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Doctrine - Page 43

  • L’Église n’est pas le terrain de jeu des idéologues de “l’humanisme sans Dieu” (cardinal Müller)

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    D'Infovaticana via Le Salon Beige :

    Cardinal Müller : De faux prophètes ont annoncé qu’ils transformeraient l’Église catholique en une organisation d’aide pour l’Agenda 2030

    Je prie pour que tout cela soit une bénédiction et non un préjudice pour l’Église. Je suis également attaché à la clarté théologique afin que l’Église rassemblée autour du Christ ne devienne pas une danse politique autour du veau d’or de l’esprit agnostique de l’époque. […]

    Avez-vous réfléchi au message que vous transmettrez au cours de l’Assemblée ?

    Je voudrais surtout dire, au vu des nombreuses déceptions des jeunes de Lisbonne : une Église qui ne croit pas en Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant, n’est plus l’Église de Jésus-Christ. Chaque participant devrait d’abord étudier le premier chapitre de Lumen Gentium, qui traite du mystère de l’Église dans le plan de salut du Dieu trinitaire. L’Église n’est pas le terrain de jeu des idéologues de “l’humanisme sans Dieu” ou des stratèges des conférences des partis empêchés.

    La volonté universelle de salut de Dieu, qui se trouve dans le Christ, seul Médiateur entre Dieu et l’homme, historiquement et eschatologiquement réalisée, est le programme futur de Son Eglise et non la Grande Réinitialisation de l'”élite” athée-mondialiste des banquiers milliardaires qui cachent leur enrichissement personnel impitoyable sous le masque de la philanthropie.

    Que pensez-vous de la mesure visant à rendre inacceptable pour les journalistes de suivre ce qui se passe en direct ?

    Je ne connais pas l’intention derrière cette mesure, mais 450 participants ne vont certainement pas garder les choses fermées. Beaucoup d’entre eux exploiteront les journalistes à leur profit ou vice-versa. C’est la grande heure de la manipulation, de la propagande d’un agenda qui fait plus de mal que de bien à l’Église.

    Certaines voix ont critiqué la présence des laïcs dans cette Assemblée synodale.

    Les évêques participent à leur fonction en exerçant une responsabilité collégiale pour l’ensemble de l’Église avec le pape. Si les laïcs y participent avec le droit de vote, il ne s’agit plus d’un synode d’évêques ou d’une conférence ecclésiastique qui n’a pas l’autorité d’enseignement apostolique du collège épiscopal. Parler d’un Concile Vatican III ne peut venir que d’un ignorant, car un synode romain d’évêques n’est pas d’emblée un concile œcuménique, que le pape ne pourrait déclarer ensuite sans méconnaître le droit divin des évêques à un Concile Vatican III, qui pourrait fonder une nouvelle Église en dépassant ou en complétant celle qui aurait stagné au Concile Vatican II.

    Chaque fois que des effets populistes font pencher la balance vers de telles décisions spontanées, la nature sacramentelle de l’Église et de sa mission est obscurcie, même si l’on tente par la suite de la justifier par le sacerdoce commun de tous les croyants et de niveler la différence de substance par rapport au sacerdoce ordonné sacramentellement (Lumen Gentium 10).

    Les évêques et les fidèles sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de ce qui pourrait se passer lors de ce Synode, y a-t-il quelque chose à craindre ?

    Oui, les faux prophètes (idéologues de la nébuleuse) qui se présentent comme progressistes ont annoncé qu’ils transformeront l’Église catholique en une organisation d’aide pour l’Agenda 2030. Selon eux, seule une Eglise sans Christ a sa place dans un monde sans Dieu. De nombreux jeunes sont revenus de Lisbonne déçus que l’accent ne soit plus mis sur le salut en Christ, mais sur une doctrine mondaine du salut. Apparemment, il y a même des évêques qui ne croient plus en Dieu comme origine et fin de l’homme et sauveur du monde, mais qui, d’une manière pan-naturaliste ou panthéiste, considèrent la soi-disant terre mère comme le début de l’existence et la neutralité climatique comme le but de la planète terre.

    Pensez-vous que des changements en matière de foi et de doctrine peuvent être approuvés comme le prétendent certains groupes et mouvements au sein de l’Église ?

    Personne sur terre ne peut changer, ajouter ou retrancher quoi que ce soit à la Parole de Dieu. En tant que successeurs des apôtres, le pape et les évêques doivent enseigner au peuple ce que le Christ terrestre et ressuscité, le seul maître, leur a ordonné de faire. Et c’est seulement dans ce sens que s’applique la promesse que l’armée et la tête de son corps restent toujours avec ses disciples (Mt 28, 19s). Les gens confondent, ce qui n’est pas surprenant étant donné le manque de formation théologique de base, même parmi les évêques, le contenu de la foi et sa plénitude insurpassable dans le Christ avec la réflexion théologique progressive et la croissance de la conscience de la foi de l’Église à travers la tradition ecclésiastique (DEI verbum 8-10). L’infaillibilité du Magistère ne s’étend qu’à la conservation et à l’interprétation fidèle du mystère de la foi confié une fois pour toutes à l’Église (depositum fidei ou saine doctrine, enseignement des Apôtres). Le pape et les évêques ne reçoivent pas de nouvelle révélation (Lumen gentium 25, DEI verbum 10 ).

    Que se passerait-il si, par exemple, l’Assemblée synodale approuvait la bénédiction des couples homosexuels, le changement de la morale sexuelle, l’élimination du caractère obligatoire du célibat sacerdotal ou l’autorisation du diaconat féminin ? L’accepteriez-vous ?

    Le célibat sacerdotal doit être retiré de cette liste, car le lien entre le sacrement de l’Ordre et le charisme de la renonciation volontaire au mariage n’est pas dogmatiquement nécessaire, bien que cette ancienne tradition de l’Église latine ne puisse être arbitrairement abolie d’un trait de plume, comme l’ont expressément souligné les Pères conciliaires lors du Concile du Vatican (Presbyterorum Ordines 16). Et les agitateurs bruyants se préoccupent rarement des préoccupations de salut des communautés sans prêtres, mais plutôt d’attaquer ce conseil évangélique, qu’ils considèrent comme anachronique ou même inhumain à une époque sexuellement éclairée. Bénir le comportement immoral de personnes du même sexe ou du sexe opposé est une contradiction directe avec la parole et la volonté de Dieu, un blasphème gravement pécheur. Le sacrement de l’ordre aux niveaux de l’épiscopat, du presbytérat et du diaconat peut fournir la puissance divine.

    Seule une personne baptisée dont la vocation a été vérifiée par l’Église quant à son authenticité peut recevoir ce droit. De telles exigences avec un vote à la majorité seraient a priori obsolètes. Elles ne pourraient pas non plus être mises en œuvre dans le droit canonique par l’ensemble du collège des évêques avec le pape ou par le pape seul, car elles contredisent la révélation et la confession claire de l’Église.

    L’autorité formelle du pape ne peut être séparée du lien substantiel avec la Sainte Écriture, la Tradition apostolique et les décisions dogmatiques du Magistère qui l’ont précédé. Sinon, comme Luther a mal compris la papauté, il se mettrait à la place de Dieu, qui est le seul auteur de sa vérité révélée, au lieu de simplement témoigner fidèlement, avec l’autorité du Christ, de la foi révélée de manière intégrale et non falsifiée et de la présenter authentiquement à l’Église.

    Dans une telle situation extrême, dont Dieu peut nous sauver, tout fonctionnaire ecclésiastique aurait perdu son autorité et aucun catholique n’est plus obligé d’obéir religieusement à un évêque hérétique ou schismatique (Lumen Gentium 25 ; cf. la réponse des évêques à l’interprétation erronée de Bismarck). du I. Vatican, 1875). Vatican, 1875). […]

    Tout au long de l’histoire de l’Église, chaque fois que les papes se sont sentis ou se sont comportés comme des politiciens, les choses ont mal tourné. En politique, il s’agit du pouvoir du peuple sur le peuple, dans l’Église du Christ, il s’agit du service du salut éternel des hommes, pour lequel le Seigneur a appelé des hommes à être ses apôtres. Le Pape est assis sur la Chaire de Pierre. La façon dont Simon Pierre est présenté dans le Nouveau Testament, avec ses hauts et ses bas, devrait être une source d’inspiration et un avertissement pour chaque pape. Au Cénacle, avant sa Passion, Jésus dit à Pierre : “Quand tu te seras converti, affermis tes frères” (Lc 22,32), c’est-à-dire dans la foi au Christ, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16). Ce n’est qu’ainsi qu’il devient le roc sur lequel Jésus construit son Église, sans que les portes de l’enfer ne puissent être franchies.

  • Quand Jean-Marie Guénois célèbre le cran du pape François

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    De Charles-Henri d'Andigné sur le site de Famille Chrétienne :

    Jean-Marie Guénois - Pape François : la révolution

    Jean-Marie Guénois : « Le pape François a beaucoup de cran dans sa direction de l’Église »

    4/09/2023

    Est-ce parce que vous trouvez qu’il est incompris que vous avez tenu à écrire un livre sur François ?

    Il y a deux aspects. Le premier concerne l’homme lui-même, à la fois jovial, chaleureux, un homme de cœur, un passionné ; mais il est également autoritaire, colérique, très directif. Le second aspect est la polarisation que son pontificat a créée dans l’Église. Rarement pape aura suscité autant de louanges et d’oppositions. À travers ce livre, j’ai voulu sortir des schémas, des clichés noirs ou blancs, et expliquer la complexité d’un homme à la personnalité riche dans l'environnement subtil du Vatican.

    À qui s’adresse votre livre ?

    Quand on est spécialiste d’un domaine comme je le suis, on a tendance à écrire pour les initiés. C’est le piège ! Je veux m’adresser au grand public, pas forcément au fait de la culture chrétienne. J’espère être assez pédagogue pour me faire comprendre du plus grand nombre. Les affaires spirituelles ne regardent pas que les croyants, elles concernent tout le monde.

    Le pape a un caractère très vif, il a un côté autoritaire, mais il veut introduire la synodalité dans l’Église. N’est-ce pas contradictoire ?

    Il ne faudrait pas limiter l’ampleur de cette réforme à la personnalité du pape. Pourquoi cette réforme de la synodalité ? Le pontificat de Benoît XVI a démontré jusqu’où pouvait aller la sclérose de la Curie, du système administratif du Saint-Siège avec tout ce que cela comporte de carriérisme ecclésiastique, absolument détestable. François a raison de bousculer ces habitudes de pouvoir, que l’on trouverait dans une grande administration. On l’a vu de façon paroxystique sous Benoît XVI qui faisait confiance à son administration, laquelle l’a en quelque sorte absorbé au point de le conduire à démissionner. Alors François a corrigé le tir, assez vertement. Et il fallait un homme de son cran, de son courage, de sa force, de son autorité, parfois de sa dureté pour arriver à faire bouger un peu le système. C’est dans ce contexte que s’inscrit la réforme synodale, qui va porter sur la prise de décision dans l’Eglise. Donc pour répondre à votre question, l’homme François est foncièrement sympathique, il aime les gens, il veut que chacun s’exprime, mais c’est aussi un patron. Cela faisait longtemps que l’Église n’avait pas eu de patron. Je salue les efforts d’un homme qui se bat contre des habitudes séculaires, et qui n’a pas encore gagné la partie.

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  • François et l'"indietrisme" : un concept destructeur

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    D'Aldo Maria Valli sur son blog :

    François et l'indietrisme. Un concept destructeur

    6 septembre 2022

    Parmi les nombreux néologismes qu'il a inventés, il en est un que le pape François affectionne particulièrement : l'indiétrisme. Il l'utilise souvent et il l'a également fait lors de sa conversation avec les jésuites du Portugal à l'occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse.

    Interrogé par un confrère sur les critiques croissantes à l'encontre de François parmi les catholiques des États-Unis, le pape a répondu : "Vous avez vérifié qu'aux États-Unis, la situation n'est pas facile : il y a une attitude réactionnaire très forte, organisée... Je veux rappeler à ces gens que l'indiétrisme ne sert à rien". Et plus loin : "Certains se disent en dehors, ils vont à reculons, ils sont ce que j'appelle des indietristes".

    Lorsque François parle à bâtons rompus (ce qu'il fait souvent, même en laissant de côté le texte écrit préparé à l'avance), il n'est pas toujours facile de comprendre ce qu'il entend par certains des termes utilisés. Contrairement à Benoît XVI qui, en bon pédagogue, ne laissait jamais une déclaration sans explication, François semble penser que certains mots ont une force en soi qui n'a pas besoin d'être argumentée. L'indietrisme est l'un d'entre eux.

    Il l'a également utilisé, par exemple, lors de sa réunion avec la Commission théologique internationale en novembre 2022, lorsque, soutenant que "le traditionalisme est la foi morte des vivants", il a déclaré : "Aujourd'hui, il y a un grand danger, qui est d'aller dans une autre direction : l'indietrisme. Cette dimension horizontale, nous l'avons vu, a poussé certains mouvements, des mouvements ecclésiaux, à rester figés dans un temps, dans un passé. Ce sont les indietristes... L'indietrisme vous conduit à dire que "cela a toujours été fait ainsi, il vaut mieux continuer ainsi", et ne vous permet pas de grandir. Sur ce point, vous, les théologiens, réfléchissez un peu à la manière d'aider".

    Apparemment, François adopte donc une perspective historiciste. La réalité est une succession d'expériences infinies de l'esprit et la vérité n'est pas statique, mais elle a une nature historique et progressive, elle est le fruit d'un processus (un autre mot que François aime bien), d'un développement. Être indietriste, c'est ne pas reconnaître ce développement et prétendre s'ancrer dans quelque chose d'immuable. Mais, s'il en est ainsi, une question devient légitime : la vision du pape est-elle catholique ?

    En 1966, dans une lettre "concernant certains jugements et erreurs découlant de l'interprétation des décrets du Concile Vatican II", le cardinal Alfredo Ottaviani dénonçait : "En ce qui concerne la doctrine de la foi, on affirme que les formules dogmatiques sont soumises à l'évolution historique au point que même leur sens objectif est susceptible de mutation... Certains ne reconnaissent presque pas de vérité objective absolue, stable et immuable, et soumettent tout à un certain relativisme, sous prétexte que toute vérité suit nécessairement le rythme évolutif de la conscience et de l'histoire."

    Il semble étrange de citer aujourd'hui Ottaviani, dont la devise était, et ce n'est pas un hasard, Semper idem (Toujours le même), mais c'est au fond là que se situe toute la question. La perspective historiciste entraîne nécessairement le relativisme. Le christianisme devient un humanisme, le Christ lui-même est réduit à la seule dimension humaine, le catholicisme cesse d'être la vraie foi, et l'idée qu'en dehors de l'Eglise il n'y a pas de salut tombe. Après cela, est-on vraiment sûr que les indietristes, avec leurs inquiétudes, sont à côté de la plaque ?

  • Brève histoire du rite romain de la messe (treizième partie)

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    Publiée par le site "Esprit de la Liturgie", la série des volets de la « Brève histoire du rite romain de la messe » du Père Uwe Michael Lang C.O. est accessible en cliquant sur les liens suivants et a été complétée d'une treizième partie ("La dévotion eucharistique du Haut Moyen Age") :

  • Teilhard de Chardin réhabilité ?

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    De Luke Coppen sur The Pillar :

    Teilhard de Chardin est-il réhabilité ? Et de qui s'agit-il ?

    4 septembre 2023

    Le prêtre jésuite français Pierre Teilhard de Chardin a reçu de nombreux noms depuis sa mort à New York en 1955. Pour certains, il est un penseur créatif "au même titre qu'Einstein". Pour d'autres, il est "l'hérétique le plus influent du XXe siècle". Le théologien, philosophe, scientifique et enseignant - surnommé le "Darwin catholique" - était tout aussi controversé de son vivant. Il a suscité des appréciations très contrastées au sein de l'Église catholique et de l'establishment scientifique.

    Mais que représente-t-il pour le premier pape jésuite du monde ? François a donné quelques indices dimanche en célébrant le 100e anniversaire de l'une des œuvres les plus célèbres de Teilhard : L'essai "La messe sur le monde". Ce texte mystique est né d'une expérience vécue en 1923, alors que Teilhard traversait le désert de l'Ordus, dans le nord-ouest de la Chine, et qu'il n'avait pu célébrer la messe faute de pain, de vin et d'autel. Le texte, publié à titre posthume en 1961 dans le livre "Hymne de l'univers", a eu un impact culturel important, inspirant tout, d'un album de jazz à des prières personnelles pendant la pandémie de coronavirus.

    Après avoir célébré la messe pour la petite communauté catholique de Mongolie le 3 septembre, le pape François a déclaré : "'Eucharistía' : La messe est elle-même une manière de rendre grâce : "Eucharistía". Célébrer la messe dans ce pays m'a fait penser à la prière que le père jésuite Pierre Teilhard de Chardin a offerte à Dieu il y a exactement cent ans, dans le désert d'Ordos, non loin d'ici". "Il a prié : Je me prosterne, mon Dieu, devant votre Présence dans l'Univers devenu ardent et, sous les traits de tout ce que je rencontrerai, et de tout ce qui m'arrivera, et de tout ce que je réaliserai en ce jour, je vous désire et je vous attends." "Le père Teilhard de Chardin était engagé dans des recherches géologiques. Il désirait ardemment célébrer la Sainte Messe, mais il manquait de pain et de vin. Il composa donc sa 'Messe sur le monde', exprimant son oblation en ces termes : "Recevez, Seigneur, cette Hostie totale que la Création, mue par votre attrait, vous présente à l’aube nouvelle.". Le pape poursuit : "Une prière similaire avait déjà pris forme en lui lorsqu'il servait comme brancardier sur le front pendant la Première Guerre mondiale. Ce prêtre, souvent incompris, avait eu l'intuition que "l'Eucharistie est toujours célébrée d'une manière ou d'une autre sur l'autel du monde" et qu'elle est "le centre vivant de l'univers, le noyau débordant de l'amour et de la vie inépuisable" (Laudato sì, 236), même en des temps comme les nôtres, marqués par les conflits et les guerres." Prions donc aujourd'hui avec les mots du père Teilhard de Chardin : "Verbe étincelant, Puissance ardente, Vous qui pétrissez le Multiple pour lui insuffler votre vie, abaissez, je vous prie, sur nous, vos mains puissantes, vos mains prévenantes, vos mains omniprésentes".

    La longue citation par le pape de l'œuvre de son confrère jésuite soulève plusieurs questions. Qui était Teilhard de Chardin ? Pourquoi est-il si controversé ? Et fait-il l'objet d'une réhabilitation au sein de l'Église ? Le Pillar y jette un coup d'œil.

    Qui était donc cet homme ?

    La vie de Teilhard a été marquée par les tensions et les bouleversements du XXe siècle. Il est né dans un château du centre de la France en 1881, quatrième d'une famille de 11 enfants. Son père est bibliothécaire et sa mère est l'arrière-petite-nièce de l'écrivain Voltaire, critique acerbe de l'Église catholique. La partie "de Chardin" du nom de famille était le vestige d'un titre aristocratique, de sorte que leur fils était officiellement connu sous le nom de Pierre Teilhard.

    Sa formation jésuite précoce est perturbée par la politique anticléricale du Premier ministre français Émile Combes, un ancien séminariste devenu franc-maçon. Il s'installe en Angleterre pour poursuivre ses études et devient un lecteur passionné de John Henry Newman.

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  • Pourquoi des évêques refusent l'Eglise synodale

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    De l'abbé Claude Barthe sur Res Novae (septembre 2023) :

    Des évêques pour refuser l’Église synodale

    Tout le monde constate, pour s’en réjouir ou en être horrifié, que le projet d’Église synodale qui sera étudié par la XVIème assemblée du Synode des Évêques emporte un infléchissement de la divine constitution de l’Église dans un sens démocratique. Mais cette novation vient de loin. La modification du mode d’être du magistère qui avait été opérée par le dernier concile, la pastoralité, était grosse de la démocratisation proposée aujourd’hui sous l’appellation de synodalité. L’enseignement faible du Concile pouvait en effet devenir tout naturellement un enseignement synodal, entendu comme une sorte d’auto-enseignement par les fidèles du Christ.

    Qu’est-ce que la synodalité ?

    L’adjectif synodal, comme d’ailleurs l’adjectif pastoral, renvoient à des réalités ecclésiales traditionnelles, celle, pour synodal, des réunions d’évêques, synodes, destinées à traiter de doctrine, de discipline, ou encore d’harmonisation du gouvernement d’un ensemble d’Églises particulières. Cela se pratique en Orient, où existe une organisation synodale de l’épiscopat, dans le cadre de laquelle on procède notamment à l’élection de nouveaux évêques, qui sont ensuite confirmés par le pape.

    Mais au cours du présent pontificat ce terme a reçu une acception nouvelle très spécifique : celui d’une amplification du thème de la collégialité de Vatican II. Le terme de synodalité a été forgé en utilisant d’ailleurs l’appellation de la principale manifestation de cette collégialité, le Synode des Évêques, institué par Paul VI et dont les assemblées se réunissent régulièrement à Rome. On entend donc passer de la collégialité conciliaire, qui ne concernait que les évêques, à la synodalité, qui va concerner l’ensemble du peuple chrétien. La collégialité voulait imiter, de loin (les assemblées ne sont que consultatives) et sans l’avouer, le parlementarisme de la démocratie libérale. La synodalité veut en quelque sorte imiter, également de manière lointaine et non avouée, une sorte de suffrage universel pour le Peuple de Dieu.

    La publication du document de préparation de la première session (il y en aura deux) de la XVIème assemblée du Synode qui traitera de la synodalité, dit Instrumentum laboris (“Instrumentum laboris” della XVI Assemblea Generale Ordinaria del Sinodo dei Vescovi (vatican.va)) a dévoilé de manière crue la réalité du projet d’Église synodale.

    Dans le but d’aider des membres de la hiérarchie à réagir en conséquence, nous avons pour notre part isolé au sein de cet Instrumentum laboris, cinq propositions, comme on le faisait jadis pour bien déterminer l’hétérodoxie d’un document :

    1. Sur l’ordination d’hommes mariés – Est-il possible, comme le proposent certains continents, d’ouvrir une réflexion sur la possibilité de revoir, au moins dans certains domaines, la discipline sur l’accès au presbytérat d’hommes mariés ? (IL, B 2-4 question 9)
      Dans l’Église latine, des hommes mariés accéderaient ainsi au presbytérat, et pas seulement dans de rares exceptions, ce qui constitue l’abandon d’une des plus saintes disciplines de l’Église basée sur les enseignements du Christ concernant le célibat.
    2. Magistère des laïcs – Comment faire de l’écoute du peuple de Dieu la forme habituelle de la prise de décision dans l’Église à tous les niveaux de sa vie ? (IL B 3-4 question 1 a)
      La consultation des fidèles d’une Église particulière ou de l’Église universelle devrait donc habituellement précéder les actes de gouvernement ou de magistère des pasteurs de l’Église.
    3. Laïcisation de l’Église – Est-il possible, en particulier dans les endroits où le nombre de ministres ordonnés est très faible, que des laïcs assument le rôle de responsables de communautés ? (IL B 2-4 question 8).
      Du fait de la pénurie de prêtres, des laïcs pourraient donc exercer, en lieu et place de ces prêtres, des fonctions impliquant le gouvernement et l’enseignement.
    4. Diaconat féminin – La plupart des Assemblées continentales ainsi que les synthèses de nombreuses Conférences épiscopales demandent que la question de l’accès des femmes au diaconat soit réexaminée. Peut-on l’envisager et comment ? (IL B 2-3 question 4)
      Le diaconat, partie du sacrement de l’ordre, pourrait être conféré à des femmes.
    5. Soumission du Pape au consensus des Églises – Dans quelle mesure la convergence de plusieurs groupements d’Églises locales (Conseils particuliers, Conférences épiscopales, etc.) sur une même question engage-t-elle l’Évêque de Rome à la prendre en charge pour l’Église universelle ? (IL B 3- 4 question 4 c)
      Des décisions juridiques ou doctrinales prises par des réunions d’Églises locales pourraient obliger en quelque mesure le pape à les adopter.

    Toutes ces propositions produisent scandale. Les deux dernières au moins sont clairement non catholiques.

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  • La conférence de presse du pape dans l’avion le reconduisant de Mongolie en Italie

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    De Vatican News :

    Lors de son dialogue avec les journalistes dans l'avion qui le ramenait de Mongolie, François a parlé du Synode en expliquant que «ce n'est pas une émission de télévision» et que ce n'est pas une assemblée parlementaire. Le Souverain pontife a expliqué le sens de ses récentes paroles aux jeunes Russes, répétant qu'il s'agissait d'une invitation à ne pas oublier leur grand héritage culturel.

    Vous trouverez ci-dessous la transcription intégrale non officielle de la conférence de presse qui s’est déroulée dans l’avion raccompagnant le Pape François en Italie.

    Matteo Bruni, le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège a introduit la conférence de presse: «Merci Sainteté pour ces journées intenses de rencontre avec ce petit peuple riche en culture dans un grand pays comme vous l'avez appelé et avec une communauté chrétienne vivante qui témoigne de sa foi avec fraîcheur. Les journalistes ont pu s'intéresser et voir ce lieu et ont encore des questions à vous poser».

    Le Pape François s’est ensuite adressé aux journalistes à ses côtés dans l’avion: «Bonne journée à vous tous et merci pour la compagnie. Merci pour le travail que vous avez accompli, en montrant dans les médias, la culture de ces gens, l'histoire. Merci beaucoup».

    Jargalsaikhan Dambadarjaa (The Defacto Gazete): Merci beaucoup, Sainteté, pour votre visite en Mongolie. Ma question est la suivante: quel était l'objectif principal de cette visite et êtes-vous satisfait du résultat obtenu?

    L'idée de visiter la Mongolie m'est venue en pensant à la petite communauté catholique. Je fais ces voyages pour visiter les communautés catholiques et aussi pour entrer en dialogue avec l'histoire et la culture du peuple, avec la mystique d'un peuple. Il est important que l'évangélisation ne soit pas conçue comme du prosélytisme. Le prosélytisme restreint toujours. Le Pape Benoît a dit que la foi ne grandit pas par le prosélytisme mais par l'attraction. La proclamation de l'Évangile entre en dialogue avec la culture. Il y a une évangélisation de la culture et une inculturation de l'Évangile. Car les chrétiens expriment aussi leurs valeurs chrétiennes dans la culture de leur propre peuple. C'est le contraire d'une colonisation religieuse. Pour moi, le voyage a consisté à connaître ce peuple, à dialoguer avec ce peuple, à recevoir la culture de ce peuple et à accompagner l'Église sur son chemin avec beaucoup de respect pour la culture de ce peuple. Et je suis satisfait du résultat.

    Ulambadrakh Markhaakhuu (ULS Suld Tv): Le conflit de civilisations d'aujourd'hui ne peut être résolu que par le dialogue, comme vous l'avez dit, Sainteté. La ville d'Oulan-Bator peut-elle servir de plateforme pour un dialogue international entre l'Europe et l'Asie?

    Je pense que oui. Mais vous avez une chose très intéressante, qui favorise également ce dialogue, et que j'appellerai la "mystique du troisième voisin", qui vous pousse à poursuivre une politique de troisième voisin. Vous pensez qu'Oulan-Bator est la capitale d'un pays situé le plus loin de la mer, et nous pouvons dire que votre pays se trouve entre deux grandes puissances, la Russie et la Chine. C'est pourquoi votre mystique consiste à essayer de dialoguer même avec vos "troisièmes voisins": non pas par mépris pour ces deux pays, car vous avez de bonnes relations avec eux, mais par désir d'universalité, pour montrer vos valeurs au monde entier, et aussi pour recevoir les valeurs des autres afin de pouvoir dialoguer. Il est curieux que, dans l'histoire, le fait de partir à la recherche d'autres terres ait souvent été confondu avec le colonialisme, ou le fait d'entrer pour dominer, toujours. Au lieu de cela, avec cette mystique du troisième voisin, vous avez cette philosophie de partir à la recherche pour dialoguer. J'ai beaucoup aimé cette expression du troisième voisin. C'est votre richesse.

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  • Les tâches du prochain pape selon l'archevêque émérite de La Plata (Argentine)

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    De Mgr Héctor Agüer, archevêque émérite de La Plata (Argentine) sur Rorate Caeli :

    "Le nouveau pape" : Quelles seront les tâches du prochain pape ?

    24 août 2023

    Le Collège des Cardinaux a acquis une ampleur inhabituelle. Que de chemin parcouru depuis quelques élections pontificales, décidées par une poignée de membres de ce traditionnel protagoniste du temps fort de la vie ecclésiale ! L'histoire est plus qu'éloquente. Il n'est pas possible de s'attarder sur la recherche de modèles. Un seul exemple : au conclave de 1458, Enea Silvio Piccolomini, expert en vers latins, déjoua les plans d'un Français ambitieux et, sans le vouloir ni le chercher, fut lui-même élu : Pie II ; il y avait 18 cardinaux. Aujourd'hui, le nombre exorbitant de barrettes rouges ne permet pas de prévoir un nom comme futur successeur de Pierre. Plusieurs amis me demandent d'esquisser ce que devrait être le pontificat qui succèdera au languissant François, en tenant compte de la situation très grave de l'Église, maquillée par la propagande vaticane.

    Voici cette tentative. 

    Tout d'abord, il est nécessaire d'assurer la Vérité de l'authentique doctrine catholique, de surmonter les mythes progressistes qui la minent et que l'actuel Pontife élève au rang d'agenda. La lumière vient du Nouveau Testament, qui témoigne de l'œuvre apostolique que les Douze - et surtout saint Paul - ont transmise comme mandat à leurs successeurs immédiats, et qui conçoit l'organisation de l'Église, source du christianisme naissant.

    L'apôtre Paul recommande à son disciple Timothée : "Je te charge (diamartyromai) devant Dieu et devant le Christ Jésus, qui doit venir juger les vivants et les morts, par son épiphanie et par son Royaume : prêche la Parole de Dieu, exhorte avec ou sans occasion, discute, réprimande, exhorte, avec une patience inlassable et un enseignement plein de zèle. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus un sain enseignement, mais où, selon leur désir, ils se chercheront des maîtres pour flatter leurs oreilles, détourneront leur attention de la vérité et se convertiront aux mythes" (2 Tm 4,1-4). Saint Paul poursuit en exhortant, comme le fera l'Église tout au long des siècles : " Soyez vigilants en tout " ; c'est ce que faisait l'Inquisition face aux hérésies et aux schismes. Cette tâche alourdit le travail d'évangélisation, d'accomplissement du ministère (diakonia) à la perfection. L'un des arguments progressistes consiste à disqualifier cette entreprise comme si elle était contraire au christianisme. C'est la confrontation du Nouveau Testament avec la conception mondaine de l'Église, jusqu'à l'égarement de l'actuel Pontificat. Ce que le penseur danois Soren Kierkegaard écrivait dans son Journal en 1848 s'applique à ce cas : "Aujourd'hui, alors qu'il est question de réorganiser l'Église, on voit bien le peu de christianisme qu'il y a en elle". Le même auteur qualifie cette situation de "malheureuse illusion".

    Le nouveau pape devra orienter l'Église dans la direction indiquée par l'exhortation paulinienne ; c'est ce qu'a fait l'Épouse mystique du Christ dans ses meilleurs moments. Il est essentiel de défendre la Vérité de la doctrine, qui a été minée et négligée par le relativisme. Les approches progressistes ont laissé l'Église enfermée dans l'enceinte de la Raison pratique, dont le moralisme a remplacé la dimension contemplative propre à la Foi et à la proposition de la plénitude à laquelle tous les fidèles sont appelés, selon la vocation à la sainteté qui jaillit du Baptême.

    En même temps que la récupération doctrinale, il faut rechercher la restauration de la Liturgie qui, selon sa nature, doit être exacte, solennelle et belle. Cette devise se réfère particulièrement au rite romain, qui a été ruiné par l'improvisation qui abomine le caractère rituel du mystère liturgique. Le motu proprio Traditiones custodes de François impose arbitrairement le contraire de ce que Benoît XVI avait réorienté, et de l'esprit de liberté retrouvé selon le motu proprio Summorum Pontificum ; la récupération des dimensions mystiques et esthétiques du caractère sacramentel de la Liturgie est souhaitée. Les Rites orientaux sont également appelés à renforcer leurs traditions respectives, en surmontant la contagion de la désacralisation qui affecte directement le Rite romain.

    Les tâches susmentionnées ne peuvent être accomplies que grâce au zèle éclairé d'évêques et de prêtres dignement formés dans l'esprit de la grande Tradition catholique, que l'on trouve encore dans les décrets Christus Dominus et Presbyterorum Ordinis, du Concile Vatican II. L'histoire récente montre que l'imposition mondiale du progressisme a eu pour germe la corruption du séminaire traditionnel, rendu banal par une théologie déficiente, et une "ouverture" sous le charme d'un prétendu "aggiornamento". Le malentendu a pris forme sous le prétexte de l'évangélisation : au lieu de convertir le monde à la Vérité et à la Grâce du Christ, l'Église s'est convertie au monde, perdant ainsi son identité essentielle. C'est avec ces critères erronés que se sont formées plusieurs générations de prêtres. Ce processus de décadence doit être inversé. L'institution du Séminaire est encore valable ; à l'époque, des alternatives ont été essayées mais n'ont pas obtenu la solution attendue. La récupération du Séminaire n'implique pas une copie de ce qu'il était avant le bouleversement général. L'institution peut s'adapter, puisqu'elle n'est pas mauvaise en soi, à la nouvelle situation et aux nouveaux besoins. Ceux-ci doivent être reconnus avec sobriété et discrétion, en évitant une exposition qui permettrait à l'administration progressiste - qui ne disparaîtra pas immédiatement - d'activer ses ressources de proscription, jusqu'à ce que le nouveau pontificat soit pleinement établi. L'évêque doit être directement responsable du Séminaire, tout en s'assurant la collaboration de prêtres bien formés et prêts à assumer sincèrement l'orientation que l'évêque souhaite mettre en oeuvre dans le diocèse.

    Saint Jean-Paul II a légué à l'Église un vaste magistère sur la famille. Lorsqu'il a été prononcé et - en bonne partie - écrit, la "perspective de genre" n'avait pas encore atteint la proéminence culturelle qu'elle a acquise peu de temps après. Le pape Wojtyla présente la constitution naturelle et chrétienne de la réalité homme-femme, les enfants comme la chose la plus naturelle au monde, ce qui est et doit donc continuer à être. Benoît XVI ajoute une réflexion sur le concept métaphysique de la nature. Ce magistère abondant et profond doit être repris et projeté sur les nouveaux problèmes sociaux et culturels : la Famille fondée sur le mariage a été remplacée par le "couple", qui n'est nullement indissoluble et peut donc être modifié successivement. J'omets maintenant de parler de ce qu'on appelle à tort le "mariage homosexuel". Le mariage en tant que réalité de valeur civile a disparu ; le mariage sacramentel n'implique aucune fatigue pour ceux qui doivent le bénir, comme c'est leur devoir. Je ne crois pas que les fiancés catholiques soient conscients qu'ils sont appelés à être les ministres d'un sacrement qu'ils se donnent l'un à l'autre.

    La valeur de la vie humaine est étroitement liée à la question de la famille ; il s'agit d'un chapitre très important de la morale chrétienne. Le prochain pontificat devra faire face à une tâche plus que nécessaire : surmonter l'héritage négatif de l'"aggiornamento", couronné par le progressisme actuel. Il devra sauver la théologie morale du relativisme qui la tient en otage ; dans cette entreprise, il devra résoudre le drame d'Humanae Vitae. Cette encyclique, publiée le 25 juillet 1968, ne fut pas acceptée par de vastes secteurs de l'Église : plusieurs Conférences épiscopales se prononcèrent contre elle ; elles furent encouragées par l'unanimité du journalisme, qui incarnait "l'opinion publique". Une grande confusion est née parmi les fidèles, de sorte que beaucoup d'entre eux ont justifié la pratique de l'utilisation des moyens que l'encyclique de Paul VI déclarait objectivement immoraux. Rome devra reprendre les arguments de ce texte pour en démontrer la vérité, en tenant compte de l'accomplissement des dispositions d'Humanae vitae. La crise déclenchée par cette encyclique s'est prolongée dans le nouveau millénaire. Le malentendu a produit une situation analogue aux crises déclenchées par les questions dogmatiques au début du christianisme. Le prochain pontificat devra dénouer ce nœud. Le recours à l'intercession de la dénoueuse de nœuds est inévitable. Marie est en effet celle qui "défait les nœuds". Il y a quelque chose d'apocalyptique dans le drame d'Humane vitae.

    Le problème que je viens de traiter est un chapitre d'une question plus vaste : le rapport de l'Église avec le soi-disant "monde moderne", qui n'a pas été résolu par le Concile Vatican II, mais au contraire aggravé par lui, victime des illusions qui dissimulaient la diffusion d'une nouvelle gnose. Les doctrines de Karl Rahner et de Pierre Teilhard de Chardin ont monopolisé l'attention de la théologie catholique : la théorie rahnerienne du "chrétien anonyme" et l'évolutionnisme teilhardien, qui était lui-même une religion, ont eu une influence indéniable sur la pensée chrétienne du XXe siècle.

    En ce qui concerne la question des relations de l'Église avec le monde contemporain, il est opportun de rappeler que lors de la préparation de Vatican II, le "schéma 13" a pris de l'importance et a suscité des attentes, un antécédent qui allait devenir la constitution pastorale Gaudium et spes, un texte qui, avec la constitution dogmatique Lumen Gentium sur l'Église, a été le document le plus important du Concile. Un événement explique le ton avec lequel la question des relations entre l'Église et le monde a été conçue. Jean XXIII souhaitait la participation de représentants de l'Église orthodoxe russe en tant qu'observateurs des débats du Concile. Le cardinal Eugène Tisserant est chargé des négociations nécessaires pour assurer cette participation ; l'accord suivant est conclu : les orthodoxes seront présents à condition que le Concile s'abstienne de condamner le communisme. Deux prélats orthodoxes russes (probablement des espions du Kremlin) y participèrent effectivement. Cet épisode est éloquent pour montrer l'esprit dans lequel Vatican II a abordé les relations entre l'Église et le monde. Il faut y ajouter un optimisme naïf, inspiré dès le début par le pape Roncalli qui, dans son discours d'ouverture, a sévèrement fustigé les "prophètes de malheur". Bien sûr, c'était le "bon pape".

    Dans cette note, j'ai rassemblé quelques-uns des problèmes qui constituent des marécages dans lesquels l'Église s'enlise. Ce ne sont pas les seuls, mais ceux que je considère comme des priorités que la réalité actuelle imposera aux efforts du prochain Pontife. En bref, libérer l'Église de la peste mortelle du progressisme. 

  • Le conseiller du pape, le père Spadaro, blasphémateur et hérétique ?

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    D'Edward Pentin sur son blog :

    Le conseiller du pape, le père Antonio Spadaro, accusé de "blasphème hérétique".

    30 août 2023

    Le pape François s'entretient avec le père jésuite Antonio Spadaro.

    L'un des plus proches conseillers du pape François, le père jésuite Antonio Spadaro, a été accusé de "blasphème hérétique" après avoir dépeint le Seigneur comme un être humain imparfait ayant besoin d'être converti du "nationalisme" et de la "rigidité".

    Dans Il Fatto Quotidiano du 20 août, un quotidien italien de gauche très laïc, le père Spadaro s'est penché sur le récit évangélique de la foi d'une femme cananéenne et a conclu que Jésus avait été guéri et libéré "de la rigidité des éléments théologiques, politiques et culturels dominants à son époque".

    L'histoire, tirée de l'Évangile de Matthieu (15:21-28), concerne une femme de la région païenne de Canaan qui supplie Jésus de guérir sa fille possédée par un démon.

    Jésus refuse d'abord de l'aider, disant qu'il n'a été envoyé qu'aux brebis perdues d'Israël. Cependant, la femme persiste, suppliant Jésus et se comparant même aux chiens, qui sont autorisés à manger les miettes qui tombent de la table du maître. Jésus est finalement touché par sa foi et guérit sa fille.

    Les Pères de l'Église et la tradition ecclésiastique ont toujours interprété cette histoire comme un rappel puissant de l'importance de la foi. La femme n'a pas abandonné Jésus, même lorsqu'il semblait la rejeter. Elle a continué à croire qu'il pouvait aider sa fille et, à la fin, sa foi a été récompensée.

    Mais pour le père Spadaro, comme pour d'autres prédicateurs modernistes et hétérodoxes avant lui, Jésus a d'abord des préjugés et une vision d'exclusion dans l'histoire de l'Évangile, mais il est converti par la femme cananéenne, ce qui en fait une histoire de ce que l'on appelle aujourd'hui le cliché de "l'inclusion radicale".

    Cependant, le jésuite italien déforme encore plus l'histoire, réduisant Jésus à posséder de nombreux défauts humains, y compris la "rigidité" et le "nationalisme", qui se transforment ensuite en acceptation et en libération des "éléments théologiques, politiques et culturels dominants de son époque". La transformation du Seigneur, dit-il, est "le germe d'une révolution".

    La réflexion du père Spadaro est importante en raison de l'audace avec laquelle il attribue à Jésus de telles déficiences, sapant ainsi l'enseignement de l'Église sur la divinité du Christ, mais aussi en raison de la proximité du jésuite italien avec le pape et du fait qu'il est rédacteur en chef du périodique jésuite historiquement prestigieux La Civilta Cattolica.

    Voici ma traduction de son texte (souligné par moi), qui a été porté à l'attention du grand public par le site web italien MessainLatino :

    Graines de révolution. Jésus loue la grande foi d'une païenne

    Jésus se trouve à Gennèsaret, sur la rive droite du lac de Tibériade. Les gens du pays l'avaient reconnu et la nouvelle de sa présence s'était répandue dans toute la région, de bouche à oreille. Beaucoup lui apportaient des malades, qui étaient guéris. C'était une terre où les gens devaient l'accueillir et le comprendre. Son action est efficace. Mais le Maître ne s'arrête pas. Matthieu (15,21-28) - qui écrit pour les Juifs - nous dit qu'il se dirige vers le nord-ouest, la région de Tire et de Sidòne, c'est-à-dire vers la région phénicienne et donc païenne.

    Mais voici qu'on entend des cris. Ils viennent d'une femme. Elle est cananéenne, c'est-à-dire d'une région habitée par un peuple idolâtre qu'Israël regardait avec mépris et hostilité. Le récit affirme donc que Jésus et la femme étaient ennemis. La femme s'écrie : "Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est très tourmentée par un démon". Le corps de cette femme, sa voix, éclatent comme sur le lieu d'une tragédie. Impossible pour Jésus de ne pas réagir au chaos qui interrompt brutalement le voyage.

    Au contraire, non. " Mais il ne lui adressa pas la parole, pas même un mot ", écrit laconiquement Matthieu.

    Jésus reste indifférent. Ses disciples s'approchent de lui et le supplient avec stupéfaction. La femme remue ceux qui, eux aussi, l'ont mal jugée ! Ses cris ont franchi la barrière de la haine. Mais Jésus s'en moque.

    "Renvoyez-la, car elle ne cesse de crier après nous !" Les siens le supplient, essayant d'utiliser discrètement l'excuse de son insistance et de la gêne que sa présence aurait causée au foyer [sic !] du Seigneur .

    Le silence est suivi de la réponse irritée et insensible de Jésus : "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël". La dureté du Seigneur est inébranlable. Maintenant, même Jésus joue au théologien : la mission reçue de Dieu est limitée aux enfants d'Israël. Il n'y a donc rien à faire. La miséricorde n'est pas pour elle. Elle est exclue. Il n'y a pas de discussion possible.

    Mais la femme est têtue. Son espoir est désespéré, et elle brise non seulement toute supposée inimitié tribale, mais aussi l'opportunité, sa propre dignité. Elle se jette devant lui et le supplie : "Seigneur, aide-moi !" Elle l'appelle "Seigneur", c'est-à-dire qu'elle reconnaît son autorité et sa mission. Qu'est-ce que Jésus peut attendre d'autre ? Pourtant, il répond de manière moqueuse et irrespectueuse à cette pauvre femme : "Ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens", c'est-à-dire aux chiens domestiques. Un manque d'attitude, de manière, d'humanité. Jésus apparaît comme aveuglé par le nationalisme et la rigueur théologique.

    N'importe qui d'autre aurait abandonné. Mais pas cette femme. Elle est déterminée : elle veut que sa fille soit guérie. Et elle saisit immédiatement la seule fissure laissée ouverte par les paroles de Jésus, où il avait parlé de chiens domestiques (et donc pas de chiens errants). Ils partagent en effet la maison de leurs maîtres. Alors, avec un geste que le désespoir rend astucieux, elle dit : "C'est vrai, Seigneur, et pourtant les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres". Peu de mots, mais bien posés et de nature à bousculer la rigidité de Jésus, à le conformer, à le "convertir" à lui-même. En effet, sans hésiter, Jésus répond : "Femme, tu as une grande foi ! Ta demande est exaucée." Et dès cet instant, sa fille est guérie. Jésus, lui aussi, apparaît guéri et, à la fin, il se montre libre de la rigidité des éléments théologiques, politiques et culturels dominants de son époque.

    Que s'est-il donc passé ? En dehors de la terre d'Israël, Jésus a guéri la fille d'une femme païenne, méprisée parce qu'elle était cananéenne. Et ce n'est pas tout : il est d'accord avec elle et loue sa grande foi. Voilà le germe d'une révolution.

    ***

    MessaInLatino a résumé comme suit les descriptions profondément erronées et hérétiquement blasphématoires du Seigneur Jésus-Christ faites par le Père Spadaro :

    - indifférent à la souffrance ;
    - irritable et insensible ;
    - d'une dureté insondable ;
    - théologien impitoyable ;
    - moqueur et irrespectueux à l'égard de la pauvre mère ;
    - qui fait preuve d'un manque d'attitude, de manière et d'humanité ;
    - aveuglé par le nationalisme et le rigorisme théologique ;
    - rigide, confus et en manque de conversion ;
    - malade et prisonnier de la rigidité et des éléments théologiques, politiques et culturels dominants de son époque ;
    - glorificateur de la foi païenne.

    Voici l'homélie de saint Jean Chrysostome sur Jésus et la foi de la femme cananéenne.

    Voir également cet article utile de Nicholas LaBlanca dans lequel il démonte les interprétations modernistes et hétérodoxes similaires de ce récit évangélique.


    ***

    La foi d'une Cananéenne
    Matthieu 15 : 21-28 :

    21 Partant de là, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.

    22 Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. »

    23 Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! »

    24 Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »

    25 Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! »

    26 Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. »

    27 Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »

    28 Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

  • Le pape et les catholiques américains : à qui s'en prend-il exactement ?

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    Lu sur The Pillar (JD Flynn) :

    29 août 2023

    Lorsqu'il s'est rendu au Portugal pour les Journées mondiales de la jeunesse ce mois-ci, le pape François a pris le temps de visiter une communauté jésuite, comme il a l'habitude de le faire lors de ses voyages internationaux, et de répondre aux questions de ses confrères jésuites. 

    Comme c'est devenu une pratique courante, ces questions et réponses ont été publiées dans La Civiltà Cattolica, une revue semi-officielle du Vatican. 

    La conversation comportait des sections assez substantielles et intéressantes.

    Mais au Portugal, où le pape François a prié sous un soleil de plomb avec quelque 30 000 pèlerins américains et leurs évêques, le souverain pontife a également pris le temps de leur jeter un peu d'ombre. 

    Un jésuite a demandé au pape ce qu'il pensait des Américains, "même des évêques", qui critiquaient son leadership. 

    Le pape a répondu qu'aux États-Unis, "la situation [ecclésiale] n'est pas facile".

    "Il y a une attitude réactionnaire très forte. Elle est organisée et façonne l'appartenance des gens, même sur le plan émotionnel".

    Le pape a averti les Américains que "l'indietrismo (le fait d'être tourné vers le passé) est inutile et que nous devons comprendre qu'il y a une évolution appropriée dans la compréhension des questions de foi et de morale".

    François a noté un "climat de fermeture" aux États-Unis, par lequel "on peut perdre la vraie tradition et se tourner vers les idéologies pour obtenir un soutien". En d'autres termes, l'idéologie remplace la foi, l'appartenance à un secteur de l'Église remplace l'appartenance à l'Église.

    Certains "groupes" américains, a-t-il dit, "si fermés, s'isolent".

    "Au lieu de vivre de la doctrine, de la vraie doctrine qui se développe toujours et porte du fruit, ils vivent d'idéologies. Quand on abandonne la doctrine dans la vie pour la remplacer par une idéologie, on a perdu, on a perdu comme à la guerre".

    Tout d'abord, je pense que le pontife devrait être félicité - en tant que pape, il a passé exactement six jours aux États-Unis et a réussi, apparemment, à tirer des conclusions très définitives sur au moins une partie des 60 millions de catholiques vivant aux États-Unis.

    Deuxièmement, je dois dire que je suis d'accord avec le pape. Je pense que certains idéologues vivent parmi nous, et je suis heureux que le pape l'ait reconnu.

    Mais voici le problème : je n'ai aucune idée de qui le pontife vise réellement. Et eux non plus.

    Plutôt que d'apporter une correction délibérée, définitive et directe aux tendances théologiques, culturelles ou pastorales de certains catholiques américains, le pape a jeté un regard latéral non spécifié sur - vous savez - "ces gens" là-bas, au cours d'une réunion à huis clos dont il savait que les comptes rendus seraient publiés.

    La plupart des gens pensent probablement qu'il s'agit des traditionalistes liturgiques - et la plupart des gens pensent probablement qu'il regroupe ces traditionalistes avec les politiciens "conservateurs" qui prônent la peine de mort ou la guerre nucléaire. 

    Mais je ne sais pas. 

    Lorsque le pape a condamné le fait de "regarder en arrière", aurait-il pu signifier que les évêques américains regardaient en arrière, avant l'Ordinatio sacerdotalis, et demandaient une discussion sur l'ordination sacerdotale des femmes lors du synode sur la synodalité ? 

    Lorsque le pape a déploré un "climat de fermeture" idéologique, aurait-il pu parler d'une série d'interdictions liturgiques non requises par Traditionis custodes ou tout autre texte du Magistère ? 

    Lorsque le pape a mis en garde contre un "retour en arrière" vers l'idéologie, parlait-il de Trente ou des années 1970 ? 

    Il ne l'a pas vraiment dit, n'est-ce pas ?

    Je ne suis pas un traditionaliste liturgique. Je vais à des messes Novus ordo offertes par des prêtres qui ne portent pas d'amict. Je prie comme un pentecôtiste latino-américain. J'aime davantage Dorothy Day que Fulton Sheen. Mes opinions politiques s'écartent largement du courant bipartisan dominant. Mais j'essaie d'être catholique et de respecter les enseignements de la foi et, pour cette raison, un bon nombre de personnes me qualifieraient de conservateur.   

    Le pape parle-t-il de personnes comme moi ? 

    Ou parle-t-il de mes amis qui vont à la messe traditionnelle en latin et qui sont des socialistes purs et durs, avec des politiques révolutionnaires qui me font un peu peur ? 

    Parle-t-il de la "campagne présidentielle" de Taylor Marshall ? Des partisans de Trump ? Parlons-nous des sédévacantistes ? LifeTeen ? De "ChurchMilitant" ? D'afficheurs de tweets extrêmement en ligne ? Des conférences de Steubenville ? De "l'esprit de Vatican II" ? Des personnes qui aiment un Agnus dei en latin de temps en temps ?

    Pense-t-il que ces groupes sont tous identiques ?

    Honnêtement, je ne sais pas. 

    S'il parle de moi et qu'il a une correction particulière à me donner, j'aimerais la recevoir.

    Je doute fort que le pape sache qui je suis. Mais s'il le sait, j'espère qu'il veut que je sois un saint. Et s'il pense que je fais fausse route, j'espère qu'il me le dira. 

    Cela faciliterait certainement les choses, n'est-ce pas ? 

    Mais le problème du commentaire du pontife est que, sauf spécificité, il ne servira à personne pour faire un examen de conscience. Il n'informera pas le ministère pastoral des évêques, ni ne conduira à un effort pour accueillir les brebis perdues. 

    Il ne convaincra pas, car nous supposerons tous que le pontife parle d'"autres personnes".

    Son commentaire sera une massue, placée dans une pièce remplie de personnes en désaccord les unes avec les autres, et utilisée sans discernement.

    "Je sais de qui le pape parle", dira chacun d'entre nous. "Il parle évidemment de vous."

  • Le pape ne devrait pas citer saint Vincent de Lérins à tort et à travers

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    Lors de son entretien avec les jésuites portugais à Lisbonne, le pape a, une nouvelle fois, invoqué l'autorité de saint Vincent de Lérins pour justifier sa conception évolutive de la doctrine. Mais l'enseignement de Vincent de Lérins va-t-il vraiment dans ce sens ?

    De Thomas G. Guarino sur First Things :

    Saint May 24 : St. Vincent of Lerins a former Military Man who became a  Monk and Writer in France

    LE PAPE FRANCOIS ET SAINT VINCENT DE LÉRINS

    16 août 2022

    Le pape François s'est souvent tourné vers saint Vincent de Lérins pour obtenir des éclaircissements théologiques. Plus récemment, lors d'un vol le 29 juillet 2022, François a déclaré que Vincent fournissait une règle "très claire et éclairante" pour un développement doctrinal approprié.

    La carrière théologique de saint Vincent a été quelque peu mouvementée. Alors que son œuvre maîtresse, le Commonitorium, était populaire lorsqu'elle a été redécouverte au XVIe siècle (après avoir été perdue pendant un millénaire) et qu'elle est restée populaire pendant plusieurs siècles par la suite, elle est progressivement tombée en disgrâce. Sur la base d'une phrase célèbre - "Nous tenons cette foi qui a été crue partout, toujours et par tous" (ubique, semper, et ab omnibus) - Vincent en est venu à être considéré comme un conservateur rigide, peu sensible à l'histoire.  

    Il s'agit là d'une lecture erronée de l'œuvre fondatrice de Vincent. Il est donc réconfortant de voir que le pape François ne s'est pas laissé piéger par l'interprétation erronée et largement répandue du Lérinien. Au contraire, le pape souligne précisément les aspects du raisonnement théologique de Vincent qui font de lui un auteur prémonitoire. En effet, le théologien de Lérins est l'un des rares auteurs chrétiens anciens à aborder la question de l'évolution doctrinale dans le temps, et il le fait de manière frontale.   

    Lorsque saint Vincent a rédigé le Commonitorium en 434, certains penseurs chrétiens de l'époque s'opposaient à l'utilisation par l'Église de termes tels que homoousios (consubstantiel) et Theotokos (Marie porteuse de Dieu) qui ne se trouvaient pas dans la Bible. Ils s'opposaient expressément à ces nouveaux termes qu'ils considéraient comme illégitimes. Mais Vincent a soutenu que les nouveaux termes étaient corrects parce que la doctrine chrétienne se développe nécessairement avec le temps, tout comme une graine devient une plante et un enfant devient un adulte. De la même manière, ces nouveaux mots aident à développer et à clarifier le sens de l'Ecriture. Vincent reconnaît que tout ce qui est nécessaire à la foi chrétienne peut être trouvé in nuce dans les Saintes Ecritures. Mais il insiste aussi sur une croissance graduelle et homogène dans le temps.    

    Notant que certains demanderont : " N'y a-t-il pas de progrès de la religion dans l'Église du Christ ? ", Vincent répond : " Il y a un très grand progrès ! ". Ce progrès, cependant, doit toujours être une avancée de la foi et non une déformation de celle-ci. La doctrine se développe de manière analogue à l'être humain. Bien qu'une personne subisse de nombreux changements de la jeunesse à la vieillesse, elle reste la même personne, la même nature. Il y a une croissance organique, architectonique, au fil du temps - tant chez les êtres humains que dans la doctrine chrétienne. 

    Mais ce progrès, affirme Vincent, doit être d'un certain type et d'une certaine forme, protégeant toujours les acquis doctrinaux antérieurs de la foi chrétienne. Un changement ne peut pas créer un sens différent. Au contraire, les formulations ultérieures doivent être "selon la même doctrine, le même sens et le même jugement" que les précédentes.  

    Plus loin dans le Commonitorium, Vincent fait valoir un point fréquemment cité par le pape François : "La doctrine chrétienne suit également cette loi du progrès. Elle se consolide au fil des années, se développe avec le temps, s'affine avec l'âge". Depuis son élection en 2013, le pape François a cité son passage préféré de saint Vincent à de nombreuses reprises, notamment dans l'encyclique Laudato Si'. C'est peut-être dans un discours de 2017 sur le catéchisme qu'il a fait les remarques les plus expansives. Le pape y affirme avec audace que la peine de mort est "en soi contraire à l'Évangile". Il cite saint Vincent pour défendre cette position, qui implique, selon le pape, de reconnaître l'engagement de l'Église en faveur de la dignité humaine inviolable. Il s'agit d'un "développement harmonieux de la doctrine".

    Le Pape François poursuit en parlant de la tradition d'une manière que le Lérinien approuverait, décrivant la tradition comme une "réalité vivante". Il invoque à nouveau l'"heureuse formulation" de Vincent selon laquelle la doctrine chrétienne est "consolidée par les années, élargie par le temps, [et] affinée par l'âge". Le pape a certainement raison de dire qu'il s'agit d'une phrase cruciale. Mais si je devais conseiller le pape, je l'encouragerais à tenir compte de l'ensemble du Commonitorium de saint Vincent, et pas seulement de la sélection qu'il cite à plusieurs reprises.

    Notez que Saint-Vincent ne parle jamais positivement des renversements. Pour Vincent, un revirement n'est pas un progrès dans la compréhension de la vérité par l'Église ; ce n'est pas un exemple d'un enseignement " élargi par le temps ". Au contraire, les revirements sont la marque des hérétiques. Les revirements indiqueraient que le monde entier incorporé au Christ Tête "aurait erré, aurait blasphémé, n'aurait pas su ce qu'il fallait croire". Lorsqu'il condamne les revirements, Vincent parle toujours de la tentative de renverser ou d'altérer les enseignements solennels des conciles œcuméniques. Le Lérinien est particulièrement hanté par les tentatives de renverser l'enseignement de Nicée, comme cela s'est produit au Concile d'Ariminum (Rimini, a.d. 359), qui, dans sa proposition de credo, a supprimé le mot crucial, homoousios. 

    J'invite également le Pape François à invoquer les garde-fous salutaires que Vincent érige pour assurer un développement adéquat. Si le pape François est séduit par l'expression de Vincent "dilatetur tempore" ("élargi par le temps"), le Lérinien utilise également l'expression suggestive "res amplificetur in se" ("la chose grandit en elle-même"). Selon le Lerinien, il existe deux types de changement : Un changement légitime, un profectus, est un progrès - une croissance homogène dans le temps - tel qu'un enfant devenant adulte. Un changement inapproprié est une déformation pernicieuse, appelée permutatio. Il s'agit d'un changement dans l'essence même de quelqu'un ou de quelque chose, comme un rosier qui se transforme en épines et en chardons. 

    Se référer à cette distinction pourrait aider le pape François à montrer comment un enseignement particulier représente un véritable profectus fidei. 

    Un autre garde-fou est l'affirmation vincentienne selon laquelle la croissance et le changement doivent se faire in eodem sensu eademque sententia, c'est-à-dire selon le même sens et le même jugement. Pour le moine de Lérins, toute croissance ou développement dans le temps doit préserver le sens substantiel des enseignements antérieurs. Par exemple, l'Église peut certainement évoluer dans sa compréhension de l'humanité et de la divinité de Jésus-Christ, mais elle ne peut jamais revenir sur la définition de Nicée. L'idem sensus ou "même sens" doit toujours être maintenu dans tout développement futur. Le pape François cite rarement, voire jamais, cette importante phrase vincentienne - mais tout appel au changement doit être démontré comme n'étant pas simplement une altération, ou même un renversement de l'enseignement antérieur, mais en fait in eodem sensu avec ce qui l'a précédé.

    Je conseillerais également au pape d'éviter de citer saint Vincent pour soutenir des revirements, comme dans le cas de son enseignement selon lequel la peine de mort est "en soi contraire à l'Évangile". La compréhension organique et linéaire du développement de Vincent n'inclut pas les renversements de positions antérieures. Saint Vincent place sa plus grande confiance dans le corps uni des évêques qui, ensemble, témoignent de la foi chrétienne dans le monde entier. Le théologien de Lérins soutiendrait probablement que les revirements, en particulier ceux qui concernent des positions de longue date, sont mieux sanctionnés par un concile œcuménique ou au moins par l'accord général de tout l'épiscopat - bien que le pape soit au premier plan, étant donné l'autorité de son Siège. 

    Tout au long de son œuvre, Vincent s'écrie avec saint Paul : "O Timothée, garde le dépôt, en évitant les nouveautés profanes" (1 Tim. 6:20). Dans son discours de 2017, le pape François affirme que le dépôt de la foi n'est pas "quelque chose de statique". Vincent conviendrait que le depositum est vivant et en croissance - mais il insisterait simultanément sur le fait que cette croissance doit être profondément liée à la tradition dogmatique antérieure de l'Église et en continuité avec elle. 

    Mgr Thomas G. Guarino est professeur émérite de théologie systématique à l'université de Seton Hall et l'auteur de Vincent de Lérins et le développement de la doctrine chrétienne.

  • Qui essaie vraiment de remplacer la doctrine par l'idéologie ?

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    De Carl E. Olson sur The Catholic World Report :

    Qui essaie vraiment de remplacer la doctrine par l'idéologie ?

    Le moment choisi par le pape François pour répondre aux questions des jésuites au Portugal est tout aussi remarquable que les clichés recyclés et désormais trop familiers sur ceux qui sont "rigides", "reviennent en arrière" et sont "superficiels".

    28 août 2023

    Le pape François, s'adressant récemment à un groupe de jésuites, a déclaré : "Quand on abandonne la doctrine dans la vie pour la remplacer par une idéologie, on a perdu, on a perdu comme à la guerre." Il a raison. Mais pas de la manière dont, apparemment, il pense.

    Le 5 août 2023, alors qu'il se trouvait au Portugal pour les Journées mondiales de la jeunesse, François a rencontré des jésuites au Colégio de São João de Brito. La séance de questions-réponses qu'il a eue avec eux a été publiée aujourd'hui dans la revue jésuite La Civiltà Cattolica par l'éditeur Antonio Spadaro, SJ, qui travaille depuis longtemps en étroite collaboration avec François. La longue conversation contient un certain nombre de remarques intéressantes, qui fournissent beaucoup d'os à ronger à la foule habituelle de prétendus catholiques - "Le pape François blâme les catholiques américains réactionnaires qui s'opposent à la réforme de l'Église" - et aux médias sans intérêt - "Le pape François blâme les conservateurs américains "rétrogrades", l'"attitude réactionnaire" de l'Église américaine".

    Le moment choisi pour cette interview est tout aussi remarquable que les clichés recyclés et désormais trop familiers sur ceux qui sont "rigides", "reviennent en arrière" et sont "superficiels". Bien que Spadaro ne soit pas très compétent en mathématiques ou en théologie, c'est un opérateur rusé qui a sans aucun doute les yeux rivés sur le prochain synode d'octobre à Rome. Et je soupçonne que cet article particulier est en quelque sorte destiné à fixer les évêques américains qui auraient la témérité de poser des questions difficiles sur le processus sans fin du Synode sur la synodalité.

    Trois sujets et points ressortent de cet entretien.

    Tout d'abord, en réponse à une question du plus jeune membre du groupe sur "notre formation en tant que jésuites au niveau affectif, sexuel, corporel", François remarque que "c'est une chose de se préparer au dialogue avec le monde - comme vous le faites avec le dialogue avec les mondes de l'art et de la culture - c'est une autre chose de se compromettre avec les choses du monde, avec la mondanité". C'est très vrai. Ensuite, après avoir évoqué le problème de la pornographie, il déclare : "Je n'ai pas peur de la société sexualisée" :

    "Je n'ai pas peur de la société sexualisée. Non, j'ai peur de la manière dont nous nous y rapportons. J'ai peur des critères mondains. Je préfère utiliser le terme "mondain" plutôt que "sexualisé", parce que ce terme englobe tout, par exemple l'envie de se promouvoir, l'envie de se distinguer ou, comme nous le disons en Argentine, de "grimper"."

    Il s'agit là d'une véritable intuition qui, une fois encore, s'inscrit dans le contexte de la formation des jésuites. Mais elle semble se perdre plus tard, lorsque François aborde le sujet de l'homosexualité en répondant à une question principale sur la tension entre la doctrine et ce qui est présenté comme des relations homosexuelles actives :

    "Il est clair qu'aujourd'hui la question de l'homosexualité est très forte, et la sensibilité à cet égard change en fonction des circonstances historiques. Mais ce que je n'aime pas du tout, en général, c'est que nous regardons le soi-disant "péché de la chair" avec une loupe, comme nous l'avons fait pendant si longtemps pour le sixième commandement. Si vous exploitez des travailleurs, si vous mentez ou trichez, cela n'a pas d'importance, et ce sont les péchés en dessous de la ceinture qui sont pris en compte."

    Tout d'abord, si la société dominante, les médias et le pouvoir en place nous répétaient sans cesse qu'exploiter les travailleurs et les spolier de leur salaire était une chose merveilleuse et même nécessaire, François aurait raison. Mais, bien sûr, ce n'est pas le cas. C'est en revanche le cas de l'homosexualité, du transgendérisme et d'un certain nombre d'autres actions immorales ou nuisibles, qui ne sont plus simplement tolérées - elles sont poussées, encouragées et prêchées avec une ferveur diabolique. Et ce, précisément parce que la révolution sexuelle n'est plus une révolution mais est devenue la culture dominante en Occident.

    En outre, les catholiques pratiquants de l'Occident sont continuellement agressés parce qu'ils s'opposent au déferlement de la dépravation sexuelle et à l'anthropologie profondément déformée qui la sous-tend. Ils reconnaissent que le péché sexuel est tout aussi injuste que le vol des travailleurs, mais qu'il est encore plus profondément personnel et destructeur. Il ne s'agit plus seulement d'adultère ou même d'actes homosexuels entre adultes consentants, mais de trafic sexuel, de pornographie enfantine, d'abus sexuels et de mutilation de jeunes corps. (Et, bien sûr, le fait que François lui-même encourage le travail d'hommes tels que James Martin, S.J., dont le prétendu travail pastoral est principalement de la propagande pro-"LGBTQ-alphabet", n'aide pas).

    Deuxièmement, un frère religieux récemment rentré d'une année sabbatique passée aux États-Unis a fait la remarque suivante : "J'ai vu beaucoup de gens, même des évêques, critiquer votre direction de l'Église". L'horreur, l'horreur ! Dites que ce n'est pas le cas ! Mais il aurait fallu que ce religieux ait connu les années 1970, 1980, 1990 quand il était courant, au point d'en être ennuyeux, que des intellectuels catholiques, des prêtres, des politiciens, des prêtres - dont de nombreux jésuites - et même des évêques critiquent, attaquent et rejettent ouvertement les papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI. La grande majorité d'entre eux étaient en colère parce que ces pontifes avaient maintenu l'enseignement de l'Église sur la morale sexuelle, les contraceptifs artificiels, le divorce et le remariage, l'ordination des femmes, et ainsi de suite.

    Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec les diverses critiques adressées au pape François pour savoir que beaucoup d'entre elles, si ce n'est la plupart, proviennent de la crainte qu'il ait semé la confusion ou même sapé l'enseignement de l'Église sur ces mêmes sujets. Bien sûr, certaines attaques traditionalistes - qui semblent dominer et biaiser le point de vue du pape sur le catholicisme aux États-Unis - sont scandaleuses, trempées dans les eaux acides de théories conspirationnistes risibles. Mais il y a beaucoup de bons catholiques qui expriment, depuis de nombreuses années, des préoccupations sobres et légitimes. Comme l'a fait remarquer Francis X. Maier la semaine dernière : "Les critiques ne sont pas toujours des ennemis. Certains parlent par amour, même lorsque leurs paroles sont enflammées".

    "Vous avez vu, dit François, qu'aux États-Unis la situation n'est pas facile : il y a une attitude réactionnaire très forte. Elle est organisée et façonne l'appartenance des gens, même sur le plan émotionnel." Il fait certainement référence aux catholiques traditionalistes, mais ses propos pourraient tout aussi bien s'appliquer aux catholiques "progressistes" des soixante dernières années, qui sont aussi réactionnaires et émotifs que les autres le sont. Il suffit de lire presque n'importe quel article du National Catholic Reporter sur, par exemple, l'ordination des femmes, pour se rendre compte du peu de respect qu'ils ont pour la doctrine, les enseignements de Vatican II et les déclarations catégoriques des papes précédents.

    "Je voudrais rappeler à ces personnes que l'indietrisme (le fait d'être tourné vers le passé) ne sert à rien...", dit François, toujours à l'intention des traditionalistes. Mais, comme l'a tweeté Stephen White :

    "Une source de fascination (et de frustration) est la façon dont les préoccupations des catholiques américains, qui ne veulent pas revenir à 1975, sont constamment traduites, ici et à Rome, en un désir de revenir à 1955."

    Enfin, et c'est le point le plus important, François déclare

    "... nous devons comprendre qu'il y a une évolution appropriée dans la compréhension des questions de foi et de morale tant que nous suivons les trois critères que Vincent de Lérins a déjà indiqués au cinquième siècle : la doctrine évolue ut annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate. En d'autres termes, la doctrine progresse également, s'étend et se consolide avec le temps et s'affermit, mais elle est toujours en progrès. Le changement se développe de la racine vers le haut, selon ces trois critères.

    Venons-en aux détails. Aujourd'hui, posséder des bombes atomiques est un péché ; la peine de mort est un péché. On ne peut pas l'employer, mais ce n'était pas le cas auparavant. Quant à l'esclavage, certains pontifes avant moi l'ont toléré, mais les choses sont différentes aujourd'hui. Alors on change, on change, mais avec les critères que je viens de mentionner."

    Il y a quelques années encore, le Catéchisme affirmait que "l'enseignement traditionnel de l'Église n'exclut pas le recours à la peine de mort..." (CEC 2267). Aujourd'hui, François déclare carrément que la peine de mort est un péché. Cela nous rappelle l'observation de Chesterton dans Orthodoxie :

    La controverse moderne a pris l'habitude imbécile de dire que telle ou telle croyance peut être défendue à une époque et ne peut l'être à une autre. Certains dogmes étaient crédibles au 12e siècle, mais ne le sont plus au 20e. Autant dire qu'une certaine philosophie peut être crue le lundi, mais qu'elle ne peut pas l'être le mardi.

    François a raison de parler de "changement", mais il a tort de qualifier ce changement de "développement". Ni Vincent de Lérins ni John Henry Newman n'ont cru ou enseigné que quelque chose pouvait être moralement droit et prudent à un moment donné et se transformer ensuite en quelque chose de moralement mauvais et pécheur. Une telle transformation n'est certainement pas un "progrès", un terme utilisé à plusieurs reprises par François.

    Ce qui nous ramène au synode qui approche à grands pas. Quelles que soient les motivations de François, il est évident que Spadaro - qui a récemment écrit sur la façon dont Jésus a été "guéri" de "la rigidité des éléments théologiques, politiques et culturels dominants de son époque" - et d'autres ont l'intention d'essayer de changer la doctrine de l'Église. Après tout, si "pendant deux millénaires, l'Église catholique a enseigné que la peine de mort pouvait être une punition légitime pour des crimes odieux" et que maintenant cela peut être complètement changé et considéré comme un "péché", pourquoi ne pas renverser l'enseignement de l'Église sur la sexualité, le mariage, et plus encore, au nom de "l'inclusion radicale" ? 1975, nous voilà !

    Et pourtant, ironiquement, je reprends espoir dans la remarque de François : "Quand on abandonne la doctrine dans la vie pour la remplacer par une idéologie, on a perdu, on a perdu comme à la guerre."