site du Figaro : s'entretient avec Yves Chiron sur le
«Le gouvernement chinois veut garder le contrôle sur l'Église catholique»
ENTRETIEN - À l'occasion de la rare visite de l'évêque de Hongkong, reconnu par Rome, à Pékin, l'historien Yves Chiron revient sur la relation chaotique qu'entretiennent le Vatican et la Chine.
Yves Chiron est historien et journaliste, spécialiste de l'histoire contemporaine de l'Église catholique. Il a publié en 2019 La longue marche des catholiques de Chine aux éditions Artège.
LE FIGARO.- L'Église catholique en Chine est divisée entre l'institution reconnue par le parti communiste chinois et la communauté dite «souterraine», fidèle à Rome. Quels liens entretiennent aujourd'hui les deux communautés ?
Yves CHIRON.- La division remonte à 1957 lorsqu'a été créée l'Association patriotique des catholiques chinois (APCC), organisation de prêtres et de catholiques soumise au Parti communiste chinois. L'année suivante, l'APCC a décidé de nommer et de faire consacrer des évêques sans l'accord du Saint-Siège. Il s'agissait de rendre l'Église catholique «autonome», c'est-à-dire indépendante de Rome, sur le plan financier et juridictionnel. Il s'agissait aussi de créer une sorte d'Église nationale qui accepte de contribuer à la construction de la société «socialiste».
À partir de cette époque deux communautés catholiques ont coexisté: l'une autour des nouveaux évêques non reconnus par Rome et sous la dépendance de l'APCC, qu'on appellera communément l'Église patriotique ou l'Église officielle ; l'autre autour des évêques restés en communion avec le Saint-Siège, qu'on appellera l'Église souterraine parce qu'elle refusait d'adhérer à l'APCC et donc n'était plus autorisée par les autorités chinoises.
Au cours des décennies, l'Église patriotique a consacré des dizaines d'évêques non reconnus par le Saint-Siège, donc schismatiques, et l'Église clandestine a consacré des dizaines d'évêques non reconnus par le gouvernement chinois mais en communion avec Rome.
Jean-Paul II, Benoît XVI puis le pape François ont œuvré à la réconciliation des deux «Églises». Des évêques schismatiques se sont réconciliés avec le Saint-Siège. En 2007, Benoît XVI a demandé que l'Église clandestine ne consacre plus d'évêques ; en 2018, le pape François a levé l'excommunication qui frappait encore sept évêques schismatiques. Mais la situation reste difficile. Il y a encore plusieurs dizaines d'évêques clandestins qui ne sont pas reconnus par les autorités chinoises, il en est de même pour des milliers de prêtres et de religieuses. Ils peuvent être à tout moment empêchés d'exercer leur ministère ou leur apostolat.