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Culture - Page 244

  • Académie de Chant grégorien à Liège : trois sessions et deux conférences proposées par Marcel Pérès sur le chant de la liturgie liégeoise médiévale

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    2421521009_0331959dac_b.jpgMarcel Pérès
    est directeur de l’Ensemble « Organum » et du CIRMA (Centre Itinérant de Recherche sur les Musiques Anciennes, fondé à l’abbaye de Moissac). Spécialiste des musiques du moyen âge, il 
    considère la musique comme un outil de réflexion sur l’histoire des mentalités. Il est l’auteur de nombreux enregistrements et publications. Il dirige des sessions de recherche et de formation sur la musique ancienne et sa mise en œuvre dans le monde contemporain..

    Dans la continuité des sessions de chant qu’il anime à Liège depuis 2013, Marcel Pérès propose cette année, à l’abbaye des Bénédictines  (Bd d’Avroy, 54),  trois week-ends consacrées aux

    benedictines liege.jpg

    offices de la liturgie liégeoise médiévale

    Fête-Dieu, Trinité, Saint-Lambert

    • du vendredi 5(17h00) au dimanche 7(17h00) février 2016
    • du vendredi 12 (17h00) au dimanche 14 (17h00) février 2016
    • du vendredi 9 (17h00) au dimanche 11(17h00) septembre 2016

    Ces musiques portent en elles encore beaucoup d’éléments constitués au cours de la renaissance carolingienne et offrent de précieuses indications sur l’art de la scansion du plain-chant.

    Les psaumes et les hymnes seront étudiés selon les techniques de faux-bourdon en usage à l’époque.

    • Deux conférences illustrées par des extraits chantés clôtureront les rencontres : le 14 février (15h30) et le 11 septembre (15h30) ;

    Ces conférences seront données par Marcel Pérès dans l’église de l’abbaye. Elles font partie du cycle mais on peut aussi s’y inscrire indépendamment de celui-ci.

    Les inscriptions sont ouvertes. Ne tardez pas à nous renvoyer votre formule d’inscription, soit par la poste (Jean-Paul Schyns, Quai Churchill, 42/7, 4020 Liège), soit par email : jpschyns@skynet.be. Vous pouvez aussi téléphoner au secrétariat de l’académie à Liège : 04.344.10.89 (depuis l’étranger : +32.4.344.10.89) ou à l’abbaye (demander Sœur Petra) : 04.223.77.20 (depuis l’étranger : +32.4.223.77.20) ou vous inscrire en ligne sur le site http://www.gregorien.com 

    Tous les détails de l’organisation figurent sur la version informatique du dépliant : cliquez ici pour voir ce déplant.

    Inscription en ligne  ►
    Veuillez indiquer en remarque à quel(s) weekend(s) ou conférence(s)vous vous inscrivez

    JPSC

  • Une priorité : retrouver une certaine virilité dans l'annonce de l'Evangile

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    Ariane Lecointre-Cloix interviewe Fabrice Hadjadj (sur le site de Famille Chrétienne) :

    « Il faut retrouver une certaine virilité dans l’annonce de l’Évangile »

    EXCLUSIF MAG - Fabrice Hadjadj est philosophe et directeur de l’Institut Philanthropos à Fribourg (1). Pour lui, l’extrémisme djihadiste qui sévit aujourd’hui est aussi le fruit du vide de l’Occident.

    Les djihadistes qui partent en Syrie sont souvent très jeunes, radicalisés rapidement, ils ont échappé à toute surveillance parentale et policière. Pour autant, ils ont des profils variés : étudiants sans histoires, lycéennes amoureuses, délinquants de quartiers… Selon vous, y a-t-il un point commun entre tous ces jeunes gens ?

    Le point commun, c’est qu’ils sont jeunes. Ils ont en eux les aspirations de la jeunesse, ses rêves, son effervescence, une certaine ingratitude à l’égard de ce qu’ont bâti leurs pères, mais aussi une énergie inaugurale, qui rouvre l’histoire là où leurs pères croyaient avoir tout planifié. La suite des générations ne se déploie pas selon un progrès linéaire, dans une continuité cumulative. Le fils ne reprend pas le fil où l’ont laissé ses parents. Non seulement parce qu’il doit tout réapprendre et réinterpréter, mais aussi parce qu’il possède une liberté critique qui le fait sortir de sa famille pour en fonder une autre : même s’il doit honorer son père et sa mère, il lui faut aussi quitter son père et sa mère…

    Or, si le sens de la tradition permet d’équilibrer ce double mouvement, le modernisme multiplie et accélère les ruptures et les retours de balancier. Ce qui est intéressant, c’est que les jeunes qui, en France, sont tentés par le djihad (mais aussi par la réaction d’un terrorisme identitaire), viennent dans un temps où les soixante-huitards ont l’âge, sinon l’art, d’être grands-pères. Ils connaissent une pulsion révolutionnaire, veulent donner un coup de pied dans la termitière, comme en 1968, mais en même temps, ils sont à l’opposé de Mai 68 et du Charlie Hebdo de papy : ils se rebellent contre le libertarisme, le pacifisme, l’athéisme, ils ont envie d’avoir des repères clairs et d’établir un ordre moral rigide.

    Cette tentation de la radicalité est-elle un effet de la crise économique et sociale ?

    Cette fois, je dois d’abord critiquer les présupposés de votre question. Il me semble en premier lieu que la radicalité n’est pas une tentation, mais un devoir. Dans la mesure où elle consiste à aller à la racine des choses (radix, en latin) et à libérer toute la vitalité dont on est capable, la radicalité est bonne. Elle nous préserve des petits compromis incessants, de ce laisser-aller de feuille morte emportée à tout vent d’opinion. Mais on peut aussi réagir à cette mollesse en tombant dans le vice contraire : l’extrémisme – qui n’est pas la radicalité, et qui est mauvais, lui, parce qu’il prétend détenir une solution finale.

    Par ailleurs, penser que le djihadisme procède simplement de la crise économique et sociale aboutit à une double méprise : d’une part, on oublie que le djihad a existé, en d’autres temps, comme une partie essentielle de l’islam ; d’autre part, on laisse croire que, si le système de valeurs technolibéral sortait de la crise, ce serait merveilleux. Or, il y a bien pire que la crise de ce système : ce serait sa réussite. Simone Weil dit que « l’enfer, c’est de se croire au paradis par erreur ».

    Ces jeunes ne sont-ils pas de purs « produits » de la société dans laquelle ils ont grandi ? Qu’est-ce que cela dit de notre société ?

    Ce serait une grave erreur, en effet, de croire que le djihadisme contemporain est la résurgence d’un obscurantisme prémoderne. Il s’agit au contraire d’un phénomène postmoderne, très conscient des impasses du progressisme. Il se situe donc en rupture, dénonçant l’individualisme et le vide religieux.

    Mais il est aussi dans une continuité assez évidente : les jeunes se laissent embrigader par Internet et par des clips tournés comme une bande-annonce de jeu vidéo, avec une mission bien déterminée (établir le califat), comme dans World of Warcraft… Ce sont des re­jetons de la société du spectacle (l’acte terroriste valant avant tout par son impact spectaculaire), des déracinés soumis à la logique de la mondialisation (car ils part ent à l’étranger et ne cherchent pas à défendre une famille ou une terre), des collaborateurs d’une puissance industrielle qui marche grâce au pétrole et au trafic d’armes…

    Enfin, ils prétendent tout résoudre par des clics et passent assez facilement de la souris au détonateur. Ils sont en cela des produits de notre push-button society, pour reprendre une expression du philosophe Günther Anders. Par-delà leur jeunesse, ils sont possédés par cette impatience que génère le dispositif technologique ambiant. Impatience qui est toujours complice de la destruction : « Il faut des mois et des mois pour pousser une moisson, dit Péguy. Et il ne faut qu’un briquet pour flamber une moisson. Il faut des années et des années pour faire pousser un homme. Et il suffit d’un coup pour tuer un homme. Un coup de sabre, et ça y est. »

    Les jeunes attirés par le djihadisme contemporain sont des déracinés de la mondialisation.

    Que recherchent les jeunes aujourd’hui qu’ils ne trouvent pas en France et de manière générale ?

    Un récit, une épopée, quelque chose qui fasse sens, c’est-à-dire pour quoi l’on peut vivre et mourir. Car le bonheur que nous recherchons profondément n’est pas dans le bien-être ni le confort, mais dans la générosité jusqu’au sacrifice. Le confort consumériste ne se maintient d’ailleurs que parce qu’il ne cesse de nous vendre des séries pleines d’actions aventureuses, qui fonctionnent comme des exutoires.

    Si nous sommes vivants, c’est pour vivre à fond. Qu’est-ce que cela veut dire ? Donner la vie et donner sa vie. Qu’on néglige cela, qui est l’aventure de la lumière, et l’on bascule aisément dans sa parodie absurde, qui est le déchaînement des ténèbres : on donne la mort et on se donne la mort.

    Comment agir concrètement, sur le terrain de l’éducation, pour enrayer ce phénomène ?

    L’éducation telle qu’elle est conçue dans notre pays ne peut plus rien. Ce n’est pas à coup de laïcisme, de civisme, de charte pour les « valeurs républicaines » que l’on arrivera à quelque chose. D’autant plus que le système éducatif n’est généralement qu’une sorte de garderie ou d’antichambre pour le marché du travail et l’ANPE.

    Du reste, à quoi sert d’avoir une tête bien pleine, à l’heure de Wikipedia ? Ce que cherche un jeune avant tout, ce n’est pas de l’instruction, mais une vocation ; ce n’est pas une orientation professionnelle, mais une espérance.

    Quelles réponses l’Église catholique peut-elle apporter à ces jeunes qui se réfugient dans l’islam – et à la jeunesse en recherche de repères, plus largement ?

    Les réponses, ou plutôt les appels… À nouveau, il s’agit d’entendre un appel plus que d’avoir des réponses… Et celui-ci se trouve dans les deux grands textes du pape François, Evangelii gaudium et Laudato si.

    Le premier souligne que ni l’évangélisa­tion ni la sainteté ne sont des spécialités. Si un dessein de la Providence vous fait naître dans cette époque et dans ce pays, c’est que vous y avez une mission, c’est que vous êtes une mission divine à travers vos limites et vos faiblesses. Mission impossible, sans doute, mais l’ange répond à Marie : Rien n’est impossible à Dieu…

    Le second texte, qui porte sur l’écologie intégrale, nous invite à lutter contre le « paradigme techno-économique » et à réinventer des petites communautés de labeur et de louange, qui, en retrouvant la proximité avec l’autre et le contact avec la terre, peuvent à nouveau nous ouvrir au Ciel.

    Pourquoi les catholiques ne sont-ils pas bien plus présents et actifs auprès de ces jeunes que ne le sont les musulmans et les évangéliques, depuis beaucoup plus longtemps ?

    Les catholiques de France ont trop été sur la défensive, et ils ont beaucoup pratiqué l’autocensure. Ce permanent profil bas vient, me semble-t-il, d’un côté, de la mystique du levain dans la pâte, qui aurait oublié la lampe qu’on ne doit pas mettre sous le boisseau ; de l’autre, d’une sorte de honte à l’égard d’un passé marqué par des échecs et des compromissions – ce qui ne nous fait que mieux entrer dans la compromission présente.

    Je crois qu’il faut retrouver une certaine virilité dans l’annonce de l’Évangile. Le Christ est l’Agneau immolé, mais il est aussi le Lion de Juda. Le chrétien est le frère universel, mais il est aussi le bon soldat de Jésus (2 Tm 2, 3). Et saint Thomas d’Aquin rappelle que l’humilité doit nous conduire à la magnanimité, cette grandeur d’âme qui nous fait tendre vers les choses grandes et ardues, parce que c’est cela qui est digne d’un fils de Dieu. 

    Cette interview est extraite du dossier "Les jeunes et le djihad, un défi pour les catholiques" dans le numéro 1984 de Famille Chrétienne. Achetez-le et consultez-le en ligne dès maintenant, et découvrez :

    • 4 pages d'enquête sur un phénomène en expansion, l'augmentation du nombre de jeunes Français convertis à l'islam, et les réponses que les catholiques peuvent y apporter;
    • le témoignage d'une mère d'une jeune fille partie en Syrie : De la France à la Syrie : l’embrigadement de Léa, 16 ans.

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    (1) L’Institut Philanthropos accueille chaque année une cinquantaine de jeunes entre 18 et 35 ans pour les former à la philosophie, à la théologie et aux arts (notamment le théâtre) dans le cadre d’une vie fraternelle et spirituelle.www.philanthropos.org

  • L'imposture de l'art contemporain

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    Publié sur 1000-idees-de-culture-generale.fr (via "Espérance Nouvelle"):

    Une critique de l’art contemporain (Aude de Kerros)

    Parallèlement à son œuvre d’artiste, peintre et graveur, Aude de Kerros mène une réflexion de fond sur l’Art contemporain, qui s’est traduite dans plusieurs essais (*). Son nouvel opus, L’Imposture de l’Art contemporain, une utopie financière, aux Éditions Eyrolles, est une synthèse éclairante: à la fois histoire de l’art, enquête politico-économique très documentée et réflexion critique voire polémique sur le «sens et destin» de l’art, pour reprendre un titre célèbre de son maître René Huyghe.

    Le FIGARO. – On entend logiquement l’expression «Art contemporain» comme l’art d’aujourd’hui, et vous en montrez l’équivoque. D’une part, elle désigne une forme de création spécifique, qui est loin d’être la seule chez les artistes vivants. D’autre part, elle joue sur le prestige du mot «art», qui évoque une longue et haute histoire de l’esprit humain, alors que son propos est justement d’en prendre le contre-pied.

    Aude DE KERROS. – Oui, l’imposture est d’abord sémantique. Depuis les premières peintures rupestres, l’art pictural est un langage non verbal qui délivre un sens grâce à la forme. Il est lié à la condition humaine, il en exprime toutes les contradictions, explore le visible comme l’invisible, les choses les plus interdites et les plus indicibles. Il signifie un rapport au monde et révèle la réalité en la métamorphosant par les formes, qui sont inépuisables parce qu’elles sont le fruit de l’imagination et de la pensée d’un artiste toujours singulier, même si chacun est évidemment tributaire de la civilisation à laquelle il appartient. Or, le courant conceptuel qui a pris dans les années 1970 la dénomination d’«Art contemporain» se définit lui-même comme l’inverse de l’art, dont il fait la critique radicale, et il parle un autre langage, issu de la sociologie et plus tard du marketing. Il se fonde sur la célèbre formule de Marcel Duchamp: «Est de l’art ce que l’artiste déclare tel.» Ce que les institutions définissent ainsi, ajoutera plus tard le philosophe Arthur Danto. En conséquence, n’importe quoi peut devenir de l’art, à l’exception du grand art, qui suppose un savoir, un talent, une excellence.

    Cette «déclaration d’art» est d’abord une posture intellectuelle. À quel moment la posture devient-elle imposture?

    Les artistes conceptuels appliquent un processus provocateur qui est un peu l’équivalent de la philosophie cynique: une transgression qui oblige celui qui regarde à se poser des questions. Je suis tout à fait pour cette position. Elle a toujours existé, chez les Grecs, où Dionysos répond à Apollon, chez les Romains avec les saturnales, dans le dadaïsme des années 1920… Mettre les choses cul par-dessus tête empêche le totalitarisme, éternelle tentation des intellectuels. Le paradoxe est que, justement, l’Art contemporain est devenu un dogmatisme totalitaire. Au départ, le conceptualisme a été une avant-garde parmi d’autres. Andy Warhol l’orientera vers le produit marketing fabriqué en série, adapté à la société de consommation mondialisée. Quand il meurt, en 1987, sa «révolution commerciale de l’art» est réalisée. Puis, à la fin des années 1990, de marchandise industrielle l’Art contemporain est devenu produit financier dérivé haut de gamme, qui fabrique sa valeur et sa cote en circuit fermé, sans les régulations qui régissent par ailleurs ces marchés.

    Vous analysez très précisément ces mécanismes financiers. Mais intellectuellement, spirituellement, quelle est la nature de la domination de l’Art contemporain? D’où lui vient son côté totalitaire?

    C’est la résultante d’évolutions politiques et intellectuelles complexes. Il faut remonter au constructivisme de la révolution bolchevique de 1917: «Créer, c’est détruire», telle était la doxa. Le devoir du révolutionnaire était de faire table rase du savoir et de l’art «bourgeois» pour construire une humanité nouvelle. Staline a réservé cette fonction de sape aux agents d’influence sur les fronts extérieurs à l’URSS, imposant chez lui un art plus «positif». Le nihilisme intellectuel a ainsi continué sa route en Occident, repris par certaines avant-gardes. Moscou était en avance sur l’Amérique, qui a pris le relais, en 1947, pour étendre son impérialisme politique puis commercial par l’influence culturelle. En France, parallèlement à l’emprise américaine, qui va déplacer le centre de l’art de Paris à New York, l’avant-garde conceptuelle a, autour de 1968, une tonalité politique gauchiste. Jusqu’aux années 1980, tous les courants, toutes les polarités artistiques coexistent. Tout le monde se dispute et discute.

    Que s’est-il passé alors?

    Quand on se place dans la grande histoire, la ressemblance est frappante entre la France et l’Union soviétique. Au temps de la NEP, il y avait trois courants: le constructivisme, l’académisme et les artistes autonomes. En 1932, Staline choisit un style unique, l’académisme, qui deviendra le réalisme socialiste, et qui a un organe officiel, l’Union des artistes. Il s’est passé la même chose en France en 1983, quand Jack Lang a créé plusieurs institutions encadrant complètement la vie artistique, et un nouveau corps de fonctionnaires, les inspecteurs de la création. À partir de là, un seul courant devient officiel: le conceptualisme. Il est le seul visible, subventionné, enseigné, médiatisé. Le monde artistique a été cassé, coupé en deux: les «officiels» et les «clandestins».

    Cette institutionnalisation semble étrange dans le domaine artistique, où la liberté et l’insolence ont leurs droits contre l’État. Vous rappelez l’épisode du «Salon des refusés», en 1863. Napoléon III l’a accepté «pour laisser le public juge». Comment est-on arrivé aujourd’hui à un tel dirigisme?

    Par une révolution de type bolchevique, quoique non sanglante. La bureaucratie a mis en œuvre le principe «bienfaiteur» de la table rase en imposant des fonctionnaires sans formation artistique. Le choix du conceptualisme permet à tout le monde d’être artiste. Il n’est plus besoin de talent ou de savoir-faire, de culture. On est passé d’un pays de grande liberté où toutes les tendances de l’art et de la pensée étaient présentes, à un système où la pensée publique est contrôlée. Les comportements libertaires privés sont encouragés, mais il y a un encadrement fort des lettres et des arts.

    Et personne pour s’en formaliser?

    En quarante ans, les contre-pouvoirs se sont noyés dans un discours commun informe, et la légitimité de l’intellectuel ou de l’artiste autonome a disparu. Sa voix ne porte plus quand elle parle le langage de l’art, qui s’adresse à l’imagination, à la mémoire, au cœur. L’Art contemporain procède par choc, par transgression, par sidération, par intimidation. La liberté n’a pas de place ici, parce que la racine de la pensée est la sociologie, qui ne croit qu’aux déterminismes collectifs et aux forces de pouvoir. L’œuvre n’a aucune valeur intrinsèque, mais elle tire de sa visibilité comme «événement», de son positionnement marketing, une valeur financière et, bizarrement, une autorité morale. Autrefois, quand on entrait dans le monde de l’art, on sortait de la morale… Mais l’Art contemporain se veut vertueux. Il n’est pas fondé sur l’esthétique mais sur une morale des idées. Tout dissident est l’incarnation de l’esprit du mal: un fasciste. C’est pourquoi, depuis trois décennies, il n’y a pas de débat public sur l’art. Mais les choses commencent à changer, il y a aujourd’hui une contestation massive, grâce aux réseaux sociaux. Reste à montrer qu’il existe d’autres formes d’art.

    (*) Notamment « L’Art caché: les dissidents de l’Art contemporain » (Éditions Eyrolles) et « Sacré Art contemporain : évêques, inspecteurs et commissaires » (Éditions Jean Cyrille Godefroy).

  • Foliamusica à l’église du Saint-Sacrement (Bd d'Avroy, 132 à Liège) : concert flûte et orgue le dimanche 24 janvier 2016 à 16h30

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    st-sacrement.jpgConcert suivi du verre de l'amitié

    Entrée : 9 euros, prévente 6 euros, gratuit pour les enfants de moins de 10 ans.

    Réservations : 0473 32 19 83

    www.foliamusica.be

     

  • Et si c'était le néant de la société de consommation qui suscitait le néo-djihadisme ?

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    De Frédéric Nissac sur le site de l'Observatoire Sociopolitique de Fréjus-Toulon :

    Le néo-djihadisme, réaction au néant de la société de consommation 

                Alors que la France se remet difficilement du traumatisme des attentats du 13 novembre, le temps est venu de chercher le sens profonds de ces événements. Pourquoi est-il si difficile d’appréhender l’impensable ? Sans doute parce que l’expérience a perdu contact avec la raison. D’un côté, les attentats posent avec acuité la question du Mal et du sens de la vie. D’un autre, ils soulèvent de nombreuse questions.

                Pourquoi naissent cette radicalisation et cette interprétation fondamentaliste de l’Islam qui conduit au terrorisme ? Pourquoi dans notre civilisation, le dialogue, la raison ne parviennent-ils pas à vaincre la folie religieuse qui s’empare de la violence pour la sacraliser ?  « Il ne s’agit pas de la radicalisation de l’islam, mais de l’islamisation de la radicalité (1). » répond le politologue Olivier Roy. Le djihadisme ne serait que le masque pris par une jeunesse révoltée au point de céder à la haine et au Mal le plus absolu. Peut-être, mais la question demeure : pourquoi la révolte se manifeste-t-elle aujourd’hui d’une façon aussi nihiliste, meurtrière et suicidaire ?

                Benoît XVI a rappelé que « l’homme doit chercher la vérité ; il est capable de de vérité. » Mais celui-ci doit « s’assurer qu’elle n’a pas été falsifiée [et] a besoin de critères qui permettent de la vérifier (2). »  Or, que constatons-nous ? Que l’Occident post-moderne, au nom de la « dictature du relativisme », a annihilé toute forme de réflexion et de pensée critique. En voulant libérer l’individu, l’Occident l’a asservi. Pourtant, l’idée prédomine qu’en arrachant la personne à tous ses enracinements, qu’ils soient familiaux, culturels ou religieux, nous l’aurions fait accéder à la liberté politique et individuelle. N’est-ce pas Vincent Peillon, ancien ministre de l’Éducation nationale, qui affirmait vouloir « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » afin de lui « donner la liberté absolu du choix. » ?

                Cette thèse est ancienne. Elle a été résumée dans les années 1980 par le philosophe américain Christopher Lasch. Selon elle, seuls les déracinés pourraient accéder à la liberté intellectuelle et politique, ce qui « exigerait au préalable un programme éducatif ou un processus social (ou les deux) capable d’arracher les enfants à leur contexte familier, et d’affaiblir les liens de parenté, les traditions locales et régionales, et toutes les formes d’enracinement dans un lieu (3) ». Le résultat de ce processus est l’apparition d’une culture de masse planétaire qui, en s’imposant aux hommes comme n’importe quelle autre marchandise, éradique les anciennes cultures populaires. Or, cette nouvelle culture, loin d’engendrer une mentalité éclairée et indépendante, a fabriqué un nouvel asservissement.

                Chez nous, ce phénomène s’impose aujourd’hui à tous, aux Français comme aux populations issues de l’immigration récente. Une société qui se décompose entièrement est évidemment moins apte à accueillir sans trop de heurts une grande quantité d’immigrés que pouvait l’être une société cohérente et relativement heureuse. Que constate-t-on dans les « quartiers difficiles » où le néo-djihadisme recrute si ce n’est l’illettrisme généralisé et la banalisation de la violence ? Conséquences funestes de ce double déracinement : les immigrés ont perdu leur culture et leurs pays, très notoirement, sans pouvoir en trouver d’autre. Et les Français sont dans le même cas, et à peine plus secrètement.

                La proposition de la revue de l’Association des maires de France de réclamer une loi interdisant les crèches de Noël dans les lieux publics illustre cette violence symbolique extrêmes contre les traditions populaires. La crèche est un symbole religieux qui fait partie de notre histoire depuis le haut Moyen Âge. Sous une forme mêlant le profane et le religieux, à travers la tradition des santons, elle fait partie de la culture populaire provençale depuis le XVIIIème siècle. Laisser croire que l’on résoudra le problème de l’islam radical en s’attaquant à la plus innocente des traditions chrétiennes est ahurissant.

                Français ou étrangers, issus de l’immigration ou non, nous incarnons tous ce post-humain sans attaches et sans possibilités de s’enraciner dans une culture qui s’est elle-même sabotée. Ce n’est donc pas en tant qu’étrangers à la France que les déracinés de banlieue posent problème, mais en tant qu’ils sont les parfaits produits de la nouvelle France, celle qui se renie elle-même.

                On impute aux jeunes issus de l’immigration le « rejet du mode de vie occidental », rejet qui résonne comme le pire acte de barbarie aux yeux de nos élites. Mais comment pourrait-il en être autrement lorsqu’une civilisation qui n’est plus que l’ombre d’une ombre se présente comme un modèle indépassable ? Lorsque celle-ci a noyé le souci du prochain dans les eaux glacées du calcul égoïste et ne propose d’autre horizon spirituel à la société que celui de la consommation ?

                Face à la chute du modèle occidental, la jeunesse déracinée que nous avons fabriquée, qu’elle soit issue de l’immigration – et donc doublement déracinée – ou qu’elle ne le soit pas, cherche à reprendre racine. Que certains se tournent vers l’islam radicalisé doit être compris comme une réaction au néant de la société de consommation et une quête de nouvelles racines. Le fait que tout rejet du mode de vie occidental et de sa culture de masse soit présenté comme la pire des barbarie explique la radicalité de ce rejet. Que cela se fasse exclusivement ou presque au profit de l’islam salafiste n’est pas étonnant : notre société veut, en effet, être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. Mais que l’on ne s’en étonne pas. Christopher Lasch nous avait prévenu, « le déracinement détruit tout, sauf le besoin de racines. » Il est temps de retrouver nos racines.

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    (1) Olivier Roy, « Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste », Le Monde, 24 novembre 2015.

    (2) Benoît XVI, Lumière du monde, éditions Bayard, 2010.

    (3) Christipher Lasch, Culture de masse ou culture populaire ? Éditions Climats, 2001.

  • Le samedi 9 janvier 2016 à 16h30 : Liège fête les Rois à l’église du Saint-Sacrement

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    Epiphanie 9-01-16.jpg

    epiphanie1.gifLe samedi 9 janvier prochain, aura lieu la Fête traditionnelle de l’Epiphanie organisée à Liège en l’église du Saint-Sacrement, boulevard d’Avroy, 132 (face à la statue équestre de Charlemagne). Il s’agit d’une fête familiale, avec la procession à la crèche avant la messe, le partage de la galette des rois et l’échange des vœux pour l’an nouveau au cours d’une réception ouverte à tous .

    Deux excellentes chorales polyphoniques animeront cette fête : la « Magnanarelle »  et l’Ensemble « Praeludium ».

    À 16h30, un petit prélude concertant nous permettra d’entendre les chants de la « messe du millénaireimages (1).jpg de la collégiale Saint-Barthélemy » interprétés par la Magnanarelle sous la direction du compositeur : Ghislain Zeevaert. 

    Les voix de l’Ensemble « Praeludium » (dir. P. Wilwerth) suivront avec des psalmodies hébraïques ainsi que des œuvres composées pour la liturgie slavone et, à 17h00, la messe de l’épiphanie sera célébrée (missel de 1962) avec le concours des mêmes chanteurs, tous issus de nos conservatoires ou académies de musique .


    Copie de ensemble praeludium et Patrick Wilwerth.JPGLe Kyriale de la célébration sera celui de la messe Litanies d’Oksana. Au programme également, outre le propre grégorien, des œuvres de Piotr Ilitch Tchaïkovski, Tomás-Luis de Victoria, Padre Madina, Ghislain Zeevaert  et Patrick Wilwerth. A l’orgue Thomas du Saint-Sacrement : Patrick Wilwerth, professeur au conservatoire de Verviers. Photo ci-contre.

    Cette initiative conviviale se veut aussi une contribution au développement d’une musique liturgique de qualité : la découverte mérite le détour. 

    Entrée libre. Renseignements : 04.344.10.89 -  

    E-mail :sursumcorda@skynet.be Site web : http://eglisedusaintsacrementliege.hautetfort.com

    JPSC 

    O Magnum Mysterium (Tomas-Luis da Victoria) 

    Divine Liturgie: Dostojno jest 

  • Ce qu'on retiendra de l'année 2015

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    De François-Xavier Bellamy, sur son blog "Pensées pour le jour qui vient" :

    « A la croisée des chemins »

    Chaque année, le site FigaroVox propose un grand entretien pour revenir sur quelques aspects marquants de l’année écoulée. J’ai été sollicité cette année pour me plier à l’exercice ; l’entretien a été réalisé par Alexandre Devecchio. (...)

    Que retenez-vous de l’année 2015 ?

    Qu’en retiendra-t-on ? Bien sûr, cette année aura été marquée et comme encadrée par la violence terroriste. Même si le conflit dure déjà de façon souterraine depuis longtemps, 2015 restera dans l’histoire la date de cette déclaration de guerre explicitement lancée par l’islamisme à la France. Cette guerre est singulière : elle n’a pas de but tactique. Les criminels qui ont frappé, en janvier comme en novembre, n’avaient rien à négocier, et n’espéraient rien obtenir. Leur seul but était de détruire, au nom d’une sorte de loi du talion approximative. Le terrorisme contemporain n’est pas un moyen au service d’un projet positif, fût-il celui du « califat », dont on a amplement répété qu’il avait tout à perdre dans cette attaque frontale contre le monde occidental. Cette guerre, c’est vrai, le terrorisme ne peut sans doute pas la « gagner » ; mais nous pouvons beaucoup y perdre.

    On parle de retour de l’Histoire. Celle-ci est-elle nécessairement tragique ? La barbarie peut-elle nous faire redécouvrir notre civilisation ?

    Une chose est sûre : c’est en écartant notre propre culture que nous avons ouvert une brèche pour la barbarie… Le terrorisme de 2015 présente deux autres nouveautés : contrairement aux attentats de 2001 aux Etats-Unis, il ne s’agit pas d’une agression commise par des étrangers contre la France, mais par des Français contre leur propre pays. Les jeunes qui nous ont frappés avaient passé des années sur les bancs de nos classes ; bien sûr, l’école ne peut pas tout, et il serait absurde d’ignorer les difficultés sociales, le contexte religieux ou les tensions internationales ; et pourtant, c’est une certitude, rien de tout cela n’aurait conduit à un tel degré de désagrégation, si notre école avait su parler à ces jeunes, et transmettre à chacun d’entre eux l’essentiel de la culture qui fonde notre pays, leur pays. Lorsqu’un jeune français bascule dans le terrorisme, la véritable « déchéance de nationalité », en réalité, a déjà eu lieu, et c’est toujours l’échec de l’école qui la signe…

    C’est donc la rupture avec notre histoire commune qui rend l’histoire tragique, cette pauvreté culturelle dans laquelle surgit la violence. C’est là l’autre spécificité du phénomène auquel nous avons à faire face : le terrorisme, de tous bords, a longtemps été le fait de penseurs, d’intellectuels tellement possédés par leur idée qu’ils acceptaient de tuer et de mourir en son nom. Mais le terrorisme actuel n’est pas motivé par une réflexion profonde, par une exigence intellectuelle. Nous le voyons, les jeunes qui vont vers l’Etat islamique n’y sont pas conduits par une pratique religieuse ancienne et enracinée, par une connaissance étendue de l’Islam et de ses textes : ils y sont conduits par l’effondrement de la rationalité, et par le rejet d’un monde qu’ils perçoivent comme uniformément médiocre. Perdus dans une société qui n’offre plus d’idéal ni de grandes aspirations, ils s’en détachent peu à peu par la petite délinquance, l’échec scolaire ou professionnel… Dans notre univers horizontal, le terrorisme offre à ceux qui ne peuvent rêver d’une vie réussie l’opportunité confuse de réussir au moins leur mort, en la donnant à une cause qui les dépasse. Le terrorisme est en ce sens, pour reprendre le mot d’Emmanuel Todd, l’envers de ce « vide métaphysique abyssal » dans lequel se trouve plongée notre société. Cette année aura prouvé que, pour reprendre la formule que j’employais dans Les Déshérités, nous n’avons pas affaire au choc des cultures, mais au choc des incultures.

    Il nous appartient maintenant de montrer que l’histoire n’est pas nécessairement tragique ; elle sera sans aucun doute marquée par d’autres épreuves et d’autres souffrances, mais elle doit nous conduire à renouer avec notre héritage, avec la fécondité de la culture qui a forgé l’identité singulière de notre pays et qui seule peut redonner un sens à notre vie commune, et au combat qui s’ouvre. Nous le devons à ceux qui ont été tués cette année, afin qu’au moins leur mort ait permis de réveiller notre société, de la sortir des facilités de la déconstruction, de la ramener à ses fondations.

    L’année s’achève justement sur un débat autour de la déchéance de nationalité…

    Il me semble que par quoi nous voudrions montrer notre force est en fait une preuve nouvelle de faiblesse. Nous avons vécu des années dans le réflexe qui consistait à produire une loi après chaque fait divers ; allons-nous maintenant réviser la constitution après chaque attentat ? On sait quelle efficacité a eue cette inflation normative dictée par la tyrannie de l’actualité… Le Premier ministre admet lui-même que cette mesure ne servira à rien ; et bien des spécialistes de l’antiterrorisme la jugent potentiellement contre-productive. On prétend nous l’imposer au nom du symbole qu’elle incarne, mais elle paraît désastreuse même au plan symbolique : la constitution et la nationalité sont les invariants qui constituent l’état de droit, et qui obligent chaque français à répondre de ses actes devant la loi. Toucher, en réaction à la menace, à ce qui nous constitue comme peuple, c’est prendre le risque de fragiliser le cadre démocratique lui-même, et d’adopter la logique que poursuivent les terroristes – cette logique totalitaire qu’Arendt décrivait précisément comme « l’instabilisation du cadre politique. »

    Vous préfacez le livre A la jeunesse, une anthologie de textes consacrés à la jeunesse qui paraît prochainement aux éditions Librio. Aujourd’hui, des jeunes partent en Syrie gonfler les rangs de l’Etat islamique. Au Bataclan, des jeunes ont tiré sur d’autres jeunes. Comment l’expliquez-vous ?

    Il est toujours difficile de parler de « la jeunesse » d’une manière trop générale ; ces derniers mois auront prouvé, hélas, que la jeunesse n’échappe pas aux fractures très profondes qui traversent la société française. Disons que, d’une façon générale, cette société peine à offrir des perspectives aux générations qui viennent, à tous points de vue. L’école est en crise profonde ; le marché du travail est une forteresse imprenable, qui protège ceux qui ont un emploi en écartant impitoyablement ceux qui n’en ont pas encore ; la dette et la crise écologique nous conduisent vers la rétractation et la prudence plutôt que vers la création et l’enthousiasme. Bref, cette société laisse peu d’espace aux rêves ! Or la jeunesse vit de rêves, et de révoltes ; mais où les exprimer ? Même le monde politique en France semble totalement verrouillé, quand l’Espagne où l’Angleterre vivent de profonds renouvellements. Le désespoir politique, c’est l’incapacité d’agir. Il est encore accru par la difficulté de trouver même des raisons d’agir. Au nom de quoi faut-il s’engager ? La rhétorique des « valeurs de la République » cache mal notre difficulté à dire ce qui fonde notre société, et ce qui mérite notre don. Qui est prêt à mourir pour notre nouveau cours de morale laïque ? Pierre Nora écrivait, à propos de la réforme des programmes scolaires, qu’elle était « l’expression d’une France fatiguée d’être elle-même, d’un pays qui ne sait pas trop où il va et ne sait donc pas dire d’où il vient. » Les récentes réformes de l’éducation nationale font en effet un pas de plus dans le vide, retirant encore un peu de temps aux enseignements fondamentaux pour développer des « compétences » utilitaires plutôt qu’une culture partagée. Cette « crise identitaire que traverse la France, l’une des plus graves de son histoire », prive bien des jeunes d’une cause pour laquelle s’engager – et c’est peut-être cette cause, cet enthousiasme du don, que monstrueusement beaucoup trouvent à travers l’Etat islamique. Il est désormais urgent, non pas seulement de reconstruire un pays qui fasse une place aux plus jeunes pour s’enrichir de ce qu’ils ont à lui donner, mais qui accepte aussi de leur transmettre ce au nom de quoi ils pourront eux-mêmes se donner…

    L’année 2015 a également été marquée par le débat sur les intellectuels. Pour certains politiques et journalistes, les « néo-réacs » auraient gagné la bataille des idées…

    Cette polémique, confuse et mal posée, aura été, me semble-t-il, un nouveau symptôme des difficultés du débat public en France. En fait, toute une partie du monde intellectuel et médiatique, qui voudrait exercer une sorte de monopole dogmatique, préfère guetter les dérapages plutôt que de permettre le dialogue. Plutôt que de prendre en charge courageusement et lucidement la réalité, avec toute sa complexité et les nuances qu’elle impose, nous nous arrêtons bien souvent à l’anathème caricatural. Mais cela ne signifie rien… Qu’y a-t-il de commun entre Alain Finkielkraut, Michel Onfray, Eric Zemmour ? Les désigner par une même étiquette, les condamner pour un même motif, n’apporte rien à la réflexion, mais constitue au contraire un empêchement de penser.

    On a néanmoins le sentiment que les lignes sont en train de bouger. Dans quel sens ?

    La crise a toujours été l’occasion de revenir au réel, de retrouver un peu de consistance intellectuelle ; et c’est sans doute ainsi qu’il faut recevoir la situation présente. Pendant les périodes de prospérité, il est facile de se mentir, et c’est sans doute ce que nous avons fait pendant trop longtemps. La dette accumulée, les rigidités du marché du travail, la situation catastrophique de l’école, la ségrégation urbaine qui nous a tenus éloignés, sont autant de symptômes de ce mensonge dans lequel nous nous sommes trop longtemps enfermés. Bien sûr, après tant de dénis de réalité, le choc est brutal et douloureux ; mais il doit être l’occasion salutaire de retrouver le sens de la vérité, dans le débat public, dans la vie économique, dans notre rapport à la nature comme à la culture dont nous héritons, et finalement dans l’exercice de la responsabilité politique – qui appartient aux gouvernants, mais aussi à chaque citoyen. Le mot crise vient du grec crisis, qui signifie décision : la crise est toujours la croisée des chemins. Si nous sommes dans une période de crise, dans un moment décisif de l’histoire, souhaitons à la France, comme résolution pour l’année qui vient, cette exigence de vérité qui seule décidera de notre avenir commun.

  • Charlie Hebdo a trouvé le coupable : c'est Dieu !

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    De Jean-Pierre Denis sur le site de "La Vie" :

    La guerre au nom de Dieu ?

    Un an après les attentats de Charlie Hebdo, les religions monothéistes sont plus que jamais accusées de provoquer le conflit. Une idée reçue qui ne résiste pas à l'analyse historique.

    La guerre était une affaire entendue. Close pour toujours, du moins sur notre sol. Accablés par les horreurs de deux conflits mondiaux, pressés d'enfouir les souvenirs de l'Algérie, fiers d'avoir parachevé avec l'Union européenne le rêve kantien de paix perpétuelle, nous l'avions oubliée, évacuée, niée. Refusé de la penser. Prétendu la déléguer à ceux dont elle deviendrait le métier, eux-mêmes bientôt remplacés par des drones. Un an tout juste après Charlie, au moment même où le conflit du Proche-Orient connaît une nouvelle aggravation avec la rupture des relations diplomatiques entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, le Tourment de la guerre (L'Iconoclaste) nous ramène au sujet. 

    La guerre, Jean-Claude Guillebaud en fait une affaire personnelle. Celle du fils d'un jeune lieutenant engagé dans les paradoxes de 14-18, celle du reporter de guerre qui arpenta le Vietnam. La mémoire familiale travaille, les drames de l'histoire européenne remuent sous la boue et la cendre qui les recouvrent moins profondément qu'on ne le croit. En Lituanie, en Russie, en Biélorussie, le chroniqueur de La Vie court aux trousses de la mort, saisissant la dimension épique ou romanesque de la chose, sans oublier l'absurde, l'affreux, l'abject. De tous les livres de l'auteur,le Tourment de la guerre est à la fois l'un des plus introspectifs et des plus universels. Brûlant et brillant. 

    Nous en publions ici des extraits. Pourquoi nous restreindre aux passages évoquant la religion, en particulier le christianisme, quand l'ouvrage s'attaque à la guerre dans sa globalité ? Parce que c'est hélas le débat du moment, entre idée reçue et figure imposée. « L'assassin court toujours », titre Charlie Hebdo pour son numéro anniversaire, affichant un Dieu d'allure judéo-chrétienne armé d'une kalachnikov. Derrière la libre caricature, le sous-texte est clair : la foi, c'est la haine. La guerre revient ? La religion, contrairement aux prévisions, n'a pas fini de partir ? C'est que Yahvé et Allah ont beau ne pas exister, ils veulent que le sang coule. Monothéisme et fanatisme se confondraient donc. Coupable unique, le Dieu unique ! Pour un peu, on finirait par penser que la totalité de l'histoire militaire se réduit aux croisades et aux guerres de religion ou à la fameuse phrase (emblématique mais apocryphe) du sac de Béziers à l'époque des albigeois : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » 

    Les héritiers des Lumières devraient donc opposer à la foi la souveraine logique du Mépris civilisé, selon le titre à l'emporte-pièce d'un essai qui paraît également ces jours-ci (Belfond). Face au manichéisme et au simplisme de l'auteur, le psychanalyste Carlo Strenger, un autre psy, disciple de Lacan, apporte une réponse nuancée. « Confondre fanatisme religieux et sentiment religieux relève d'une faiblesse de la pensée », écrit Gérard Haddad (Dans la main droite de Dieu, Premier Parallèle). « Le fanatisme change de forme selon les époques et les lieux », note-t-il. C'est un virus mutant, ou plutôt une hydre dont les têtes tranchées ne cessent de repousser, mais qui a réussi à se greffer jusqu'ici sur quatre souches : la religion certes, mais aussi le nationalisme, le racisme et le totalitarisme. Bref lui opposer l'universalisme des Lumières et n'y voir qu'une manifestation de l'ignorance n'a guère de sens. En définitive, le fanatisme serait plutôt la pathologie de l'universel, quand celui-ci se réduit à une vérité qui abolit toute différence. 

    Ce n'est évidemment pas le monothéisme qui fait la violence, le fanatisme, la guerre. Toute l'Histoire et toutes les grandes civilisations le démontrent. Les Aztèques sacrifiaient des êtres humains à Huitzilopochtli, le dieu-soleil, et ils étaient polythéistes. Les 81 936 strophes du Mahabharata, la grande épopée de l'hindouisme, narrent une immense bataille mythologique. Ce n'est pas non plus la religion qui fait la guerre. Voyez les 33 millions de morts (au bas mot) provoqués par la révolte d'An Lushan, un général chinois du VIIIe siècle (le plus grand massacre de l'histoire après la Seconde Guerre mondiale). Ou l'épopée des Mongols de Gengis Khan. C'est plutôt la violence qui a quelque chose de sacré, un sacré de substitution, comme le montrent les totalitarismes athées du dernier siècle.

  • A l'ULg le mercredi 13 janvier 2016 (18h00), lunch débat avec Drieu Godefridi: 'Laudato si' et les grands mythes du développement durable

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    dg1212.jpgDrieu GODEFRIDI est un manager, actuellement à la tête d'une entreprise européenne qu'il a créée il y a dix ans. Positionné comme philosophe libéral, il répondra à la question: un esprit libéral classique peut-il se retrouver dans les préconisations de l'encyclique "Laudato si' du pape François face à la crise écologique, une encyclique que d’aucuns considèrent moins en phase avec le modèle d’économie de marché défendu par Jean-Paul II (« Centesimus annus »)?

    La rencontre se tient à la salle des professeurs dans le bâtiment du Rectorat de l’Université de Liège, place du XX août, 7, 1er étage (accès par la grande entrée : parcours fléché).

     

    Participation aux frais : 10 € (à régler sur place) - 2 € pour les étudiants


    Inscription nécessaire au plus tard trois jours ouvrables à l’avance (9 janvier 2016) :
    soit par téléphone : 04 344 10 89
    soit par email : 
    info@ethiquesociale.org
    soit sur le site internet :
    www.ethiquesociale.org

    JPSC

  • Réflexion sur le "terrorisme sexuel"

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    De Guillaume Bernard, sur le site de la Nef, cette réflexion qui peut notamment contribuer à "éclairer" les évènements de Cologne :

    Le terrorisme sexuel 

    L’islamisme ne se rend pas seulement coupable de tueries. Il pratique aussi une autre forme de guerre : le terrorisme sexuel. Celui-ci prend deux visages qui, tel un Janus, sont intimement liés, l’un étant le revers justifiant l’autre : le premier consiste en un discours moralisateur vestimentaire, le second en tire les conséquences quant au respect de l’intégrité physique dû à la personne.

    Le terrorisme sexuel prend, d’abord, la forme intellectuelle de l’apologie de la pudeur féminine. Pour être décente en public, la femme devrait non pas seulement habiller son corps mais le dissimuler le plus possible, certains considérant même qu’il lui faudrait cacher son regard. Pour masquer ses intentions ? Nombre de celles qui se soumettent à de telles prescriptions – souvent avec une fierté, elle, non-dissimulée – semblent sûres de donner ainsi des leçons de vertu. Une telle position revient à considérer que la vue du corps de la femme – même non dénudé ! – provoque immédiatement chez tout homme un irrépressible désir. Voilà le mâle réduit à des instincts primitifs qui le pousseraient inéluctablement à vouloir posséder physiquement la femme qu’il décide de regarder. Ainsi, le vêtement extérioriserait-il la vertu réelle de la personne et la morale profonde de l’être serait-elle enfermée dans l’apparence.

    Le rejet viscéral de telles considérations est, par un raccourci manichéen, interprété comme une acceptation, voire une promotion de la débauche par la société occidentale. Or, ce ne sont ni le voile couvrant la tête et les cheveux ni la robe longue descendant jusqu’aux chevilles qui, en soi, la heurtent. Les religieuses ne portent-elles pas de telles tenues ? C’est la combinaison de deux revendications contradictoires qui la scandalise : la première met en avant (au nom d’une liberté individuelle) une singularité culturelle, la seconde instrumentalise (dans le cadre public) le souci d’égalité exploité dans le sens d’un égalitarisme entre l’identité du lieu et une pratique exogène. La tenue de la sœur catholique témoigne de son engagement spirituel ; en entrant dans le noviciat, puis en prononçant ses vœux, elle meurt au monde, elle sort de la politique et ne prétend pas y exercer de pression communautariste. À l’inverse, le vêtement islamiste exprime la volonté délibérée de transformer l’ordre social.

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  • Le rendez-vous de Michel Delpech

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    Michel Delpech est mort; il se savait condamné par le cancer qui le rongeait. Il y a deux ans, il publiait un livre intitulé "J'ai osé Dieu".

    Michel Delpech « Jésus m’a donné rendez-vous » (source)

    En pleine rémission d’un cancer de la langue, Michel Delpech sort un livre où il révèle sa foi : J’ai osé Dieu… (article de l’hebdomadaire « La Vie » 26/12/2013)

    L’interprète à succès de Chez Lorette et de Pour un flirt est animé par deux grandes passions : la chanson et Jésus. En pleine rémission d’un cancer de la langue, l’ex-star des années yé-yé sort un livre où il révèle sa foi : J’ai osé Dieu…

    Jérusalem, 1985.
    Le soleil décline sur la vieille ville. Après avoir arpenté ruelles et lieux saints toute la journée, nous arrivons avec Geneviève, mon épouse, sur le Golgotha. Les touristes convergent vers un endroit bien précis : le tombeau du Christ. La foule se presse, la file d’attente s’étire, les moines nous exhortent à faire vite. L’impatience est palpable. Cette fièvre me met mal à l’aise. Mon tour arrive enfin, me voilà face à la tombe de Jésus. Alors que mes genoux fléchissent et que mes mains effleurent cette pierre, je suis bientôt submergé par une immense paix, un ineffable amour : je rencontre le Christ.

    Je n’ai pas l’impression de le découvrir ; il s’agit de retrouvailles, paisibles. C’est comme si nous nous connaissions déjà, mais que je l’avais oublié, mis de côté. Lui est là, depuis toujours, sans amertume. Tout va si vite. Contraint de laisser la place, je me relève et nous quittons le Saint-Sépulcre. Le soir même, dans ma chambre d’hôtel, je dévore les épîtres de Paul. Du début à la fin. Pourquoi ces textes ? Je l’ignore. Ils m’attirent et j’en saisis tout le sens. Ces quelques minutes passées au Saint-Sépulcre ont déterminé la suite de ma vie. Jésus m’avait donné rendez-vous, j’avais 39 ans.

    À l’époque, nous venions de nous marier dans une petite église copte,
    à Paris. Je renouais alors avec la religion chrétienne après des années d’égarement dans d’autres sphères spirituelles. M’y avait conduit un chaos intérieur dans lequel j’ai littéralement sombré à l’aube de la trentaine. En dépit de mon succès, ma vie allait à vau-l’eau et des ruptures amicales et sentimentales m’ont fait chavirer pour de bon. Cette dépression a été elle-même précédée de longues années de recherche spirituelle.

    À l’âge de 25 ans, des questions existentielles ont assiégé mon esprit et j’ai emprunté de nombreuses routes adjacentes : la méditation transcendantale, le bouddhisme, l’hindouisme… Mais, au fond de moi, je ressentais toujours une inadéquation, une insatisfaction. Ces spiritualités orientales ne me correspondaient pas. Et je ne voulais pas entendre parler du christianisme, synonyme pour moi d’austérité, de souffrance et de péché. Élevé dans la tradition catholique, je n’ai pas pour autant baigné dans un environnement très croyant. Le catéchisme était davantage une occasion d’acheter des chewing-gums à l’épicerie d’à côté que d’écouter des bondieuseries ! J’ai tout de même gardé en mémoire ma première communion, où je me suis senti envahi par un amour aussi absolu que mystérieux. Le quotidien a vite repris le dessus et, à 18 ans, je me suis engouffré dans une vie faste et facile. Ma carrière de chanteur était déjà bien lancée.

    Mon retour à la religion n’est pas lié à ma dépression,
    puisque j’avais entamé ma quête avant qu’elle s’abatte sur moi. Elle m’a cependant permis de descendre dans les ténèbres de mon être et de questionner ma nature profonde. Au sortir de cette traversée du désert, j’ai commencé par lire de nombreux ouvrages religieux, comme la vie des saints.

    J’ai aussi constaté que les églises m’attiraient. Qu’elles m’apaisaient. Tel un vagabond, j’y entrais au hasard et m’asseyais quelques minutes. L’homme que j’étais, encore fragile, y trouvait à chaque fois un sentiment de sécurité. Parfois même, je m’y endormais ! Quelques années plus tard, j’ai retrouvé cet apaisement lors de ma première retraite, à Saint-Wandrille, en Normandie. J’avais 35 ans et venais visiter frère Odon, un moine dont le témoignage entendu à la télévision m’avait interpellé. Les quelques jours passés là-bas ont transformé mon mal-être en bien-être. Tout s’unifiait. Il ne s’agissait pas d’un état d’exaltation ou de joie retrouvée, c’était plus subtil : je me sentais à ma place, en accord avec ce que je suis.

    Au début de ce chemin de conversion, deux personnes se sont côtoyées en moi : le chercheur de vérité, amoureux de Jésus, et le chanteur, en quête de gloire et de son public. Cette étrange cohabitation n’a pas été confortable tous les jours. Mais ce tiraillement s’est estompé avec l’expérience et la maturité. Depuis, j’ai mes rendez-vous avec Jésus, délicieux, réguliers. Il ne se passe pas une journée sans que je pense à lui ou l’invoque. Sans que je lui parle. Ce lien n’est pas seulement naturel, il est vital. Lorsqu’il m’arrive quelque chose de bien, je le lui attribue, et lorsqu’il m’arrive quelque chose de mal, je me l’attribue. Je n’ai par exemple jamais considéré mon cancer comme une épreuve que Dieu m’envoyait. Une fois de plus, il est à mes côtés, fidèle.

    Mais Dieu sera-t-il toujours là ?
    Bien que je n’aie jamais douté de l’existence de Dieu, ma foi est soumise à des éclipses : taraudé par le doute, je ne cesse d’osciller entre confiance absolue en son amour et peur d’un abandon de sa part. Cette crainte ne m’a jamais quitté. Pourquoi me sauverait-il à chaque fois ? Jésus me laisse souvent arriver au bord du gouffre, par exemple lorsque je suis dans l’erreur, pour venir à moi au dernier moment, dans une infinie douceur. Si je suis encore en vie aujourd’hui, c’est certainement grâce à lui.

    Interview Anne-Laure Filhol

  • Le jour de l'an, "le plus sot des jours de l'année"...

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    Lu sur le site de l'Homme Nouveau (Didier Rance) :

    Le plus sot des jours de l’année

    Qu’écrire quand la « Carte blanche » que je vous adresse doit être envoyée pour le jour de l’An ? Qui aurait le cœur à se contenter de pieuses banalités au-dessus de ce chaudron d’interrogations voire d’angoisse qui a nom 2016 ? Faut-il jouer les Cassandre, ou au contraire se rassurer à coup d’optimisme, ces deux caricatures de l’espérance chrétienne ? Ni l’un ni l’autre. Nous avons, nous ou nos parents, connu d’autres temps troublés ; demandons-nous quels ont été alors les mots qui nous ont réellement fortifiés, ceux d’un ami personnel ou ceux que nous avons pu trouver dans les pages d’un ami de cœur ?

    Pour ma part, je me suis nourri plus d’une fois de ceux de Bernanos, en des temps qui ne le cédaient en rien aux nôtres. Pourtant, soyons clairs, il n’aimait pas le jour de l’An, le « plus sot des jours de l’année », « bête à porter comme une paire de gants neufs », parce qu’alors, « la foire aux sourires bat son plein », et que cet homme entier ne détestait rien de plus que l’hypocrisie ou les baisers Lamourette.

    On peut glaner dans sa correspondance matière à un Anti-Manuel de vœux du Jour de l’An, mais je me contenterai de 1934. Alors que 1933 avait été l’année de la venue d’Hitler au pouvoir et, en France, deux jours avant le réveillon, le début de l’affaire Stavisky, Bernanos écrit à Jacques Vallery-Radot : « Je me refuse de dire un mot de l’année 1934, n’étant absolument pour rien dans la récente promotion de cette imbécile ». Avec le père de ce dernier, son ami Robert, il est encore plus direct : « Je ne vous parle pas de l’année 1934, sinon pour vous déclarer, sauf respect que je l’emm…e (les trois petits points sont de moi, Bernanos n’a pas de ces pudeurs, nda) et avec elle toutes celles qui la suivront jusqu’à l’avènement du Royaume de Dieu ». L’Histoire allait donner raison aux grognements du lutteur pour le Royaume : 1934 fut, elle, l’année du début de la Grande Terreur en Union soviétique, de la nuit des Longs Couteaux en Allemagne, de la guerre civile en Autriche et, dans une France avec 13, 5 % de chômeurs et une dette à 200 % du PIB (cela ne vous dit rien ?), les évènements du 6 février à Paris firent vaciller la République.

    Pour en revenir à Bernanos, l’amitié l’emporte parfois sur le courroux et il écrit aussi en ce début de 1934 des mots que je fais miens et vous adresse : « Mon cher ami, mes chers amis, grands et petits, jeunes et moins jeunes (si peu moins !), j’ai l’honneur de vous souhaiter une bonne année. Pour la réalisation effective de ce souhait, vous devrez vous adresser au bon Dieu, dont l’adresse est connue quoi qu’on en dise ».