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Témoignages - Page 68

  • "Il s'est toujours battu pour la foi des simples"

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    De Nico Spuntoni sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    INTERVIEW AVEC LE CARDINAL KOCH

    "Benoît XVI Docteur de l'Église : il a combattu pour la foi des simples".

    5-1-2023

    Benoît XVI immédiatement un saint ? "Le pape décidera, je pense qu'il était un docteur de l'Église avec son magistère. Il s'est toujours battu pour la foi des simples. La centralité de la question de Dieu et le christocentrisme sont les deux points forts de sa théologie". Une interview du cardinal Koch, que Ratzinger voulait à tout prix avoir avec lui au Vatican et qui est devenu l'un de ses collaborateurs les plus sûrs : "Je lui ai dit que je ne voulais pas quitter mon diocèse, il m'a répondu : "Je vous comprends, mais venez"". 

    Lorsque le nouveau Schülerkreis est né, composé de théologiens qui n'avaient pas étudié avec le professeur Joseph Ratzinger, mais qui avaient approfondi par eux-mêmes son œuvre sans limites, Benoît XVI a voulu avoir pour mentor le cardinal Kurt Koch. Le prélat suisse pouvait compter sur la pleine confiance du pape émérite récemment décédé, dont les funérailles auront lieu ce matin à Saint-Pierre, qui le considérait comme le plus fiable pour présenter l'interprétation correcte du concile Vatican II et sur la réforme liturgique. Le préfet du Dicastère pour la promotion de l'unité des chrétiens, sans doute l'un des membres du Sacré Collège les plus proches de Ratzinger, a reçu la Bussola dans son bureau de Via della Conciliazione pour une interview sur la figure de son maître. 

    Votre Éminence, un souvenir personnel de Benoît XVI.

    J'ai fait sa connaissance par le biais de livres. Au début de mes études, en effet, j'ai lu tous les livres du professeur Joseph Ratzinger et en particulier "Introduction au christianisme". Ensuite, en tant qu'évêque de Bâle, j'ai eu des contacts lorsqu'il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. En 2010, alors qu'il était déjà pape, il m'a appelé à travailler à Rome. Et cette rencontre a été très intéressante pour moi. 

    Parlez-nous en.

    Il avait exprimé son désir de m'avoir à la Curie. J'ai alors répondu qu'après quinze ans d'épiscopat, il n'était pas facile de quitter mon diocèse. Sa réponse a été la suivante : "Oui, je vous comprends, mais quinze ans, ça suffit. Alors venez'. 

    A-t-il expliqué pourquoi il voulait que vous dirigiez le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens ?

    Oui. Il m'a dit qu'après le mandat du cardinal Walter Kasper, il voulait à nouveau un évêque qui connaisse les communautés ecclésiales nées de la Réforme non seulement dans les livres mais aussi par expérience personnelle. Cette motivation m'a fait comprendre que l'œcuménisme était très proche du cœur de Benoît XVI. En tant que président du Conseil pontifical, j'ai eu une étroite collaboration avec lui et chaque audience était très agréable car il était très intéressé par la progression de l'œcuménisme. Ensuite, lorsqu'il était Pape émérite, j'ai eu la joie de le rencontrer à plusieurs reprises et c'était toujours une richesse pour moi.

    Avez-vous continué à vous intéresser à son travail pour la promotion de l'unité chrétienne après sa démission ?

    Nous avons surtout parlé du travail des groupes d'élèves, car il voulait que je sois son mentor. Mais il est clair qu'il s'intéressait aussi au reste et ses questions étaient les suivantes : "Comment sont les relations avec Constantinople ? Comment ça se passe avec Moscou ? Comment ça se passe avec les églises luthériennes ?". Il était toujours très intéressé, oui.

    Dans un texte que vous avez écrit à l'occasion du 90e anniversaire du pape émérite, vous avez souligné la coïncidence de sa naissance, qui a eu lieu le samedi saint. Sa mort, en revanche, est survenue pendant l'Octave de Noël. Quelle lecture faites-vous de cette circonstance temporelle ?

    Oui, cela s'est produit précisément pendant la période de Noël qui tenait à cœur à Benoît XVI. Mais je pense qu'il y a un autre fait à souligner : son élection au trône papal a eu lieu le même jour que celle de Léon IX, tandis qu'il est mort le même jour que le pape Silvestre. Le Samedi Saint était très important pour lui car ce jour indique la situation de chaque chrétien : nous sommes sur le chemin de Pâques mais nous n'avons pas encore l'expérience de Pâques. Et aujourd'hui Benoît XVI peut célébrer Pâques, la Résurrection et la rencontre avec son Maître. 

    Que trouvons-nous dans la pensée et le magistère de Joseph Ratzinger-Benoît XVI sur la vie éternelle ?

    Le but de la vie chrétienne est la vie éternelle. Le professeur Joseph Ratzinger a déclaré que son livre le plus étudié était "Eschatologie". La mort et la vie éternelle". Alors que la deuxième encyclique qu'il a écrite en tant que pape portait sur l'espérance. L'espérance chrétienne est l'espérance de la résurrection. C'est le but de tout chrétien : se convertir dans la vie terrestre afin d'atteindre la vie éternelle.

    Il y a ceux qui demandent sa canonisation immédiate. Comment Benoît XVI voyait-il les saints et quelle place leur accordait-il dans la vie de l'Église ?

    Il était convaincu que les véritables réformateurs de l'Église étaient toujours les saints, car la sainteté est le but de la vie chrétienne. Il y a une belle homélie dans laquelle le pape Benoît dit que la sainteté n'est pas la propriété exclusive de quelques-uns mais une vocation pour tous car il y a tant de fleurs dans le jardin de Dieu. Il a comparé l'étonnement provoqué par la vision d'un jardin avec une variété de fleurs à l'étonnement qui nous saisit devant la communion des saints avec une pluralité de formes de sainteté. La communion des saints était un thème si important pour lui qu'il l'a déjà mentionné dans son homélie pour la messe au début de son ministère pétrinien. Mais la communion des hommes est tout aussi importante : sa priorité, en effet, est de réfléchir à la foi de la communauté ecclésiale, et non à la théologie. 

    À cet égard, pourquoi entend-on encore ces jours-ci dans les commentaires le décrire comme un pasteur incapable de s'adresser aux simples fidèles, alors qu'il s'est toujours conçu lui-même et le rôle de l'évêque comme celui d'un défenseur de la foi du peuple de Dieu ?

    Il s'est toujours battu pour la foi des simples. La théologie est secondaire, la foi vient en premier. La théologie, soutient-il, doit être orientée par la foi, et non la foi orientée par la théologie. On ne peut pas du tout dire qu'il était éloigné du peuple. Il ne privilégiait pas la relation avec les masses mais celle avec l'individu. En fait, il a toujours prêté une grande attention à ses interlocuteurs. 

    Est-il exact de dire que l'ecclésiologie de Ratzinger nous enseigne que l'Église n'est pas seulement une organisation sociale ?

    Oui. Il y a déjà une belle définition de l'Église dans sa thèse de doctorat sur St Augustin. Dans ce texte, il est dit que l'Église est le peuple de Dieu qui vit du corps du Christ. Il s'agit d'une ecclésiologie eucharistique : l'Église est le lieu où les croyants célèbrent, sous la présidence du prêtre, l'Eucharistie. 

    Ses derniers mots, "Jésus, je t'aime", représentent-ils le cœur de sa spiritualité théologique ?

    Au centre de sa théologie se trouve la question de Dieu, mais pas n'importe quel Dieu, mais un Dieu qui veut avoir des contacts avec le monde, qui veut avoir des relations avec l'homme, qui aime l'homme, et qui s'est révélé dans l'histoire du salut d'abord en Israël et ensuite surtout en Jésus-Christ. En Jésus-Christ, Dieu a montré son visage. Je suis convaincu que le pape Benoît a voulu écrire son livre sur Jésus de Nazareth, en prenant du temps et de l'énergie sur son pontificat, pour en faire son héritage. La centralité de la question de Dieu et le christocentrisme sont les deux points forts de sa théologie. Et ces derniers mots, "Jésus je t'aime", sont la conclusion parfaite de toute la vie et de la théologie de Benoît XVI. 

    Est-il légitime de s'attendre à ce que nous le voyions "saint immédiatement" ?

    Tout d'abord, c'est Dieu qui est le juge de ce qui est saint, je dois donc lui laisser le soin de juger. Deuxièmement, c'est le pape qui décide. Je pense que Benoît XVI a été un grand professeur, un docteur de l'Église avec sa théologie et son magistère, et c'est pour moi ce qui compte le plus. Mais nous sommes tous appelés à être des saints.

  • Homélie pour la messe en mémoire du pape émérite Benoit XVI: par Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège

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    Cathédrale de Liège, ce mercredi 5 janvier 2023 :

     

    « Chers Frères et Sœurs,

    La foi à partir de la grâce

    Faire mémoire de notre pape émérite Benoit XVI, c’est mettre en relief la foi dans le Christ telle qu’il l’a vécue et telle qu’il l’a exposée. Le pape Benoit XVI était animé d’une foi intense. Il était très conscient de la grâce, c’est-à-dire le bienfait, que Dieu nous donne par notre foi. La grâce de Dieu précède notre foi, un peu comme l’amour des parents précède la confiance des enfants. Mais la confiance des enfants leur fait découvrir petit à petit l’amour venant des parents. De même l’être humain découvre petit à petit l’amour venant de Dieu. Comme l’a dit saint Paul aux Romains : « Notre Seigneur Jésus Christ nous a donné, par la foi, accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis » (Rm 5,1-5). Cette grâce, ajoute l’apôtre, c’est que « nous vivons en paix avec Dieu », en cette vie, et que dans la vie future, nous avons « l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu ». Ainsi le pape Benoit a vécu, dans sa vie terrestre, la grâce d’être en paix avec Dieu, et, a vécu « l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu » pour la vie éternelle.

    L’amour, personnel et social

    Dans son encyclique Deus caritas est (Dieu est amour) (2005), le pape Benoit souligne que l’origine de l’amour est en Dieu. La réponse à cet amour divin, c’est la foi de l’homme envers Dieu et son amour pour Dieu et le prochain. L’amour humain, ajoute le pape, est à la fois corporel et spirituel, il est éros et agapè. Dans une deuxième encyclique, Caritas in veritate (La charité dans la vérité) le pape Benoit synthétise, en 2009, la doctrine sociale de l’Église. Il réagit par rapport aux défis nouveaux : la crise financière de 2008 et l’émergence des défis écologiques. Il établit la relation entre l’amour comme engagement personnel du chrétien et la justice sociale, comme engagement communautaire et politique.

    La communauté, minorité créative

    Pour vivre cet amour, il faut être soutenu par une communauté, par l’Église. C’est le message même de Jésus sur la croix, comme nous le dit le quatrième évangile : « Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple bien aimé, dit à sa mère : Femme, voici ton fils. Puis il dit au disciple : Voici ta mère » (Jn 19,26). Avant de mourir, Jésus crée une nouvelle famille, avec Marie pour mère et le disciple bien aimé, comme fils de Marie. Ce disciple est l’image de tous les disciples, qui forment ensemble la nouvelle famille des enfants de Dieu. Cette Église, le pape Benoit voulait qu’elle soit formée de communautés rayonnantes, un peu comme un monastère, qui est une communauté qui rayonne dans la région où il se trouve. C’est pour cela que celui qui s’appelait Joseph Ratzinger a choisi comme pape le nom de Benoit, c’est-à-dire de saint Benoit, dont la règle monastique est à la base de toutes les communautés monastiques d’Occident. Un monastère est une communauté fervente, qui rayonne sur monde parfois indifférent. C’est pourquoi le pape Benoit a voulu appuyer les communautés nouvelles dans l’Église. Il croyait dans les minorités créatives.

    La tradition contre la banalité

    C’est pour cela aussi qu’il a favorisé les communautés qui célèbrent la messe en latin dans l’ancien rite romain, parce qu’elles forment des foyers de foi, qui rayonnent en valorisant le patrimoine spirituel, musical et culturel de la liturgie. C’est l’objet de la lettre apostolique Summorum pontificum de 2007. Contre la banalité, le pape Benoit veut susciter une opposition, une alternative. Le courage de la vérité est sa force : pour lui, il peut arriver que l’Église soit moderne en étant antimoderne, c’est-à-dire positionnée contre les dérives de la modernité. Dans ce souci de la tradition, il a dédié de nombreuses catéchèses aux saints de l’Église catholique, en montrant leur actualité. À Liège, on connaît sa catéchèse sur sainte Julienne de Cornillon, qui valorise l’apport de cette Liégeoise du 13e siècle à la vie de l’Église et au sens de l’eucharistie ; c’est la catéchèse la plus complète faite à ce sujet par un pape.

    Les foyers d’amour

    Benoit perçoit les communautés chrétiennes comme des foyers d’amour concret rayonnant sur le monde. En se rendant au restaurant social de la Communauté S. Egidio à Rome en 2009, il a pris le repas avec les pauvres ; à table, il observait  : « Ici, celui qui aide et qui aime son prochain est confondu avec celui est aidé ». En visitant une maison d’accueil pour personnes âgées en 2012, il disait : « Chers Amis, nous faisons l’expérience du besoin quand nous sommes âgés. C’est une grâce que d’être soutenus et aidés. Ici ceux qui aident et ceux qui sont aidés forment une même famille ». Et il ajoutait : « La prière des personnes âgées soutient le monde ». Cette prière, il l’a pratiquée comme pape et comme personne âgée.

    Le pasteur fidèle

    Chaque chrétien, dans sa vie de foi personnelle, est aussi interpellé par le ministère du pape. C’est une richesse qui se vit dans l’altérité et qui fait grandir chacun. Comme l’écrivait le pape François dans Evangelii gaudium, les pasteurs doivent à la fois précéder et suivre leur troupeau, présider et accompagner. Ils doivent guider leur peuple, mais aussi sentir l’odeur du troupeau. Il faut une communion avec le pape, quel qu’il soit, car il exerce un ministère d’unité, pour les chrétiens et même pour tous les peuples. Benoit XVI, comme pape fut un grand croyant, qui a fait de l’amitié avec Jésus, le cœur de sa vie. Son pontificat fut court, ce fut la papauté d’une saison. Mais sa lignée était longue : en s’appelant Benoit, il s’est aussi appelé « XVI », c’est-à-dire avec quinze prédécesseurs du même nom. Il donnait ainsi automatiquement à son ministère une perspective de continuité et de fidélité. Il n’a pas cherché la renommée, mais il a voulu intensifier la foi sur terre. Je ne l’ai pas connu personnellement, quoique ma nomination comme évêque ait été préparée sous son pontificat. Mais mon prédécesseur Mgr Aloys Jousten le connaissait bien, l’appréciait beaucoup et aimait parler allemand avec lui ; dommage qu’il ne soit plus là pour nous raconter cela.

    Que le nom de Benoit XVI reste dans les mémoires comme modèle de croyant, flamme d’amour, cœur de l’Église, courage de la vérité, souci des pauvres et pasteur fidèle, synonyme de gratitude et de bénédiction ! »

    Source: secrétariat de Mgr l'évêque de Liège. Cette homélie sera publiée dans le prochain journal diocésain "Dimanche".

  • Ratzinger, le pape qui a mis en garde contre l'extinction du christianisme

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    De Giovani Maria Vian sur El País via Il Sismografo :

    Ratzinger, le pape qui a mis en garde contre l'extinction du christianisme

    Critique envers l'institution à laquelle il appartient, Benoît XVI a été lucide en prévoyant un avenir minoritaire pour le catholicisme dans un monde occidental où la foi s'éteint. Il a laissé des œuvres importantes, dont la trilogie sur "Jésus de Nazareth", et est resté ouvert, bien qu'il ait été qualifié de traître à Vatican II, puis de grand inquisiteur. En 1999, j'ai rencontré le cardinal Ratzinger pour la première fois à l'occasion du lancement d'une revue sur l'histoire des années saintes que j'avais coordonnée. Je n'ai pas été surpris par la gentillesse et la simplicité avec lesquelles il a accepté de la présenter, car ces caractéristiques lui étaient familières. Nombreux étaient ceux qui, au Vatican, avaient l'habitude de le voir, vêtu comme un simple prêtre avec son béret noir, traverser rapidement la place Saint-Pierre pour se rendre au travail, saluant ceux qui le reconnaissaient d'un léger sourire. À d'autres moments, le cardinal, qui était devenu très romain, s'arrêtait pour regarder d'un air amusé les chats qu'il rencontrait lors de ses promenades autour du Vatican.

    Cependant, lors de cette première rencontre, j'ai été frappé par le fait que le cardinal était resté un professeur, habitué à s'exprimer sans filtre, clairement, animé par la curiosité, comme tout véritable intellectuel. Son langage n'avait rien de clérical, et encore moins de curial, alors qu'il était à la curie depuis près de 20 ans, depuis que Jean-Paul II l'a appelé après qu'il ait survécu à la tentative d'assassinat et qu'il l'a nommé, fin 1981, préfet de l'ancien Saint-Office, c'est-à-dire gardien de la foi catholique. Le théologien bavarois est ainsi devenu le principal conseiller théologique du pontife slave et, bien plus tard, son successeur, lorsqu'en 2005, en moins d'une journée, les cardinaux réunis en conclave ont élu un Allemand pour succéder au pape polonais.

    Ainsi se terminent les suites de la Seconde Guerre mondiale, déclenchée par l'agression de l'Allemagne nazie contre la Pologne (et deux semaines plus tard contre l'Union soviétique). À l'âge de 16 ans, Ratzinger, né dans une modeste famille catholique totalement étrangère au nazisme, a également participé aux deux dernières années de la guerre. Séminariste, il est contraint de servir comme auxiliaire anti-aérien à partir de 1943 et est ensuite envoyé dans un camp de travail. Engagé dans l'infanterie, il déserte et est arrêté par les Américains. Il réagit à son emprisonnement comme un étudiant modèle, composant des vers grecs au crayon dans un cahier. Et c'est au crayon qu'il a beaucoup écrit tout au long de sa vie, dans une écriture minuscule pleine d'abréviations que seules sa sœur Maria et, plus tard, sa secrétaire, Birgit Wansing, pouvaient déchiffrer et transcrire.

    Il a laissé derrière lui des œuvres importantes, parmi lesquelles la trilogie sur Jésus de Nazareth (2007-2012), écrites alors qu'il était déjà pape, mais qu'il considérait comme le fruit de recherches personnelles et donc ouvertes à la critique.

    L'homme que j'ai connu était doux mais direct, habitué à aller à l'essentiel et à toujours parler et écrire clairement, comme le confirme son testament, publié le soir même de sa mort, à la fin de l'année. Un texte qui rappelle les méditations de Marc-Aurèle, lorsque l'empereur philosophe, au début du célèbre livre, remercie ses parents, mais aussi un autre testament papal extraordinaire, celui de Paul VI. Et c'est Montini lui-même, le pape du Concile, qui, un an avant sa mort en 1977, a changé la vie du théologien de 50 ans en le nommant archevêque de Munich et en le faisant cardinal. Ratzinger était déjà célèbre depuis l'époque du Concile Vatican II (1962-1965), où il avait participé en tant que conseiller théologique du vieux cardinal Frings, archevêque de Cologne, l'un des principaux représentants de la formation réformiste et anti-curiale.

    Ratzinger est toujours resté très ouvert, bien qu'il ait été qualifié de traître à Vatican II et plus tard de grand inquisiteur. Il avait une conception radicale de l'Église, alourdie, selon lui, par trop d'appareils et par la "saleté" des abus, qu'il a dénoncés le Vendredi saint 2005, peu avant d'être élu pape. Critique à l'égard de l'institution à laquelle il appartenait, ce théologien doux et inébranlable était lucide en prévoyant un avenir minoritaire pour le catholicisme dans un monde occidental où la foi s'éteint. Fin connaisseur de la tradition chrétienne, Ratzinger l'a toujours considérée comme une réalité en mouvement et ouverte sur l'avenir, et non comme quelque chose d'immobile.

    En 2012, il m'a permis de présenter en avant-première dans l'Osservatore Romano la préface de ses écrits conciliaires, publiée quelques mois plus tard dans ses œuvres complètes. Dans ce texte, le pape décrit un christianisme déjà fatigué, mais que le concile Vatican II, qu'il n'a jamais renié en tant que développement de la tradition, a cherché à revitaliser par sa "mise à jour".

    La gouvernance n'a jamais été le point fort de Ratzinger, et il s'est trop appuyé sur certains collaborateurs qui ne l'ont pas aidé comme ils auraient dû. En revanche, Benoît XVI a été très décisif et efficace dans la gestion du scandale des abus, notamment dans le cas du fondateur criminel des Légionnaires du Christ et en Irlande. Il a assumé des fautes qui n'étaient pas les siennes et a demandé le pardon en tant que chef de l'Église, même après sa démission historique de la papauté.

    *** Giovanni Maria Vian est un expert en histoire de l'Église et ancien rédacteur en chef du quotidien L'Osservatore Romano.

  • Mgr Gänswein : "Je crois que Traditionis Custodes a brisé le cœur de Benoît XVI"

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    D'Enrico Roccagiachini sur le site "Messa in latino" :

    Mgr Gänswein : "Je crois que Traditionis Custodes a brisé le cœur de Benoît XVI"

    Les déclarations de Mgr Georg Gänswein, dernier secrétaire particulier de Benoît XVI, rendues publiques ce matin, sur la réaction de Benoît XVI au Motu Proprio Traditionis Custodes, par lequel son successeur a tenté de contrecarrer la grande libéralisation de la liturgie traditionnelle opérée par le Motu Proprio Summorum Pontificum (voir aussi ici), font le tour du web.

    Les paroles de l'archevêque Gänswein sont tellement frappantes et dérangeantes que nous nous sentons presque coupables de leur donner la place nécessaire et due en ces moments de deuil. Mais, en même temps, nous estimons qu'il est de notre devoir de rendre justice, dès ces premières heures, à la mémoire de Benoît XVI, et de reconnaître la souffrance qu'il a dû affronter face à la tentative systématique de démanteler les actes les plus importants et les plus féconds de son difficile pontificat. Une tentative que la Providence n'a pas permis de mener à bien, comme le montre le grand élan d'affection et de dévotion dont il fait l'objet en ces heures mêmes.

    Pour en revenir à Mgr Gänswein, il a parlé de Traditionis Custodes dans l'interview qu'il a accordée - probablement avant la mort de Benoît XVI - à Guido Horst, rédacteur en chef de l'hebdomadaire catholique allemand Die Tagespost, qui a été publiée aujourd'hui.

    Voici l'extrait qui nous intéresse ; nous vous en proposons ci-dessous notre traduction (artisanale) :

    "Guido Horst : La levée par le pape Benoît des restrictions sur la célébration de la forme extraordinaire du rite romain selon le missel de 1962 n'a pas duré comme il l'entendait : en tant que pape émérite, il a assisté à la promulgation du Motu Proprio Traditionis Custodes du pape François. A-t-il été déçu ?

    Mgr Gänswein : Cela l'a beaucoup affecté. Je pense que la lecture du nouveau Motu Proprio a brisé le cœur du pape Benoît, car son intention était d'apporter une paix intérieure, une paix liturgique, à ceux qui avaient simplement trouvé un foyer dans l'ancienne messe, pour les éloigner de Lefebvre. Et si l'on pense au nombre de siècles pendant lesquels l'ancienne messe a été une source de vie spirituelle et de nourriture pour de nombreuses personnes, y compris de nombreux saints, il est impossible d'imaginer qu'elle n'a plus rien à offrir. Et n'oublions pas que de nombreux jeunes qui sont nés après Vatican II et qui ne comprennent pas pleinement tout le drame du Concile - que ces jeunes, même s'ils connaissent la nouvelle Messe, ont trouvé un foyer spirituel, un trésor spirituel même dans l'ancienne Messe. Pour enlever ce trésor aux gens.... et bien, je ne peux pas dire que je me sente à l'aise avec ça."

    Il s'agit d'une affirmation totalement fiable, non seulement en raison de l'autorité et de la certitude de la source, mais aussi parce qu'elle confirme - en ajoutant la triste référence à Traditionis Custodes - ce que l'on sait déjà depuis 2016, depuis la célèbre réponse à Peter Seewald dans Ultime conversazioni (Milan, Garzanti, 2016, esp. pp. 189-190) :

    Peter Seewald : La réhabilitation de l'ancienne messe est souvent interprétée comme une concession à la fraternité sacerdotale de Saint Pie X.

    Benoît XVI : C'est absolument faux ! Pour moi, il était important que l'Église préserve la continuité interne avec son passé. Que ce qui était auparavant sacré ne devienne pas d'un moment à l'autre quelque chose de mauvais. Le rite doit évoluer. C'est pourquoi la réforme a été annoncée. Mais l'identité ne doit pas être brisée. La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X est fondée sur le sentiment que l'Église s'est reniée elle-même. Cela ne doit pas se produire. Mon intention, cependant, comme je l'ai dit, n'était pas tactique : je me souciais de la chose elle-même. Bien sûr, il est également important que le pape, lorsqu'il voit un schisme se profiler, soit obligé de faire tout son possible pour l'empêcher, y compris en essayant de ramener ces personnes à l'unité de l'Église.

    Ainsi, la référence au lefebvrisme est également bien comprise : le souci qu'une juste exigence - faire en sorte que l'Église n'ait jamais à se renier - ne soit pas satisfaite en s'éloignant d'une certaine manière de l'Église elle-même, où, comme l'a enseigné Benoît XVI en une autre occasion, personne n'est de trop. Et cela se fait en veillant à ce que l'identité ne se brise pas, à ce que ce qui était autrefois sacré ne devienne pas faux d'un moment à l'autre : un objectif important en soi, même en dehors du devoir incontournable d'un pape de faire ce qu'il peut pour prévenir un schisme potentiel.

    À la lumière de tout cela, il est facile de comprendre comment le caractère intrinsèquement diviseur et pourri de Traditionis Custodes et, surtout, sa portée idéologiquement anti-traditionnelle, a vraiment brisé le cœur de Benoît XVI. Et elle brise aussi la nôtre, si l'on considère avec quelle et combien d'amertume il a dû vivre les dernières saisons de sa vie terrestre, même s'il savait et voulait offrir efficacement ses souffrances pour que l'Église puisse bientôt sortir, triomphante, de la crise qui la frappe. C'est aussi pour ces raisons que ce que nous avons appris aujourd'hui de l'archevêque Gänswein accroît encore notre gratitude envers le pape émérite.

  • "Le pontificat de la raison"

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    De KTO.TV sur youtube  :

    Le pape Benoît XVI était un des plus grands théologiens de son temps. Parmi les thèmes majeurs de sa théologie figurait le rapport entre foi et raison, qu’il avait magistralement développé avec son prédécesseur. Dès 2008, des grands témoins présentaient le pontificat sous cette lumière. Une Production ROME REPORTS, 2008. Réalisation Edward Pentin.

  • 65 000 personnes ont rendu visite à Benoît XVI durant la première journée de la veillée funèbre

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    De zenit.org :

    65 000 personnes rendent visite à Benoît XVI durant la première journée de la veillée funèbre

    Des milliers de personnes se rendent à la basilique Saint-Pierre pour le dernier adieu à Benoît XVI

    65 000 personnes ont traversé la basilique Saint-Pierre pour rendre hommage et à Benoît XVI, exposé devant l’autel principal de la basilique Saint-Pierre, ce lundi 2 janvier 2023.
  • Benoît XVI : les mathématiques, la beauté, la sainteté comme « voies » vers Dieu 

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    Du Père Lombardi sur le site de l'hebdomadaire La Vie :

    Décès de Benoît XVI : les mathématiques, la beauté, la sainteté comme « voies » vers Dieu 

    Pour Benoît XVI, l’expérience de la science, de la beauté et de la sainteté sont des chemins privilégiés apprendre à reconnaître Dieu. Par Federico Lombardi, jésuite, président de la fondation Joseph Ratzinger-Benoît XVI et ancien porte-parole du Vatican.

    2/01/2023

    Dieu existe-t-il vraiment ? Je ne cherche pas une « démonstration de l’existence de Dieu », mais une « voie » qui me conduise vers lui. Cela, bien évidemment, à partir de questions qui se sont posées à moi avec force au cours de mon cheminement. Ou plutôt, à partir d’expériences d’émerveillement qui ont suscité en moi des questions auxquelles je ne pouvais pas et ne peux pas me dérober.

    J’ai retrouvé l’écho de quelques-unes de ces expériences dans certains propos de Joseph Ratzinger qui m’ont aidé à les exprimer et à y réfléchir. Je voudrais en signaler trois : les mathématiques, la beauté, la sainteté.

    La science et la foi

    Dans ma jeunesse, j’ai étudié les mathématiques et, à la fin de mes études, je me suis demandé : comment se fait-il que nous parvenions, avec les instruments mathématiques que notre esprit a élaborés, à décrire la réalité du monde qui nous entoure et son fonctionnement, comment parvenons-nous à le faire, en fin de compte, tellement bien que nous pouvons entrer en relation avec cette réalité, influer sur elle, aller sur la Lune et utiliser l’énergie présente dans les atomes ?

    C’est un fait qui me semble merveilleux et qui me paraît indiquer que notre esprit et la nature qui nous entoure ont une origine commune… 

    J’ai retrouvé exactement ma question et mon début de réponse dans ce que Benoît XVI a dit à un élève de lycée scientifique qui l’interrogeait à propos de la science et de la foi : « Il me semble presque incroyable qu’une invention de l’esprit humain et la structure de l’univers coïncident : les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l’univers et elles nous permettent de l’utiliser. La structure intellectuelle du sujet humain et la structure objective de la réalité coïncident donc : la raison subjective et la raison objective dans la nature sont identiques… Bien entendu, personne ne peut prouver – comme on le prouve par l’expérience, dans les lois techniques – que les deux sont réellement le fruit d’une unique intelligence, mais il me semble que cette unité de l’intelligence, derrière les deux intelligences, apparaît réellement dans notre monde » (entretien avec les jeunes du diocèse de Rome, 6 avril 2006).

    Devant l’alternative qui se présente, Benoît XVI invite le jeune homme à ne pas opter pour « la priorité de ­l’irrationnel », mais à ­reconnaître que derrière tout, au début de tout, il y a « une grande Intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier ». Cela, c’est le choix fait par le christianisme.

    Merveilles naturelles et artistiques

    De même, j’ai toujours pensé quelque chose de ce genre lorsque j’ai vécu l’expérience de la beauté dans ses diverses dimensions, en contemplant les spectacles merveilleux de la nature ou les manifestations les plus élevées de l’art humain.

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  • "‘Signore, ti amo!’" : les dernières paroles de Benoît XVI

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    De Vatican News :

    Les derniers mots de Benoît XVI: «Seigneur, je t'aime»

    Ce sont les dernières paroles prononcées par le pape émérite quelques heures avant de mourir, rapporte Mgr Georg Ganswein, son secrétaire. Dimanche soir les collaborateurs de la Curie romaine ont pu s’incliner devant la dépouille du pape émérite au monastère Mater Ecclesiae.

    «Seigneur, je t’aime», ces mots ont été prononcés en italien dans la nuit du 30 au 31 décembre, vers 3h du matin par Benoit XVI, tandis qu'une infirmière, à ses côtés, veillait sur lui, après avoir pris le relais des assistants du pape émérite. «Benoît XVI», raconte avec émotion son secrétaire, Mgr Georg Gänswein, «d'une voix fluette, mais bien distincte, a dit en italien: "Seigneur, je t'aime !". Je n'étais pas là à ce moment-là, mais l'infirmière me l'a dit peu après. Ce furent ses derniers mots compréhensibles, car après, il n'était plus capable de s'exprimer».

    François au chevet de son prédécesseur

    Samedi matin, immédiatement après avoir été prévenu du décès de Benoit XVI, François s'est rendu au monastère Mater Ecclesiae en voiture vers 10h. Il avait accompli le même geste mercredi le 28 décembre, après avoir alerté le monde sur l'aggravation de l'état de santé de Ratzinger, demandant, au cours de l’audience générale, une «prière spéciale» pour le pape émérite «très malade».

    De nombreuses voix d'Église sont revenues sur l'héritage intellectuel du Pape allemand et la proximité qu'ils avaient noué avec lui. Témoignages.

    La dépouille exposée dimanche soir au monastère

    Le Souverain Pontife a prié à côté du corps qui repose dans la chapelle du Mater Ecclesiae, sous un crucifix, à côté de la crèche et d’un sapin de Noël. Le Pape Benoit revêt la mitre et des vêtements liturgiques de couleur rouge, sans le pallium. Les proches du pape défunt et plusieurs cardinaux ont été les premiers à s’incliner devant sa dépouille, à genoux pour certains, et en prière.

    Lundi 2 janvier, à partir de 9 heures et pendant trois jours jusqu'à la messe des obsèques qui sera présidée par François jeudi 5 janvier à 9h30 place Saint Pierre, la dépouille du pape émérite sera exposée à la vénération des fidèles dans la basilique vaticane. Une cérémonie privée précèdera la translation du corps dans la chapelle du monastère Mater Ecclesiae. Des images seront diffusées successivement, a fait savoir le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni. La dépouille sera ensuite placée dans la basilique, devant l'autel, pour l'adieu des fidèles à partir de 9 heures.

  • Hommage à Benoît XVI : un dossier gratuit de 30 pages

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    De Denis Sureau :

    Hommage à Benoît XVI

    En hommage au défunt pape émérite, j'ai réalisé un dossier PDF sur des publications importantes de Joseph Ratzinger / Benoît XVI en matière de théologie politique et de liturgie.

    Ce PDF gratuit de 30 pages peut être téléchargé sur le site Transmettre :

    https://www.transmettre.fr/produit/hommage-a-benoit-xvi-dossier-pdf/

  • "L'annonce de Dieu a été le centre du pontificat de Benoît XVI" (Georg Gänswein)

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    D'Andreas Thonhauser, Chef du bureau du Vatican pour EWTN, sur le National Catholic Register :

    Le secrétaire personnel de Benoît XVI : "L'annonce de Dieu a été le centre du pontificat de Benoît XVI".

    L'archevêque Georg Gänswein a longuement discuté des dernières années du pape émérite lors d'une vaste interview accordée à EWTN le mois dernier.

    31 décembre 2022

    L'archevêque Georg Gänswein connaît le pape émérite Benoît XVI à titre officiel depuis sa nomination à la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1995. Depuis l'élection de Benoît XVI comme pape en 2005, sa démission surprenante en 2013 et ses dernières années au monastère Mater Ecclesiae au Vatican, Mgr Gänswein, 66 ans, a été le secrétaire personnel de Benoît XVI, et le pape émérite a rarement été vu en public sans lui.

    L'archevêque a eu un point de vue unique sur les dernières années de Benoît XVI, qu'il dit avoir été principalement consacrées à la prière.

    Le 22 novembre, un peu plus d'un mois avant que le pape émérite Benoît XVI ne décède le 31 décembre à 9 h 34, heure de Rome, à l'âge de 95 ans, Mgr Gänswein a été interviewé par Andreas Thonhauser, chef du bureau de EWTN au Vatican. Voici la transcription :

    Votre Excellence, comment se portait le Pape émérite Benoît XVI vers la toute fin de sa vie ? 

    Contrairement à ce qu'il pensait, il avait vécu jusqu'à un âge avancé. Il était convaincu qu'après sa démission, le Bon Dieu lui accorderait une année de plus. Personne n'a probablement été plus surpris que lui de voir que cette "année supplémentaire" s'est avérée être plusieurs années de plus. 

    Vers la fin, il était physiquement très faible, très frêle, bien sûr, mais - grâce à Dieu - son esprit était aussi clair que jamais. Ce qui était douloureux pour lui, c'était de voir sa voix devenir de plus en plus faible. Il avait dépendu toute sa vie de l'usage de sa voix, et cet outil s'était progressivement perdu pour lui. 

    Mais son esprit était toujours clair, il était serein, posé, et nous - qui étions toujours autour de lui, qui vivions avec lui - nous sentions qu'il était sur la dernière ligne droite et que cette dernière avait une fin. Et il avait cette fin bien en vue. 

    Avait-il peur de mourir ? 

    Il ne parlait jamais de la peur. Il parlait toujours du Seigneur, de son espoir que, lorsqu'il se tiendrait enfin devant lui, il lui ferait preuve de douceur et de miséricorde, connaissant, bien sûr, ses faiblesses et ses péchés, sa vie. ... Mais, comme l'a dit Saint Jean : Dieu est plus grand que notre cœur. 

    Vous avez passé de nombreuses années à ses côtés. Quels ont été les moments clés pour vous ? 

    Eh bien, pour moi, tout a commencé lorsque je suis devenu membre du personnel de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lorsqu'il [le cardinal Ratzinger] en était le préfet. Je suis ensuite devenu le secrétaire. Cela devait durer quelques mois, tout au plus, mais, en fin de compte, cela a duré deux ans. 

    Puis Jean-Paul II est mort, et Joseph Ratzinger est devenu le pape Benoît XVI ; j'ai passé toutes ces années comme secrétaire à ses côtés, et puis, bien sûr, aussi pendant qu'il était pape émérite. Il avait été plus longtemps pape émérite que pape régnant. 

    Ce qui m'a toujours impressionné, et même surpris, c'est sa douceur, sa sérénité et sa bonne humeur, même dans des situations très épuisantes, très exigeantes - et parfois même très tristes, d'un point de vue humain. 

    Il ne perdait jamais son calme, il ne se mettait jamais en colère. Bien au contraire : Plus il était mis au défi, plus il devenait silencieux et pauvre en paroles. Mais cela avait des effets très positifs et bienveillants sur ceux qui l'entouraient. 

    Il n'était cependant pas du tout habitué aux grandes foules. Bien sûr, en tant que professeur, il avait l'habitude de parler devant un grand, voire un très grand, public d'étudiants. Mais c'était lui, en tant que professeur, qui parlait à des étudiants. Plus tard, en tant que pape, toutes ces rencontres avec des gens de différents pays, leur joie et leur enthousiasme, ont été, bien sûr, une expérience très différente. 

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  • Messori sur Ratzinger : "Je n'ai jamais connu un homme aussi bon"

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    De Riccardo Cascioli sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    Messori sur Ratzinger : "Je n'ai jamais connu meilleur homme"

    31-12-2022

    Dans une interview accordée à la Nuova Bussola Quotidiana, le célèbre écrivain Vittorio Messori retrace son étroite amitié avec Joseph Ratzinger/Benoît XVI, qui a débuté avec le livre-entretien "Rapport sur la foi" qui a provoqué un séisme dans l'Église en 1985. "Il était le contraire de l'homme fermé et censuré qu'ils voulaient peindre, je n'ai jamais connu une personne plus humble". "Je suis profondément convaincu qu'il est allé au ciel, je ne vais pas prier pour lui, mais je vais le prier pour moi". "Et ce face-à-face après son renoncement..."

    "Je n'ai jamais connu une personne aussi bonne et humble". C'est ainsi que Vittorio Messori se souvient de Joseph Ratzinger, le pape émérite Benoît XVI, quelques heures après sa mort. Au téléphone depuis sa maison de Desenzano sul Garda, devenue un ermitage après la mort, le 16 avril dernier, de son épouse Rosanna, Messori retrace brièvement les étapes de son amitié avec Ratzinger, qui a débuté en 1984 lorsqu'il a insisté pour lui accorder une interview qui deviendrait plus tard "Rapport sur la foi", un livre qui a "mis le monde en émoi".

    La première édition - éditée par les Paulins - est parue en 1985 et a fait l'effet d'une bombe : c'était la première fois qu'un préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi s'adressait à un journaliste et c'était aussi l'année du Synode des évêques, appelé à réfléchir sur le Concile Vatican II vingt ans après sa clôture. Ratzinger a porté des jugements très clairs sur toutes les questions les plus brûlantes de l'après-Concile, du concept de l'Église à la liturgie, du drame de la moralité à la crise du sacerdoce, en passant par la théologie de la libération et l'œcuménisme. Les réactions, comme on peut l'imaginer, ont été violentes de la part de l'aile progressiste et des théologiens à la mode qui digéraient déjà mal le pontificat de Jean-Paul II, commencé en 1978. Wojtyla lui-même avait voulu avoir à ses côtés un Ratzinger réticent en 1981, dans une relation qui est toujours restée très étroite, et ce livre peut aussi être considéré comme un manifeste de ce pontificat.

    "Ils me taquinaient, raconte Messori, quand je disais que j'allais faire une interview du cardinal Ratzinger, à la Congrégation pour la doctrine de la foi, ils disaient que cela n'arriverait jamais, qu'il n'avait jamais quitté la Congrégation. Il avait aussi la réputation d'être très fermé d'esprit et de ne pas vouloir parler. Au lieu de cela, j'ai insisté et, finalement, nous nous sommes retirés dans les montagnes pendant trois jours avec deux religieuses allemandes qui nous ont préparé à manger".
    C'est arrivé à Brixen, invités au séminaire local, en août 1984. Et c'est là qu'est né le livre qui marquera un événement de grande importance pour l'Église.

    C'est probablement dans la confiance que lui a accordée le cardinal Ratzinger que réside l'importance des "Hypothèses sur Jésus", écrites par Messori en 1976, qui ont connu un succès mondial et sont encore largement lues. Le fait est que Ratzinger, dans le "Rapport sur la foi", s'ouvre complètement : "J'avais la certitude d'un homme qui cherchait tout sauf à se cacher, ou à être réticent - raconte encore Messori -. Ce qui m'étonnait, c'est que je lui posais les questions les plus embarrassantes, pensant qu'il éviterait de répondre. Mais non, il répondrait'.

    De là est née une véritable amitié, chaque fois que j'allais à Rome, nous nous voyions et allions déjeuner au restaurant. Et j'en ai eu la confirmation : je n'ai jamais connu un homme aussi bon, aussi serviable, aussi humble. Il me disait sa souffrance d'être appelé à Rome pour diriger la Congrégation pour la doctrine de la foi : "Ce qui me donne le plus d'amertume, me disait-il, c'est de devoir contrôler le travail de mes collègues, qui s'occupent de théologie. J'ai aimé être professeur, être avec les étudiants. Quand j'ai été appelé à Rome pour faire ce travail, je l'ai accepté par obéissance, mais pour moi c'était une souffrance''.

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  • Quand Benoît XVI racontait sa renonciation

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    De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via lescrutateur.com :

    Benoît XVI raconte sa renonciation

    La renonciation surprise du pape Benoît XVI, le 11 février 2013, reste pour beaucoup une énigme. Le livre interview publié le 14 septembre prochain, chez Fayard, intitulé Benoît XVI, dernières conversations, répond, en partie, au mystère de cet homme aujourd’hui âgé de 89 ans, qui révèle être désormais « aveugle de l’œil gauche ». Le pape émérite vit une discrète retraite monastique dans une maison des jardins du Vatican, derrière la basilique Saint-Pierre. C’est là qu’il a accordé une longue interview au journaliste allemand Peter Seewald avec qui il avait déjà réalisé deux livres d’entretiens, Le Sel de la terre en 1996 et Lumière du monde en 2010.

    Contrairement à ces deux ouvrages qui respectaient un ordre chronologique strict - le dernier s’arrêtait aux cinq premières années du pontificat - ce livre revient sur l’ensemble de sa vie. Les réponses sont moins approfondies, mais elles procurent une approche exceptionnelle, souvent intime, de la personnalité de Benoît XVI. Il se livre à une confession très digne et fort lucide. Beaucoup de choses sont déjà connues, mais le morceau de choix est évidemment la renonciation. Benoît XVI - élu à 78 ans en 2005, le pape François a 79 ans - en profite pour remettre les pendules à l’heure. Non, il n’a pas démissionné sous la pression de l’affaire Vatileaks, cette fuite issue de documents volés par son majordome sur son bureau. Au contraire, insiste-t-il, « ces affaires étaient entièrement réglées (…) j’ai pu me retirer parce que le calme était revenu sur ce plan. Il n’y a pas eu de reculade sous la pression ».

    Encore moins ce départ - il avait alors 85 ans - fut-il un abandon, une « descente de la croix » comme certains l’ont affirmé. « C’est un reproche auquel je devais m’attendre », reconnaît-il avec une lucidité et un sens de l’autocritique qui caractérise ce livre. Mais « c’est une autre manière de rester lié au Seigneur souffrant, dans le calme du silence, dans la grandeur du silence et dans la grandeur et l’intensité de la prière pour toute l’Église. Cette démarche n’est donc pas une fuite, mais une autre façon de rester fidèle à ma mission ».

    « J’agissais en toute liberté » 

    Le plus stupéfiant en définitive est « la certitude intérieure » qui a conduit à cette décision. Acquise et mûrie par un Joseph Ratzinger priant : « J’en avais discuté avec le Seigneur assez longtemps. » Il confie : « Je me sens si intimement lié au Seigneur (…) Il est toujours là. » Il pose le point final de cet acte historique : « J’agissais en toute liberté. »

    Sur son successeur, autre élément neuf du livre, le pape émérite est peu disert. Il rappelle que « le pape est le pape quel qu’il soit » et qu’il lui a promis obéissance. Aucun commentaire, donc, sur le fond des réformes engagées, en particulier sur la question des divorcés remariés ou sur la réforme de la curie romaine. Il récuse toutefois le terme de « rupture » ou « d’oppositions » entre les deux pontificats et admet celui « d’infléchissements ».

    Benoît XVI ne cache toutefois pas que « la surprise a été grande pour moi » de voir élire le cardinal Bergoglio : « Je n’avais pas pensé à lui », parce que « personne ne s’y attendait ». Il n’était « pas considéré comme un des candidats les plus probables. En entendant son nom, j’ai été un peu hésitant dans un premier temps », note Benoît XVI, mais cela n’a pas duré : « Quand je l’ai vu s’adresser d’une part à Dieu et d’autre part aux hommes, la joie m’a envahi. Et le bonheur. »

    Il défend son bilan  

    Benoît XVI ne connaissait pas la « cordialité » de François, ni « cette attention extrêmement personnelle » à chacun. Il savait seulement que « c’était un homme très décidé » et qui « n’hésitait pas à dire franchement » les choses. Il voit maintenant un « homme de la réforme pratique » mais aussi un « homme méditatif ». Il constate surtout « une nouvelle fraîcheur dans l’Église, une nouvelle joie, un nouveau charisme qui plaît aux gens. C’est bien ». Mais il y a peu de contacts entre les deux hommes. François « n’a généralement pas l’occasion » de prendre conseil. Benoît XVI se trouve « très content de ne pas avoir à s’impliquer ».

    Cette remarque en dit long sur la personnalité profonde de Benoît XVI, très bien rendue dans l’entretien, son émotion - il rit souvent et pleure parfois - et son humour sur lui-même. Il défend également son bilan sur tous les points sensibles, comme la lutte contre la pédophilie. Oui, c’est un « professeur », qui ne fut peut-être pas la « personne idéale » pour être pape, mais « ce n’est pas non plus inconcevable », puisque l’axe de son pontificat fut de « mettre en évidence la centralité de la foi en Dieu ».

    Celui qui a toutefois subi son élection comme un « fardeau » - il n’a pas de mots assez forts pour en dire le poids - n’aura jamais été un politique : « Je suis fondamentalement hostile aux conjurations et à ce genre de choses, surtout pour l’élection d’un pape (…) je n’ai pas fait de politique en aucune façon. » Au sujet des querelles intestines de l’Église, et parlant de lui, il note : « Les gens savent que ce type-là n’est pas dangereux. »