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Europe - Page 12

  • Irlande : les catholiques en chute libre dans "l'île des saints"

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    De Ruadhán Jones* sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    Irlande : les catholiques en chute libre dans l'île des saints

    05-06-2023

    Le déclin du nombre d'Irlandais qui s'identifient au catholicisme n'est pas surprenant, mais sa rapidité : 10% de moins en six ans seulement. Pour beaucoup, c'est l'occasion d'évincer l'Église de la société. De son côté, l'Église devra adopter un état d'esprit proactif, sous peine d'être définitivement dépassée.

    Autrefois terre de saints et d'érudits, l'Irlande devient de moins en moins religieuse, à en juger par les derniers chiffres du recensement dans le pays. Un peu plus de la moitié des habitants de la capitale irlandaise - Dublin - se décrivent actuellement comme catholiques, selon l'Office central des statistiques (CSO).

    Dans le même temps, l'effondrement numérique de ceux qui s'identifient comme catholiques dans l'ensemble du pays, passant de 79 % en 2016 à 69 % en 2022, a donné lieu aux appels prévisibles des campagnes laïques et anticléricales visant à évincer l'Église de l'éducation, des soins de santé et d'autres infrastructures sociales. Le déclin est encore plus prononcé si on le compare au recensement de 2011, lorsque 84,2 % des résidents irlandais se disaient catholiques. Aujourd'hui, quelque 3 515 861 Irlandais se disent catholiques et, depuis le dernier recensement de 2016, le nombre total de catholiques a diminué de 180 783.

    Alors que le nombre de catholiques est en baisse, ceux qui se disent "non religieux" ont augmenté de 284 269 pour atteindre 763 210. Cela signifie que 14 % des résidents irlandais ont choisi "sans religion" sur le formulaire de recensement. C'est à Dublin, où le pourcentage de catholiques est le plus faible de la République d'Irlande, que le déclin est le plus prononcé. Un peu plus de la moitié des habitants de Dublin (53 %) ont choisi de se décrire comme catholiques. 24 % des habitants de Dún Laoghaire-Rathdown à Dublin se sont déclarés "sans religion", ce qui représente le pourcentage le plus élevé de toutes les régions.

    L'identité catholique reste forte dans les zones rurales de l'Irlande, avec le comté de Mayo où les catholiques sont les plus nombreux (80 %), suivi de près par d'autres régions rurales telles que les comtés de Tipperary, Offaly, Roscommon et Galway (79 % chacun). Seuls 7 % des habitants du comté de Monaghan se sont déclarés "sans religion". L'Église anglicane locale - l'Église d'Irlande - n'a guère changé, restant la deuxième confession religieuse avec 124 749 personnes.

    Si l'on examine les chiffres plus en profondeur, le tableau n'est pas aussi sombre que le suggère la baisse de 10 % enregistrée depuis 2016. Tout d'abord, une partie de ce déclin peut être attribuée à des changements dans les schémas migratoires. Les données montrent que parmi les citoyens irlandais, 94 % s'identifient comme catholiques. Mais chez les Polonais par exemple (pourtant enclins au catholicisme), ce chiffre a chuté de 24 % en six ans, passant de 122 515 en 2016 à 92 887.

    En revanche, en l'espace de six ans, le nombre de ceux qui se disent chrétiens orthodoxes est passé de 60 000 à plus de 100 000. Cette augmentation peut être au moins partiellement attribuée aux plus de 70 000 réfugiés de la guerre en Ukraine qui ont trouvé asile en Irlande. De même, l'augmentation du nombre de personnes s'identifiant comme musulmans - de 63 443 en 2016 à 81 930 en 2022 -, hindous et chrétiens évangéliques ou non confessionnels est une tendance liée aux nouveaux schémas migratoires et devrait se poursuivre.

    De même, toutes ces comparaisons croisées avec les recensements précédents sont risquées en raison du changement dans la formulation des questions relatives à la religion. Une note d'information de l'OSC prévient que "la question sur la religion dans le recensement de 2022 est différente de la version du recensement de 2016, ce qui peut affecter la comparabilité. Traditionnellement, la question était formulée comme suit : "Quelle est votre religion ?". En 2022, la question était plutôt : "Quelle est votre religion, si vous en avez une ?". De plus, alors que "catholique" avait toujours été la première option à cocher, en 2022, la première option était "sans religion".

    Cela dit, il convient d'ajouter que la baisse du nombre de catholiques en Irlande ne surprend personne, pas même l'Église. Bien qu'elle conserve l'un des taux de fréquentation des messes les plus élevés, les bancs se vident et les enquêtes diocésaines montrent que les personnes âgées sont les plus nombreuses à assister aux messes.

    Nous avons perdu les deux dernières générations, c'est le moins que l'on puisse dire, à cause d'un mélange de scandales, de mauvaise gestion et d'apathie. La rapidité du déclin - 10 % en six ans - est peut-être une surprise et n'augure certainement rien de bon pour l'Église à l'avenir. La ventilation complète des chiffres relatifs à l'appartenance religieuse ne sera pas disponible avant l'automne. À ce moment-là, l'Église devra y réfléchir en vue d'élaborer un plan d'action. En fin de compte, il ne suffit pas d'avoir une mentalité de maintenance dans l'Église, nous devons être proactifs.

    Dans le même temps, nos dirigeants politiques et les ONG continueront à voir dans ces chiffres une occasion d'étendre leur appel à l'éviction de l'Église, en particulier de l'éducation et de la santé. L'Eglise est sur le point de s'effondrer dans toutes les sphères de la vie irlandaise - politique, culturelle et sociale - si nous ne mettons pas un terme à son déclin. 
     

    * The Irish Catholic

    Lire également : Irlande : Le Dáil élargit l’accès à l’avortement

  • Boniface, apôtre des Germains (5 juin)

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    St_Boniface_-_Baptising-Martyrdom_-_Sacramentary_of_Fulda_-_11Century.jpgLors de l'audience du mercredi 11 mars 2009, Benoît XVI a consacré sa catéchèse à une évocation de l'apôtre des Germains : 

    Saint Boniface nous encourage à accueillir la Parole de Dieu

    Chers frères et sœurs,

    Nous nous arrêtons aujourd'hui sur un grand missionnaire du viii siècle, qui a diffusé le catéchisme en Europe centrale, et dans ma patrie également:  saint Boniface, passé à l'histoire comme l'"apôtre des Germains". Nous possédons beaucoup d'informations sur sa vie grâce à la diligence de ses biographes:  il naquit dans une famille anglosaxonne dans le Wessex autour de 675 et fut baptisé avec le nom de Winfrid. Il entra très jeune au monastère, attiré par l'idéal monastique. Possédant de remarquables capacités intellectuelles, il semblait destiné à une carrière tranquille et brillante d'érudit:  il devint enseignant de grammaire latine, écrivit plusieurs traités, composa plusieurs poésies en latin. Ordonné prêtre à l'âge de trente ans environ, il se sentit appelé par l'apostolat auprès des païens du continent. La Grande-Bretagne, sa terre, évangélisée à peine cent ans plus tôt par les Bénédictins guidés par saint Augustin, faisait preuve d'une foi si solide et d'une charité si ardente qu'elle envoya des missionnaires en Europe centrale pour y annoncer l'Evangile. En 716, Winfrid, avec quelques compagnons, se rendit en Frise (aujourd'hui la Hollande), mais il buta sur l'opposition du chef local et la tentative d'évangélisation échoua. Rentré dans sa patrie, il ne perdit pas courage, et deux ans plus tard, il se rendit à Rome pour s'entretenir avec le Pape Grégoire ii et en recevoir des directives. Le Pape, selon le récit d'un biographe, l'accueillit "avec le visage souriant et le regard empli de douceur", et dans les jours qui suivirent, il tint avec lui "des conversations importantes" (Willibald, Vita S. Bonifatii, éd. Levison, pp. 13-14) et enfin, après lui avoir imposé le nouveau nom de Boniface, il lui confia avec des lettres officielles la mission de prêcher l'Evangile parmi les peuples de Germanie.

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  • L'influence européenne sur les droits de l’homme et l’avortement en Afrique

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    Lu sur le site de l'ECLJ :

    À propos de l’influence européenne sur les droits de l’homme et l’avortement en Afrique

    1er juin 2023

    L’Occident, avec ses valeurs libérales et démocratiques, a exercé une influence considérable sur la conception des droits de l’homme dans de nombreux pays du monde, y compris en Afrique. Toutefois, cette influence suscite de nombreux débats remettant en question la pertinence des principes occidentaux face aux réalités africaines. L’Occident, porteur d’une vision des droits de l’homme axée sur les libertés individuelles et le progrès, se confronte à une Afrique qui défend une vision plus communautaire et conservatrice de ces droits. Cette dialectique entre ces deux conceptions des droits de l’homme se manifeste de manière récurrente à travers une variété de thématiques, l’avortement étant l’une des plus débattues.

    Les évolutions positives d’une appropriation de la vision occidentale libérale

    Bien que la controverse entoure l’influence occidentale sur la conception des droits de l’homme en Afrique, il est important de souligner que la vision libérale a conduit à des progrès significatifs en matière de droits civils et politiques. Par exemple, par suite de la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud a bénéficié d’un soutien substantiel provenant des pays occidentaux, facilitant ainsi sa transition vers une démocratie. Ce processus a abouti à l’instauration d’un système politique dans lequel les droits civiques, y compris le droit de vote, sont respectés[1]. Le cas du Bénin est également souvent cité comme une réussite en matière de transition démocratique libérale. Après une période de régime militaire autoritaire, le Bénin a connu une transition pacifique vers la démocratie en 1990, largement soutenue par les pays occidentaux. Le pays a depuis lors maintenu un système politique stable et démocratique, où les droits politiques tels que le droit de vote sont respectés, même si récemment, le Bénin a été accusé de dérive autocratique[2]. De plus, le soutien occidental aux processus électoraux, par le biais d’organisations comme l’Union européenne et les Nations unies, a également contribué à l’amélioration des droits politiques. Le Nigeria a, par exemple, bénéficié d’un soutien important en matière d’observation électorale, notamment de la part du parlement européen[3], ce qui a contribué à améliorer la qualité de ses élections au fil du temps.

    Critiques de l’influence occidentale

    L’influence de la vision occidentale des droits de l’homme fait toutefois l’objet de critiques en Afrique. Certains universitaires et militants des droits de l’homme accusent l’Occident de néocolonialisme, d’eurocentrisme et d’ignorance des valeurs et des contextes locaux. Selon eux, l’accent mis sur les droits individuels, qui est une caractéristique dominante des conceptions occidentales des droits de l’homme, ne tient pas compte de la nature communautaire de nombreuses sociétés africaines[4]. Certains observateurs africains voient aussi l’imposition des normes occidentales en matière de droits de l’homme comme une forme de néocolonialisme, arguant que l’Occident utilise la notion de droits de l’homme pour exercer une influence et un contrôle sur les pays africains. Le professeur Makau Mutua, un éminent juriste kényan, considère que le discours universel des droits de l’homme est un moyen par lequel l’Occident maintient une hégémonie intellectuelle et culturelle sur le reste du monde[5].

    D’autres critiques mettent également en évidence l’eurocentrisme des normes occidentales en matière de droits de l’homme. L’idée que l’universalisme de ces droits est souvent défini et contrôlé par les puissances occidentales est un thème fréquent dans les critiques postcoloniales des droits de l’homme. Samuel Moyn, dans son ouvrage « The Last Utopia : Human Rights in History » (2010), indique que le discours contemporain sur les droits de l’homme est largement influencé par les idées et les valeurs occidentales, et que cela a conduit à une domination occidentale sur la définition et la promotion de ces droits.

    Pourtant, l’universalisme des droits de l’homme est débattu au sein même de l’Europe. Le concept a subi de sérieuses critiques au fil des années et ressort fragilisé. La reconfiguration géopolitique de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, avec la partition entre l’Est et l’Ouest, a eu un impact majeur sur la conception des droits fondamentaux. Les deux blocs, bien que tous deux se réclamaient du camp des droits de l’homme, avaient des interprétations différentes de ces droits, ce qui a conduit à une fragmentation de l’universalisme. Tandis que l’Ouest mettait l’accent sur les droits civils et politiques, l’Est privilégiait les droits économiques et sociaux.

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  • D'après Bruno Colmant, « nous avançons comme des somnambules vers la guerre »

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    D'Olivier Mouton sur Trends Tendances (Le Vif) :

    Bruno Colmant : « Nous avançons comme des somnambules vers la guerre »

    31-05-2023

    « Charles de Gaulle avait dit en son temps que le pire scénario serait une guerre russo-américaine sur le territoire européen, craint l’économiste, alors que l’escalade en Ukraine se poursuit. Nous y sommes. »

    L’économiste Bruno Colmant exprime régulièrement sa préoccupation au sujet de l’évolution de la guerre en Ukraine. Cette semaine, il l’a réitérée dans un post sur LinkedIn : « Sans tomber dans les affres d’un pessimisme stérile, je crois que la guerre ukrainienne va se terminer de plus en plus mal. Certes, les actualités ont surmonté l’effet de sidération de l’attaque russe de 2022. Mais nous assistons, silencieusement, à une escalade…”

    Le post a toutefois été supprimé par le réseau parce qu’il était illustré par une photo sur laquelle apparaissait le nazi Joachim von Ribbentrop, ministre allemand des Affaires étrangères sous Hitler, avant la Seconde guerre mondiale.

    Bruno Colmant, qui est également officier de réserve, explique sa crainte singulière à Trends Tendances.

    Quelle est votre préoccupation actuelle ?

    J’ai le sentiment que nous avançons comme des somnambules vers la guerre. Nous sommes désormais entrés dans une phase où l’on fournit de l’armement offensif à l’Ukraine. L’Allemagne est réhabilitée en tant que puissance militaire comme elle ne l’avait plus été depuis 1945. Vraiment, je ne suis pas rassuré par l’évolution de cette guerre. On ne parle plus de paix, on ne parle que d’armement.

    L’incursion au-delà de la frontière ou les drones à Moscou, cela vous inquiète ?

    Oui, parce que l’on dépasse l’approche défensive pour passer à l’offensive. L’Union européenne se laisse entraîner par un courant inquiétant qui m’inquiète beaucoup. Charles de Gaulle avait dit en son temps que le pire scénario serait une guerre russo-américaine sur le territoire européen. Nous y sommes. C’est d’ailleurs pour cela que de Gaulle avait décidé des sous-marins nucléaires, afin de pouvoir tirer tous azimuts.

    Bien sûr, nous pourrions aussi aller en Ukraine vers un conflit gelé comme une forme de Verdun des temps modernes. Mais au vu de la sophistication des armements, on pourrait assister à ses choses bizarres.

    On vous reprochera de ne pas soutenir l’Ukraine et, ce faisant, de ne pas arrêter Poutine qui serait tenté d’agir de la même manière avec d’autre…

    Mais est-ce vraiment cohérent de dire cela ? Poutine s’en prendrait-il vraiment à d’autres pays alors qu’il peine à gérer ses propres frontières ? Je n’arrive pas vraiment à le croire. On reste un peu trop dans la logique de 40-45 en pensant qu’un pays peut agir de la sorte. Il s’en prendrait, en outre, à des pays de l’Otan et ce serait cataclysmique.

    Donc, un embrasement généralisé n’est pas possible ?

    Le risque, c’est d’avoir une guerre dont le degré va encore augmenter, avec une sophistication et une implications plus grandes. On a déjà donné des armements défensifs, des missiles de courte puis de longue portée, des tanks, bientôt des F16… tout !

    Il faut sortir de cette logique. Je ne comprends pas pourquoi les Nations unies n’initient pas par ailleurs un processus de paix.

    Peut-être que j’exprime cela parce que je suis d’une génération à qui l’on a beaucoup parlé des deux guerres mondiales. Mais ce n’est pas en humiliant l’Allemagne après la Première guerre mondiale que l’on a empêché le désastre de la Seconde, bien au contraire.

    Lire également : Le colonel Lawrence Wilkerson : « Les États-Unis utilisent l’Ukraine pour rétablir leur hégémonie sur l’Europe »

  • Le moment de la Pologne

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    De Filip Mazurczak sur First Things :

    LE MOMENT DE LA POLOGNE

    30 mai 2023

    En 2019, feu le cardinal George Pell a été condamné à une peine de prison pour des allégations d'abus sexuels - allégations qui ont ensuite été annulées à l'unanimité par la Haute Cour d'Australie. Si les quatorze mois que Pell a passés en prison ont été une via crucis pour lui et pour les catholiques australiens, ils ont également inspiré et revitalisé l'Église locale. Une situation similaire s'est récemment produite en Pologne. Les médias ont tenté de noircir les noms de deux Polonais, géants du catholicisme du XXe siècle, le cardinal Adam Sapieha et le pape saint Jean-Paul II. Ces calomnies ont eu un effet inattendu : elles ont entraîné une mobilisation sans précédent des catholiques polonais pour défendre la vérité.

    Début mars, la chaîne de télévision libérale américaine TVN 24 a diffusé un documentaire intitulé Franciszkańska 3. Ce film, réalisé par le journaliste Marcin Gutowski, affirme que le cardinal Adam Sapieha était un prédateur sexuel (Sapieha, archevêque de Cracovie de 1911 à 1951, est devenu un héros national pour avoir organisé l'aide humanitaire pendant les deux guerres mondiales et pour avoir courageusement défendu la souveraineté polonaise sous l'occupation allemande et sous le régime stalinien). Le documentaire affirme également que l'élève vedette de Sapieha au séminaire de Cracovie, Karol Wojtyła, a couvert trois cas d'abus sexuels commis par des prêtres durant son mandat d'archevêque de Cracovie, de 1964 à 1978 : Bolesław Saduś, Eugeniusz Surgent et Józef Loranc. 

    À peu près au moment de la diffusion du documentaire, le journaliste néerlandais Ekke Overbeek a publié le livre Maxima Culpa : What the Church Is Covering Up About John Paul II (Ce que l'Église dissimule à propos de Jean-Paul II). Ce livre a été publié par Agora Publishing, affilié au quotidien anticlérical de gauche Gazeta Wyborcza. Il est frustrant de constater que certaines publications catholiques libérales (telles que Tygodnik Powszechny, fondée par Sapieha et qui comptait parmi ses collaborateurs le jeune Karol Wojtyła) ont également pris le train en marche contre le pape. 

    Dans les jours précédant et suivant immédiatement la sortie du livre et du film, Gazeta Wyborcza et des médias libéraux comme Newsweek Polska et Onet.pl ont publié de nombreux articles à caractère sensationnel, traitant les affirmations de Gustowski et Overbeek comme des vérités indiscutables. 

    J'ai publié ici une analyse complète des accusations elles-mêmes, et elles sont loin d'être indiscutables. Selon une étude détaillée des archives secrètes de la police de sécurité communiste publiée dans le quotidien Rzeczpospolita par les journalistes Tomasz Krzyżak et Piotr Litka, il n'est pas certain que Bolesław Saduś ait été un agresseur d'enfants. Quant aux deux autres dissimulations présumées : lorsqu'il a appris les délits sexuels de Loranc, le cardinal Wojtyła l'a suspendu et l'a fait vivre en isolement dans un monastère (ses sanctions ont précédé l'arrestation de Loranc par les autorités communistes) ; et il a expulsé le troisième délinquant, Eugeniusz Surgent, incardiné dans le diocèse de Lubaczów, de son diocèse. 

    Récemment, Krzyżak et Litka ont publié une autre analyse de documents que Gutowski et Overbeek n'avaient pas consultés. Ces documents suggèrent fortement que les allégations contre le cardinal Sapieha ont été fabriquées par la police secrète communiste. En outre, l'affirmation selon laquelle le cardinal Sapieha était un prédateur sexuel a déjà été contestée par de nombreux historiens ; ils soulignent qu'il est invraisemblable que Sapieha ait abusé de séminaristes alors qu'il était âgé de 83 ans, mourant et alité, et que ses accusateurs n'étaient pas des témoins fiables. Ils notent également que le fait que le régime communiste n'ait pas utilisé ces allégations dans sa campagne anticatholique du début des années 1950 implique qu'il les considérait comme improbables.

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  • Le vandalisme contre les églises catholiques est en hausse en Bavière

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    De Pier Luigi Zoccatelli sur Bitter Winter :

    Le vandalisme contre les églises catholiques est en hausse en Bavière

    30 mai 2023

    Le nombre de cas est passé de 271 en 2021 à 294 en 2022. Ils ne doivent pas être rejetés à la légère.

    Anti-Christian slogans painted on the walls of the Augsburg Cathedral. Source: Observatory of Intolerance and Discrimination Against Christians in Europe.
    Slogans anti-chrétiens peints sur les murs de la cathédrale d'Augsbourg. Source : Observatoire de l'intolérance et de la discrimination contre les chrétiens en Europe : Observatoire de l'intolérance et de la discrimination envers les chrétiens en Europe.

    L'Office de la police criminelle de l'État de Bavière (LKA) a publié un rapport sur les actes de vandalisme commis contre des églises, des chapelles et des monastères en Bavière en 2022. Le nombre d'attaques enregistrées s'élève à 294. Une comparaison avec les années précédentes montre une croissance constante du nombre d'incidents. Ils étaient 219 en 2019, 242 en 2020 et 271 en 2021. Il semble que même les quarantaines COVID-19 n'aient pas ralenti la progression de cette série.

    Comme le rapporte l'Observatoire de l'intolérance et de la discrimination envers les chrétiens en Europe, basé à Vienne, qui suit régulièrement ce type d'incidents, "un porte-parole du diocèse catholique de Ratisbonne [a déclaré que les cas comprenaient] : "Par exemple, des figures de saints ont été détruites ou endommagées, des gens ont fumé et uriné dans les salles d'église, les murs de l'église ont été barbouillés ou des incendies ont été allumés à l'intérieur de l'église."" L'une des attaques les plus graves a eu lieu lorsque l'église historique de Saint-Nicolas à Spalt a été la cible d'un incendiaire.

    La tendance se poursuit en 2023. Selon le même observatoire, le 10 janvier, quelqu'un a peint "un graffiti rouge sur la cathédrale d'Augsbourg qui disait 'F*ck Jesus ! Il aurait voulu que les choses se passent ainsi", tandis que "d'autres cas ont été signalés à Munich, où la figure de Jésus a été volée". Dans une église catholique d'Augsbourg, les auteurs ont jeté des œufs et laissé des graffitis insultants sur le mur contre la Parole de Dieu".

    Ces cas sont souvent pris à la légère par les médias et attribués à des "adolescents ivres" ou à des "farceurs". Leur nombre montre cependant qu'ils s'inscrivent dans un phénomène plus large d'anticatholicisme et d'incitation à la haine contre les chrétiens. Les crimes de haine ont tendance à devenir de plus en plus violents. Les autorités et les médias devraient les considérer comme un phénomène grave et alarmant.

  • Bède le Vénérable (25 mai) : un bâtisseur de l'Europe chrétienne au VIIIème siècle

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    De BENOÎT XVI lors de l'AUDIENCE GÉNÉRALE du mercredi 18 février 2009 :

    Bède le vénérable

    Bède - The British Library

    Chers frères et sœurs,

    Le saint que nous évoquons aujourd'hui s'appelle Bède et naquit dans le Nord-Est de l'Angleterre, plus exactement dans le Northumberland, en 672/673. Il raconte lui-même que ses parents, à l'âge de sept ans, le confièrent à l'abbé du proche monastère bénédictin, afin qu'il l'instruise:  "Depuis lors - rappelle-t-il -, j'ai toujours vécu dans ce monastère, me consacrant intensément à l'étude de l'Ecriture et, alors que j'observais la discipline de la Règle et l'engagement quotidien de chanter à l'église, il me fut toujours doux d'apprendre, d'enseigner ou d'écrire" (Historia eccl. Anglorum, v, 24). De fait, Bède devint l'une des plus éminentes figures d'érudit du haut Moyen-Age, pouvant utiliser les nombreux manuscrits précieux que ses abbés, revenant de leurs fréquents voyages sur le continent et à Rome, lui portaient. L'enseignement et la réputation de ses écrits lui valurent de nombreuses amitiés avec les principales personnalités de son époque, qui l'encouragèrent à poursuivre son travail, dont ils étaient nombreux à tirer bénéfice. Etant tombé malade, il ne cessa pas de travailler, conservant toujours une joie intérieure qui s'exprimait dans la prière et dans le chant. Il concluait son œuvre la plus importante, la Historia ecclesiastica gentis Anglorum, par cette invocation:  "Je te prie, ô bon Jésus, qui avec bienveillance m'a permis de puiser aux douces paroles de ta sagesse, accorde-moi, dans ta bonté, de parvenir un jour à toi, source de toute sagesse, et de me trouver toujours face à ton visage". La mort le saisit le 26 mai 735:  c'était le jour de l'Ascension.

    Les Saintes Ecritures sont la source constante de la réflexion théologique de Bède. Après une étude critique approfondie du texte (une copie du monumental Codex Amiatinus de la Vulgate, sur lequel Bède travailla, nous est parvenue), il commente la Bible, en la lisant dans une optique christologique, c'est-à-dire qu'il réunit deux choses:  d'une part, il écoute ce que dit exactement le texte, il veut réellement écouter, comprendre le texte lui-même; de l'autre, il est convaincu que la clef pour comprendre l'Ecriture Sainte comme unique Parole de Dieu est le Christ et avec le Christ, dans sa lumière, on comprend l'Ancien et le Nouveau Testament comme "une" Ecriture Sainte. Les événements de l'Ancien et du Nouveau Testament vont de pair, ils sont un chemin vers le Christ, bien qu'ils soient exprimés à travers des signes et des institutions différentes (c'est ce qu'il appelle la concordia sacramentorum). Par exemple, la tente de l'alliance que Moïse dressa dans le désert et le premier et le deuxième temple de Jérusalem sont des images de l'Eglise, nouveau temple édifié sur le Christ et sur les Apôtres avec des pierres vivantes, cimentées par la charité de l'Esprit. Et de même qu'à la construction de l'antique temple contribuèrent également des populations païennes, mettant à disposition des matériaux précieux et l'expérience technique de leurs maîtres d'œuvre, à l'édification de l'Eglise contribuent les apôtres et les maîtres provenant non seulement des antiques souches juive, grecque et latine, mais également des nouveaux peuples, parmi lesquels Bède se plaît à citer les celtes irlandais et les Anglo-saxons. Saint Bède voit croître l'universalité de l'Eglise qui ne se restreint pas à une culture déterminée, mais se compose de toutes les cultures du monde qui doivent s'ouvrir au Christ et trouver en Lui leur point d'arrivée.

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  • La chrétienté a largement participé au développement de la civilisation européenne

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    Un entretien avec Jean-François Chemain (propos recueillis par Côme de Bisschop) sur le site de la revue Conflits :

    Comment la chrétienté a façonné l’Europe.

    22 MAI 2023

    La chrétienté a largement participé au développement de notre civilisation : unité de l’Europe, primauté de la paix, laïcité ou encore droits de l’homme, sont autant de principes qui en découlent. À l’heure où le christianisme est en déclin en Europe, Jean-François Chemain fait le point sur ses apports civilisationnels et la légitimité de leur avenir. 

    Jean-François Chemain est docteur en histoire, écrivain et professeur à l’Ircom. Son dernier ouvrage, Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde, vient de paraître aux éditions Artège. 

    Vous écrivez que « toute la civilisation européenne est pétrie de christianisme ». Comment « Europe » et « chrétienté » sont-ils devenues synonymes ? 

    Le terme « Europe », dans son sens moderne, a été utilisé pour la première fois sous la plume de saint Colomban, un moine irlandais, dans deux lettres au pape (590 et 614), où il définissait celle-ci comme l’espace soumis à l’autorité spirituelle de ce dernier. Cela excluait l’islam naissant, et ses conquêtes futures au détriment de la chrétienté, mais aussi l’Empire byzantin, berceau de l’orthodoxie, dans lequel l’Église était soumise à l’Empereur.  Pour être plus précis, « Europe » est synonyme de « chrétienté d’Occident ».

    Pour le christianisme, la guerre n’est jamais souhaitable et doit rester un ultime recours. Si elle devient nécessaire, celle-ci doit être justifiée. Qu’est-ce qu’une « guerre juste » pour les chrétiens ? Ces deux mots ne sont-ils pas antinomiques ? 

    Le christianisme a très tôt défini une conception de la « guerre juste ». Saint Augustin a en effet adapté au christianisme une antique conception romaine, qui qualifie ainsi une guerre défensive, déclenchée par une autorité légitime, quand on a épuisé en vain tous les moyens pacifiques, et afin de réparer une injustice subie. Une pensée reprise et formalisée par saint Thomas d’Aquin. Cela exclut toute guerre de conquête, même soi-disant « sainte ».

    Le message évangélique de la religion chrétienne est un message de paix, comme le précise l’évangile selon Saint Matthieu : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». À ce titre, comment les chrétiens justifient-ils l’épisode des croisades ou encore celui des guerres de religion et de ses violences ? 

    Les croisades, qu’on se plaît à présenter comme un triste prototype de guerre « sainte », n’ont de fait été vécues que comme une guerre « juste », destinée à protéger les pèlerins chrétiens empêchés de se rendre sur leurs Lieux Saints par les développements du djihâd musulman – qui est, lui, une authentique guerre sainte. Quant aux guerres de religion, l’Église catholique en porte, comme les autres Églises chrétiennes, une part de responsabilité. Mais elles doivent aussi beaucoup à la prétention des chefs d’État de se mêler de religion, et de vouloir que tous leurs sujets croient la même chose qu’eux. Et puis, enfin, ce n’est pas parce qu’on est chrétien qu’on se comporte comme un saint : au moins a-t-on conscience de son péché !

    La Révolution française n’a pas eu pour ambition de s’appliquer uniquement aux Français, mais bien à l’humanité tout entière. Existe-t-il un lien entre la vocation universelle de la Révolution et celui du catholicisme ? 

    Effectivement, « catholique » signifie « universel ». Et donc, moins paradoxalement que logiquement, si la France est « la fille aînée de l’Église » (catholique), alors ce qui est français est aussi universel. D’où la prétention de la Révolution d’être universelle (cf. la Déclaration des droits de l’Homme, valable pour l’Humanité entière, quand le Bill of rights anglais ne s’appliquait qu’au peuple anglais), mais aussi cette conception universaliste qu’a la République de la nation française : en ferait partie, si l’on en croit, par exemple, le sociologue « autorisé » Patrick Weil, toute personne, d’où qu’elle vienne, qui adhère à ses valeurs. Et ce bien plus qu’un Français « de souche », qui apparaît furieusement « local » et n’a en outre pas choisi de venir pour faire allégeance à des « valeurs ».

    L’imaginaire collectif considère souvent la démocratie comme étant la fille d’Athènes, qui serait réapparue  miraculeusement en 1789 en France. Cependant, si la démocratie a été utilisée par les Grecs, ils n’en faisaient pas un impératif, l’important était de diriger selon le bien commun. Ainsi, comment le christianisme, par son choix du mode électoral au sein des institutions religieuses, a-t-il permis de mettre en avant la démocratie, longtemps tombée en désuétude, comme une évidence morale ? 

    Le compendium de l’Église catholique présente la démocratie comme un système préférable aux autres. C’est contraire à une idée reçue, qui voudrait que celle-ci ait eu partie liée avec la monarchie, et que la démocratie ait été une conquête réalisée contre elle. On ne peut pas nier que cela ait été le cas au XIXesiècle, mais dans le contexte particulier du traumatisme post-révolutionnaire. 

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  • France : un catholicisme en chute constante

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    De Maximilien Bernard sur Riposte Catholique :

    La chute constante du catholicisme français

    23 mai 2023

  • Concert « Bach inspiration V » le dimanche 18 juin prochain à 17h00 à l’église du Saint-Sacrement (Bd d’Avroy, 132 à Liège).

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  • L'Europe, terre d'élection des Frères musulmans

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    Du site de la Nef :

    Entrisme de l’islam en Europe : entretien avec Florence Bergeaud-Blackler

    Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue, chargée de recherche CNRS (HDR) au groupe Sociétés, Religions, Laïcités à l’École pratique des hautes études (EPHE) vient de publier un livre passionnant appelé à devenir une référence, Le frérisme et ses réseaux, L’enquête (1).

    La Nef – Pourriez-vous nous définir le « frérisme » et nous expliquer son rapport avec l’islamisme ?

    Florence Bergeaud-Blackler – J’appelle frérisme une forme d’islam politico-religieux qui s’est développée dans les sociétés démocratiques sécularisées à partir des années 1960. Je le distingue de l’« islamisme » par ses moyens et son objectif. En résumé, le frérisme veut instaurer la société islamique mondiale et mondialisée en contournant le politique et en utilisant l’économie mondialisée, la culture, la soft law et le soft power, alors que les partis islamistes des pays musulmans veulent conquérir le pouvoir politique des États par les urnes ou la révolution.

    Pourquoi les Frères musulmans ont-ils choisi l’Europe comme terre d’élection ? Comment la considèrent-ils ?

    L’Union européenne est forte économiquement et culturellement, elle est faible politiquement, le frérisme est donc adapté à son milieu. Remontons un peu le temps.

    Les Frères sont des théocrates plus que des théologiens, ils sont pragmatiques et opportunistes. Quand ils se sont implantés en Europe – mais également aux États-Unis ou en Australie et Nouvelle-Zélande –, à partir des années 1960, ils possédaient le statut provisoire d’« étudiant » ou de « réfugié », et n’étaient pas destinés à vivre sur les terres de mécréance (dar el kufr), considérées comme territoires de guerre (dar el harb). Ils préparaient leur retour dans les pays d’origine du Moyen-Orient, du Maghreb ou du continent indien. Le temps passant, nombre d’entre eux ont réalisé qu’ils jouissaient d’une grande liberté d’expression et de croyance alors qu’ils risquaient la prison ou la mort là d’où ils venaient. Plutôt que de faire la hijra comme l’islam le recommande et revenir vivre en pays musulmans, ils se sont trouvé une nouvelle mission qui les mettait en conformité avec les textes : faire de leur lieu de vie une terre d’islam.
    On a là tout l’esprit du frérisme : adapter l’environnement à l’islam plutôt qu’adapter l’islam à l’environnement. Ils ont déclaré l’Europe terre de contrat (dar el ahd) et ont déployé leurs activités à partir de plusieurs centres islamiques notamment en Suisse, Allemagne, France et au Royaume-Uni. Ils ont ouvert des associations « culturelles islamiques » plutôt que « cultuelles » et se sont ainsi fondus dans le paysage associatif. Il suffisait de faire passer une pratique rituelle comme culturelle pour que peu à peu se déploie une norme islamique intégraliste. C’est par cette culture islamique mondialisée qui aujourd’hui se déploie sous le nom d’économie halal qu’ils ont progressivement conquis les sociétés consuméristes européennes. Se pensant comme les nouveaux ambassadeurs de l’islam en Europe, ils ont peu à peu pénétré les universités, les entreprises, les administrations et les institutions européennes.

    (1) Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, préface de Gilles Kepel, Odile Jacob, 2023, 400 pages, 24,90 €.

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  • L'Église a été une force de libération dans le domaine politique, culturel et scientifique

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    «Le christianisme a largement contribué au développement des sciences»

    Jean-François Chemain est docteur et agrégé en histoire ainsi que docteur en histoire du droit. Il est l'auteur de nombreux livres et enseignant dans différents établissements supérieurs. Son dernier livre Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde vient de paraître aux éditions Artège (280p., 19,90€.).

     

    FIGAROVOX - Vous écrivez dans votre premier chapitre que «le christianisme a apporté au monde l'idée de l'Europe comme un espace politique, religieux et culturel». Qu'entendez-vous par là ?

    Jean-François CHEMAIN. - Le terme d'«Europe» est très ancien, il était déjà employé par les Hittites, les Phéniciens et les Grecs, dans des acceptions assez variées, pour désigner telle divinité ou telle région. Mais il est utilisé pour la première fois dans son sens moderne par le moine irlandais saint Colomban, dans deux lettres adressées au Pape. Dans la première, en 590, il définit l'Europe comme le territoire soumis à l'autorité spirituelle du Pape, ce qui correspond aux frontières européennes actuelles. Ainsi, cette désignation donne à l'Europe un sens géographique définitif, mais aussi une dimension religieuse et institutionnelle importante, étant donné que le Pape est le chef de l'institution ecclésiale. Cela exclut par conséquent toute la partie de la chrétienté originelle qui n'obéit pas au Pape, notamment l'Empire byzantin au sein duquel la religion était dirigée par l'Empereur, dans la tradition césaro-papiste romaine. La seconde lettre est écrite en 614, à l'époque où apparaît l'Islam.

    Les monastères chrétiens ont également été un facteur important d'unification religieuse et culturelle de l'Europe. Nous avons connu deux principales vagues monachiques, la première avec l'ordre de Cluny fondé en 910 selon la règle bénédictine, qui a édifié environ 1000 prieurés ; et la seconde avec l'ordre cistercien, qui s'appuie lui aussi sur la règle de saint Benoît. Si on regarde la carte des monastères bénédictins et cisterciens au Moyen-Âge, nous retrouvons le territoire européen actuel, excepté les récents élargissements orthodoxes (Roumanie, Bulgarie etc.).

    Selon vous, les chrétiens sont les premiers à avoir établi la distinction entre l'État et la religion. Peut-on dire, en somme, que même la République laïque se fonde sur un modèle chrétien ?

    Absolument, il y a dans la République un prolongement de la rivalité entre l'Église et l'État, qui est un conflit fondateur de la civilisation chrétienne occidentale. La France a résolu cette rivalité de manière fondamentaliste et intellectuelle, en faisant absorber par l'État les fonctions traditionnelles de l'Église. Autrement dit, l'institution ecclésiale a été marginalisée et décrédibilisée, pendant que la République reprenait ses principes évangéliques pour en faire une politique.

    En absorbant les différents rôles de l'Église, l'État a déserté ses propres fonctions régaliennes, il ne défend plus nos frontières, n'assure plus la sécurité et ne rend plus la justice.

    Jean François Chemain
    L'Église a originellement trois grandes missions, les tria munera, à savoir gouverner, enseigner et sanctifier. Concernant la première, il y a eu pendant des siècles un bras de fer entre l'Église et l'État pour savoir qui devait gouverner, et l'État en est sorti victorieux. Pour la seconde, l'Église a longtemps eu le monopole de l'enseignement, mais l'État a aujourd'hui entièrement récupéré ce domaine. Enfin, l'État a aussi pris à l'Église sa dernière mission, la sanctification des hommes. En effet, l'institution étatique cherche à faire de chaque citoyen un saint, elle nous exhorte à «la tolérance», à la «repentance», nous invite à accueillir l'étranger, à partager nos biens, à tendre la joue droite quand on nous frappe sur l'autre... C'est un discours évangélique. Mais parallèlement, en absorbant les différents rôles de l'Église, l'État a déserté ses propres fonctions régaliennes, il ne défend plus nos frontières, n'assure plus la sécurité et ne rend plus la justice.

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