De Rodolphe Arfeuil sur ce site :
Sarah, le lumineux Cardinal
8 septembre 2019
Le soir approche et déjà le jour baisse. Le titre du dernier opus du Cardinal Sarah, expert en best-sellers, est tiré de l’Evangile de Luc. Les disciples d’Emmaüs cheminent avec un inconnu qui n’est autre que Jésus lui-même, ressuscité trois jour après sa passion et sa mort, mais ils ne le reconnaissent pas. Ils l’invitent à partager leur repas car la nuit vient. A la fraction du pain et à la bénédiction prononcée par cet homme, leurs yeux s’ouvrent mais il disparaît. En choisissant ce verset des Evangiles, qu’a cherché à nous dire le Cardinal, lui qui fut un proche de Jean-Paul II et Benoît XVI abondamment cités dans l’ouvrage ? L’entame du propos est sans équivoque : « Pourquoi prendre à nouveau la parole ? Dans mon dernier livre, je vous invitais au silence. Pourtant, je ne peux plus me taire. Les chrétiens sont désorientés. Chaque jour, je reçois de toute part les appels au secours de ceux qui ne savent plus que croire. Chaque jour, je reçois à Rome des prêtres découragés et blessés. L’expérience de la nuit obscure. Le mystère d’iniquité l’enveloppe et l’aveugle. » La nuit obscure contemporaine que connaissent le christianisme et plus largement le monde effraierait sûrement le frère carme contemplatif Jean de la Croix qui, en son siècle, l’avait charnellement et spirituellement vécue. Par son athéisme fluide, son relativisme universel, la nuit obscure frappe durement des consciences anesthésiées par le capitalisme et le consumérisme, ces valeurs reines d’aujourd’hui. Les cris de profundis du Cardinal, mélange de stupeur et de douleur, ont pour ambition d’interpeler, secouer, comme ceux de Bernanos ou de Soljenitsyne jadis. Car il n’y a plus de temps à perdre tant le mensonge a grippé les rouages des sociétés humaines, particulièrement en cet Occident dominé par l’arrogance de son rationalisme qui le conduit droit à sa perte. Le Cardinal martèle l’urgence : « Il est temps pour les chrétiens de se tenir devant Dieu et d’y conduire les autres. Celui qui prie se sauve, celui qui ne prie pas se damne, disait saint Alphonse. » Notre prince d’Église invite à une radicale conversion du cœur et de nos modes de vie : « Voici que tout à coup, nous qui pensions avoir tant d’idées importantes, de projets nécessaires, nous nous taisons, terrassés par la grandeur et la transcendance de Dieu. Emplis de crainte filiale, nous levons les yeux vers le Christ glorieux, tandis qu’à chacun de nous, il demande : "M’aimes-tu ?" Laissons résonner sa question. Ne nous hâtons pas de répondre. En vérité l’aimons-nous ? L’aimons-nous à en mourir ? Si nous pouvons répondre humblement, simplement : "Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime.", alors il nous sourira, alors Marie et les saints du ciel nous souriront et à chaque chrétien ils diront, comme autrefois à François d’Assise : "Va et répare mon Église !" Va, répare par ta foi, par ton espérance et ta charité. Va et répare par ta prière et ta fidélité. Grâce à toi, mon Église redeviendra ma maison. »