété à Saint-Paul-hors-les-murs le 25 janvier dernier : l’unité se fait par le martyre, par le don de la vie pour le Christ. Nos frères orientaux ne sont pas persécutés par ce qu’ils sont orthodoxes ou catholiques, mais parce qu’ils sont chrétiens. Les raisons historiques, théologiques, ou ecclésiastiques que nous invoquons, de bonne ou de mauvaise foi, pour demeurer séparés, ne tiennent pas devant le sang versé en confession du Christ. L’Église du martyre est une. Il faut que les théologiens en tirent les conséquences. Joseph Ratzinger écrivait en 1976 : « L’unité est une vérité chrétienne qui appartient à l’essence du christianisme, et elle occupe dans la hiérarchie des valeurs une place si éminente qu’elle ne peut être sacrifiée que pour quelque chose de tout à fait fondamental ». Et nous savons que, avec la grâce de Dieu, il n’y a rien de fondamental qui empêche la pleine communion entre catholiques et orthodoxes.

    Cette rencontre intervient aussi en raison d’un climat de détente entre les différents patriarcats orthodoxes.

    La situation est bien complexe. On peut se réjouir de la tenue prochaine du grand et saint synode panorthodoxe. Sa célébration constitue déjà un acte fort. Mais quelles seront les décisions pratiques qui y seront prises, quelle place y sera faite aux délégués des autres Églises ? C’est pour cela que l’Église catholique doit continuer à tisser des liens d’amitié, de fraternité, avec toutes les Églises orthodoxes et affirmer que, de son côté, les conditions sont réunies pour reprendre une vie de communion sacramentelle avec elles. Ce fut le message du pape François au patriarche de Constantinople en novembre dernier.

    Antoine Pasquier

    1. Auteur de Paul VI et les orthodoxes (Éditions du Cerf, 2012) et Se préparer au don de l’unité. La commission internationale catholique-orthodoxe 1975-2000 (Éditions du Cerf, 2014).

  • Le pape rencontrera le patriarche de Moscou à Cuba le 12 février prochain

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    De Radio Vatican :

    Le Patriarche Cyrille et le Pape François se rencontreront à Cuba le 12 février

    (RV) Cuba accueillera le 12 février 2016 un évènement historique dans l’histoire du christianisme : le Pape François, qui fera escale à La Havane sur le chemin du Mexique, va y rencontrer le patriarche de Moscou, chef de l’Église orthodoxe russe.

    Voici le communiqué diffusé ce vendredi midi par le Saint-Siège et le Patriarcat de Moscou :

    «Le Saint-Siège et le Patriarcat de Moscou ont la joie d’annoncer que, par la grâce de Dieu, Sa Sainteté le Pape François et Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie, se rencontreront le 12 février 2016. Leur rencontre aura lieu à Cuba, où le Pape fera escale avant son voyage au Mexique, et où le Patriarche Cyrille sera en visite officielle. Elle comprendra un entretien personnel à l’aéroport international José Marti de La Havane, et se conclura avec la signature d’une déclaration commune.

    Cette rencontre des Primats de l’Église catholique et de l’Église orthodoxe russe, préparée depuis longtemps, sera la première dans l’histoire et marquera une étape importante dans les relations entre les deux Églises. Le Saint-Siège et le Patriarcat de Moscou souhaitent que cela soit aussi un signe d’espérance pour tous les hommes de bonne volonté. Ils invitent tous les chrétiens à prier avec ferveur pour que Dieu bénisse cette rencontre, et qu'elle porte de bons fruits.»

    Le père Federico Lombardi, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, a précisé que l'entretien durerait environ deux heures. Le Pape François et le Patriarche Cyrille prendront brièvement la parole après la signature de la déclaration commune. Seront également présents, pour l'Église catholique, le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour l'Unité des chrétiens, et pour l'Église orthodoxe russe, le métropolite Hilarion, responsable des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, que le Pape François a déjà reçu plusieurs fois au Vatican.

    Par ailleurs, le président Raul Castro accueillera le Pape François à sa descente d'avion sur le tarmac de l'aéroport. Il s'agira donc de la deuxième visite du Pape à Cuba, après celle effectuée du 19 au 22 septembre 2015. Mais celle-ci ne durera qu'un peu plus de trois heures.

    Le départ de l'avion papal depuis Rome sera avancé à 7h45 du matin, le vendredi 12 février, au lieu de 12h30. Malgré cette escale cubaine, le voyage du Pape au Mexique garde son programme inchangé.

  • Bruxelles et Liège : dialogue entre religions à l'initiative de la communauté Sant'Egidio

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    Lu sur le site de Sant Egidio :

    Interfaith Breakfasts à Bruxelles et à Liège – Echos et photos

    Durant la première semaine de février, a lieu ”l’Interfaith Harmony Week”, une initiative lancée par le Roi Abdullah II de Jordanie et soutenue par les Nations Unies. De nombreuses initiatives sont organisées en Belgique et partout dans le monde afin de promouvoir le dialogue et la rencontre entre les religions.

    Ce lundi 1er février 2016, plus de 30 leaders religieux de Belgique et de l’Europe se sont retrouvés à l’hôtel Le Plaza, à Bruxelles, pour un Interfaith Harmony Breakfast. Pendant cette rencontre, ils ont discuté des défis actuels du terrorisme, de l’arrivée des migrants en Europe, du vivre ensemble et de l’éducation des jeunes générations. 

    A l’invitation de la Communauté de Sant’Egidio, le Grand Rabbin Albert Guigui, l’archevêque de Malines-Bruxelles Jozef De Kesel, le président du Conseil des Ouléma marocains, Tahar Toujgani et le Métropolite Athenagoras du Patriarcat œcuménique de Constantinople étaient présents aux côtés du Premier Vice-Président de la Commission européenne, Frans Timmermans, et du Ministre belge de la Justice, Koen Geens. 

    Dans son introduction, Hilde Kieboom, vice-présidente de Sant’Egidio, a rappelé l’importance de renforcer le dialogue et trouver la force positive et constructive des religions pour développer un monde plus humain. Elle a souligné trois signes du temps qui vont dans le sens du dialogue interreligieux: le futur concile pan-orthodoxe qui se tiendra en Crète en juin prochain, la déclaration de Marrakech soutenue par 250 leaders musulmans rappelant le rôle des minorités dans les pays à majorité musulmane et l’obligation de les protéger, ainsi que la considération donnée au dialogue entre les religions dans le cadre du Jubilé de la miséricorde inauguré par le Pape François.

    Le Vice-Président de la Commission, Frans Timmermans, a souligné combien ce dialogue est essentiel lorsqu’il ne se limite pas à un échange de gentillesses, mais qu’il laisse la place aux désaccords, à une confrontation d’où peuvent naître des solutions.

    Le défi de la radicalisation des jeunes et la responsabilité des religions vis-à-vis de celle-ci ont été au centre de la discussion. Le Ministre Koen Geens a souligné l’importance de l’éducation religieuse et philosophique des jeunes dans la construction d’une identité qui ne craint pas l’autre, rappelant que la radicalisation violente n’est pas propre à l’islam. Cette radicalisation, comme l’ont souligné d’autres participants, est un phénomène qui a de multiples facettes, dont font partie l’absence d’éducation religieuse, l’expérience de la discrimination et la soif d’idéaux. La participation passe principalement via internet, mais elle peut être stoppée.

    Parmi les propositions concrètes, des participants ont accentué l’importance de garder les heures de religion pour pallier à cette méconnaissance et de créer ’une police d’internet’, pour empêcher la radicalisation des jeunes via le web, à l’image de ce qui s’est fait pour contrer la pédophilie sur le net.

    Dans le combat qui se joue actuellement pour les cœurs et les raisons des jeunes, les leaders religieux sont parfois trop timorés. Ils doivent être plus attractifs, tout en travaillant à la construction d’une identité inclusive. Construire ensemble la paix, pour une Europe accueillante, pluraliste et ouverte. Car la vraie paix se trouve dans la complémentarité. 

    Un petit-déjeuner a aussi eu lieu à Liège, à l’initiative de Sant’Egidio. Des représentants religieux chrétiens, musulmans et juifs ont échangé sur l’importance de désamorcer la violence qui se trouve en chacun et d’éviter toute instrumentalisation des religions. Le Gouverneur de la Province de Liège, Hervé Jamar, est revenu sur le rôle des autorités publiques à s’engager dans le dialogue entre religions et convictions. Pour concrétiser son discours, il a invité tous les participants à se retrouver pour une rencontre au Palais provincial.

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  • Une institution de soins peut-elle refuser l'euthanasie?

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    Récemment Mgr Joseph De Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles, a pris position en faveur de l’objection de conscience institutionnelle vis-à-vis de l’euthanasie. Il y a peu, une maison de repos d’inspiration chrétienne de Diest a refusé de laisser pratiquer l’euthanasie dans ses murs. 

    La loi belge reconnaît l’objection de conscience personnelle, mais la question est de savoir si des hôpitaux, des homes et d’autres institutions de soins jouissent également de ce droit. Dans une interview du 6 janvier, publiée sur Gènéthique, Grégor Puppinck éclaire le débat à la lumière des droits fondamentaux. Didoc.be y fait écho ici :

     — Que pensez-vous de la polémique belge sur l’objection de conscience ?

    Le fait que la maison de repos ait refusé l’accès à un médecin venant pratiquer l’euthanasie sur l’un de ses résidents n’est en soi pas étonnant. La polémique qui a suivi est une conséquence de la libéralisation de l’euthanasie et manifeste une confrontation des « valeurs », de plus en plus fréquente dans la société. Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui se veut tolérante et pluraliste, et qui, de ce fait, instaure un double niveau de moralité.

    L’esprit démocrate contemporain incite à accepter une extension du champ de la liberté individuelle contre la morale dite traditionnelle, ce qui conduit à une grande tolérance au niveau collectif. En effet, les individus tolèrent la légalisation de l’euthanasie, de l’avortement ou du « mariage homosexuel », car ils estiment ne pas être individuellement légitimes pour s’opposer à ce qui est présenté comme la liberté d’autrui. Mais cela ne veut pas dire pour autant que ces individus adhèrent à ces pratiques. C’est d’ailleurs souvent en invoquant la tolérance et le respect de la diversité que ces pratiques sont légalisées. On assiste donc à un double niveau de moralité : un niveau collectif qui se veut tolérant, pluraliste et finalement assez neutre, et un niveau individuel, où chaque personne individuellement conserve ses convictions.

    Ce double niveau de moralité suscite des conflits. C’est le cas dans cette polémique, où une personne invoque la loi collective contre les convictions de la maison de repos religieuse. Ce faisant, cette personne va à l’encontre de l’esprit du pluralisme, en prétendant obliger une institution catholique à collaborer à une euthanasie.

    — Les établissements de santé ont-ils le droit de faire objection de conscience ?

    Au sens strict, le droit à « l’objection de conscience » n’est garanti qu’aux personnes qui ont une conscience morale. Les institutions n’ont pas cette conscience ontologique. Cela étant, les institutions fondées sur des convictions morales ou religieuses ont le droit de fonctionner conformément à leurs convictions.

    Ainsi, en l’espèce ce n’est pas vraiment le droit à l’objection de conscience qui est en cause, mais la combinaison de deux droits fondamentaux : le droit d’association, et le droit à la liberté de religion.

    Ils garantissent aux entreprises ou aux associations le droit de fonctionner conformément à leurs convictions. Ce droit garantit en particulier « l’autonomie des institutions et des communautés religieuses ». Ce droit est reconnu au niveau international et européen. A de nombreuses reprises, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a reconnu ce droit, notamment celui des hôpitaux catholiques de s’opposer à l’avortement. C’est applicable à l’euthanasie. D’ailleurs, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a elle aussi affirmé ce droit dans sa résolution relative au « Droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux ». Cette résolution pose, en son paragraphe premier que : « Nul hôpital, établissement ou personne ne peut faire l’objet de pressions, être tenu responsable ou subir des discriminations d’aucune sorte pour son refus de réaliser, d’accueillir ou d’assister un avortement, une fausse couche provoquée ou une euthanasie (…) quelles qu’en soient les raisons » (APCE, Résolution 1763 [2010] du 7 octobre 2010 sur « Le droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux »).

    — Un des arguments invoqués contre l’objection de conscience des établissements repose sur le fait qu’ils sont financés par la collectivité. Qu’en est-il ?

    Un établissement privé n’est pas obligé de faire tout ce que la loi permet au seul motif qu’il est subventionné. Plus encore, l’accord qui lie l’Etat et l’établissement de santé ne peut le priver totalement de la jouissance de ses droits fondamentaux. Il est clair que cet établissement n’a jamais renoncé à la jouissance de la liberté religieuse, et je n’imagine pas que le gouvernement belge ait eu l’intention de violer cette liberté.

    L’objection de conscience n’est pas liée à une question de financement. Le fait d’être subventionné ne change rien au jugement moral que l’on peut porter sur l’euthanasie. Dans certains pays, une large proportion des médecins est payée par l’Etat ; ils conservent néanmoins leur droit à l’objection de conscience.

    — Comment résoudre les conflits issus du double niveau de moralité ?

    Il faut adopter une démarche de conciliation et non pas d’opposition des droits. C’est l’approche de la Cour européenne : il revient à l’Etat de garantir à la fois le droit fondamental à l’objection de conscience (et par analogie le respect du principe d’autonomie), et en même temps, le droit de recourir à des pratiques légalisées, en l’occurrence l’euthanasie. La CEDH l’a affirmé au sujet de l’avortement. C’est au gouvernement d’organiser le système médical ou social de façon à respecter à la fois l’un et l’autre droits. Mais en aucun cas, le « droit d’avorter » reconnu dans un pays ne peut restreindre le droit fondamental à l’objection de conscience garanti par les droits de l’homme. C’est la même chose pour l’euthanasie : la liberté de religion et de conscience est un droit de l’homme, elle prime donc le « droit d’être euthanasié » qui n’est qu’une valeur légale interne à la Belgique.

    En l’occurrence, le résident de cette maison de retraite a choisi la confrontation afin de contraindre cette institution religieuse à se plier à ses propres convictions pour faire prévaloir son droit sur celui de cette institution : c’est tout sauf tolérant et pluraliste. C’est d’autant plus choquant qu’il devrait savoir, en demandant à être admis dans une institution catholique, que celle-ci s’opposerait à accueillir une euthanasie. Cette attitude n’est pas correcte.

    A l’inverse, c’est bien une approche de conciliation qu’il faut choisir. La conciliation, en l’espèce, ce serait, pour cette personne, de choisir un autre endroit pour se faire euthanasier, comme cela lui a été proposé.

    Choisir la confrontation revient à vouloir faire dominer le droit de la majorité sur celui de la minorité. Or dans une société démocratique, ce n’est pas toujours le droit de la majorité qui prime — sinon il s’agit d’une dictature de la majorité — mais la recherche de l’égalité des personnes dans leur faculté d’exercer de façon effective leurs droits fondamentaux.

    Grégor Puppinck est, depuis 2009, Directeur du Centre Européen pour le Droit et la Justice (ECLJ-Strasbourg). Il est expert au Conseil de l'Europe. Cette interview a été publiée le 6-1-16 sous le titre « Objection de conscience des établissements de santé : entre morale collective et morale personnelle ».

    Source :http://genethique.org/fr/objection-de-conscience-des-etablissements-de-sante-entre-morale-collective-et-morale-personnelle.

    JPSC

  • Belgique francophone : un seul maître à penser pour les professeurs de religion catholique ?

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    Lu sur la newsletter « Infor-Profs »  :  

    " A l'heure où se prépare un nouveau cours d'Education à la Philosophie et à la Citoyenneté, les maîtres et professeurs de religion catholique du diocèse de Liège s'interrogent légitimement sur la place des religions dans la société et sur le dialogue entre celles et ceux qui partagent des visions différentes du monde et de l'engagement public.

    Une assemblée générale extraordinaire  des Maîtres et Professeurs de Religion du diocèse de Liège, tous réseaux et niveaux confondus, se tiendra le mercredi 3 février 2016 à la Maison diocésaine, Boulevard d'Avroy 17.

    Le Professeur et Abbé Gabriel Ringlet, un Liégeois bien connu pour ses engagements dans les débats de société, pour son souci constant du dialogue et pour la qualité de ses prises de parole sera l'invité de marque de cette assemblée."

    Après l'échange sur l’euthanasie à l’évêché, il y a quelques semaines, voici donc à nouveau une conférence de l’abbé Ringlet, l’incontournable maître à penser de « nos milieux » : c’est intitulé, cette fois-ci, « dialogue entre religions et laïcité ».  

    Vous avez dit pluralisme ?

    Pour permettre aux maîtres de religion liégeois de consulter d’autres référents possibles, Belgicatho leur suggère l’excellent ouvrage du Père Xavier Dijon "La religion et la raison Normes démocratiques et traditions religieuses", qui vient de paraître aux éditions du Cerf ou la conférence du Professeur Louis-Léon Christians,titulaire de la Chaire de Droit des Religions à l’UCL. invité de Pax Christi sur le thème « Neutralité belge, miroir de laïcité" .

    Et s’ils veulent vraiment sortir du milieu clérical pour réfléchir sur la place des religions dans la société belge, les candidats au recyclage peuvent aussi lire ici le texte de la conférence que le professeur Delpérée a donnée a l’Université de Liège sur  le thème « neutralité ou pluralisme dans l'espace public ». C’était à l’invitation de l’Union des étudiants catholiques, qui en a même tiré ce compendium pour les lecteurs pressés :  

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  • Jésus et l'islam ou quand le voile se déchire

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    D'Odon Lafontaine sur le site d'EEChO :

    Islamologie : le voile se déchire

     

    Jésus et l'islam

    La série documentaire Jésus et l’islam de Jérôme Prieur et Gérard Mordillat sur la chaîne Arte a rencontré un franc succès d’audience.  Cette série présente en sept épisodes d’une heure chacun environ les analyses d’une vingtaine d’islamologues appelés à présenter leurs points de vue sur les origines historiques de l’islam, l’angle proposé de la place de Jésus dans l’islam ne constituant en fait qu’un alibi et une accroche marketing (on peut revoir ces émissions sur le web). L’association EEChO était représentée, parmi ces chercheurs de toutes origines et obédiences, en la personne de François-Xavier Pons, qui portait nos analyses. Les réalisateurs n’ont retenu de son propos que quelques minutes. Ce qui nous amène à formuler dès maintenant certaines réserves sur cette série, émises en quelque sorte « de l’intérieur », pour mieux pouvoir en tirer les enseignements par la suite.

    Un format douteux

    Son format tout d’abord, suscite des interrogations : la série est réalisée à partir de la succession d’interventions, apparemment « brutes de décoffrage », de spécialistes et chercheurs filmés en plan rapproché. Fait rare et appréciable, c’est leur parole qui est (ou semble) mise en valeur, les différentes interventions étant entrecoupées du discours d’une « voix off ». Un discours global est ainsi déroulé, au fil des affirmations des uns et des autres, par delà leurs contradictions éventuelles que cette « voix off » vient plus ou moins démêler. Et voilà où le bât blesse : nous ne pouvons savoir réellement quel est le point de vue des intervenants. Nous ignorons les questions que leur ont posées les réalisateurs et auxquelles ils répondent. Les artifices du montage, des coupes, du séquencement des interventions donnant l’illusion que les chercheurs se répondraient l’un l’autre, permettent ainsi aux réalisateurs de leur faire épouser habilement leur propre parti-pris, parfois au mépris de tout souci de vérité ou de la plus élémentaire déontologie journalistique. On se souvient en effet du véritable travail de propagande antichrétienne qu’ils avaient réalisé précédemment avec leurs séries Corpus Christi (1996-1997), L’Origine du christianisme (2000) et l’Apocalypse(2008) en usant exactement des mêmes méthodes. EEChO n’existait pas encore, et nous ne pouvions donc alors réfuter leurs mensonges. D’autres s’en sont heureusement chargés, avec un certain brio. Nos travaux sur l’histoire des Apôtres et du christianisme des origines ont depuis apporté les éclairages nécessaires.

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