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Culture - Page 55

  • Disney : une wokisation qui ne cesse de gagner du terrain

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    De Julien Tellier sur Boulevard Voltaire :

    L’inexorable wokisation de Disney

    9 février 2023

    Il était une fois une société qui faisait rêver petites filles et petits garçons avec ses histoires de chevaliers courageux et de princesses à délivrer. Mais patatras ! Le grand méchant wokeen avait décidé autrement. Fini les récits sexistes qui corsettent les femmes et vive la diversité ! Fini les récits hétéronormés, place aux LGBTQIA+. C’est à peu près, en quelques lignes, l’histoire qu’ont connue les studios Disney, ces dernières années. Avec le lancement de sa propre plate-forme vidéo Disney+, concurrente directe du non moins woke Netflix, les choses ne se sont pas arrangées. Disney multiplie les séries et les films progressistes. She-HulkMiss MarvelAndor, autant de productions woke dans l’air du temps.

    En réalité, tout cela cache une stratégie commerciale bien rodée. Derrière cet attachement à la diversité, à la différence et au progrès, la Walt Disney Company cherche à plaire à un public plus jeune de plus en plus séduit par les contenus numériques. Mais à trop vouloir donner des gages de progressisme, on finit par lasser les gens. Disney+ subit les orientations politiques hasardeuses des productions du géant de l’industrie. Les trois derniers mois de l’année 2022 sont catastrophiques. Au total, près de 2,4 millions de personnes ont quitté la plate-forme. Après une croissance importante, cette dernière voit une inexorable fuite de ses abonnés. Nouvelle d’autant plus fatale qu’elle s’ajoute aux 11,3 milliards de dollars de pertes depuis son lancement. À qui revient la responsabilité d’un tel échec ? Contactée pour comprendre ce phénomène, la petite souris a fait la sourde oreille.

    Le tournant woke

    Début 2021, la plate-forme Disney+ a décidé de faire un grand nettoyage. Peter PanLes Aristochats et Dumbo à la trappe ! Pour lutter contre l’insoutenable racisme que véhiculent ces films pour enfants, un bandeau signale désormais leur contenu raciste qui s’inscrit dans une époque particulière. Le progrès étant inarrêtable, un spectacle La Belle et la Bête où Belle serait « grosse, noire et queer » avait été annoncé en grande pompe par la firme. Après La Petite Sirène noire, les employés gender fluids, le quota d’homosexuels et la suppression des sept nains, la ligne blanche – neige – fut définitivement franchie.

    L’implication politique de Disney est allée loin et lui a coûté très cher. En mars 2022, la Floride a voté une loi contre la propagande LGBT à l’école, qui fut publiquement désapprouvée par l’ex-président de la firme Bob Chapek. Ni une ni deux, le gouverneur de Floride Ron DeSantis a mis fin au statut particulier dont bénéficiait le parc d’attractions Disney World. Déjà, à l’époque, certains actionnaires, comme Vivek Ramaswamy, fondateur de la société d’investissement Strive Asset Management, exhortait Disney à « indiquer clairement qu’il ne prendra[it] plus de position politique sur des questions sans rapport avec ses activités commerciales principales », dans une lettre adressée à son PDG. Et de poursuivre : « L’entreprise doit indiquer clairement qu’elle tiendra fermement cette promesse et qu’elle ne vacillera pas, quelle que soit l’importance d’une cause sociale particulière pour les employés de Disney ou ses abonnés sur Twitter. » Chaque enfant apprend à tourner sept fois sa langue dans sa bouche, Bob aurait dû s’en souvenir. Éjecté de son poste par les actionnaires du groupe à la souris, certains espèrent voir le vent tourner.

    Un retour qui promet… du vent

    Le retour de Bob Iger à la tête de Disney – qu’il occupait déjà entre 2005 et 2020 – a nourri les espoirs des lassés du progressisme. Mais que nenni ! La LGBTisation du géant de l’industrie du divertissement se poursuit. Dernier chef-d’œuvre en date ? La nouvelle série animée The Proud Family: Louder and Prouder. Destinée à un jeune public, cette série met en avant une adolescente noire adoptée par deux hommes homosexuels partant à la découverte de l’histoire de l’esclavage aux États-Unis. On est loin des promesses de Bob Iger qui déclarait, en décembre dernier, lors d’une conférence, vouloir s’éloigner des polémiques : « Est-ce que j’aime que l’entreprise soit impliquée dans la controverse ? Bien sûr que non. Cela peut être distrayant et avoir un impact négatif sur l’entreprise. Et dans la mesure où je peux travailler pour calmer les choses, je vais pour faire ça. » La poudre aux yeux… C’est ça, la magie de Disney.

  • Les beaux jours de la bêtise

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    D'Emmanuelle Ducros sur l'Opinion :

    La pièce «En attendant Godot» annulée faute de parité : Absurde 1- Beckett 0

    La réalité, c’est ce qui s’est passé au centre culturel des étudiants de l’université de Groningen, aux Pays-Bas. Histoire abondamment relatée par la presse britannique.

    Un jeune metteur en scène, Oisín Moyne, irlandais comme Beckett, avait prévu de monter En attendant Godot. Travail entamé en novembre, première représentation programmée le mois prochain. Vous connaissez l’idée : on attend Godot, un personnage qui n’arrive jamais, ce qui donne matière à réflexion sur la saugrenuité de la vie.

    C’est Godot qui attendra, sans doute jusqu’aux calendes grecques, la pièce a été purement et simplement annulée par la direction de l’université. Et ça donne pas mal à réfléchir sur l’absurdité d’une culture de l’anathème.

    Pourquoi ?

    L’université reproche au metteur en scène d’avoir attribué les cinq rôles de la pièce à des hommes. Ce qui n’est pas très étonnant, puisque les personnages de Vladimir et Estragon, de Pozzo et Lucky, et du garçon qui apparaît à la fin du premier acte, sont masculins.

    Beckett y tenait tellement qu’avant sa mort en 1989, il a édicté des consignes précises en ce sens, qui s’appliquent à toutes les productions de Godot. Des hommes, uniquement. Ses ayants-droits ont d’ailleurs systématiquement attaqué en justice les metteurs en scène qui ont tenté de contourner la règle.

    L’université de Groningen ne l’entend pas de cette oreille.

    Pas de femme sur scène, pas de Beckett. «J’ai essayé de leur expliquer que c’est une question légale, que nous sommes une petite troupe de théâtre amateur qui ne peut pas se permettre un procès. Rien n’a pu les faire changer d’avis», explique le metteur en scène qui a ferraillé pendant des semaines.

    La justification de l’Université est surréaliste : «Beckett a explicitement déclaré que cette pièce devait être jouée par cinq hommes. Mais les temps ont changé. L’idée que seuls les hommes conviennent à ce rôle est dépassée et même discriminatoire».

    Rideau. Si Beckett refuse de se plier à titre posthume aux lubies inclusivo-égalitaristes en carton-pâte, qu’il disparaisse. Et tout ça au nom d’une «communauté ouverte et inclusive», dans un lieu de culture, de connaissance et de savoir. J’ai cherché des façons de définir ça. Peut-être censure accueillante ? Véto de tolérance ? Excommunication bienveillante ? La preuve, en tous cas, qu’on peut se prévaloir d’une infinie grandeur d’âme et avoir l’esprit le plus étroit du monde.

    D’autant plus incompréhensible que la décision lèse... des femmes.

    Toute l’équipe de production, essentiellement féminine. Incrédule, la productrice compte «On a aussi des trans, on a des non-binaires, la majorité de la production appartient à la communauté LGBT». Là, on est carrément dans une notion de discrimination de sororité.

    Les accusations de «panique morale» vont pleuvoir ... comme à chaque fois qu’on s’inquiète de ce genre de dérive. Qu’on brandisse la panique morale, autant qu’on voudra. C’est toujours mieux que brûler les œuvres parce qu’on pense le public trop bête pour faire la part des choses et comprendre ce qu’est une œuvre façonnée par un artiste et une époque.

    Il y a pire que la panique morale, il y a les ciseaux d’Anastasie manipulés avec toute la bonne conscience de la vertu.

    Ce n’est plus En attendant Godot, c’est Oh les beaux jours de la bêtise.

  • A Liège : Un nouveau défi pour l’association de fidèles « Sursum Corda » - La restauration de l’église du Saint-Sacrement continue….

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    A Liège, le 26 novembre 2003, l’association de fidèles « Sursum Corda » relevait son premier défi : racheter l’église du Saint-Sacrement pour pérenniser son affectation naturelle.

    Elle entreprit par la suite de réaliser un plan complet de réhabilitation de ce superbe monument du XVIIIe siècle avec l’aide des pouvoirs publics et du mécénat.

    Une première phase du chantier fut dédiée à la restauration de la façade monumentale et du parvis, d'une partie de la maçonnerie et des charpentes de la nef : elle s’est achevée en juillet 2021.

    La seconde phase porte sur la restauration du choeur et de la tour de l’église, comme on peut le lire dans les deux pièces jointes à cette information: l’une par Mgr Delville, évêque de Liège, et l’autre par M. l’abbé Marc-Antoine Dor, Recteur de l’église du Saint-Sacrement qui, l’un comme l’autre, en appellent à la générosité du public invité à se joindre à l’entreprise lancée une nouvelle fois par l’association de fidèles  « Sursum Corda »

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  • Mgr Léonard : "Les enseignements fondamentaux de l'Église sont actuellement menacés"

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    De Solène Tadié sur le National Catholic Register :

    Archevêque belge : Les enseignements fondamentaux de l'Église sont actuellement menacés

    À l'occasion de la sortie de son livre autobiographique retraçant les 50 dernières années de l'histoire de l'Église, Mgr André-Joseph Léonard, archevêque retraité, évoque les grands défis de notre temps.

    Archbishop André-Joseph Léonard
    9 février 2023

    Mgr André-Joseph Léonard, archevêque émérite de Bruxelles-Malines et ancien primat de Belgique, vient de publier un livre qui ne passera sans doute pas inaperçu dans le monde catholique.

    L'Eglise dans tous ses états : 50 ans de débats autour de la foi" se présente comme un récit autobiographique à travers lequel son auteur livre une analyse sans concession des événements qui se sont déroulés dans l'Église au cours des cinq dernières décennies - des dérives théologiques et pastorales qui ont marqué l'après-Vatican II aux débats actuels autour du Synode sur la synodalité et des différents scandales d'abus sexuels qui ont surgi au cours de ces années. 

    Né en 1940 et ordonné prêtre en 1964, Mgr Léonard a été nommé évêque de Namur en 1991, puis archevêque de l'archidiocèse de Bruxelles-Malines en 2010. Il a pris sa retraite en 2015. 

    Ses opinions réputées orthodoxes sur les questions de foi et son franc-parler lui ont souvent valu les foudres de la presse belge. En 2013, des militantes féministes du groupe Femen l'ont pris pour cible lors d'une conférence pour avoir assimilé l'homosexualité à un "blocage du développement psychologique normal" dans une interview de 2007. Les images de l'archevêque en prière silencieuse tout en étant copieusement arrosé par les manifestantes Femen aux seins nus sont devenues virales.

    Auteur d'une trentaine de livres traduits en plusieurs langues, cet éminent philosophe et théologien a également été membre de la Commission théologique internationale de 1987 à 1991, ce qui l'a conduit à de nombreuses rencontres avec son président de l'époque, le cardinal Joseph Ratzinger - le futur pape Benoît XVI. Il a également été chargé de la rédaction de l'encyclique Fides et Ratio (Foi et Raison) de Jean-Paul II en 1998. 

    Dans cet entretien avec le Register, il livre son diagnostic personnel sur les maux qui frappent aujourd'hui l'Église et le monde chrétien, revient sur certains des événements qui ont marqué sa vie d'ecclésiastique et évoque l'héritage des papes Jean-Paul II et Benoît XVI. 

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  • « Tu seras une femme, mon fils ! »

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    De Xavier Patier sur aleteia.org :

    La transidentité, une angoisse fabriquée de toute pièce

    8/2/23

    Chaque époque cultive son propre malheur, en s’inventant des peurs dominatrices. Aujourd’hui, observe l’écrivain Xavier Patier, on enseigne aux enfants que c’est à eux de décider qui ils sont, parce qu’ils ne sont personne.

    À lire la presse, nous ne trouvons pas davantage de mensonge, de violence et de trahisons dans la société d’aujourd’hui qu’il n’y en avait dans les sociétés d’autrefois, quand tout allait tellement mieux, paraît-il, dans une France tellement plus chrétienne. Quand nous acceptons de regarder l’Histoire en face, nous n’en finissons jamais de découvrir combien peu de choses ont changé dans la misère de notre condition. Ni combien chaque époque emploie d’ingéniosité à cultiver des formes inédites de son propre malheur. 

    La France a toujours été un royaume divisé. Mais chaque génération a souffert d’un mal qu’elle trouvait plus terrifiant que les précédents, car elle en faisait sa propre expérience. Nous avons toujours assez de recul pour examiner le mal qui frappait les anciens, jamais assez pour comprendre celui qui nous arrive. Il entre ainsi dans la définition du mal d’être toujours nouveau en apparence, alors qu’il est toujours vieux en réalité. Le péché est vieux comme le monde, mais chaque scandale est une monstrueuse surprise. Un désespoir déjà ressenti dans le passé n’est plus exactement un désespoir, puisque nous y avons survécu, tandis qu’un scandale d’aujourd’hui apparaît sans espoir.

    On invente des folies

    Aujourd’hui donc, nous frissonnons quand nous regardons ce qu’est devenue l’éducation de nos enfants. Les programmes scolaires, le ton désespéré sur lequel les manuels décrivent le monde, leur morale sinistre, tout ce fatras constitue une toile de fond qui nous fait plonger dans des univers sombres, des abîmes de glaces qui ne fondent jamais. Nous n’avions jamais vu une si savante tristesse, ni un si triste savoir. Ce n’est plus le bonheur qui est une idée neuve en Europe, c’est la honte.

    La confiance est devenue un tabou. Les écoles de la République et les réseaux sociaux (…) ne cessent d’enseigner à nos enfants qu’il faut vivre chacun pour soi.

    Tout est mis au service d’une peur dominatrice. La confiance est devenue un tabou. Les écoles de la République et les réseaux sociaux — médias incontrôlés qui plus encore que les écoles donnent le ton de notre univers intime —, ne cessent d’enseigner à nos enfants qu’il faut vivre chacun pour soi : la solitude est la seule perspective. Il ne faut compter sur personne, ni ici-bas, ni dans les cieux. Et comme si cette solitude avait besoin d’être encore prouvée, on invente des folies, comme la fameuse « transidentité ».

    Priver les enfants de leur identité

    La théorie du genre est porteuse de mort, au sens littéral. À vouloir priver nos enfants de leur identité, la nouvelle doxa éducative les conduit au suicide. Une maladie nouvelle est apparue : la « dysphorie de genre », angoisse des adolescents de ne pas se reconnaître dans leur sexe de naissance, angoisse fabriquée de toutes pièces, qui conduit à des démarches pour changer de genre, et souvent conduit aussi à la mort. Le nombre des suicides d’adolescents augmente sous le regard impuissant des pouvoirs publics. Le lobby LGBT a du sang sur les mains. La puberté est un moment assez difficile pour qu’on n’accable pas les personnes de malaises fabriqués. Mais c’est ce que fait de plus en plus l’école dans les pays européens. Elle explique aux enfants que c’est à eux de décider qui ils sont, parce qu’ils ne sont personne. « Tu seras une femme, mon fils ! » est l’injonction de ces nouveaux Rudyard Kipling qui livrent les enfants désarmés à un monde féroce. Ce n’est même pas drôle. 

    Cette folie aura une fin, comme l’esclavage et comme le travail des enfants dans les mines. Mais ce n’est pas une raison pour attendre sans rien dire que ce scandale se passe, une fois qu’une génération aura été perdue. Il nous faut nommer les criminels et les combattre. L’espérance ne doit pas se taire.

  • Vermeer, un peintre catholique

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    A l'occasion d'une exposition qui se tient à Amsterdam rassemblant (presque) toutes les oeuvres de Vermeer, on peut relire l'article que Massimo Introvigne avait consacré à cet artiste capital dans la Nuova Bussola Quotidiana lors d'une exposition organisée à Rome; merci à E.W. pour sa traduction :

    Vermeer le catholique

    (...) Vermeer se convertit au catholicisme en 1653, alors qu’il n’a que 21 ans, peu avant d’épouser une jeune femme catholique. A partir de ce moment, il déménage du quartier catholique, surnommé « le coin des papistes », de sa ville natale, Delft, et pratiquera la religion catholique pour tout le reste de sa vie, malgré les vexations et les interdits auxquels celle-ci est soumise dans les Pays-Bas calvinistes à cette époque. Il appelle l’aînée de ses onze enfants Marie et son fils aîné Ignace, en l’honneur de Saint Ignace de Loyola (1491-1556).

    L’histoire de l’art ayant été écrite, elle aussi, avec de nombreux préjugés anticatholiques, même si l’on a prétendu que la conversion de Vermeer avait été superficielle, et motivée par le simple désir de plaire à son épouse et à sa belle-famille, bien plus aisée que la sienne. Certaines de ces interprétation se retrouvent dans le roman précité et dans le film « La jeune fille à la perle ». Mais il s’agissait de théories désormais dépassées. Actuellement, les spécialistes de Vermeer reconnaissent qu’il a été un catholique fidèle, et même enthousiaste.

    A la controverse sur la foi catholique de Vermeer vient se rattacher celle qui porte sur l’un des tableaux exposés à Rome : Sainte Praxède. Si cette peinture s’avère authentique, comme les organisateurs de l’exposition de Rome l’affirment sans réserve, il s’agirait du plus ancien Vermeer connu. Et, chose unique dans le cas de Vermeer, ce serait une copie d’un original de l’italien Felice Ficherelli (1605-1660). A Rome, le tableau de Ficherelli et celui de Vermeer sont exposés en vis-à-vis, ce qui permet d’apprécier la supériorité de la « copie ». De plus, dans les mains de la Sainte qui recueillent le précieux sang des martyrs à l’aide d’une éponge, Vermeer a ajouté un crucifix – symbole contesté par les protestants – et a modifié le visage du personnage, qui, selon le catalogue de l’exposition romaine, serait celui de l’épouse du peintre. Il s’agirait donc d’une célébration de la conversion de l’artiste au catholicisme, et d’un hommage à son épouse.  

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  • "L’islamisme est bel et bien un islam" (Rémi Brague)

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    Du Figaro (Alexandre Devecchio) via le site "Pour une école libre au Québec" :

    Rémi Brague : « l’islamisme est bel et bien “un islam” »

    7 février 2023

    Rémi Brague est membre de l’institut de France, normalien, agrégé de philosophie et professeur émérite de philosophie à l’université Panthéon-Sorbonne. À l’occasion de la sortie de son ouvrage le plus récent, Sur l’islam, Le Figaro s’est entretenu avec le professeur Brague.

    — La plupart du temps, le débat contemporain sur l’islam distingue islam et islamisme, comme si beaucoup d’observateurs ou de chercheurs s’interdisaient de procéder à l’examen critique des textes. Votre livre, au contraire, scrute les textes et refuse d’établir une frontière entre islam et islamisme. Pourquoi ce choix ?

    Rémi BRAGUE. — « Islamisme » était au XIXe siècle une façon anodine de désigner ce que nous appelons maintenant « islam ». C’était un « -isme » de plus à côté du judaïsme, du christianisme, et même de l’hindouisme, mot qui n’a aucun sens pour un hindou. « Islam » est un meilleur mot, parce que c’est celui que les musulmans utilisent, à la différence, par exemple, de « mahométisme », qui est choquant pour eux. Pour moi, ce que nous appelons maintenant « islamisme » n’est pas « l’islam », tout l’islam. Le français a la chance d’avoir deux articles, défini et indéfini. Je dis donc, en revanche, que l’islamisme est bel et bien « un islam ». Et un islam que je n’ai aucune raison de rejeter au-dehors. Qui serais-je, d’ailleurs, pour me permettre de l’exclure ? Ses partisans se considèrent eux-mêmes comme de bons musulmans, voire comme de meilleurs musulmans que les autres, qu’ils accusent d’une tiédeur capitularde. Et leur islam ressemble beaucoup à celui que pratiquait Mahomet lui-même, tel que nous le présente la biographie la plus ancienne que nous possédons de lui. C’est en tout cas ce que les gens du prétendu « État islamique en Irak et en Syrie » (Daech) ne manquaient pas de rétorquer aux critiques qui leur venaient d’al-Azhar et d’ailleurs. Il fallait donc regarder du plus près possible les textes faisant autorité auxquels se sont référés les musulmans à travers les siècles.

    — Vous avez choisi d’ouvrir votre livre par un chapitre consacré au terme « islamophobie ». En quoi ce terme alimente-t-il la confusion ?

    — Je dois bien avouer m’être un peu « lâché » dans ledit chapitre inaugural, voire m’y être soulagé. L’usage répétitif du mot « islamophobie » a en effet le don de m’exaspérer. Il permet de tout mélanger, alors que les philosophes aiment distinguer : confondre la religion avec ceux qui la professent, confondre le système dogmatique et juridique de cette religion avec la civilisation qu’il a marquée, voire dominée, mettre dans le même sac (en l’occurrence une poubelle) le racisme bête (si j’ose ce pléonasme) envers les immigrés et l’étude historico-critique des textes sacrés sur lesquels repose la religion, etc. Il interdit tout dialogue, puisqu’une « phobie » est toujours une forme de dérangement mental, et l’on ne perd pas son temps à discuter avec un aliéné. Enfin, le brandir comme une arme, ce que l’on fait le plus souvent, témoigne d’une mentalité paternaliste, quasiment néocolonialiste. On sous-entend que les musulmans seraient trop bêtes ou trop « princesse au petit pois » pour accepter un regard ne serait-ce qu’un peu distant sur leur religion.

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  • "L'héritage de Benoît" : un nouveau livre de Peter Seewald

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    De Petra Lorleberg sur Kath.Net/News :

    "Pape Benoît, qu'est-ce qui vous console ?" - "Que Dieu garde tout entre ses mains".

    2 février 2023

    Interview kath.net de Peter Seewald à propos de la parution aujourd'hui du nouveau livre "L'héritage de Benoît" -

    Benedikts Vermächtnis: Das Erbe des deutschen Papstes für die Kirche und  die Welt : Seewald, Peter: Amazon.de: Bücher

    Monsieur Seewald, votre nouveau livre est en quelque sorte un compendium de votre biographie de Joseph Ratzinger/ Pape Benoît XVI. Avec votre ouvrage de base sur la vie de ce pape et notamment grâce à vos recueils d'entretiens avec lui, vous avez ouvert une fenêtre sur un regard intense sur le devenir et l'action de ce pape.

    Peter Seewald : "L'héritage de Benoît" est en effet un compendium ; un livre pour les lecteurs qui veulent s'informer de manière compacte sur le parcours, la personne et l'importance du pape allemand. En fait, je ne voulais rien faire de plus. Mais Tim Jung, l'éditeur de Hoffmamn und Campe, m'a convaincu de l'idée d'atteindre d'autres cercles de lecteurs avec un livre moins volumineux, sous forme de dialogue narratif, après ma grosse biographie du pape. C'est important. Dans le débat sur l'interprétation de Benoît XVI, il faut de la compétence matérielle.

    Avec votre travail de journaliste, vous vous placez sur un pied d'égalité avec des historiens de l'Eglise comme Ludwig von Pastor et Hubert Jedin, malgré certaines différences. Est-ce que ce sont des spécialistes comme vous qui ouvrent aujourd'hui aux gens ce que les théologiens faisaient autrefois ?

    Peter Seewald : Oh là là, c'est beaucoup trop ambitieux. Je ne suis qu'un journaliste à qui l'on a confié une tâche précise. Le défi est de transmettre les choses de la foi à partir de la compréhension de la foi, et de le faire sous une forme que l'on comprend, qui soit lisible et passionnante.

    Les théologiens sont indispensables s'ils font vraiment de la théologie. Une théologie à l'écoute, qui transmet la parole de Dieu dans le langage et avec les connaissances de l'époque, mais aussi fidèlement à la doctrine. Aujourd'hui, la plupart des théologiens qui se pressent sur la scène publique ne voient le mystère chrétien que comme un projet académique, comme l'a fait remarquer un jour Benoît XVI, qui n'a rien à voir avec leur vie. Ratzinger a passionné ses étudiants pour les mystères et la vérité de la foi. Je doute qu'on puisse en dire autant de son successeur actuel à son ancienne chaire de Münster. Cela devient particulièrement gênant lorsque de telles personnes reprochent à quiconque s'exprime ne serait-ce qu'une seule fois en faveur du pape allemand de vouloir construire des légendes et un mythe, alors qu'elles n'ont elles-mêmes rien fait d'autre que de peindre au public une image hideuse de l'ennemi en ce qui concerne Benoît.

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  • Catholicisme et "inclusion"

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    De George Weigel sur First Things :

    L'"INCLUSION" ET LE CATHOLICISME

    1er février 2023

    Dans le temps, les petits catholiques ont appris que l'Église avait quatre "qualités" : L'Église est une, sainte, catholique (comme dans "universelle") et apostolique. Ces qualités découlent du Credo de Nicée-Constantinople, que nous récitons à la messe du dimanche et des solennités liturgiques. Le Catéchisme de l'Église catholique enseigne que l'Église "ne possède pas" ces caractéristiques "inséparablement liées" "d'elle-même" ; plutôt, "c'est le Christ qui, par l'Esprit Saint, fait son Église une, sainte, catholique et apostolique, et c'est lui qui l'appelle à réaliser chacune de ces qualités" (CEC 811).

    Vous noterez que le terme "inclusif" n'est pas une des qualités de l'Église donnée par le Christ, alors que le terme "universel" l'est. Les distinctions, comme toujours, sont importantes.

    L'universalité doit caractériser la mission évangélique de l'Église, car le Seigneur nous a ordonné d'aller "faire de toutes les nations des disciples" (Mt 28,19). Et un certain type d'inclusivité dénote une réalité ecclésiale cruciale : " Car tous ceux d'entre vous qui ont été baptisés dans le Christ ont revêtu le Christ. Il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme ; car tous, vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3,28). De plus, l'Église est appelée par le Seigneur à servir tout le monde, et pas seulement les siens ; comme l'a souligné le sociologue historique Rodney Stark, les soins paléochrétiens apportés aux malades qui n'appartenaient pas à la communauté croyante ont attiré des convertis dans l'Antiquité classique, alors que les malades étaient généralement abandonnés, même par leur propre famille.

    Ces expressions de l'inclusivité ecclésiale (ou de la catholicité, ou de l'universalité) ne sont toutefois pas ce que la culture occidentale contemporaine entend par "inclusion". Tel qu'il est typiquement utilisé aujourd'hui, le terme "inclusion" est un code pour accepter la définition de soi de chacun comme si cette définition de soi était manifestement cohérente avec la réalité, était intrinsèquement incontestable, et commandait donc l'affirmation.

    Dans ce contexte, il convient de noter que le Seigneur Jésus a parfois pratiqué une sérieuse exclusion. Ainsi, il a exclu de la béatitude un type de pécheur : "Celui qui blasphème contre le Saint-Esprit n'a jamais le pardon" (Marc 3,29). Et sa condamnation de l'impitoyable : " Retirez-vous de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges " (Mt 25, 41). Et le sort de celui qui scandalise l'innocent : "Il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache au cou une meule de moulin et qu'on le jette dans la mer" (Luc 17,2). Et sa détermination à jeter "le feu sur la terre" (Luc 12,49) et à brûler tout ce qui est contraire au Royaume de Dieu.

    La question de l'"inclusion" et de l'auto-compréhension de l'Église a été récemment soulevée par un article publié en Amérique par le cardinal Robert McElroy, car la sensibilité exposée dans l'article du cardinal n'est pas celle de la Bible, des Pères de l'Église, du Concile Vatican II ou du Catéchisme. C'est la sensibilité de l'obsession de la culture woke pour l'"inclusion".

    L'article suggère, bien qu'elliptiquement, qu'en raison des préoccupations concernant l'inclusion, l'ordination des femmes au sacerdoce ministériel et l'intégrité morale du sexe gay sont des questions ouvertes. Mais ce n'est pas l'enseignement établi de l'Église catholique. Comment un homme très intelligent qui a prêté des serments solennels dans lesquels il a accepté cet enseignement et promis de le faire respecter peut-il penser autrement ?

    Comme la culture woke contemporaine, l'article du cardinal semble considérer la théorie du genre comme une forme séculaire de vérité révélée. En fait, les théories du "genre" construit culturellement et de la "fluidité du genre" contredisent carrément la révélation divine : "Il les créa mâle et femelle" (Gen. 1:27).

    L'article fait des affirmations extravagantes (et sans source) sur l'"animosité" généralisée contre "les communautés LGBT", jugeant ces attitudes "viscérales" "démoniaques". Mais le cardinal McElroy n'a rien à dire sur les pressions culturelles, professionnelles et légales sévères (et facilement documentables) qui s'exercent sur ceux qui refusent de participer à la culture woke concernant l'ordre propre à l'amour humain.

    L'hymne de la woke inclusion-mania est le concept enfantin de liberté de Frank Sinatra : "Je l'ai fait à ma façon." Brûler de l'encens sur l'autel d'un tel infantilisme ne va pas amener des hommes et des femmes au Christ qui a lié la liberté à la vérité : "vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres" (Jean 8:32). L'Église catholique est une communion d'hommes et de femmes, qui luttent tous contre la faiblesse humaine face aux vicissitudes de la condition humaine. Mais cette communion de disciples a également reçu du Seigneur lui-même les vérités qui libèrent vraiment, des vérités qui ne sont pas sujettes à être affirmées ou niées par des groupes de discussion. Comme l'auteur biblique l'a rappelé à ses lecteurs (et à nous), "ne vous laissez pas égarer par toutes sortes d'enseignements étranges" (Héb. 13:9), qui mettent en péril l'évangélisation.

    L'"inclusion" woke n'est pas une authentique catholicité.                

    George Weigel est Distinguished Senior Fellow du Ethics and Public Policy Center de Washington, D.C., où il est titulaire de la chaire William E. Simon en études catholiques.

  • "Le Christ est devenu une figure pratiquement inconnue pour la plupart des Néerlandais d'aujourd'hui" (cardinal Eijk)

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    De Solène Tadié sur le National Catholic Register :

    Le 'Conseil Pastoral' et l'effondrement de la foi catholique aux Pays-Bas

    Un événement national qui s'est déroulé de manière autonome au lendemain de Vatican II et qui est comparé par les commentateurs au chemin synodal allemand est considéré comme un catalyseur de la déchristianisation massive du pays au cours des dernières décennies.

    Cardinal Willem Eijk, shown speaking at a press conference at Friezenkerk, the Dutch Church near St. Peter's Square, on Oct. 23, 2015, told the Register this mont, ‘Christ has become a virtually unknown figure to most Dutch people today.’
    Le cardinal Willem Eijk, que l'on voit s'exprimer lors d'une conférence de presse à Friezenkerk, l'église néerlandaise située près de la place Saint-Pierre, le 23 octobre 2015, a déclaré au Register ce mois-ci : " Le Christ est devenu une figure pratiquement inconnue pour la plupart des Néerlandais aujourd'hui. (photo : Bohumil Petrik / CNA)

    1er février 2023

    Les derniers rapports et statistiques des Pays-Bas concernant la pratique religieuse laissent peu de place à l'optimisme.

    En effet, les données publiées avant la visite ad limina des évêques néerlandais en novembre ont estimé le nombre de catholiques pratiquants dans le pays à seulement 2,7% pour 2022. 

    Et, selon les données du "World Values Survey" analysées en janvier par le Center for Applied Research in the Apostolate, la participation à la messe aux Pays-Bas est la plus faible parmi les 36 pays à forte population catholique, avec seulement 7 % des catholiques qui s'identifient comme tels participant à la messe chaque semaine. 

    Si cette tendance s'inscrit dans un contexte européen de déchristianisation généralisée, le pays semble souffrir d'une désaffection plus profonde de la foi catholique que dans les pays voisins. Certains experts voient dans cette chute libre de la foi une conséquence directe du "Conseil pastoral" national qui s'est tenu dans les années 1960 à la suite du Concile Vatican II, dirigé par des clercs et des théologiens qui visaient à moderniser l'Église en modifiant sa doctrine.

    Selon le dernier rapport des évêques néerlandais, bien que les catholiques romains constituent désormais le plus grand groupe de croyants chrétiens (20,8 %) dans ce pays à forte tradition calviniste, le nombre de catholiques pratiquants a chuté de plus d'un tiers (36 %) pendant la crise sanitaire entre 2019 et 2022. La baisse annuelle était auparavant d'environ 6 %.

    Parmi les autres chiffres alarmants, le nombre de baptêmes a chuté de 19 680 en 2012 à 6 310 en 2021, et le nombre de mariages catholiques est passé de 2 915 à 660 pour la même période. 

    Quelques mois plus tôt, le diocèse d'Amsterdam annonçait que plus de 60% de ses églises fermeraient dans les cinq années à venir en raison de la baisse de fréquentation des fidèles, du manque de congrégations et de dons. 

    Les racines d'une hémorragie

    Commentant ce que l'on pourrait qualifier d'hémorragie dans une interview accordée au Register, le cardinal Willem Eijk, primat des Pays-Bas et président de la Conférence épiscopale néerlandaise, a déclaré que tous les diocèses du pays étaient touchés par les fermetures et que ce n'était qu'une question de temps avant que le déclin ne se manifeste. 

    Selon le cardinal néerlandais, le déclin de l'Église aux Pays-Bas remonte aux événements survenus au milieu des années 1960, avec pour effet immédiat qu'en l'espace d'une décennie seulement, entre 1965 et 1975, la fréquentation des églises a diminué de moitié. Cette tendance dramatique s'est poursuivie de manière constante jusqu'à aujourd'hui, bien que de manière moins radicale que durant la première décennie. Ces presque 60 ans d'érosion constante de la foi ont conduit le cardinal Eijk à l'amère conclusion que "le Christ est devenu une figure pratiquement inconnue pour la plupart des Néerlandais d'aujourd'hui."

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  • Philo à Bruxelles, 7 février : "À l’ombre du Portique ? L’héritage stoïcien en régime chrétien"

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    Philosophie à Bruxelles à la Grand-Place

    Retrouvons-nous le mardi
    7 février, à 19 h 30, pour la

    Conférence de Stéphane Mercier sur le thème

    À l’ombre du Portique ?
    L’héritage stoïcien en régime chrétien.

    Adresse sur place :

    À la Bécasse
    Rue de Tabora 11, 1000 Bruxelles
    salle à l’étage

    Je m’inscris

    ­Depuis chez vous :
    Vous pouvez également suivre la conférence en direct ici.

    L’héritage stoïcien en régime chrétien

    Nous retournerons plus tard au carrefour évoqué précédemment, mais poursuivons d’abord, avec la cinquième conférence, dans la voie que nous aura pavé cet exposé consacré aux Apologistes. Pour permettre à l’intelligence du mystère révélé d’être, comme je le suggérais, le levain de Dieu dans la pâte du siècle, et soulever les ressources de la nature à l’ordre surnaturel, il importe de voir comment le christianisme peut se nourrir de la culture antique pour la digérer. Oui, digérer. Un mot fascinant, quand on le prend à la racine plutôt qu’on ne le réduit aux suites d’un repas.

    Qu’est-ce en effet, exactement, que la digestion ? La répartition, le classement. De là l’emploi du terme « Digeste » pour désigner le grand œuvre de la législation impériale à la fin de l’Antiquité : je doute que le droit soit une matière aisément digeste au sens ordinaire du mot, mais un digeste est ici un ensemble organique, classé, où les éléments se répondent au sein d’une structure d’ensemble. Digérer, ce n’est donc pas entasser, c’est classer, trier, répartir, et, pour un vivant, procéder à la répartition qui rend possible l’assimilation : digérer, c’est intégrer à sa propre substance.

    C’est bien là ce que va faire la pensée chrétienne, à l’instar des abeilles de Sénèque qui butinent pour former le bouquet de saveurs caractérisant le miel qu’elles produisent en propre. Et justement, parmi les œuvres de la philosophie antique, celles de stoïciens se révèlent largement compatibles avec l’éthique promue par le christianisme : cette cinquième conférence nous donnera ainsi occasion de suivre la trame stoïcienne cultivée par la tradition chrétienne depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne.

  • Les hérésies chrétiennes contenues dans le Coran

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    Une "petite feuille verte" publiée par Annie Laurent sur le site de l'association Clarifier :

    PFV n°95 : les hérésies chrétiennes dans le Coran (1/3)

    Les études savantes montrent cependant la nouveauté et l’originalité de l’islam naissant à cette époque – dit aussi « proto-islam » –, comme un des premiers mouvements millénaristes de l’Histoire. Inscrit dans le contexte biblique juif et chrétien de son époque, il y empruntait certes diverses interprétations marquées par les hérésies, notamment gnostiques, mais il s’est d’abord développé comme un mouvement apocalyptique. Le texte coranique, en particulier, en est toujours témoin.

    UNE MULTITUDE D’HÉRÉSIES GNOSTIQUES ET MESSIANISTES

     

    Dès le Ier siècle de l’histoire de l’Église, des hérésies sont apparues au sein des peuples christianisés du Levant.

    Certaines se référaient à la gnose (du grec gnosis = connaissance). Face à la nouveauté du salut personnel en Jésus-Christ (la « vie » que Jésus dit donner à ceux qui suivent sa « voie ») annoncé par l’Église, les mouvements gnostiques (gnosticisme) émergèrent en prétendant proposer une autre forme de salut personnel, sans le Christ mais par l’accession à un ensemble de connaissances, de sciences relatives aux mystères divins. Ils contestaient donc l’enseignement chrétien sur la personne de Jésus, son lien avec Dieu, sa mission salvifique et la destinée de l’homme.

    L’apôtre saint Jean y fait allusion dans sa deuxième épître : « C’est que beaucoup de séducteurs se sont répandus dans le monde, qui ne confessent pas Jésus-Christ venu dans la chair ; voilà bien le Séducteur, l’Antichrist » (2 Jn 7).

    « Pour les gnostiques, l’incarnation du Fils de Dieu était impossible étant donné que la matière est destinée à être détruite ; la chair ne peut donc pas être susceptible de salut », écrivait saint Irénée (né à Smyrne en 140, il mourut en 202 à Lyon, dont il était l’évêque), le premier à donner l’alerte dans son œuvre Adversus haereses (Contre les hérésies). Ce passage est cité dans le Dictionnaire d’histoire de l’Église, réalisé sous la direction de Mgr Bernard Ardura (Cerf, 2022, p. 439).

    Du gnosticisme ont émergé certains textes apocryphes (écrits cachés ou ésotériques) apparus dans l’Orient méditerranéen dès le second siècle du christianisme, tels ceux qui ont été retrouvés à Nag Hamadi (Égypte) : « évangile de Thomas », « évangile de la vérité » de Valentin, etc. Il s’agit d’écrits qui ne proviennent pas de la première communauté chrétienne, malgré leur crédibilité apparente ou les noms chrétiens de leurs auteurs présumés, et contre lesquels le Nouveau Testament met en garde (cf. Matthieu 7, 15 ; Actes 20, 29 ; Hébreux 13, 9 ; Galates 1, 6-8). Saint Irénée appelle aussi à la vigilance envers ces pseudos récits : « La vraie tradition a été manifestée dans le monde entier. Elle peut être connue en toute Église par tous ceux qui veulent voir la vérité » (cité par France Quéré, Évangiles apocryphes, Seuil, 1983, p. 10). Il revint cependant à saint Athanase d’Alexandrie (v. 296-373) de confirmer en 367 la liste des écrits orthodoxes (authentiques) qui constituaient le Canon définitif reconnu par l’Église.

    Or, comme le montre Rémi Gounelle, historien du christianisme antique, certains contenus de ces documents se retrouvent dans le Coran (cf. « Les écrits apocryphes chrétiens et le Coran », dans Histoire du Coran, dirigé par Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, Cerf, 2022, chap. XII).

    Le Livre sacré des musulmans s’inscrit par ailleurs, et même principalement, dans une perspective eschatologique imminente (annonce de la fin des temps), sans doute inspirée par les espérances apocalyptiques juives et chrétiennes qui foisonnaient à cette époque dans une grande partie de l’Orient (cf. David Hamidovic, « Les écrits apocryphes juifs et le Coran », Histoire du Coranop. cit., chap. XI ; Muriel Debié, « Les apocalypses syriaques », ibid., chap. XIII ; Frantz Grenet, « L’apocalypse iranienne », ibid., chap. XIV).

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