Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Débats - Page 115

  • Pourquoi l'Occident a déjà perdu la guerre en Ukraine

    IMPRIMER

    De Romuald Sciora sur le site de l'IRIS :

    L’Occident a déjà perdu la guerre en Ukraine, mais ne l’a toujours pas compris

    Correspondances new-yorkaises

    17 janvier 2023

    Ainsi que je l’ai écrit au printemps dernier dans ces mêmes colonnes en appelant à une réaction forte, les Occidentaux auraient eu tout à gagner à réagir différemment après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

    La bonne stratégie aurait alors été d’accéder, malgré les risques, à la demande de Kiev de créer un pont aérien. Puis, tout en revendiquant une certaine neutralité, de pousser les deux parties à négocier. Les États-Unis et l’Union européenne auraient garanti à l’Ukraine une entrée quasi immédiate dans l’Otan et une adhésion à l’UE, offrant ainsi au pays de Volodymyr Zelensky toute la sécurité et la protection qu’il mérite, tout en concédant à Poutine la reconnaissance de la réunification de la Crimée à la Russie ainsi que de minces parcelles des territoires de l’Est – celles qui se revendiquent le plus pro-russe et dont la grande majorité des habitants a milité depuis des décennies pour rejoindre la « Matouchka Rossia ».

    Devant la fermeté occidentale et la menace sérieuse de représailles militaires au cas où le pont aérien ne serait pas respecté, Poutine aurait sans doute accepté de voir l’Ukraine lui échapper pour de bon. Le plan proposé lui permettant de s’en sortir vis-à-vis de l’opinion russe un minimum la tête haute en prétendant avoir libéré si ce n’est l’entièreté du peuple ukrainien, du moins les plus russophiles de celui-ci du danger nazi et préservé définitivement la Crimée de toute « velléité occidentale ».

    L’Ukraine, quant à elle, en paix après une décennie de guerre, aurait vu s’éloigner de manière quasi certaine le danger russe et pu ainsi s’épanouir tranquillement comme nation indépendante, démocratique et européenne – peut-être même se serait-elle enfin débarrassée à cette occasion d’une partie de sa classe politique, caractérisée par une corruption endémique -, au sein d’un monde occidental qui par sa cohésion et sa fermeté, aurait prouvé à tous qu’il était prêt à monter réellement au front lorsque ses valeurs et ses alliées se trouvaient en difficultés.

    Et à ceux qui viendraient dire au demi-ukrainien que je suis par ma mère, que suggérant quelques concessions à la Russie il fait preuve d’un esprit « munichois », je répondrais qu’ils ne connaissent rien à l’histoire. En 1938, Hitler représentait un danger immédiat pour la France et le reste de l’Europe. Ne pas l’avoir stoppé à l’époque a résulté à juin 40. À l’inverse, Poutine dont l’armée jusqu’à ce jour n’a pas été capable d’aller jusqu’à Kiev ne représente aucun réel danger à l’échelle européenne et encore moins mondiale. C’est plutôt de ne pas avoir suivi un scénario similaire à celui décrit plus haut et d’avoir laissé la guerre s’enliser qui est inconsidéré et qui me fait dire que l’Occident a en quelque sorte déjà perdu la bataille.

    En effet, à moins d’un improbable putsch au Kremlin ou de la mort de Vladimir Poutine, le plus plausible, vu qu’aucune des parties n’est prête à négocier, est que le conflit s’éternise. Alors que le rouble a pris 8% par rapport au dollar et 18%par rapport à l’euro depuis le début de la guerre, et que les sanctions économiques à l’encontre de Moscou sont loin de rencontrer le succès espéré, le coût de l’aide à l’Ukraine s’alourdit et les Occidentaux connaissent une crise énergétique sans pareil depuis la Seconde guerre mondiale. Il est donc à parier que l’administration américaine qui fait actuellement face à la tempête provoquée par la découverte de documents classifiés conservés illégalement par Biden ainsi qu’à une chambre des représentants plus qu’hostile, finisse à moyen terme, effrayée par la perspective d’un conflit plus ou moins gelé et sans fin, par enjoindre Zelensky de se rendre à la table des négociations. Si c’est le cas, on pourrait alors se demander à quoi bon tous ces morts et tout cet argent dépensé pour aboutir in fine à un résultat plus ou moins similaire à celui qui aurait été obtenu au tout début de la guerre si on avait su montrer les muscles… Une sortie de crise la queue entre les pattes pour l’Amérique et ses alliés.

    Un autre scénario, catastrophique celui-là, serait que sans main tendue par Kiev et les Occidentaux, la Russie se sentant acculée après de potentielles futures défaites, décide d’en finir en utilisant ses armes nucléaires tactiques. En opposition à de nombreux experts – en général ceux qui étaient certains que Poutine n’envahirait pas l’Ukraine -, je suis convaincu que l’autocrate russe pour qui capituler serait mortel pourrait en arriver là. Sans concession, Poutine ne lâchera jamais le morceau.

    Et si on en aboutissait à une telle extrémité, il ne resterait alors à l’Occident que deux possibilités : s’écraser lamentablement par peur d’un conflit nucléaire généralisé, ou bien y aller carrément. Dans les deux cas, on pourrait parler de défaite. Dans le premier cas, au sens littéral, dans le second, au sens figuré, la guerre étant toujours une défaite pour l’humanité.

    On pourrait encore sauver les meubles et prétendre à une demi-victoire si Zelensky acceptait dès maintenant, ainsi que je l’écrivais dans ma dernière correspondance, de négocier sur les quelques bases solides que lui offrent pour l’heure les récents succès de l’armée ukrainienne. Ce que l’homme au tee-shirt kaki a accompli jusqu’ici est déjà grand et les conditions de négociation seraient meilleures pour lui et son pays aujourd’hui que s’il y était forcé par les Américains dans quelques mois. Mais bon, je crains que le président ukrainien qui a su faire preuve de tant de courage face aux combats n’ait pas celui d’admettre que de toute façon la Crimée comme une bonne partie des territoires séparatistes de l’Est sont irrémédiablement perdus depuis déjà près de dix ans.

    ——————————–

    Essayiste et chercheur associé à l’IRIS, Romuald Sciora vit aux États-Unis. Auteur de plusieurs ouvrages sur les Nations unies, il a récemment publié avec Anne-Cécile Robert du Monde diplomatique « Qui veut la mort de l’ONU ? » (Eyrolles, nov. 2018). Ses deux derniers essais, «Pauvre John ! L’Amérique du Covid-19 vue par un insider » et «  Femme vaillante, Michaëlle Jean en Francophonie », sont respectivement parus chez Max Milo en 2020 et aux Éditions du CIDIHCA en 2021

  • La population diminue en Chine : une bonne nouvelle ?

    IMPRIMER

    De Riccardo Cascioli sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    DÉMOGRAPHIE ET SOCIÉTÉ
    Chine, la population diminue. Mais ce ne sont pas de bonnes nouvelles

    18-01-2023

    Pour la première fois en 60 ans, la Chine voit sa population diminuer de 850 000 personnes. Il s'agit là de l'effet à long terme des politiques strictes de contrôle des naissances, mais la crise démographique pourrait ouvrir la voie au désastre social et économique auquel le régime chinois s'efforce aujourd'hui de répondre. La crise chinoise est cependant le miroir de la crise des pays occidentaux, qui suivent les mêmes principes qui mènent à la ruine.

    Le fait que, pour la première fois en 60 ans, la population chinoise ait diminué de 850 000 personnes en 2022 par rapport à l'année précédente aura été salué comme une bonne nouvelle par beaucoup, compte tenu du "confinement" de la Chine, tant politique que démographique. En réalité, les chiffres publiés hier par le Bureau national des statistiques de Pékin ne sont que la partie émergée de l'iceberg d'un désastre démographique chinois qui a également de graves répercussions sur la sécurité mondiale. Après tout, même si le nombre de la population chinoise peut être effrayant (1,412 milliard de personnes), il n'en reste pas moins que la densité en Chine est de 137 habitants au kilomètre carré, bien en dessous de la densité en Italie, par exemple, qui est de 189 habitants au kilomètre carré.

    Les chiffres indiquent toutefois que les naissances sont passées pour la première fois sous la barre des 10 millions, tandis que le pourcentage de naissances pour mille habitants a atteint un nouveau record négatif à 6,77 (il était de 7,52 en 2021), un chiffre encore plus significatif si l'on considère qu'à la fin des années 1980, la Chine comptait encore 23 naissances pour mille habitants (aux États-Unis, il est aujourd'hui de 11,06 et au Royaume-Uni de 10,08).

    La situation démographique de la Chine, en fait, retrace ce qui s'est déjà produit en Occident (aujourd'hui, la Chine a le même taux de fécondité que l'Italie, soit 1,2 enfant par femme), mais cela s'est produit beaucoup plus rapidement en raison de la "politique de l'enfant unique" imposée de manière inflexible en 1979 et avec des niveaux de protection et d'assistance sociale beaucoup plus faibles que dans les pays développés. Ce qui signifie que les répercussions de la crise démographique se feront également sentir plus rapidement et avec plus d'impact, avec le risque de troubles sociaux difficilement contrôlables. Le "coup de semonce" du gouvernement chinois est arrivé bien trop tard : en 2016, le deuxième enfant a été autorisé et en 2021 le troisième, mais la réalité est qu'entre-temps, les jeunes en âge de se marier n'ont plus pour priorité la famille et les enfants. Par conséquent, bien que le dirigeant chinois Xi Jinping, lors du dernier congrès du parti communiste en octobre dernier, ait fait de l'augmentation du taux de natalité une priorité du gouvernement, il ne lui sera pas facile d'atteindre cet objectif. 

    Dans le même temps, la Chine connaît une crise dramatique des mariages, qui ont pratiquement diminué de moitié en dix ans : en 2013, ils étaient 13,5 millions, en 2021 ils sont tombés à 7,6 millions, et une nouvelle baisse de 10 à 15% est estimée pour 2022. Bien qu'il faille également tenir compte de l'impact des blocages de Covid pour les deux dernières années, la tendance est très claire : les jeunes Chinois se marient de moins en moins, et en tout cas beaucoup plus tard. L'impact de la crise du mariage sur le taux de natalité est énorme : en Chine, seulement 1 % des enfants naissent hors mariage ; à titre de comparaison, ce taux est de 40 % en Italie et de plus de 50 % dans les pays scandinaves.

    Lire la suite

  • Le bel optimisme du cardinal Hollerich

    IMPRIMER

    La praxis pastorale va-t-elle prendre le pas sur l'orthodoxie doctrinale ? C'est ce que l'on peut penser à la lecture des propos qui suivent.

    Une interview du cardinal Hollerich par Hugues Lefèvre est parue sur "El Debate" :

    Cardinal Hollerich : "Il ne s'agit pas de construire une sous-culture chrétienne, ou une Eglise fermée sur elle-même".

    Jean-Claude Hollerich est le rapporteur du Synode sur la Synodalité, il a passé 23 ans comme missionnaire au Japon et a maintenant, à la demande du Saint Père, la tâche de rassembler les différentes sensibilités au sein de l'Eglise afin que la communion de Dieu puisse émerger.

    16/01/2023

    Le cardinal Jean-Claude Hollerich est progressivement devenu une figure centrale du pontificat du pape François, qui l'a choisi pour assumer le rôle de rapporteur du synode sur la synodalité.

    L'homme, qui a passé 23 ans comme missionnaire au Japon, met également en garde contre le bouleversement anthropologique à venir : un tsunami auquel l'Église doit savoir s'adapter si elle ne veut pas disparaître.

    Êtes-vous satisfait du travail accompli jusqu'à présent par le Synode ?

    -Je suis tout à fait satisfait. Il s'agit d'un résumé honnête de ce que les gens ont dit et de ce que les conférences épiscopales ont déjà synthétisé. Il ne s'agit pas d'un document théologique qui positionne l'Église. Naturellement, nous trouvons des points communs, mais aussi des différences entre les pays et les continents.

    Vous avez dit que vous n'aviez aucune idée de l'instrument de travail qu'il faudrait rédiger. Les choses se précisent-elles pour vous ?

    -J'en sais un peu plus, mais il y a encore du chemin à parcourir. Cela dépendra également du travail des assemblées continentales. Mais nous pouvons déjà nous réjouir car il s'agit de la plus grande participation que nous ayons jamais eue dans l'Église. Il y a eu 112 conférences sur 114. C'est presque un miracle !

    Il y a des gens qui sont revenus à l'Église, des gens qui s'étaient éloignés, des gens qui ont retrouvé leur confiance dans l'Église.
    Cardinal Hollerich

    Êtes-vous surpris ?

    -Oui, les Eglises orientales ont également toutes répondu. C'est une bonne chose. Maintenant, nous devons écouter ce que les gens ont dit. Cela ne signifie pas nécessairement que nous devons tout exécuter. Nous devons écouter, réfléchir, prier, discerner.

    -En un an, l'Église catholique a-t-elle déjà changé à vos yeux ?

    -Je pense que oui. Il y a des gens qui sont revenus dans l'Église, des gens qui s'étaient éloignés, qui ont repris confiance. Et je tiens à souligner qu'il s'agit de personnes très diverses, des deux côtés, de la "gauche" et de la "droite".

    En Europe, l'exercice de la synodalité semble être quelque chose de nouveau, comment l'expliquez-vous ?

    -Rome fait partie de l'Europe. Lorsque le Saint-Siège ne veut pas que les évêques soient trop actifs, cela a des conséquences. Aujourd'hui, le Saint-Siège souhaite que les évêques soient plus actifs. D'autre part, en Europe, nous avons des conférences épiscopales nationales très fortes et nous pouvons sentir la fierté de chaque Église.

    Si nous marchons sans regarder le Christ, alors c'est un accident de train !
    Cardinal Hollerich

    Peut-on faire un parallèle avec l'Union européenne qui, sur certains points, n'a pas réussi à faire l'unité entre l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest ?

    -Nous avons les mêmes tensions, c'est vrai. Mais nous devons éviter de regarder les différences. Nous devons regarder ce que nous avons en commun : où le Christ nous appelle-t-il à être l'Église en Europe ?

    D'autre part, il faut noter que même au sein des Églises particulières, il existe des tensions. Nous devons éviter de parler des tensions comme d'une catastrophe. Nous devons même comprendre qu'ils peuvent être fructueux.

    Lire la suite

  • Retour sur la mort et les funérailles du cardinal Pell

    IMPRIMER

    De George Weigel sur First Things :

    LETTRES DE ROME : #5
    SUR LA MORT ET LE REQUIEM DU CARDINAL GEORGE PELL

    16 janvier 2023

    Pour l'amour de Dieu, asseyons-nous par terre
    Et racontons les tristes histoires de la mort des rois.
    [Richard II. 3.2]

    Le cardinal George Pell, décédé subitement d'un arrêt cardiaque après une opération réussie de remplacement de la hanche le 10 janvier, mépriserait l'idée qu'il était une sorte de roi, ou même un prince - bien qu'il ait été, en fait, un prince de l'Église et, dans le cœur de nombreux catholiques, le chef titulaire de l'orthodoxie catholique dynamique après la mort du pape émérite Benoît XVI. Cependant, George Pell était une figure tout aussi formidable du catholicisme contemporain que les rois dont Richard II a déploré la mort dans la langue incomparable de Shakespeare. Comment cela ? Laissez-moi en compter (quelques-unes).

    Pratiquement à lui seul, Pell a stoppé l'hémorragie doctrinale et disciplinaire du catholicisme australien qui aurait probablement conduit cette Église locale à devenir un simulacre moins bien financé du catholicisme apostat que l'on voit maintenant en Allemagne. 

    Il a été la force motrice derrière la révision (et la grande amélioration) des traductions anglaises des prières du rite romain, qui sont maintenant plus précises, plus élégantes et plus priantes, et plus fidèles aux originaux latins.

    Il a joué un rôle important dans l'élection du cardinal Joseph Ratzinger au poste de Benoît XVI, puis a fait venir ce pape (avec lequel il avait travaillé lorsque Ratzinger était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi) à Sydney pour les Journées mondiales de la jeunesse 2008 : un événement qui a eu un effet de percussion en Australie, un peu comme ce qui est arrivé au catholicisme aux États-Unis après les Journées mondiales de la jeunesse 1993 - c'est-à-dire qu'il a transformé la nouvelle évangélisation d'un slogan en une grande stratégie ecclésiale avec des effets pastoraux réels sur le terrain.

    Il a été l'adversaire le plus visible de la dictature du relativisme de l'amour dans la vie publique australienne, un opposant vigoureux de ce que Jean-Paul II a surnommé la "culture de la mort" et son adhésion à l'avortement et à l'euthanasie, un critique intelligent des "nouveaux athées" comme Richard Dawkins, et le fléau des prophètes du changement climatique catastrophique et anthropocentrique comme Bill McKibben.

    Il a joué un rôle central dans la contestation de la façon dont le personnel du Synode des évêques a essayé de truquer la réunion de 2014 de cet organisme - puis a essayé à nouveau lors du Synode de 2015. 

    Il a inspiré une génération de jeunes prêtres et évêques australiens à être les bons bergers qu'ils ont été ordonnés à être, en armant leurs troupeaux contre la toxicité de la culture moderne, et en en mettant tous les baptisés au défi d'être des agents de la construction d'une culture de la vie par la puissance de l'évangile.

    Il a vécu la vie de bon berger qu'il demandait aux autres de vivre, invitant une fois trente sans-abri à prendre le thé du matin dans sa résidence archiépiscopale et sortant dans la rue pour manger avec les sans-abri une fois par mois - et sans amener une équipe de tournage avec lui.

    Il disait la vérité au pouvoir médiatique et méprisait les calomnies brutales dont il faisait l'objet de la part de la plupart de la presse australienne, y compris l'Australian Broadcasting Corporation, financée par le gouvernement. Et les rares fois où il a eu l'occasion de présenter ses propres arguments, il a donné le meilleur de lui-même, avec force mais aussi avec une bonne humeur qui faisait singulièrement défaut à ses adversaires. 

    Lire la suite

  • Pékin met en scène la "sinisation" du catholicisme

    IMPRIMER

    D'AsiaNews :

    Pékin met en scène la "sinisation" du catholicisme

    Dans le palais archiépiscopal de la capitale - à l'occasion du 15e anniversaire de l'ordination épiscopale de Mgr Li Shan - 41 panneaux ont relu l'histoire du christianisme en Chine selon les directives de Xi Jinping. En donnant plus d'importance au patriotisme qu'à Matteo Ricci.

    Le mot clé sur lequel insistent les autorités de Pékin chaque fois qu'elles parlent du rôle des religions dans le pays est "sinisation". Le président Xi Jinping lui-même, dans le discours fleuve avec lequel il a célébré son troisième mandat lors du 20e congrès du Parti communiste chinois, a promis de poursuivre son engagement "en faveur de la sinisation de la religion, en guidant l'adaptation de la religion et de la société socialiste au contexte chinois". Mais que signifie concrètement la sinisation ?

    Un exemple emblématique de la manière dont les organismes officiels veulent que cette directive soit interprétée nous vient d'une exposition inaugurée il y a quelques jours au palais épiscopal de Pékin à l'occasion du 15e anniversaire de l'ordination épiscopale de Monseigneur Joseph Li Shan, l'archevêque de la capitale, nommé en 2007 avec l'assentiment du Saint-Siège avant même la signature de l'accord provisoire de 2018. Depuis quelques mois, Li Shan est également président de l'Association patriotique des catholiques chinois, l'organe "officiel" par lequel le gouvernement contrôle les activités de l'Église en Chine. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle ils ont voulu marquer cet anniversaire par un signe qui rappelle explicitement la directive sur laquelle Xi Jinping insiste.

    L'exposition est intitulée "Honorer le ciel et aimer le pays". L'histoire de la sinisation du catholicisme à Pékin", se compose de 41 panneaux avec plus de 600 images, et - rapporte une note officielle du diocèse - "a nécessité près de 16 mois de travail et a fait l'objet de cinq séries de discussions entre experts, avec de nombreuses ébauches et brouillons, pour ordonner systématiquement et résumer de manière exhaustive le processus historique de la sinisation du catholicisme à Pékin".

    Le panneau d'introduction explique que l'objectif de l'initiative est de "promouvoir davantage la sinisation du catholicisme, de mieux comprendre l'importante déclaration du secrétaire général Xi Jinping sur la religion, de promouvoir l'excellente culture chinoise, de renforcer la confiance culturelle et d'explorer les riches ressources culturelles catholiques de Pékin".

    Dès les images diffusées de l'exposition sur le compte WeChat du diocèse de Pékin, la centralité du thème du patriotisme apparaît clairement : dans la section sur les origines historiques de la sinisation, l'image du grand jésuite Matteo Ricci et quelques exemples des premières tentatives d'inculturation apparaissent en effet. Dans l'ensemble, cependant, une place beaucoup plus importante est accordée à l'histoire des corps patriotiques, avec l'image centrale de l'archevêque Fu Tieshan (1931-2007), figure clé à Pékin de l'affirmation de l'idée d'une Église "autonome" par rapport à Rome. 

  • Dans quelle direction le pontificat de François va-t-il aller à l'avenir ?

    IMPRIMER

    De Christopher R. Altieri sur le Catholic World Report :

    Vers où va évoluer le pontificat de François dorénavant ?

    Les partisans de tous bords du pape François ont leurs prédictions et pronostics, qui se répartissent grosso modo en deux grandes catégories.

    14 janvier 2023

    "Morto 'n papa se ne fa n'altro", disent les Romains - "Quand un pape meurt, on en fait un autre" - et comme toutes les maximes, proverbes et autres dictons de sagesse sociale, celle-ci est toujours vraie. Seulement, en quoi est-elle vraie cette fois-ci ?

    Le pape François est le premier, depuis plus de six siècles, à succéder à un ancien pape vivant. La question est donc de savoir comment le pontificat de François va changer, maintenant que son prédécesseur est disparu.

    Les partisans de tous bords du pape François ont leurs prédictions et leurs pronostics, qui se répartissent grosso modo en deux grandes catégories : ceux qui s'attendent à ce que François fasse tout ce qui est en son pouvoir, et ceux qui s'attendent à ce qu'il passe en mode fin de partie / consolidation de la succession. Il y a beaucoup de vœux pieux et beaucoup de craintes. Tout le monde a tort, mais cela ne veut pas dire que personne n'a raison.

    Le nouveau pape ... conforme à ce qu'il a été ?

    La récente réorganisation du vicariat de Rome par le pape François corrobore en partie cette thèse. En effet, le pape a réduit le gouvernement de son territoire d'origine à un gouvernement personnel. Tout comme la rupture avec son cardinal vicaire pour la ville dont elle a donné le signal, cette mesure de réforme était à la fois attendue depuis longtemps et conforme aux autres efforts de réforme du pape François. François a passé près d'une décennie à gouverner l'Église, principalement sans la curie.

    Le pape François a toujours préféré une approche "pratique" du gouvernement de l'Église, mais cela ne l'a pas toujours bien servi. Dans le cas de l'évêque Juan Barros au Chili et celui de Gustavo Zanchetta en Argentine, la gestion personnelle du pape François n'a pas exactement conduit à un semblant de justice rendue. Dans des cas comme ceux d'Anthony Apuron de Guam ou - plus récemment - de Marko I. Rupnik SJ, il est difficile de dire si les individus et les organes chargés en dernier ressort d'enquêter sur les affaires et de juger les hommes impliqués administraient la justice ou s'ils faisaient la volonté de leur maître.

    Bien sûr, il a de temps en temps plié tel ou tel département curial à sa volonté - sa création d'un superdicastère pour le "développement humain intégral" et sa décision de confier cet organisme à un confrère de confiance me viennent à l'esprit, tout comme l'utilisation qu'il a faite du service des cultes divins pour mettre en œuvre sa destruction législative de l'héritage liturgique de Benoît XVI.

    Les gouvernants qui réussissent ont tendance à déléguer de plus en plus, surtout lorsqu'ils commencent à percevoir qu'ils approchent de la fin. Le pape François fait le contraire. C'est peut-être parce qu'il n'a pas la fin de son règne en vue. Cela peut donner un indice de sa propre mesure de son succès dans la réforme.

    Un dirigeant qui a l'impression d'échouer aura tendance à faire de la gestion directe plutôt que de la délégation, mais cette tendance à la domination personnelle n'est pas nouvelle pour le pape François, et ne peut donc pas servir d'indice de ses propres sentiments sur la façon dont les choses se passent. Compte tenu du poids de la fonction papale, il est difficile de voir comment une participation plus active et plus directe au travail quotidien du gouvernement pourrait être saine, même pour un homme de dix ans plus jeune. Ce n'est certainement pas praticable, quoi que l'on pense de cet homme.

    Lire la suite

  • De l'enfant roi à l'enfant dieu

    IMPRIMER

    Extrait d'une interview de Diane Drory par Francis Van de Woestyne sur le site de la Libre

    (...)

    Un grand débat divise, les psys en France mais aussi en Belgique : la parentalité exclusivement positive. De quoi s’agit-il ?

    Ce concept suppose que l’on ne doit jamais dire “non” à l’enfant. Les parents de la parentalité exclusivement positive estiment qu’il faut toujours voir comment arriver à persuader l’enfant que ce qu’on lui demande est ce qu’il a envie de faire ! Tout cela dans le plus grand calme, et à force de multiples explications et justifications. Cela peut marcher avec certains enfants. Mais tous les enfants ne sont pas comme cela. Certains ont besoin de limites, de discipline. Il est sain et normal qu’un enfant désobéisse et se rebelle face à la limite. Pour se rencontrer, il faut savoir être dans l’opposition et le conflit. Si on n’est jamais dans le conflit, on est l’un à côté de l’autre, l’enfant n’a pas l’occasion de trouver qui il est, quels sont les éléments qui le constituent. Le conflit, la confrontation sont essentiels dans l’éducation.

    Les tenants de la parentalité exclusivement positive prônent surtout la bienveillance…

    Ce mot “bienveillance” commence à me fâcher… La bienveillance, c’est très bien, en soi, bien sûr. Mais de plus en plus, au nom de la bienveillance, on assiste à un abandon de la responsabilité parentale. Au nom de la bienveillance, on demande à l’enfant de s’auto-éduquer. Au nom de la bienveillance, on ne met plus de limites à l’enfant. Un exemple : je reçois des parents et un enfant qui ne voulait pas manger. Ou alors petit pois par petit pois. Une collègue, partisane de la parentalité exclusivement positive, avait conseillé que tout le monde reste à table autour de lui jusqu’à ce qu’il ait terminé son assiette. Les repas devenaient interminables et le petit ne mangeait évidemment pas mieux. Non, il faut revenir au bon sens : quand le repas est terminé, l’assiette part.

    Quelle est la responsabilité parentale ?

    Éduquer, transmettre ! Car au nom de cette bienveillance, certains parents n’osent plus se positionner en tant qu’adulte qui prend ses responsabilités. Un enfant a le droit d’être éduqué et les parents ont l’obligation de transmettre des règles. Quand on attend d’un enfant qu’il s’humanise de lui-même, qu’a-t-il comme repère ? Uniquement son ressenti et sa pulsion. S’il n’a pas tout de suite le verre d’eau qu’il veut, il pique une colère parce qu’on ne lui a pas appris qu’il fallait attendre. Un enfant qu’on laisse s’auto-éduquer, pardon pour le mot, mais il peut tomber dans la barbarie. Alors que le rôle des parents est l’humanisation, la transmission des valeurs.

    Les partisans de la parentalité exclusivement positive affirment que, dans le monde entier, dans toutes les cultures et religions, les enfants ont été ou sont encore humiliés verbalement et physiquement que cela nuit à leur développement intellectuel, cognitif…

    Mettre des limites, est-ce humilier ? Des parents se présentent à moi et expliquent qu’ils ont une patience infinie. Mais ils n’en peuvent plus. Je leur conseille de mettre un terme à leur patience ! Il ne faut pas avoir une patience infinie sinon les parents, à bout, vont dire des choses bien pires que d’imposer des limites. Dans ma consultation, j’entends des parents “bienveillants” dire des horreurs à leur enfant qui est là, à leurs côtés. Ils disent : “Vous ne vous rendez pas compte, il me pompe l’air. Depuis qu’il est arrivé, notre vie est un enfer, etc”. Cela, c’est humiliant.

    De plus en plus de parents souffrent de burn-out parental

    Avant ce concept n’existait quasiment pas. Depuis quelques années, je vois des parents qui n’en peuvent plus parce qu’on est passé de l’enfant roi à l’enfant dieu, devant lequel il faut s’incliner. Un enfant dont il faut satisfaire, dans l’instant, le désir parce que l’enfant saurait mieux que personne ce qui est bon pour lui. Non ! C’est dramatique. L’enfant sait s’il a faim ou pas. Mais il ne sait pas s’il est mieux de manger avec les mains ou les couverts. Il faut le lui apprendre.

    Qui sont les premières victimes de la parentalité exclusivement positive ?

    Ce sont les enfants eux-mêmes ! Ils se retrouvent sans limite, sans cadre et donc dans des états d’angoisse terrible. Ils ne dorment plus, ils font des crises à répétition. L’angoisse ne permet pas au cerveau neurologique de se construire correctement. Les deuxièmes victimes, ce sont les parents que je recueille épuisés.

    Que deviennent ces “enfants dieu” lorsqu’ils arrivent dans un cadre plus contraignant, à l’école ?

    Cela dépend jusqu’où ils sont dieu… Certains sont enfin rassurés à l’école parce que là, au moins, il y a des règles. Et les parents me disent : à la maison ils sont infernaux mais à l’école tout se passe bien. Ces enfants sont encore aptes à intégrer des règles et cela les apaise. D’autres sont ingérables à la maison ET à l’école. Et les professeurs sont à leur tour victimes, ils sont à bout car ils sont confrontés à des enfants qui ne savent pas se taire, qui mettent les pieds sur les bancs, qui refusent de faire des dictées “parce qu’ils n’ont pas envie”. Ces enfants deviennent soit ultra-narcissiques, soit violents avec les autres.

    L’enfant ne naît-il pas naturellement empathique ?

    Si, bien sûr. Il naît empathique et avec l’envie de tout comprendre et de tout découvrir. Il est ouvert au monde. Mais empathique ne veut pas dire que chaque enfant naît bon, généreux et qu’il a spontanément l’envie de faire passer l’autre avant lui. Il est aussi égoïste : il pense à lui, il voit le monde à travers son filtre. Il apprend en grandissant à se mettre à la place de l’autre. Un jeune enfant est autocentré. Il croit que quand il crie, sa mère doit tout de suite venir. Le danger est de considérer que le monde est à l’image du royaume familial… Il m’arrive de recevoir des parents qui habillent leurs enfants jusqu’à six ou sept ans parce qu’ils refusent de se vêtir seuls. (...)

  • Croire que l'homme a été créé par une "force spirituelle" : une contre-vérité scientifique ?

    IMPRIMER

    Plusieur chaînes télévisées se sont fait l'écho d'un sondage de l’IFOP et de la Fondation Jean Jaurès selon lequel la croyance en une force spirituelle créatrice des hommes serait une contre-vérité scientifique au même titre qu'affirmer que la terre est plate. Cet amalgame mérite des éclaircissements que nous trouvons dans les archives du site Aleteia.org :

    L’homme est-il le fruit de l’évolution ou a-t-il été créé par Dieu ?

    par Rémi Sentis - (publié le 04/12/21)

    Sur l’origine de l’homme, le discours scientifique et le discours de foi sont dans des registres différents. Ces approches ne doivent pas s’ignorer totalement. S’il y a continuité biologique entre l’homme et l’animal, il y a discontinuité ontologique.

    De même qu’elle hantait les Anciens depuis les Grecs et les Babyloniens, la question des origines de l’homme nous hantent constamment. Les mythes grecs s’y attardent et dans l’Écriture, ce sujet est central puisque c’est par là que commence la Bible. La plupart des Pères de l’Église ont commenté le début de la Genèse. Du côté des biologistes c’est l’objet de travaux depuis Lamarck et Darwin. Il est clair que l’approche biologique (avec la théorie de l’évolution) et l’approche théologique (avec la Création) de cette question se placent dans des registres différents. 

    Foi et raison

    Comme il s’agit cependant du même fait historique, il convient de s’assurer que ces approches ne sont pas en contradiction l’une avec l’autre.C’est l’une des exigences du chrétien que de conjuguer foi et raison et l’approche théologique ne peut rejeter d’un revers de main les acquis de la paléontologie et de la biologie. Ainsi convient-il de rappeler la déclaration de saint Jean Paul II en 1996 (Discours devant l’Académie pontificale des Sciences) : « Aujourd’hui, de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse. Il est en effet remarquable que cette théorie se soit progressivement imposée à l’esprit des chercheurs, à la suite d’une série de découvertes faites dans plusieurs disciplines du savoir. La convergence nullement recherchée et provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les uns des autres, constitue par elle-même un argument significatif en faveur de cette théorie. » Le Pape ajoutait ensuite qu’il convenait de manifester son opposition aux idéologies matérialistes qui pourraient être tirée de cette théorie. Du point de vue de la foi, il faut aussi prendre en compte les conséquences du fait que l’homme est créé pour être au sommet de toute la création : « Dieu a tout créé pour l’homme […]. L’homme, grande et admirable figure vivante, est plus précieux aux yeux de Dieu que la création toute entière » (Catéchisme de l’Église catholique, 358).

    La théorie de l’évolution

    La théorie classique de l’évolution repose sur le concept d’ascendance commune, la sélection naturelle et l’évolution par mutation, confirmées par les observations. Outre la reconnaissance d’une très grande variabilité des individus au sein d’une même espèce, à partir des observations venant de la biogéographie — des espèces proches mais distinctes se trouvant dans des milieux géographiques séparés les uns des autres — on conclut logiquement que ces espèces proviennent d’une ascendance commune. De plus, les zoologistes notent qu’il existe une surpopulation naturelle dans la plupart des espèces (un nombre de naissances très largement supérieur au nombre d’individus arrivant à l’âge adulte) et bien sûr une sélection naturelle : comme les individus subissent des mutations, il en apparaît de moins bien adaptés à l’environnement qui survivent plus mal, et d’autres mieux adaptés qui auront une descendance plus importante. Enfin, les espèces animales procèdent les unes des autres et la notion d’espèces, certes courante et commode, doit être utilisée avec prudence (car, s’il est simple d’affirmer que deux individus appartiennent à des espèces différentes, il est plus difficile de dire où est la limite exacte entre deux espèces voisines).

    Lire la suite

  • Pour George Weigel, le pape a tort et l'Eglise allemande va vers l'apostasie

    IMPRIMER

    De Paolo Mastrolilli sur le site de la Repubblica via Il Sismografo :

    (Entretien avec le théologien américain George Weigel, qui est aussi un biographe de Jean-Paul II)

    Weigel : "Le pape a tort et l'Eglise allemande va vers l'apostasie"

    Une apostasie, plutôt qu'un schisme, la répudiation de sa propre identité religieuse : c'est un mot grave choisi par le théologien américain George Weigel pour dénoncer le mal qui afflige la "partie mourante" de l'Église catholique.

    Le décès de Benoît XVI aura-t-il un impact sur l'avenir de l'Église ?

    Pas vraiment. Les lignes de fracture dans l'Église mondiale sont déjà claires : les parties vivantes de l'Église mondiale sont celles qui incarnent l'interprétation faisant autorité du Concile Vatican II donné par Jean-Paul II et Benoît XVI, et les parties mourantes sont celles qui s'obstinent en essayant de promouvoir un projet raté de l'Église catholique - une Église dans l'air du temps. Le meilleur exemple de cette dernière est l'Église d'Allemagne.

    Comment jugez-vous la Déclaration de Abu Dhabi de François, selon laquelle la pluralité et la diversité des religions sont "voulues par Dieu" ?

    Bien qu'il y ait moyen de parler de la volonté "permissive" de Dieu, ce qui permet à Abu Dhabi de s'intégrer dans une compréhension orthodoxe de Christianisme, l'effet global de la déclaration d'Abu Dhabi est, je le crains, de diminuer la ferveur évangélique de l'l'Église et de compromettre la claire vision de Dominus Iesus'.

    Dans un essai récent, vous vous êtes demandé "comment un catholicisme d'un nouveau modèle, que l'on peine à distinguer du progressisme séculaire, pourrait ré-évangéliser les parties post-chrétiennes du monde de l'Atlantique Nord". "

    Il ne le peut pas. Point final.

    Vous vous êtes demandé comment l'Église peut évangéliser si elle ne peut pas dire que ceci est la juste façon de vivre, tandis que cela ne l'est pas parce que certaines choses ne sont tout simplement pas bonnes ?"

    Non, elle ne le peut pas. L'Église doit toujours expliquer le "oui" qui se trouve derrière tout ce qu'elle refuse; ainsi, si nous ne pouvons pas affirmer que la débauche est toujours mauvaise - point final -, notre crédibilité est nulle et non avenue".

    Vous avez posé la question "comment l'Eglise peut-elle évangéliser, notamment dans le contexte de cultures et sociétés hostiles au christianisme, si elle ne semble pas être prête à défendre la sienne ?"

    Dire la vérité face au pouvoir met en valeur l'évangélisation, et ne l'entrave pas. Il est peu probable que le "dialogue" avec Néron ou Dioclétien aurait été très efficace pour évangéliser les monde romain, et il est peu probable que le "dialogue" avec Xi Jinping pourrait être efficace dans l'évangélisation de la Chine du 21e siècle".

    Dans un essai paru dans First Things, vous avez décrit le Motu Proprio du Pape François "Traditionis Custodes" comme "théologiquement incohérent", "pastoralement diviseur", "inutile et cruel". Pourquoi ?

    Inconsistant car il y a beaucoup des variantes légitimes du rite romain, parmi lesquelles l'ambrosienne, la dominicaine et le rite utilisé par les anciens anglicans maintenant en pleine communion avec Rome. Diviseur et pastoralement cruel parce que Summorum Pontificum faisait son travail. Inutile parce que les divisions que dénonce Traditionis Custodes sont bien moindres que celles entre l'orthodoxie catholique et ce qui est proposé en Allemagne par le Chemin Synodal.

    Dans une interview accordée à la "Repubblica", le président des évêques américains Broglio a déclaré que "la possibilité que le pape François se retire est plus grande maintenant que le Pape émérite n'est plus là".

    Je doute fortement que le pape François prenne sa retraite.

    Le cardinal Kasper a déclaré : "Je ne parle pas de schisme, il peut y avoir des schismes factuels, mais la situation ne doit pas être exagérée". Voyez-vous le risque d'un schisme dans l'Église catholique ?

    Le cardinal Kasper est plutôt préoccupé par l'orientation du chemin synodal allemand, et il a le droit de s'en inquiéter. Cependant, ce que je vois dans la voie synodale allemande, c'est l'apostasie, pas le "schisme".

  • "Etre une femme est une réalité biologique"

    IMPRIMER

    Lu sur gènéthique.org :

    « Nous sommes passées d’un féminisme universaliste à un féminisme orwellien »

    12 janvier 2023

    Les féministes Marguerite Stern et Dora Moutot lancent Femelliste, un mouvement « dont la ligne repose sur le constat suivant : “Nous sommes passées d’un féminisme universaliste à un féminisme orwellien soumis à l’idéologie transgenre où les femmes ne semblent plus être le sujet central du féminisme” ». Son objectif est de « réaffirmer qu’”être une femme est une réalité biologique” ».

    Le manifeste du mouvement a été signé par la pédopsychiatre Caroline Eliacheff co-auteur de La fabrique de l’enfant-transgenre, le journaliste Brice Couturier, le philosophe Vincent Cespedes, ou encore Claude Habib, professeur émérite en littérature et auteur de La question trans, Le débat.

    Le retour des stéréotypes

    « En nous revendiquant “femellistes”, nous prônons un féminisme différent de celui aujourd’hui hégémonique qui postule qu’être une femme serait un ressenti et non une réalité biologique », explique Marguerite Stern. « Dans un premier temps, j’étais réticente à l’idée d’abandonner à d’autres la notion de féminisme car le combat que nous menons est aussi une guerre des mots, indique-t-elle. Mais notre société en est arrivée à un stade tel qu’aujourd’hui, les universitaires, les médias, les personnalités politiques et même les institutions ne savent plus définir ce qu’est une femme. »

    « Dans notre manifeste, nous expliquons que la femme est un être de nature et de culture, avec des traits de personnalité propres à chacune, explique Marguerite Stern. Simplement, le corps est la seule chose qui permet de définir ce qu’est une femme. » Or, « rappeler cette réalité est aujourd’hui un problème ». « Ça n’est pas notre condition biologique qu’il faut combattre, mais les stéréotypes qui y ont été accolés », estime-t-elle. Car « les militants trans ont signé le retour en grâce de ces stéréotypes, en postulant qu’il suffirait de porter des talons et mettre du vernis pour être une femme ». « Nous vivons une époque où le ressenti compte plus que la réalité », abonde Dora Moutot.

    La « religion » transgenre

    Pour Marguerite Stern, « le transgenrisme est un cheval de Troie masculiniste s’apparentant à une religion ». « A ce titre, et en accord avec les principes édictés par la loi 1905, nous combattons sa pénétration dans les institutions républicaines et dans l’espace public. Que les militants trans vivent leur foi, mais qu’ils ne nous imposent pas de nous désigner comme des “personnes à vulve”! », s’insurge-t-elle.

    « L’idéologie trans est une religion qui s’est emparée de la dysphorie de genre, qui est une réalité médicale, précise Dora Moutot. La nuance est importante. Des associations sont venues se saisir de cette pathologie psychiatrique pour asseoir la croyance selon laquelle on pourrait naître dans le mauvais corps. » Et « cette idéologie a gagné du terrain dans d’autres pays tels la Suède, la Finlande, le Canada, ou le Royaume-Uni ! », alerte-t-elle. Par exemple, « les financements de plus en plus d’ONG défendant les droits des femmes sont corrélés à leur politique “trans inclusive”. Au Canada, un centre d’accueil pour les femmes a failli fermer car il a perdu ses financements après avoir refusé d’accueillir un homme en jupe… », dénonce la féministe.

    « Nous assistons à l’émergence du transhumanisme, dont le transactivisme est l’une des émanations, analyse Marguerite Stern. Le progrès technique, s’il est à la base de nos civilisations, n’est pas toujours éthique. Et nos sociétés semblent l’avoir oublié. »

    Source : L’Express, Alix L’hospital (09/01/2023)

  • La liberté religieuse des catholiques en Chine est en danger

    IMPRIMER

    De Franca Giansoldati sur Il Messaggero via Il Sismografo :

    Les États-Unis mettent en garde le Vatican : "La liberté religieuse des catholiques en Chine est en danger".

    "Je ne crois pas que le pape François soit aveugle à ce qui se passe en Chine, je pense plutôt qu'il n'est pas pleinement informé". Nury Turkel, avocat américain d'origine ouïgoure et actuel président de la Commission américaine pour la liberté religieuse, ne cache pas sa "déception" face à l'ouverture de crédit que le Vatican continue d'accorder à Pékin malgré les nouvelles décourageantes provenant de nombreuses zones intérieures, où les catholiques qui refusent de souscrire aux règles édictées par l'Association patriotique (l'Église contrôlée par le Parti communiste) ont de gros problèmes avec la loi. Menaces, contrôles étouffants, pressions et, dans certains cas, restriction de leur liberté, pouvant aller jusqu'à la prison. Ce n'est pas la persécution musclée des camps de détention des Ouïghours, la minorité musulmane de Chine, mais la situation concernant le manque de liberté religieuse qui est également jugée alarmante par plusieurs cardinaux, missionnaires et évêques.

    Ce matin, M. Turkel a eu un long entretien au Vatican avec le ministre des affaires étrangères du pape François, Monseigneur Paul Gallagher, pour discuter des effets négatifs de l'accord diplomatique signé avec le gouvernement de Pékin il y a quatre ans, dans le but de normaliser les nominations d'évêques. Ce qui s'est partiellement produit, même si le gouvernement de Pékin, suggère Turkel, tente ainsi de "siniser la religion" de manière rampante, en orientant le choix vers des évêques presque aplatis par le parti communiste. "Le problème de cet accord reste son caractère secret. Le gouvernement de Pékin ne veut pas que cela se sache". La ligne de conduite du gouvernement chinois consiste à exercer une pression constante sur les chefs religieux, afin de guider la diffusion de la doctrine communiste par le biais de nominations. "Dommage que la religion soit autre chose et qu'elle se base sur la Parole, la Bible, les livres saints et non sur les directives du parti".

    Lors de la longue conversation au Vatican avec Monseigneur Gallagher, la grande question de Taïwan n'a pas été abordée. Pour le Saint-Siège, il s'agit d'un nœud diplomatique qui traîne en longueur depuis des années : l'île considérée comme rebelle par Pékin entretient des relations diplomatiques complètes avec le Saint-Siège depuis 1949, lorsque l'arrivée au pouvoir de Mao Tsé Toung a entraîné l'expulsion du nonce apostolique de l'époque, M. Riberi, qui a dû se réfugier à Formose. Les Chinois font depuis longtemps pression sur le Vatican pour qu'il révise les accords diplomatiques avec Taïwan, en déplaçant la nonciature de Taipei à Pékin, mais cette hypothèse ne semble pas se profiler à l'horizon pour le moment. "Nous n'avons pas parlé de ce sujet, le temps a manqué. Nous nous sommes uniquement concentrés sur les questions liées à la "liberté religieuse".

    Nury a ensuite raconté son histoire à un groupe de journalistes invités à l'ambassade des États-Unis. Il est lui-même né dans un camp de rééducation pendant la révolution culturelle chinoise : sa mère a été emprisonnée alors qu'elle était enceinte, tandis que son père était détenu dans un autre camp de travail agricole. "J'ai perdu mon père en avril de cette année et je n'ai même pas pu le pleurer".

    M. Nury a également qualifié d'"homme de paix et de courage" le cardinal émérite de Honk Kong, Zen Ze Kiung, qui a récemment été condamné par un tribunal pour avoir aidé des manifestants lors de manifestations contre l'introduction d'une législation sur la sécurité dans l'ancien protectorat britannique. Le cas de Zen pour moi reste emblématique. Selon lui, il n'y a toutefois aucun signe indiquant que le Vatican souhaite annuler l'accord avec la Chine.

  • " Synode sur la synodalité " : un " cauchemar toxique " d'après le regretté cardinal Pell

    IMPRIMER

    Du cardinal George Pell sur The Spectator (traduction automatique) :

    L'Église catholique doit se libérer de ce "cauchemar toxique".

    11 janvier 2023

    Peu avant sa mort mardi, le cardinal George Pell a écrit l'article suivant pour The Spectator, dans lequel il dénonce les plans du Vatican pour son prochain " Synode sur la synodalité " comme un " cauchemar toxique ". La brochure produite par le synode, qui se tiendra en deux sessions cette année et l'année prochaine, est "l'un des documents les plus incohérents jamais envoyés par Rome", déclare Pell. Non seulement il est "couché dans un jargon néo-marxiste", mais il est "hostile à la tradition apostolique" et ignore des principes chrétiens fondamentaux tels que la croyance dans le jugement divin, le paradis et l'enfer.

    Le cardinal d'origine australienne, qui a enduré la terrible épreuve de l'emprisonnement dans son pays d'origine sur la base de fausses accusations d'abus sexuels avant d'être acquitté, n'a pas manqué de courage. Il ne savait pas qu'il était sur le point de mourir lorsqu'il a écrit cet article ; il était prêt à affronter la fureur du pape François et des organisateurs lors de sa publication. En l'état actuel des choses, sa mort soudaine pourrait donner une force supplémentaire à ses propos lorsque le synode se réunira en octobre prochain. 

    Damian Thompson

    Le Synode catholique des évêques est actuellement occupé à construire ce qu'il considère comme le "rêve de Dieu" de la synodalité. Malheureusement, ce rêve divin s'est transformé en un cauchemar toxique malgré les bonnes intentions professées par les évêques.

    Ils ont produit une brochure de 45 pages qui présente leur compte-rendu des discussions de la première étape "d'écoute et de discernement", tenues dans de nombreuses régions du monde, et c'est l'un des documents les plus incohérents jamais envoyés par Rome.

    Alors que nous rendons grâce à Dieu pour l'augmentation du nombre de catholiques dans le monde, notamment en Afrique et en Asie, le tableau est radicalement différent en Amérique latine, avec des pertes pour les protestants et les laïcs.

    Sans aucun sens de l'ironie, le document s'intitule "Elargissez l'espace de votre tente", et son but est d'accueillir, non pas les nouveaux baptisés - ceux qui ont répondu à l'appel à se repentir et à croire - mais toute personne suffisamment intéressée pour écouter. Les participants sont invités à être accueillants et radicalement inclusifs : "Personne n'est exclu".

    Que faut-il penser de ce pot-pourri, de ce déferlement de bonne volonté du Nouvel Âge ?

    Le document n'exhorte même pas les participants catholiques à faire de toutes les nations des disciples (Matthieu 28:16-20), et encore moins à prêcher le Sauveur à temps et à contretemps (2 Timothée 4:2).

    La première tâche de chacun, et en particulier des enseignants, est d'écouter dans l'Esprit. Selon cette récente mise à jour de la bonne nouvelle, la "synodalité" en tant que manière d'être de l'Église ne doit pas être définie, mais simplement vécue. Elle s'articule autour de cinq tensions créatives, partant de l'inclusion radicale pour aller vers la mission dans un style participatif, en pratiquant la "coresponsabilité avec les autres croyants et les personnes de bonne volonté". Les difficultés sont reconnues, comme la guerre, le génocide et le fossé entre le clergé et les laïcs, mais toutes peuvent être soutenues, disent les évêques, par une spiritualité vivante.

    Lire la suite