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Politique - Page 8

  • Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il avec la visite du pape à Marseille ?

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    Visite du pape à Marseille : quels enjeux géopolitiques ?

    Interview
    25 septembre 2023

    Le Pape François vient de réaliser une visite de deux jours à Marseille, les 22 et 23 septembre, dédiée au sort des migrants. Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il avec cette visite ? La prise de position du Pape s’inscrit-elle dans la tradition de la diplomatie humanitaire du Vatican ? Dans quelle mesure le Vatican est-il un acteur majeur des relations internationale ? Le point de vue de François Mabille, chercheur associé à l’IRIS, directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux.

    Les Rencontres méditerranéennes auxquelles a participé le Pape François ont été l’occasion d’aborder quatre problématiques : économie et social, environnement, migrations et tensions géopolitico-religieuses. Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il en y ayant fait participer le Pape qui n’était pas venu en France depuis 10 ans ? Quels étaient les enjeux de ces rencontres ?

    Le pape a une stratégie pastorale précise, qui a des implications politiques et géopolitiques. D’une certaine manière, il dit « ma carte n’est pas ‘votre’ territoire ! », autrement dit, je substitue ma perception du monde à vos attentes et à votre carte. Notre carte, c’est celle de l’hexagone ; la sienne, c’est celle de la Méditerranée, symbole selon lui des enjeux de la mondialisation, avec son défi : le dialogue entre les cultures, et ses problèmes économiques et sociaux qui provoquent des replis identitaires. Dès lors, il vient à Marseille qui, par son histoire et sa situation géographique, reflète bien les enjeux du pourtour méditerranéen. Ce faisant, le pape évite des thèmes qui lui auraient été imposés par une visite en France, tant de la part de l’Église catholique en France que par les autorités publiques. On aurait alors évoqué la « fille aînée de l’Église », la laïcité, la crise morale du catholicisme français, etc. Et le pontife romain impose au contraire sa parole souveraine sur les migrants, la défense des plus vulnérables, et celle de la vie sous toutes ses formes, en choisissant de surcroît, à Marseille même, des lieux particuliers. C’est une leçon de géopolitique qui est donnée !

    Alors que l’Europe est divisée sur la question de la crise migratoire, le pape François a consacré une partie de sa visite au sort des migrants et a plus globalement placé la question migratoire au cœur de son pontificat. Avec quels effets ? Cette prise de position s’inscrit-elle dans la tradition de la diplomatie humanitaire du Vatican ?

    Contrairement à ce que l’extrême droite voudrait accréditer, cette thématique est ancienne, tant au niveau du Saint-Siège que de l’Église catholique en France. En 1954, par exemple, trois organisations catholiques, le mouvement Pax Christi, l’Action catholique et le Secours catholique avaient lancé une campagne nationale intitulée « mon frère l’Étranger », qui portait spécifiquement sur les migrants et leur accueil au sein de la société française. Le cas du Secours catholique mérite qu’on s’y attarde, car son responsable était à l’époque Mr Rodhain, son fondateur, qui fut maréchaliste et vichyssois pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui ne l’empêcha pas ultérieurement de travailler pour les migrants, allant même jusqu’à nommer l’une de ses cités d’accueil la cité Myriam par respect des convictions religieuses des personnes accueillies, majoritairement musulmanes. Ce pour rappeler l’une des matrices de l’extrême droite identitaire qui se dit catholique par ailleurs. En 1961, la création du comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) s’inscrit dans un travail des catholiques français qui lient accueil et aide au développement. On retrouverait dans de nombreux autres pays ce type de mobilisation catholique, qui fait de l’Église catholique un acteur important, au niveau international, travaillant sur les migrations. Le pape inscrit son action dans ce sillage, mais il est vrai que sa parole dérange davantage pour plusieurs raisons. D’une part, il projette son regard sur l’Europe – il est latino-américain-, et oblige ainsi les Européens à se décentrer. D’une certaine manière, son regard est celui d’un catholique décolonial, avec également ses propres biais intellectuels. Sa division entre pays opulents et pays pauvres ne rend pas suffisamment compte de la complexité de nos sociétés ; de même, la carte qu’il impose, juste à propos de la Méditerranée, l’est moins quand il s’adresse à l’Europe soumise à des migrations qui proviennent également d’autres régions du monde. Cela étant, pour comprendre l’approche de l’Église catholique, on ne peut s’en tenir à la seule approche pontificale et il faut y associer celle de la Secrétaire d’État et également des Églises locales, réunies à Marseille pour les Rencontres méditerranéennes pour faire droit à une pratique et une pensée catholique plurielle et plus complexe.

    Plus globalement, peut-on dire que le Vatican est devenu un acteur majeur des relations internationales ?

    Le Vatican est indéniablement un acteur des relations internationales, et ce de longue date, mais dont l’importance dépend du type de sujet, de configuration politique et historique. Le pape réussit une médiation entre Cuba et les États-Unis, car le conflit est devenu mineur en période d’après guerre froide et que les acteurs eux-mêmes cherchent une sortie de crise honorable. La parole du pape n’est pas entendue, et même contestée lorsqu’il s’adresse aux Russes et aux Ukrainiens. Concernant les migrants, le porte-parole de l’Office des migrations internationales déclarait il y a quelques mois que la parole du pape à Lampedusa avait été la bienvenue, mais qu’elle n’avait eu aucun effet sur les politiques publiques puisque depuis la dénonciation pontificale, plus de 30.000 personnes ont trouvé la mort en Méditerranée… Voilà qui aide à relativiser l’impact de la mobilisation du pape.

  • Tous les chemins mènent à Rome : deux évêques chinois "officiels" participeront au Synode catholique

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    De Massimo Introvigne sur Bitter Winter :

    Tous les chemins mènent à Rome : Deux évêques chinois "officiels" participeront au Synode catholique

    25/09/2023

    C'est par un chemin tortueux que les évêques Yang Yongqiang, de Zhouchun, et Yao Shun, de Jining, ont été inclus dans la (deuxième) liste des membres du Synode.

    À partir du 4 octobre, l'Église catholique célébrera ce que beaucoup considèrent comme le plus important Synode des évêques de son histoire, au cours duquel des prélats du monde entier discuteront de la nature synodale de l'Église et des relations entre les Églises locales et le Vatican.

    Alors que deux délégués chinois avaient participé au précédent synode en 2018, aucun évêque de Chine continentale ne figurait sur la liste des participants publiée début juillet. Cependant, quelques jours avant l'ouverture du Synode, une deuxième liste a été publiée. Cette fois, elle inclut les évêques Yang Yongqiang de Zhouchun, Shandong, et Yao Shun de Jining, Mongolie intérieure.

    Tous deux sont des évêques "patriotiques" loyaux. Yao était le directeur spirituel du séminaire national de l'Église catholique patriotique contrôlée par le gouvernement lorsque celle-ci était clairement séparée du Vatican, dans les années 1990, et était alors largement considéré comme le membre clé de la commission liturgique de l'Église patriotique. En 2019, il est devenu le premier évêque ordonné après l'accord conclu entre le Vatican et la Chine en 2018. Au moment de la signature de cet accord, Mgr Yang était vice-président de l'Association catholique patriotique chinoise depuis 2016, après avoir occupé des postes de direction au sein de l'Église patriotique au niveau provincial.

    Par ailleurs, il faut reconnaître que le choix de Yang et Yao, émanant probablement du PCC, qui autorise de tels voyages, est quelque peu conciliant à l'égard du Vatican. Leurs nominations épiscopales avaient été parmi celles approuvées secrètement par Rome sous le pape Benoît XVI, en 2010. Bien qu'il ne s'agisse en aucun cas d'un dissident, M. Yao s'est vu refuser l'autorisation de visiter la Mongolie indépendante depuis la Mongolie intérieure chinoise lors du récent voyage du pape en République mongole.

    Pourquoi les évêques de Chine continentale ont-ils été inclus dans la deuxième liste des participants au synode en septembre, mais pas dans la première en juillet ? La réponse est que le PCC, en violation de l'accord conclu entre le Vatican et la Chine en 2018, avait installé Mgr Shen Bin, jusqu'alors évêque de Haimen, comme nouvel évêque de Shanghai sans l'approbation de Rome. Le Vatican avait protesté, ce qui a probablement conduit le PCC à refuser l'autorisation à tout évêque chinois de se rendre à Rome pour le synode. Ce n'est qu'après que le pape François a accepté la nomination de Shen Bin à Shanghai que le PCC a changé d'avis et a autorisé la participation de deux évêques au synode, en choisissant deux évêques qui ne devraient pas faire sourciller Rome - ou moins que d'autres.

    Comme d'habitude, c'est le jeu de la carotte et du bâton. Ceux qui apprécient la carotte devraient considérer que le bâton n'est jamais loin.

  • Le patriarche des Chaldéens dénonce le silence de Rome face à la situation de l'Eglise en Irak

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    D'Asia News via Riposte catholique :

    Irak : le patriarche Sako dénonce le silence du Pape et du Vatican

  • Syrie et Liban : des chrétiens désespérés

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    D'Amy Balog sur zenit.org :

    L’avenir des chrétiens désespérés du Liban et de Syrie

    L’exode massif menace l’avenir du christianisme

     

    Les chrétiens DÉSESPÉRÉS de Syrie et du Liban « n’ont plus confiance en leur pays » et « il n’y a pas de lumière au bout du tunnel », selon un patriarche catholique.

    Les chrétiens du Moyen-Orient choisissent de quitter leur pays malgré les encouragements de l’Église à rester, a déclaré le patriarche grec-melkite catholique Youssef Absi à l’association caritative catholique Aide à l’Église en Détresse (AED).

    Entre 2016 et 2021, la population chrétienne de Syrie a diminué de 6,31% à 3,84%, selon le rapport 2023 de l’AED sur la liberté religieuse dans le monde.

    Le patriarche Absi a déclaré qu’il est de plus en plus difficile de donner de l’espoir aux chrétiens en Syrie et au Liban, où vivent la plupart de ses fidèles, et où les jeunes sont particulièrement susceptibles de partir.

    Il explique : « Il y a toujours eu des vagues d’émigration. Aujourd’hui, c’est un mélange de raisons économiques, sociales et politiques. Les six dernières années depuis que le Patriarche est au pouvoir ont été une période difficile avec la guerre civile en Syrie, la pandémie et les difficultés économiques extrêmes en Syrie et au Liban. Tout cela nous a empêchés de réaliser nos projets plus rapidement ».

    Le patriarche a ajouté que les fidèles « sont désespérés » et « n’ont plus confiance en leur pays. C’est pourquoi ils partent ».

    « Nous avons fait beaucoup au début pour les retenir dans le pays, mais la situation ne s’est pas améliorée. Nous faisons toujours tout notre possible pour aider nos fidèles, pour leur fournir les services essentiels. Mais nous ne pouvons pas remplacer les gouvernements. Il n’y a pas de lumière au bout du tunnel, nous ne voyons pas de solution à court terme. Sans soutien, nous ne pouvons plus les convaincre de rester. »

    Le patriarche a déclaré que la situation en Syrie pourrait être améliorée si l’Occident levait les sanctions qui ont un impact négatif sur la population civile.

    Il a fait écho à l’appel lancé par d’autres dirigeants chrétiens du Moyen-Orient en juillet, expliquant : « Je pense que nos amis peuvent faire pression d’une manière ou d’une autre sur leurs gouvernements, et parfois même sur les chefs religieux, pour aider dans cette direction ou pour garantir que les sanctions soient levées ». Il a ajouté : « Nous avons remarqué que l’ACN a doublé, et parfois triplé, son aide au cours de la dernière décennie. Les résultats sont clairement visibles et nous vous remercions du fond du cœur. On voit que vous voulez vraiment être présent en Syrie et au Liban, d’une manière particulière. Ce n’est pas seulement une aide financière ou économique, c’est l’esprit avec lequel ils [l’AED] travaillent, la générosité, l’amour, le sourire. »

    Il a conclu : « Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir envoyé des frères et sœurs d’une telle envergure, qui sont des chrétiens engagés ».

  • La vie de toute personne à naître sera protégée au Chili

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    Une synthèse de presse de gènéthique.org :

    Chili : protéger « la vie de toute personne à naitre »

    24 septembre 2023
     

    Au Chili, le Conseil constitutionnel a adopté, mercredi 20 septembre, un article qui « protège la vie de toute personne à naître », ainsi qu’un autre consacrant la liberté de conscience.

    Chargée de rédiger une nouvelle loi fondamentale, l’assemblée plénière du Conseil constitutionnel discutait ce jour-là les articles et les amendements relatifs au chapitre II concernant les « libertés et droits fondamentaux, garanties et devoirs constitutionnels ».

    Le Conseil constitutionnel a approuvé à une large majorité l’article 16.1 du chapitre protégeant la vie de ceux qui ne sont pas encore nés, et interdisant la peine de mort. Parmi les 50 constituants, 33 ont voté pour.  L’amendement qui affirmait que « chaque être humain est une personne » a en revanche été rejeté le vendredi précédent.

    Si la future Constitution est approuvée, elle pourrait remettre en cause l’IVG. Depuis 2017, elle est autorisée en cas de risque vital pour la femme, de malformation du fœtus et de viol (cf. Le Chili dépénalise l’avortement dans certains cas). La fourniture de la pilule du lendemain pourrait elle aussi être remise en cause.

    Alors que la gauche dénonce un « retour en arrière » vers « une constitution moralisatrice et autoritaire », le constituant républicain Luis Silva considère sur X, anciennement Twitter, que « c’est un grand pas en avant pour le droit à la vie ».

    Renforcement de l’objection de conscience

    Au cours de l’après-midi, le Conseil a en outre consacré l’objection de conscience « individuelle et institutionnelle » (cf. Au Chili, l’objection de conscience à l’avortement est étendue aux institutions) en lui donnant un statut constitutionnel. L’article a été approuvé par 31 voix pour et 19 contre.

    L’actuelle Constitution a été adoptée pendant la dictature d’Augusto Pinochet, même si elle a connu des remaniements depuis. En 2021, une Convention constitutionnelle avait élaboré un premier projet qui prévoyait d’instituer un « droit à l’avortement ». Lors du référendum du 4 septembre 2022, il a été rejeté, 62% des Chiliens étant contre (cf. Chili : Vers l’inscription de l’avortement dans la Constitution ?).

    Le projet actuel sera déposé le 7 octobre. La nouvelle Constitution devra ensuite être soumise à référendum le 17 décembre. Le dernier sondage, publié dimanche dernier, pronostique 57 % de « non ».

     

    Sources : Courrier international (22/09/2023) ; la Tercera, Helen Mora et Nicolas Quinones (20/09/2023)

  • « On ne joue pas avec la vie » (pape François)

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    Du site de Famille Chrétienne :

    Euthanasie : « On ne joue pas avec la vie », assure le pape au sujet du projet de loi français

    23/09/2023

    Après sa visite à Marseille, dans l'avion qui le ramenait à Rome dans la soirée du samedi 23 septembre, le pape François a exprimé son opposition au futur projet de loi sur la fin de vie en France, mais aussi une nouvelle fois sa condamnation de l'avortement. « On ne joue pas avec la vie », a martelé le pape à de nombreuses reprises en répondant aux questions des journalistes qui l'accompagnaient.

    A la question de savoir s'il avait, lors de son entretien à Marseille avec le président français le matin même, évoqué le projet de loi en préparation sur la fin de vie - et retardé en raison de son voyage -, le pape a assuré ne pas avoir abordé la question avec Emmanuel Macron. Mais il a aussitôt expliqué avoir déjà « clairement » fait part de son avis au chef de l'Etat français lors de leur dernière rencontre au Vatican, en octobre 2022.

    « On efface la vie des grands-parents, ils sont vieux, ils ne servent à rien ! »

    « Quand il est venu au Vatican, a ainsi précisé le pape, je lui ai dit mon avis, clairement : avec la vie on ne joue pas, ni au début, ni à la fin, on ne joue pas ! » Mon avis, a-t-il insisté, « c'est qu'il faut protéger la vie ». Il a encore fustigé la soi-disante « euthanasie humaniste », « la mort douce » ou « la sélection avant la naissance », avant d'attirer l'attention sur « les colonisations idéologiques qui vont à l'encontre de la vie humaine ».

    Et le pape d'ajouter : « Je ne dis pas que c'est une question de foi, mais c'est une question humaine, il s'agit d'une mauvaise compassion ». « On efface la vie des grands-parents, ils sont vieux, ils ne servent à rien ! », a encore déploré le pape. « On ne joue pas avec la vie ! », a répété le pape, que ce soit à propos de la loi qui ne laisse pas grandir l'enfant dans le ventre de la mère, ou la loi sur l'euthanasie pour les maladies ou la vieillesse”.

    « Il y a une conscience du phénomène migratoire »

    Lors de cette brève rencontre avec les journalistes, le pape François a aussi été interrogé sur « l'échec » perceptible de ses innombrables appels sur le sort des migrants. « Je ne crois pas [que cela soit un échec, ndlr], cela a grandi lentement », a rétorqué le pape, « aujourd'hui il y a une conscience du phénomène migratoire ». Le pape François a par ailleurs reconnu pouvoir ressentir des frustrations dans l’action diplomatique du Saint-Siège face au conflit russo-ukrainien, mais a une nouvelle fois soutenu le travail de la secrétairerie d’État. « Il y a quelque chose avec les enfants qui avance bien », a-t-il annoncé, sans rentrer dans les détails, à propos des enfants ukrainiens qui se trouvent actuellement en Russie et que le Saint-Siège tente de rapatrier dans leurs familles.

  • Pour que la Méditerranée redevienne un laboratoire de paix

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    VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS à MARSEILLE pour la conclusions des Rencontres Méditerranéennes
    [22 - 23 SEPTEMBRE 2023]

    SESSION CONCLUSIVE DES RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES

    DISCOURS DU SAINT-PÈRE

    Palais du Pharo, Marseille
    Samedi 23 septembre 2023

    source

    ________________________________________

    Monsieur le Président de la République,

    chers frères Évêques,
    Mesdames et Messieurs les Maires et Autorités représentant les villes et territoires bordés par la Méditerranée,
    Vous tous chers amis !

    Je vous salue cordialement et vous suis, à chacun, reconnaissant d'avoir accepté l'invitation du cardinal Aveline à participer à ces rencontres. Je vous remercie pour votre travail et pour les réflexions précieuses que vous avez partagées. Après Bari et Florence, le chemin au service des peuples méditerranéens se poursuit : les responsables ecclésiastiques et civils sont encore ici réunis, non pas pour traiter d’intérêts mutuels, mais animés par le désir de s’occuper de l'homme ; merci de le faire avec les jeunes qui sont le présent et l'avenir de l'Église comme de la société.

    La ville de Marseille est très ancienne. Fondée par des navigateurs grecs venus d'Asie Mineure, le mythe la fait remonter à une histoire d'amour entre un marin émigré et une princesse locale. Elle présente dès ses origines un caractère composite et cosmopolite : elle accueille les richesses de la mer et donne une patrie à ceux qui n'en ont plus. Marseille nous dit que, malgré les difficultés, la convivialité est possible et qu’elle est source de joie. Sur la carte, entre Nice et Montpellier, elle semble presque dessiner un sourire ; et j'aime à la considérer ainsi : Marseille est "le sourire de la Méditerranée". Je voudrais donc vous proposer quelques réflexions autour de trois réalités qui caractérisent Marseille : la mer, le port et le phare. Ce sont trois symboles.

    1. La mer. Une marée de peuples a fait de cette ville une mosaïque d'espérance, avec sa grande tradition multiethnique et multiculturelle, représentée par plus de 60 consulats présents sur son territoire. Marseille est une ville à la fois plurielle et singulière, car c'est sa pluralité, fruit de sa rencontre avec le monde, qui rend son histoire singulière. On entend souvent dire aujourd'hui que l'histoire de la Méditerranée est un entrelacement de conflits entre différentes civilisations, religions et visions. Nous n’ignorons pas les problèmes – il y en a - mais ne nous y trompons pas : les échanges entre peuples ont fait de la Méditerranée un berceau de civilisations, une mer qui regorge de trésors, au point que, comme l'écrivait un grand historien français, elle n'est pas « un paysage, mais d'innombrables paysages. Ce n'est pas une mer, mais une succession de mers » ; « depuis des millénaires, tout s'y est engouffré, compliquant et enrichissant son histoire » (F. Braudel, La Méditerranée, Paris 1985, p. 16). La mare nostrum est un espace de rencontres : entre les religions abrahamiques, entre les pensées grecque, latine et arabe, entre la science, la philosophie et le droit, et entre bien d'autres réalités. Elle a diffusé dans le monde la haute valeur de l'être humain, doté de liberté, ouvert à la vérité et en mal de salut, qui voit le monde comme une merveille à découvrir et un jardin à habiter, sous le signe d'un Dieu qui fait alliance avec les hommes.

    Un grand Maire voyait dans la Méditerranée non pas une question conflictuelle, mais une réponse de paix, mieux encore, « le commencement et le fondement de la paix entre toutes les nations du monde » (G. La Pira, Paroles en conclusion du premier Colloque Méditerranéen, 6 octobre 1958). Il disait en effet : « La réponse [...] est possible si l'on considère la vocation historique commune et pour ainsi dire permanente que la Providence a assignée dans le passé, assigne dans le présent et, en un certain sens, assignera dans l'avenir aux peuples et aux nations qui vivent sur les rives de ce mystérieux lac de Tibériade élargi qu'est la Méditerranée » (Discours d'ouverture du 1er Colloque méditerranéen, 3 octobre 1958). Lac de Tibériade, ou Mer de Galilée : un lieu, c’est-à-dire, où se concentrait à l'époque du Christ une grande variété de peuples, de cultes et de traditions. C'est là, dans la « Galilée des nations » (cf. Mt 4, 15), traversée par la Route de la Mer, que se déroula la plus grande partie de la vie publique de Jésus. Un contexte multiforme et, à bien des égards, instable, fut le lieu de la proclamation universelle des Béatitudes, au nom d'un Dieu Père de tous, qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). C'était aussi une invitation à élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles. Voici donc la réponse qui vient de la Méditerranée : cette mer pérenne de Galilée invite à opposer la « convivialité des différences » à la division des conflits (T. Bello, Benedette inquietudini, Milano 2001, p. 73). La mare nostrum, au carrefour du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, concentre les défis du monde entier comme en témoignent ses "cinq rives" sur lesquelles vous avez réfléchi : l'Afrique du Nord, le Proche-Orient, la mer Noire-Égée, les Balkans et l'Europe latine. Elle est à l’avant-poste de défis qui concernent tout le monde : nous pensons au défi climatique, la Méditerranée représentant un hotspot où les changements se font sentir plus rapidement. Comme il est important de sauvegarder le maquis méditerranéen, écrin unique de biodiversité ! Bref, cette mer, environnement qui offre une approche unique de la complexité, est un "miroir du monde", et elle porte en elle une vocation mondiale à la fraternité, vocation unique et unique voie pour prévenir et surmonter les conflits.

    Frères et sœurs, sur la mer actuelle des conflits, nous sommes ici pour valoriser la contribution de la Méditerranée, afin qu'elle redevienne un laboratoire de paix. Car telle est sa vocation : être un lieu où des pays et des réalités différentes se rencontrent sur la base de l'humanité que nous partageons tous, et non d'idéologies qui opposent. Oui, la Méditerranée exprime une pensée qui n'est pas uniforme ni idéologique, mais polyédrique et adhérente à la réalité ; une pensée vitale, ouverte et conciliante : une pensée communautaire, c'est le mot. Comme nous avons besoin de cela dans les circonstances actuelles où des nationalismes archaïques et belliqueux veulent faire disparaître le rêve de la communauté des nations ! Mais - rappelons-le - avec les armes on fait la guerre, pas la paix, et avec l'avidité du pouvoir on retourne toujours au passé, on ne construit pas l'avenir.

    Par où commencer alors pour enraciner la paix ? Sur les rives de la Mer de Galilée, Jésus commença par donner de l’espérance aux pauvres, en les proclamant bienheureux : il écouta leurs besoins, il soigna leurs blessures, il leur annonça avant tout la bonne nouvelle du Royaume. C'est de là qu’il faut repartir, du cri souvent silencieux des derniers, et non des premiers de la classe qui élèvent la voix même s'ils sont bien lotis. Repartons, Église et communauté civile, de l'écoute des pauvres qui sont à « s'embrasser, et non pas à compter » (P. Mazzolari, La parola ai poveri, Bologne 2016, p. 39), car ils sont des visages et non des numéros. Le changement de rythme de nos communautés consiste à les traiter comme des frères dont nous devons connaître l'histoire, et non comme des problèmes gênants, en les expulsant, en les renvoyant chez eux ; il consiste à les accueillir, et non les cacher ; à les intégrer, et non s’en débarrasser ; à leur donner de la dignité. Et Marseille, je veux le répéter, est la capitale de l'intégration des peuples. C'est votre fierté ! Aujourd'hui, la mer de la coexistence humaine est polluée par la précarité qui blesse même la splendide Marseille. Et là où il y a précarité il y a criminalité : là où il y a pauvreté matérielle, éducative, professionnelle, culturelle, religieuse, le terrain des mafias et des trafics illicites est déblayé. L'engagement des seules institutions ne suffit pas, il faut un sursaut de conscience pour dire "non" à l'illégalité et "oui" à la solidarité, ce qui n'est pas une goutte d'eau dans la mer, mais l'élément indispensable pour en purifier les eaux.

    En effet, le véritable mal social n'est pas tant l'augmentation des problèmes que le déclin de la prise en charge. Qui aujourd'hui est proche des jeunes livrés à eux-mêmes, proies faciles de la délinquance et de la prostitution ? Qui les prend en charge ? Qui est proche des personnes asservies par un travail qui devrait les rendre plus libres ? Qui s'occupe des familles effrayées, qui ont peur de l'avenir et de mettre au monde de nouvelles créatures ? Qui écoute les gémissements des personnes âgées isolées qui, au lieu d'être valorisées, sont parquées dans la perspective faussement digne d'une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ? Qui pense aux enfants à naître, rejetés au nom d'un faux droit au progrès, qui est au contraire une régression de l'individu ? Aujourd'hui, nous avons le drame de confondre les enfants avec les petits chiens. Mon secrétaire me disait qu'en passant par la place Saint-Pierre, il avait vu des femmes qui portaient des enfants dans des poussettes... mais ce n'étaient pas des enfants, c'étaient des petits chiens ! Cette confusion nous dit quelque chose de mauvais. Qui regarde avec compassion au-delà de ses frontières pour entendre les cris de douleur qui montent d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? Combien de personnes vivent plongées dans les violences et souffrent de situations d'injustice et de persécution ! Et je pense à tant de chrétiens, souvent contraints de quitter leur terre ou d'y vivre sans que leurs droits soient reconnus, sans qu'ils jouissent d’une citoyenneté à part entière. S'il vous plaît, engageons-nous pour que ceux qui font partie de la société puissent en devenir les citoyens de plein droit. Et puis il y a un cri de douleur qui résonne plus que tout autre, et qui transforme la mare nostrum en mare mortuum, la Méditerranée, berceau de la civilisation en tombeau de la dignité. C'est le cri étouffé des frères et sœurs migrants, auxquels je voudrais consacrer mon attention en réfléchissant sur la deuxième image que nous offre Marseille, celle de son port.

    2. Le port de Marseille est depuis des siècles une porte grand-ouverte sur la mer, sur la France et sur l'Europe. C'est d'ici que beaucoup sont partis chercher du travail et un avenir à l'étranger, c'est d'ici que beaucoup ont franchi la porte du continent avec des bagages chargés d'espérance. Marseille a un grand port et elle est une grande porte qui ne peut être fermée. Plusieurs ports méditerranéens, en revanche, se sont fermés. Et deux mots ont résonné, alimentant la peur des gens : "invasion" et "urgence". Et on ferme les ports. Mais ceux qui risquent leur vie en mer n'envahissent pas, ils cherchent hospitalité, ils cherchent la vie. Quant à l'urgence, le phénomène migratoire n'est pas tant une urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps, un processus qui concerne trois continents autour de la Méditerranée et qui doit être géré avec une sage prévoyance, avec une responsabilité européenne capable de faire face aux difficultés objectives. Je regarde, ici, sur cette carte, les ports privilégiés pour les migrants : Chypre, la Grèce, Malte, l'Italie et l'Espagne... Ils font face à la Méditerranée et accueillent les migrants. La mare nostrum crie justice, avec ses rivages où, d’un côté, règnent l'opulence, le consumérisme et le gaspillage et, de l’autre, la pauvreté et la précarité. Là encore, la Méditerranée est un reflet du monde : le Sud qui se tourne vers le Nord, avec beaucoup de pays en développement, en proie à l'instabilité, aux régimes, aux guerres et à la désertification, qui regardent les plus aisés, dans un monde globalisé où nous sommes tous connectés mais où les fossés n'ont jamais été aussi profonds. Pourtant, cette situation n'est pas nouvelle de ces dernières années, et ce n'est pas ce Pape venu de l'autre bout du monde à avoir le premier à l'alerté, avec urgence et préoccupation. Cela fait plus de cinquante ans que l'Église en parle de manière pressante.

    Le concile Vatican II venait de se conclure lorsque saint Paul VI, dans l’encyclique Populorum progressio, écrivait : « Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui de façon dramatique les peuples de l'opulence. L’Église tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère » (n. 3). Le Pape Montini énuméra "trois devoirs" des nations les plus développées, « enracinés dans la fraternité humaine et surnaturelle » : « devoir de solidarité, c’est à dire l’aide que les nations riches doivent apporter aux pays en voie de développement ; devoir de justice sociale, c’est-à-dire le redressement des relations commerciales défectueuses entre peuples forts et peuples faibles ; devoir de charité universelle, c’est-à-dire la promotion d’un monde plus humain pour tous, où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres » (n. 44). À la lumière de l’Évangile et de ces considérations, Paul VI, en 1967, soulignait le « devoir de l’accueil », sur lequel il écrivait : « nous ne saurions trop insister » (n. 67). Pie XII avait encouragé à cela quinze années auparavant en écrivant que : « La famille de Nazareth en exile, Jésus, Marie et Joseph émigrés en Egypte […] sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les personnes qui leurs sont chères, […] et se rendre en terre étrangère » (Const. ap. Exsul Familia de spirituali emigrantium cura, 1er août 1952).

    Certes, les difficultés d’accueil sont sous les yeux de tous. Les migrants doivent être accueillis, protégés ou accompagnés, promus et intégrés. Dans le cas contraire, le migrant se retrouve dans l'orbite de la société. Accueillis, accompagnés, promus et intégrés : tel est le style. Il est vrai qu'il n'est pas facile d'avoir ce style ou d'intégrer des personnes non attendues. Cependant le critère principal ne peut être le maintien de leur bien-être, mais la sauvegarde de la dignité humaine. Ceux qui se réfugient chez nous ne doivent pas être considérés comme un fardeau à porter : si nous les considérons comme des frères, ils nous apparaîtront surtout comme des dons. La Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié sera célébrée demain. Laissons-nous toucher par l’histoire de tant de nos frères et sœurs en difficulté qui ont le droit tant d’émigrer que de ne pas émigrer, et ne nous enfermons pas dans l’indifférence. L’histoire nous interpelle à un sursaut de conscience pour prévenir le naufrage de civilisation. L’avenir, en effet, ne sera pas dans la fermeture qui est un retour au passé, une inversion de marche sur le chemin de l’histoire. Contre le terrible fléau de l’exploitation des êtres humains, la solution n’est pas de rejeter, mais d’assurer, selon les possibilités de chacun, un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable de la part du continent européen, dans le cadre d’une collaboration avec les pays d’origine. Dire "assez" c’est au contraire fermer les yeux ; tenter maintenant de "se sauver" se transformera demain en tragédie. Alors que les générations futures nous remercieront pour avoir su créer les conditions d’une intégration indispensable, elles nous accuseront pour n’avoir favorisé que des assimilations stériles. L’intégration, même des migrants, est difficile, mais clairvoyante : elle prépare l’avenir qui, qu’on le veuille ou non, se fera ensemble ou ne sera pas ; l’assimilation, qui ne tient pas compte des différences et reste rigide dans ses paradigmes, fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation, provoquant hostilité et intolérance. Nous avons besoin de fraternité comme de pain. Le mot même "frère", dans sa dérivation indo-européenne, révèle une racine liée à la nutrition et à la subsistance. Nous ne nous soutiendrons qu’en nourrissant d’espérance les plus faibles, en les accueillant comme des frères. « N’oubliez pas l’hospitalité » (He 13, 2), nous dit l’Écriture. Et dans l'Ancien Testament, il est répété : la veuve, l'orphelin et l'étranger. Les trois devoirs de charité : assister la veuve, assister l'orphelin et assister l'étranger, le migrant.

    À cet égard, le port de Marseille est aussi une "porte de la foi". Selon la tradition, les saints Marthe, Marie et Lazare ont débarqué ici, et ont semé l’Évangile sur ces terres. La foi vient de la mer, comme l’évoque la suggestive tradition marseillaise de la chandeleur avec la procession maritime. Lazare, dans l’Évangile, est l’ami de Jésus, mais c’est aussi le nom du protagoniste d’une parabole très actuelle qui ouvre les yeux sur l’inégalité qui ronge la fraternité et nous parle de la prédilection du Seigneur pour les pauvres. Eh bien, nous chrétiens qui croyons au Dieu fait homme, à l’homme unique et inimitable qui, sur les rives de la Méditerranée, s’est dit chemin, vérité et vie (cf. Jn 14, 6), nous ne pouvons pas accepter que les voies de la rencontre soient fermées. Ne fermons pas les voies de la rencontre, s'il vous plaît ! Nous ne pouvons accepter que la vérité du dieu argent l’emporte sur la dignité de l’homme, que la vie se transforme en mort ! L’Église, en confessant que Dieu, en Jésus Christ, « s’est en quelque sorte uni à tout homme » (Gaudium et spes, n. 22), croit, avec saint Jean-Paul II, que son chemin est l’homme (cf. Lett. enc. Redemptor hominis, n. 14). Elle adore Dieu et sert les plus fragiles qui sont ses trésors. Adorer Dieu et servir le prochain, voilà ce qui compte : non pas la pertinence sociale ou l’importance numérique, mais la fidélité au Seigneur et à l’homme !

    Voilà le témoignage chrétien et, bien souvent, il est héroïque. Je pense par exemple à saint Charles de Foucauld, le "frère universel", aux martyrs de l’Algérie, mais aussi à tant d’artisans de la charité d’aujourd’hui. Dans ce style de vie scandaleusement évangélique, l’Église retrouve le port sûr auquel accoster et d’où repartir pour tisser des liens avec les personnes de tous les peuples, en recherchant partout les traces de l’Esprit et en offrant ce qu’elle a reçu par grâce. Voilà la réalité la plus pure de l’Église, voilà - écrivait Bernanos - « l’Église des saints », ajoutant que « tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de magnificence et de majesté n’est rien de lui-même, si la charité ne l’anime » (Jeanne d’Arc relapse et sainte, Paris 1994, p. 74). J’aime exalter cette perspicacité française, génie croyant et créatif qui a affirmé ces vérités à travers une multitude de gestes et d’écrits. Saint Césaire d’Arles disait : « Si tu as la charité, tu as Dieu ; et si tu as Dieu, que ne possèdes-tu pas ? » (Sermo 22, 2). Pascal reconnaissait que « l’unique objet de l’Écriture est la charité » (Pensées, n. 301) et que « la vérité hors de la charitén’est pas Dieu ; elle est son image, et une idole qu’il ne faut point aimerni adorer » (Pensées, n. 767). Et saint Jean Cassien, qui est mort ici, écrivait que « tout, même ce qu’on estime utile et nécessaire, vaut moins que ce bien qu’est la paix et la charité » (Conférences spirituelles XVI, 6).

    Il est bon, par conséquent, que les chrétiens ne viennent pas en deuxième position en matière de charité ; et que l’Évangile de la charité soit la magna charta de la pastorale. Nous ne sommes pas appelés à regretter les temps passés ou à redéfinir une importance ecclésiale, nous sommes appelés au témoignage : non pas broder l’Évangile de paroles, mais lui donner de la chair ; non pas mesurer la visibilité, mais nous dépenser dans la gratuité, croyant que « la mesure de Jésus est l’amour sans mesure » (Homélie, 23 février 2020). Saint Paul, l’Apôtre des nations qui passa une bonne partie de sa vie à traverser la Méditerranée d’un port à l’autre, enseignait que pour accomplir la loi du Christ, il faut porter mutuellement le poids des uns des autres (cf. Ga 6, 2). Chers frères évêques, ne chargeons pas les personnes de fardeaux, mais soulageons leurs efforts au nom de l’Évangile de la miséricorde, pour distribuer avec joie le soulagement de Jésus à une humanité fatiguée et blessée. Que l’Église ne soit pas un ensemble de prescriptions, que l’Église soit un port d’espérance pour les personnes découragées. Élargissez vos cœurs, s'il vous plaît ! Que l'Église soit un port de ravitaillement, où les personnes se sentent encouragées à prendre le large dans la vie avec la force incomparable de la joie du Christ. Que l'Église ne soit pas une douane. Souvenons-nous du Seigneur : tous, tous, tous sont invités.

    3. Et j’en viens brièvement ainsi à la dernière image, celle du phare. Il illumine la mer et fait voir le port. Quelles traces lumineuses peuvent orienter le cap des Églises dans la Méditerranée ? En pensant à la mer qui unit tant de communautés croyantes différentes, je pense que l’on peut réfléchir sur des parcours plus synergiques, en évaluant peut-être aussi l’opportunité d’une Conférence ecclésiale de la Méditerranée, comme l’a dit le Cardinal [Aveline], qui permettrait de nouvelles possibilités d’échanges et qui donnerait une plus grande représentativité ecclésiale à la région. En pensant au port et au thème migratoire, il pourrait être profitable de travailler à une pastorale spécifique encore plus reliée, afin que les diocèses les plus exposés puissent assurer une meilleure assistance spirituelle et humaine aux sœurs et aux frères qui arrivent dans le besoin.

    Le phare, dans ce prestigieux palais qui porte son nom, me fait enfin penser surtout aux jeunes : ce sont eux la lumière qui indique la route de l’avenir. Marseille est une grande ville universitaire qui abrite quatre campus : sur les quelque 35000 étudiants qui les fréquentent, 5000 sont étrangers. Par où commencer à tisser des liens entre les cultures, sinon par l’université ? Là, les jeunes ne sont pas fascinés par les séductions du pouvoir, mais par le rêve de construire l’avenir. Que les universités méditerranéennes soient des laboratoires de rêves et des chantiers d’avenir, où les jeunes grandissent en se rencontrant, en se connaissant et en découvrant des cultures et des contextes à la fois proches et différents. On abat ainsi les préjugés, on guérit les blessures et on conjure des rhétoriques fondamentalistes. Faites attention à la prédication de tant de fondamentalismes qui sont à la mode aujourd'hui ! Des jeunes bien formés et orientés à fraterniser pourront ouvrir des portes inespérées de dialogue. Si nous voulons qu’ils se consacrent à l’Évangile et au haut service de la politique, il faut avant tout que nous soyons crédibles : oublieux de nous-mêmes, libérés de l’autoréférentialité, prêts à nous dépenser sans cesse pour les autres. Mais le défi prioritaire de l’éducation concerne tous les âges de la formation : dès l’enfance, "en se mélangeant" avec les autres, on peut surmonter beaucoup de barrières et de préjugés en développant sa propre identité dans le contexte d’un enrichissement mutuel. L’Église peut bien y contribuer en mettant au service ses réseaux de formation et en animant une "créativité de la fraternité".

    Frères et sœurs, le défi est aussi celui d’une théologie méditerranéenne - la théologie doit être enracinée dans la vie ; une théologie de laboratoire ne fonctionne pas - qui développe une pensée qui adhère au réel, "maison" de l’humain et pas seulement des données techniques, en mesure d’unir les générations en reliant mémoire et avenir, et de promouvoir avec originalité le chemin œcuménique entre chrétiens et le dialogue entre croyants de religions différentes. Il est beau de s’aventurer dans une recherche philosophique et théologique qui, en puisant aux sources culturelles méditerranéennes, redonne espérance à l’homme, mystère de liberté en mal de Dieu et de l’autre, pour donner un sens à son existence. Et il est également nécessaire de réfléchir sur le mystère de Dieu, que personne ne peut prétendre posséder ou maîtriser, et qui doit même être soustrait à tout usage violent et instrumental, conscients que la confession de sa grandeur présuppose en nous l’humilité des chercheurs.

    Chers frères et sœurs, je suis heureux d’être ici à Marseille ! Un jour, Monsieur le Président m'a invité à visiter la France et m'a dit : "Mais il est important que vous veniez à Marseille !". Et je l’ai fait. Je vous remercie de votre écoute patiente et de votre engagement. Allez de l’avant, courageux ! Soyez une mer de bien, pour faire face aux pauvretés d’aujourd’hui avec une synergie solidaire ; soyez un port accueillant, pour embrasser ceux qui cherchent un avenir meilleur ; soyez un phare de paix, pour anéantir, à travers la culture de la rencontre, les abîmes ténébreux de la violence et de la guerre. Merci beaucoup !

  • De Pie XII à François: les paroles des souverains pontifes face à l'urgence migratoire

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    D'Andrea Tornielli sur Vatican News :

    François, fils de migrants et le long magistère de l'accueil

    De Pie XII à François: les paroles des Souverains pontifes face à l'urgence migratoire.

    23 septembre 2023

    Dans le vaste discours prononcé à Marseille en conclusion des Rencontres méditerranéennes, le Pape François, lui-même enfant de migrants, a rappelé que le phénomène migratoire n'est pas une nouveauté de ces dernières années et qu'il n'est pas non plus le premier pontife à s'en préoccuper. Cela fait au moins 70 ans que l'Église a ressenti l'urgence croissante de cette situation.

    En 1952 et, sept ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe connaît encore le drame des personnes déplacées. Pie XII, dans la Constitution apostolique Exsul Familia, écrivait que «La famille de Nazareth en exil, Jésus, Marie et Joseph émigrés en Egypte […] sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les personnes qui leurs sont chères, […] et se rendre en terre étrangère».

    Les guerres, les persécutions ou la nécessité d'améliorer sa condition, sont les motivations des migrations, auxquelles s'ajoutent aujourd'hui, de manière de plus en plus évidente, les problèmes liés au changement climatique. En 1967, avec l’encyclique Populorum Progressio, Paul VI rappelait que les peuples de la faim défient dramatiquement les peuples de l'opulence, en énumérant trois devoirs pour les nations les plus développées: le devoir de solidarité, le devoir de justice sociale et le devoir de charité universelle. Le Pape Montini a rappelait aussi le «devoir de l'accueil», sur lequel, écrivait-il, «nous n'insisterons jamais assez».

    Pour le deuxième rendez-vous de cette première journée dans la cité phocéenne, vendredi 22 septembre, après une prière mariale à la basilique Notre-Dame de la Garde, à 18 heures, ...

    Outre les deux exemples cités par François, de nombreux autres pourraient être mentionnés. Par exemple, les paroles de Jean-Paul II qui, dans son message pour la Journée mondiale de l'émigration en 1996, écrivait: «La première façon d'aider ces personnes est de les écouter pour connaître leur situation et leur assurer, quelle que soit leur position juridique devant l'État, les moyens de subsistance nécessaires». Il ajoutait: «Il faut être vigilant face à l'émergence de formes de néo-racisme ou de comportements xénophobes, qui tentent de faire de ces frères des boucs émissaires pour toute situation locale difficile».

    Benoît XVI, dans son message de 2012, relevait: «Aujourd’hui, en effet, nous voyons que de nombreuses migrations sont la conséquence d’une précarité économique, d’un manque de biens essentiels, de catastrophes naturelles, de guerres et de désordres sociaux. A la place d’une pérégrination animée par la confiance, par la foi et par l’espérance, migrer devient alors un "calvaire" pour survivre, où des hommes et des femmes apparaissent davantage comme des victimes que comme des acteurs et des responsables de leur aventure migratoire».

    Bien sûr, même à Marseille, comme il l'a répété à plusieurs reprises au cours de ses dix années de pontificat, François a évoqué les difficultés d'accueil, de protection, de promotion et d'intégration des personnes non désirées. Il a rappelé la responsabilité commune de toute l'Europe et la nécessité de garantir «un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable» du continent européen. Mais il a également rappelé que le critère principal doit toujours être la protection de la dignité humaine et non la préservation de son propre bien-être. Car, comme l'expérience de la récente pandémie devrait l’avoir enseigné, on ne se sauve qu'ensemble, jamais seul.

    Lire également : Migrants : que veut vraiment le pape François ?

  • Haut-Karabakh : les Arméniens abandonnés de tous ou presque...

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    De Philippe Oswald sur La Sélection du Jour :

    Les Arméniens du Haut-Karabakh abandonnés de tous ou presque...

    L'Artsakh ou Haut-Karabakh, région arménienne et chrétienne depuis deux millénaires, vient d'être reconquise par l'Azerbaïdjan, musulman et turcophone (le « turc azéri » ou « azerbaïdjanais » étant très proche du turc). L'objectif du président azéri Aliev était clair : chasser « comme des chiens » de leur terre ancestrale les 120 000 Arméniens de l'Artsakh. C'est en train de se réaliser. Contraints le 20 septembre par la disproportion militaire à se plier au cessez-le-feu imposé par l'Azerbaïdjan avec la caution des forces d'interposition russes, les Arméniens du Haut-Karabakh ont été désarmés, et leur capitale, Stepanakert, investie par les Azéris. Pour les habitants, c'est désormais « la valise ou le cercueil » ou du moins la servitude. Ensuite, la menace se reportera sur la République arménienne qui, très affaiblie militairement, tente à présent de protéger ses frontières. Aliev , comme la plupart des dictateurs, annonce ce qu'il va faire : il proclame qu'après avoir réglé le problème du Haut-Karabakh, l'Azerbaïdjan entend faire valoir « ses droits » sur l'Arménie...

    C'est la fin de l'indépendance du Haut-Karabakh, acquise de haute lutte. Brutalement rattachée par Staline dès 1921 à la république soviétique d'Azerbaïdjan, cette enclave très majoritairement arménienne avait autoproclamé son indépendance en 1991, après la fin de l'URSS. S'ensuivirent plusieurs conflits entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Celui-ci avait été défait par l'Arménie au terme de la guerre de 1991-1994 (qui a fait plus de 30 000 morts) mais l'Azerbaïdjan a pris sa revanche en 2020 : l'Arménie qui soutenait les séparatistes a subi une cuisante défaite en 44 jours de combats. Les Azéris ont alors récupéré les trois quarts des territoires de cette enclave reliée à l'Arménie par une étroite bande, le corridor de Latchine (cf. LSDJ n° 1086). Décidés à en finir avec le résidu indépendant autour de Stepanakert, la « capitale » et ville principale du Haut-Karabakh, les Azéris sont repassés à l'offensive le 19 septembre, remportant une victoire éclair.

    Comment comprendre la passivité des Européens devant la perspective, sinon d'un nouveau génocide des Arméniens, du moins d'une épuration ethnique de grande ampleur ? D'abord, le droit international joue en leur défaveur : aucun pays n'a reconnu l'indépendance du Haut-Karabakh en 1991, avalisant ainsi la « punition » infligée par Staline aux Arméniens lorsqu'il a rattaché le Haut-Karabakh, leur berceau national et religieux (comparable au Kosovo pour les Serbes), à l'Azerbaïdjan musulman. C'est d'ailleurs au nom de ce droit international que les médias ukrainiens, qu'on pourrait croire a priori favorables aux Arméniens, soulignent la légitimité de l'Azerbaïdjan à reconquérir ce territoire...Ils font la comparaison avec leur droit de récupérer les régions que leur a confisquées la Russie, relève Courrier International. Ensuite, l'UE, privée du gaz russe, a conclu via la Commission européenne présidée par Ursula von der Layen, un accord gazier avec l'Azerbaïdjan. Que pèse l'existence de quelque 120 000 Arméniens face au gaz dont l'Allemagne, en particulier, a un impérieux besoin ? Enfin, les Arméniens sont victimes du « complexe jeu d'alliances » qui se déroule actuellement dans cette région, analyse Patrick Saint-Paul dans Le Figaro. Les alliances qui se sont nouées, sur fond de ressources gazières et pétrolières, bousculent en effet « les clivages religieux, ethniques et géopolitiques », explique-t-il.

    D'un côté, les alliés des Arméniens : traditionnellement, la France, les États-Unis et la Russie. Mais s'agissant de leur apporter un soutien militaire, il n'y a plus que...l'Iran ! Le soutien français, bridé par la diplomatie mercantile de l'Union Européenne, s'arrête aux discours compassionnels d'Emmanuel Macron, tandis que les Américains regardent ailleurs. Quant aux Russes, empêtrés dans leur guerre en Ukraine, ils sont d'autant moins disposés à intervenir contre l'Azerbaïdjan qu'ils estiment avoir été trahis par l'Arménie quand celle-ci s'est tournée vers l'Occident, allant même jusqu'à mener des exercices militaires avec les États-Unis. Poutine n'est pas le genre d'homme à passer l'éponge sur un tel affront ! Mais le plus intrigant, c'est que l'Iran chiite vienne en aide à l'Arménie chrétienne contre l'Azerbaïdjan, pays pourtant lui aussi majoritairement chiite… Pourquoi ? Parce que le torchon brûle entre Téhéran et Bakou (la capitale de l'Azerbaïdjan) depuis qu'Aliev a conclu un partenariat stratégique avec deux ennemis de l'Iran : la Turquie et Israël… « Depuis 2016, l'Azerbaïdjan reçoit 70 % de ses importations d'armes d'Israël, qui achète à Bakou 40 % de son pétrole. L'Azerbaïdjan a ouvert une ambassade à Tel-Aviv, devenant ainsi le premier pays à majorité chiite à envoyer un ambassadeur en Israël » rappelle Le Point (en lien ci-dessous). « L'Orient compliqué » (De Gaulle) commence dès le sud du Caucase !

    Pour aller plus loin :

    Haut-Karabakh : les clés pour comprendre le conflit

    >>> Lire l'article du Point

  • Le pape à Marseille : une visite très politique en pleine crise migratoire

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    De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro (via le blog Il Sismografo) :

    Pape François à Marseille: en pleine crise migratoire, une visite très politique

    Récit - Le souverain pontife a insisté sur le fait qu’il ne venait «pas en France» mais dans la Cité phocéenne, où il arrive ce vendredi. -- François est attendu ce vendredi à Marseille pour ce qui apparaît comme une «vraie-fausse» visite du pape en France. Cet aller-retour en Provence - mais «pas en France», a tellement insisté François - sera le plus atypique des quarante-quatre voyages de son pontificat. Pour aucune autre nation, le pape ne s’est livré à une telle contorsion afin de justifier le fait qu’il passe dans une métropole française sans venir «en France».

    Il a pourtant visité cinquante-neuf pays… Le nôtre, où il se rend pour la seconde fois après sa visite express du Parlement européen à Strasbourg en novembre 2014, n’entre pas dans le compte de ses visites officielles d’État. Son voyage éclair en Alsace fut un aller-retour de moins de huit heures montre en main: Parti au petit matin, François était déjà à Rome en début d’après-midi après avoir déjeuné… dans l’avion.

    La veille de son départ à Marseille, une source interne, de longue expérience et très informée des coulisses du Vatican, affirme que François «déteste la France», notamment en raison de son passé «de nation colonisatrice». La politique papale ne pouvant se fonder sur des humeurs et encore moins sur des rumeurs, Le Figaro avait posé directement la question à François dans l’avion du retour des Journées mondiales de la jeunesse de Lisbonne au Portugal, le 6 août dernier. Pour refuser ainsi de la visiter officiellement, le pape avait-il «quelque chose contre la France?» «Non!», avait aussitôt répondu François dans un grand sourire, avant d’expliquer sa «politique» de voyage: «Je visite les petits pays européens. Les grands pays, je le laisse pour après, à la fin.»

    François, qui aura 87 ans en décembre, n’a jamais caché sa dévotion personnelle pour sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Qui sait s’il pense venir un jour à Lisieux? Le 15 août 2004, huit mois avant sa mort, Jean-Paul II s’était recueilli devant la grotte de Lourdes. Il s’agissait de son 104e et dernier voyage, le septième en France.

    «La Méditerranée est un cimetière mais ce n’est pas le cimetière le plus grand»

    François a justifié son déplacement dans la Cité phocéenne par sa participation à un colloque ecclésial sur la Méditerranée: «Le problème de la Méditerranée est un problème qui me préoccupe. C’est pour cela que je vais en France. Il est criminel d’exploiter des migrants. Pas en Europe parce que nous sommes plus civilisés mais dans les “Lager” (camps) d’Afrique du Nord» où sont retenus des migrants. Il a conclu: «Les évêques de la Méditerranée se réunissent avec des politiques pour réfléchir sérieusement sur ce drame des migrants. La Méditerranée est un cimetière mais ce n’est pas le cimetière le plus grand. Le cimetière le plus grand, c’est le nord de l’Afrique. Je vais à Marseille pour cela.»

    François arrive à Marseille dans un contexte de crise sur l’île de Lampedusa, exposée à une arrivée massive de migrants. Par la voix de son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, la France a annoncé mardi qu’elle n’accueillerait «aucun migrant de Lampedusa». Cette île italienne, située entre la Tunisie et la Sicile, tient au cœur du pape François. Elle fut la destination de son premier voyage papal en juillet 2013. Il y avait dénoncé la «mondialisation de l’indifférence» face à la mort de migrants en Méditerranée.

    Ce même cri, il devrait le pousser spirituellement, ce vendredi en fin d’après-midi devant le Monument aux héros et victimes de la mer de Marseille, en compagnie de leaders d’autres religions et d’associations d’aide aux migrants.

    Cet appel à la conscience, François devrait l’exprimer sur un mode politique et géopolitique, samedi matin lors des «Rencontres Méditerranéennes» dans le Palais du Pharo. Il s’exprimera devant une soixantaine d’évêques et soixante-dix «jeunes» issus des pays du pourtour méditerranéen. Au petit matin, il aura aussi rencontré des personnes dans la précarité, près de la gare Saint-Charles, une étape ajoutée à la dernière minute.

    De fait, la première version du programme de cette visite dévoilée au printemps devait se limiter à la question migratoire. Initialement, ce voyage se déroulait sur le modèle de celui de Strasbourg: arrivé le samedi matin à Marseille, le souverain pontife prononçait son discours aux «Rencontres Méditerranéennes» avant de repartir en début d’après-midi à Rome.

    Il a fallu toute la force de persuasion du cardinal Jean-Marc Aveline pour que François finisse par accepter de présider une messe au Stade-Vélodrome, samedi après-midi où près de 60.000 fidèles sont attendus. De même, il n’aurait pas rencontré les prêtres, religieux et religieuses de Marseille comme il doit le faire sitôt sa descente d’avion, vendredi à Notre-Dame-de-la-Garde. L’introduction de l’aspect religieux dans la seconde version du programme donne à cette «vraie-fausse» visite papale en France des similitudes avec le schéma habituel des déplacements pontificaux.

    La visite polémique du couple Macron à la messe papale

    Mais c’est un ultime caractère, politique celui-là, qui rapproche cette visite atypique d’une visite officielle, sans en être une pour autant. Cette dernière évolution du programme papale n’est pas venue du cardinal Aveline mais d’Emmanuel Macron.

    S’il n’a pas obtenu tout ce qu’il désirait - il y aurait eu un projet de dîner en l’honneur de François le vendredi soir à Marseille, ce qui ne se fait pourtant jamais pour un pape - le président de la République a réussi à décrocher une petite heure de rencontre, en tête à tête, samedi en fin de matinée, avec photos, caméras et échange protocolaire de cadeaux comme s’il s’agissait d’une visite officielle. Un rendez-vous qui a tout chamboulé, contraignant le pape à arriver la veille à Marseille. Ce qu’il a accepté de bonne grâce même si le Vatican se méfie, par expérience et par principe, de la récupération possible, par les chefs d’État, de la présence d’un pape dans leur pays. François, en homme libre, déteste par-dessus tout être instrumentalisé, au Saint-Siège comme ailleurs. C’est l’une des raisons de son refus de visiter, pour l’heure, son Argentine natale.

    En revanche, la surprise, vue de Rome, a été d’apprendre - sans jugement du Vatican car c’est une pratique courante lors des voyages - que le couple présidentiel assisterait à la messe papale. L’annonce, très tardive, a évidemment créé une polémique laïque en France. Elle a aussi posé une question pour la majorité des catholiques: beaucoup, comme François, sont opposés à une législation qui ouvrirait le droit de décider de sa propre mort. Cette «vraie-fausse» visite officielle du pape en France avive ainsi deux débats politiques cruciaux dans l’Hexagone: l’immigration et l’euthanasie.

  • Haut-Karabakh : la "destruction" des Arméniens de souche est imminente, avertissent les experts

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    De Peter Pinedo sur CNA :

    La "destruction" des Arméniens de souche est imminente, avertissent les experts

    Haut-Karabakh

    21 septembre 2023

    La "destruction" d'une enclave de 120 000 chrétiens arméniens dans la région du Haut-Karabakh est imminente, avertit Siobhan Nash-Marshall, une militante des droits de l'homme basée aux États-Unis.

    "L'impact des récentes attaques et du désarmement qui s'ensuit aboutira presque certainement à la destruction du peuple de l'Artsakh", a déclaré Mme Nash-Marshall à CNA.

    En 2011, Mme Nash-Marshall a fondé la Christians in Need Foundation (CINF) pour aider les chrétiens arméniens de la région et, en 2020, elle a créé une école pour les enfants et les adultes du Haut-Karabakh.

    Mme Nash-Marshall a déclaré qu'à mesure que le gouvernement azéri cherche à affirmer son contrôle sur le Haut-Karabakh, également connu sous le nom d'Artsakh, les Arméniens de souche seront expulsés par la force.

    "Il y a des Artsakhtsi qui ne quitteront pas leur patrie, ces terres que leur peuple habite depuis des millénaires. Ils seront expulsés de force ou pire", a déclaré M. Nash-Marshall.

    Pour les Arméniens qui choisissent de partir, Nash-Marshall a déclaré qu'ils "porteront des cicatrices permanentes semblables à celles des descendants des survivants du génocide".

    Que s'est-il passé ?

    Bien que reconnu internationalement comme faisant partie de l'Azerbaïdjan, le Haut-Karabakh est composé presque entièrement d'Arméniens chrétiens qui revendiquent leur souveraineté sous les auspices de la République d'Artsakh.

    Mercredi, les Arméniens de souche de la région séparatiste du Haut-Karabakh ont accepté de déposer les armes et de dissoudre leurs forces militaires à la suite d'une offensive brève mais intense de l'Azerbaïdjan le 19 septembre.

    Les attaques, qui comprenaient des tirs de roquettes et de mortiers, ont été perpétrées par l'Azerbaïdjan sous la direction du président Ilham Aliyev.

    En un peu plus d'une journée, plus de 200 chrétiens arméniens ont été tués, dont 10 civils, et de nombreux autres ont été blessés, a rapporté le New York Times.

    Selon le ministère des affaires étrangères de l'Artsakh, les attaques ont également contraint plus de 10 000 personnes, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, à évacuer leur domicile.

    Ruben Vardenyan, ancien ministre d'État de l'Artsakh, a appelé le Conseil de sécurité des Nations unies, qui se réunira jeudi après-midi, à prendre des "mesures concrètes" pour protéger les chrétiens arméniens du Haut-Karabakh.

    "Le Conseil de sécurité des Nations unies doit aller au-delà des simples appels à l'action. Finis les discours creux, nous avons besoin de mesures concrètes", a déclaré M. Vardenyan dans un communiqué publié jeudi X. "Actuellement, 120 000 Arméniens sont confrontés à une situation désastreuse, avec des centaines de morts, de blessés et de disparus. "Actuellement, 120 000 Arméniens sont confrontés à une situation désastreuse, avec des centaines de morts, de blessés et de disparus. Nous demandons de toute urgence l'envoi d'une mission de l'ONU dans l'Artsakh/Nagorno-Karabakh".

    M. Vardenyan a déclaré que sans l'aide de la communauté internationale, "le risque d'un nettoyage ethnique massif augmentera inévitablement".

    Le peuple arménien du Haut-Karabakh, qui n'est plus approvisionné en raison du blocus azéri du corridor de Lachin, a un besoin urgent de nourriture, de médicaments et de médecins.

    "Il est impératif que vous agissiez maintenant ! a déclaré M. Vardenyan. "Nous vous implorons de montrer que les mots ont du poids et que l'agression et le recours à la force ne peuvent conduire à une paix durable. Les dictateurs doivent être tenus pour responsables des souffrances qu'ils infligent à l'humanité, et la haine dirigée contre un groupe ethnique, en l'occurrence les Arméniens, est inacceptable."

    Pourquoi ce conflit ?

    L'Arménie et l'Azerbaïdjan se disputent la région du Haut-Karabakh depuis des décennies.

    Depuis décembre 2022, l'unique route reliant le Haut-Karabakh à l'Arménie, connue sous le nom de corridor de Lachin, a été bloquée d'abord par des manifestants alignés sur l'Azerbaïdjan, puis par l'armée azerbaïdjanaise.

    Ce blocus a entraîné ce que M. Vardenyan a précédemment qualifié de "catastrophe humanitaire", en raison d'une grave pénurie de nourriture et de produits de première nécessité.

    Pour la première fois depuis novembre 2020, les tensions dans le Haut-Karabakh ont débouché sur un véritable conflit militaire mardi, l'Azerbaïdjan lançant des frappes de missiles et des offensives sur l'Artsakh.

    Mme Nash-Marshall estime qu'il est probable que le gouvernement azerbaïdjanais poursuive son blocus du corridor de Lachin.

    "Le blocus, à mon avis, était un moyen pour Aliyev. Il a enfermé les personnes qu'il voulait détruire", a déclaré Mme Nash-Marshall. "Maintenant qu'il a envahi les terres de ceux qu'il veut détruire, va-t-il ouvrir la porte de leur prison ?

    Elle craint également que le succès des Azéris ne les encourage à entamer la construction d'une voie ferrée qui traverserait le corridor de Zangezur, dans la province arménienne de Syunik.

    "Une autre partie de moi s'inquiète du précédent que constitue la violation du cessez-le-feu par Aliyev, à savoir le blocus de Lachin", a ajouté Mme Nash-Marshall. "Aliyev va-t-il commencer la construction du corridor de Zangezur à Syunik ?

    Réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies

    Le Conseil de sécurité des Nations unies, à la demande de la France, a tenu une réunion d'urgence jeudi après-midi pour traiter du conflit du Haut-Karabakh.

    Au cours de cette réunion, qui s'est tenue à New York, les représentants de 16 nations différentes, dont les États-Unis, la Russie et la Chine, ont condamné la violence qui s'est déchaînée au cours du conflit, en particulier la violence contre les civils.

    Les représentants ont également salué le cessez-le-feu, mais ont souligné qu'il fallait faire davantage pour protéger les droits de l'homme des Arméniens du Haut-Karabakh.

    Catherine Colonna, ministre française de l'Europe et des affaires étrangères, a déclaré que "ce qui est en jeu, c'est la possibilité pour le peuple arménien du Haut-Karabakh de pouvoir vivre dans le respect de ses droits, de son histoire et de sa culture".

    "La France a pris note de la déclaration faite hier par le Président Aliyev, affirmant sa volonté de vivre en paix avec les Arméniens du Haut-Karabakh et de préserver leurs droits", a déclaré M. Colonna.

    Colonna a ajouté que "si l'Azerbaïdjan veut vraiment parvenir à une solution pacifique et négociée, il doit ici et maintenant fournir des garanties tangibles", notamment que l'Azerbaïdjan s'engage à ne pas utiliser la force meurtrière contre les Arméniens du Haut-Karabakh, à amnistier les autorités qui se sont rendues, à autoriser l'aide humanitaire internationale dans la région et, surtout, à "rétablir sans condition et sans délai le trafic sur le corridor de Lachin".

    Les ministres des affaires étrangères de l'Arménie, Ararat Mirzoyan, et de l'Azerbaïdjan, Jeyhun Bayramov, étaient également présents à cette réunion d'urgence. Les deux ministres ont accusé leurs nations respectives de violer le droit international et d'être responsables de la flambée de violence.

    Malgré les demandes de la France, M. Bayramov n'a pas donné de garanties supplémentaires, se contentant de réitérer la position d'Aliyev selon laquelle le gouvernement azerbaïdjanais souhaite réintégrer pacifiquement la population du Haut-Karabakh au sein de l'Azerbaïdjan.

    Comment la communauté internationale réagit-elle ?

    S'adressant à plus de 15 000 personnes sur la place Saint-Pierre le 20 septembre, le pape François s'est dit troublé par les nouvelles qu'il avait reçues concernant le Haut-Karabagh, où "la situation humanitaire déjà critique est maintenant aggravée par de nouveaux affrontements armés".

    "Je lance un appel sincère à toutes les parties concernées et à la communauté internationale pour qu'elles fassent taire les armes et s'efforcent de trouver des solutions pacifiques pour le bien des populations et le respect de la dignité humaine", a déclaré le pape à la fin de l'audience générale de mercredi.

    Au Congrès américain, le représentant Chris Smith, R-New Jersey, qui a convoqué une audition d'urgence sur la question du Haut-Karabakh au début du mois de septembre, a demandé au président Joe Biden de prendre des mesures immédiates pour aider les Arméniens de la région.

    "Aujourd'hui plus que jamais, le président Biden doit immédiatement pousser le Conseil de sécurité des Nations unies à établir un mandat et une mission de maintien de la paix pour protéger les Arméniens vivant dans le Haut-Karabakh", a déclaré M. Smith dans un communiqué de presse publié mercredi.

    "Le peuple du Haut-Karabakh se trouve dans une situation de grave danger", a-t-il poursuivi. "Ils ont été forcés de désarmer et d'abandonner leur indépendance à un dictateur impitoyable dont le gouvernement a commis à plusieurs reprises des abus horribles contre eux pendant de nombreuses années, a exprimé sa volonté de les nettoyer ethniquement, et a même initié un génocide par la famine avec le blocus du corridor de Lachin."

    "Tragiquement, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, a pris le bluff de l'administration Biden en disant qu'il ne tolérerait pas d'attaque", a ajouté M. Smith. "Je demande instamment au président Biden de dépêcher immédiatement des diplomates et des observateurs experts dans la région du Haut-Karabakh pour surveiller la situation et signaler immédiatement toute atrocité ou abus. Les Arméniens qui vivent dans le Haut-Karabakh ont, comme toujours, le droit de continuer à vivre dans leur ancienne patrie - et de le faire en toute sécurité.

    Peter Pinedo est correspondant de CNA à Washington. Diplômé de l'Université franciscaine, Peter a travaillé auparavant pour Texas Right to Life. Il est premier lieutenant dans la réserve de l'armée américaine.

  • De l’Europe jusqu’aux municipalités : l’avortement, une priorité ?

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    De Gènéthique Magazine :

    De l’Europe jusqu’aux municipalités : l’avortement, une priorité ?

    21 septembre 2023
     

    Des députés européens ont débattu de la « santé reproductive et sexuelle » des femmes, mardi 19 septembre, au sein de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM). Une réunion en présence de militants qui a laissé une vaste place au sujet de l’avortement présenté comme un « droit fondamental ».

    Birgit van Hout du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a appelé à financer l’accès aux « droits sexuels et reproductifs » à travers le monde, quand Camila Gervais du Center for Reproductive Rights en Belgique estime que la Commission des Affaires constitutionnelles (ne devrait pas « se cacher derrière des questions nationales quand il s’agit de changer les traités ». Elle juge en outre que la récente directive relative aux violences faites aux femmes sera un « immense pas » en matière de « droits reproductifs » (cf. Lutter contre les violences contre les femmes en promouvant l’avortement ?).

    Priver les Etats membres de cette compétence nationale

    Le député croate Predrag Fred Matic (Socialistes et Démocrates) a rappelé l’initiative qu’il a portée il y a deux ans (cf. Le Parlement européen adopte le rapport Matic), et réclamé des « normes européennes » en matière de « droit à l’avortement ». « Nous ne devrions plus dire qu’il s’agit d’une compétence nationale », estime-t-il (cf. Avortement : les évêques appellent l’Europe à respecter les limites de ses compétences). Il est rejoint par Gwendoline Delbos Corfield, eurodéputée française du Groupe des Verts Alliance libre européenne. « Les droits sexuels et reproductifs doivent devenir une compétence européenne », a-t-elle martelé, indiquant être dans un processus de « changement des traités » (cf. Le Parlement européen demande d’inscrire l’avortement parmi les « droits fondamentaux »).

    Seule voix dissonante : celle de l’Espagnole Margarita de la Pisa Carrión (Groupe des Conservateurs et Réformistes européens . « Le progrès n’est pas compatible avec la négation du droit à la vie », a-t-elle fait valoir, appelant à arrêter cette « idéologie destructrice ».

    Des actions tous azimuts

    La volonté générale est claire : faire remonter l’avortement au rang des compétences de l’Union européenne afin de faire plier les quelques Etats encore réfractaires (cf. Avortement eugénique en Pologne : la CEDH déclare les plaintes irrecevables Avortement : le Parlement européen désavoue la Hongrie)

    A la veille de la « Journée internationale de l’avortement », qui aura lieu le 28 septembre, deux jours après celle consacrée à la contraception, l’avortement est promu sur tous les fronts. Ainsi diverses municipalités de l’Hexagone lancent des initiatives sur le sujet (cf. Avortement et liberté d’expression : deux maires, deux choix). A Paris, des affiches qualifient l’avortement de « droit fondamental ». Ecrire une phrase en majuscules n’en fait pas une vérité (cf. Le « droit à l’avortement » n’est pas légitime « parce qu’une majorité d’individus ou d’Etats l’affirment »).