1. Petite incursion dans le vase clos des mandarins
Lu sur le « carnet de notes » de Colette Braeckman :
« Une nouvelle étape a été franchie dans le détricotage de l’accord passé voici deux ans entre Joseph Kabila, le président sortant et Félix Tshisekedi, leader de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social, un parti fondé par son père en 1982), accord qui avait mené à une situation inédite en RDC, une « passation du pouvoir pacifique et civilisée » : un « informateur », Modeste Bahati Lukwebo, a été nommé afin d’identifier un nouveau Premier Ministre d’ici un mois, ou d’occuper lui-même cette fonction. Originaire du Sud Kivu, le sénateur Bahati, à la tête d’un parti appartenant au « camp Kabila », avait fait défection lorsqu’il avait estimé que le maître d’alors ne l’avait pas suffisamment récompensé, entre autres en lui accordant la présidence du Sénat. Bahati est aujourd’hui chargé de pousser vers la sortie le premier ministre en fonction, Ilunga Ilunkamba, qui refuse de céder la place. L’informateur entre donc en fonctions alors qu’il n’y a pas vacance du pouvoir et que la majorité parlementaire fait encore l’objet de savants calculs au rythme des défections et ralliements escomptés.
En réalité, le président Félix Tshisekedi arrive au bout de sa stratégie de « reconquista », motivée par le fait qu’il estimait que son puissant allié ne lui laissait pas une marge de manœuvre suffisante. Le nouveau rassemblement créé sous son impulsion, l’Union sacrée, créé à l’issue d’un mois de consultations nationales, est en passe de détrôner le Front commun pour le Congo, la coalition que Kabila avait rassemblé à la veille des élections du 31 décembre 1998 et qui devait lui permettre, malgré sa retraite apparente, de garder les rênes du pouvoir et surtout, de préparer la prochaine échéance, les élections de 2023. D’une coalition à l’autre, en l’absence de toute réelle idéologie, le ciment de l’allégeance politique demeure le même et la nouvelle plate forme que l’on appelle déjà l’ « Union sucrée » s’est elle aussi constituée à coup de billets verts, le tarif proposé aux « transhumants » oscillant entre 7000 à 15.000 dollars par défection.
C’est une longue marche que celle entamée par Félix Tshisekedi au lendemain de ces élections chaotiques, financées par le seul Congo et dont le seul résultat certain avait été l’échec du dauphin de Kabila, Emmanuel Shadary. Joseph Kabila, qui ne pouvait se représenter, avait sauvé les meubles et sa coalition dominait largement l’Assemblée nationale et le Sénat. La Commission électorale n‘ayant jamais publié les chiffres définitifs, on ignorera toujours qui fut le véritable vainqueur du scrutin, même si les observateurs déployés par l’Eglise catholique et financés par les Occidentaux avaient désigné Martin Fayulu comme le probable gagnant, appréciation qui fut confirmée par des fuites au niveau de la CENI et par des journalistes indépendants.