Une opinion de Joseph Junker parue en contribution externe sur le site de La Libre :
L’imposture du "jour du dépassement", ce jour où l'humanité aurait consommé la totalité des ressources annuelles
OPINION
Aucun calcul ne permet de déterminer le "jour du dépassement", ce jour où l’humanité aurait consommé la totalité de ses ressources annuelles. Le brandir comme on le fait, même au nom du "bien", est un jeu dangereux. Une opinion de Joseph Junker, ingénieur civil, consultant indépendant dans le secteur de l'énergie.
Vous n’avez pas pu passer à côté : ce 29 juillet, tout le monde en parle, nous avons atteint le "jour du dépassement". Ce jour où l’humanité aurait consommé la totalité des ressources que la terre peut produire en une année. Deux jours plus tôt que l’an dernier, comme chaque année.
Au-delà d’une méfiance viscérale pour ce type de messages apocalyptiques, je vous l’avoue franchement, l’énergéticien que je suis ne déborde pas d’enthousiasme envers cette initiative, tout aussi attirante soit-elle et louable dans ses intentions. Le simple bon sens déjà nous le montre : comment vivons-nous donc depuis une semaine, alors que nous avons épuisé tous les dons que notre Terre-Mère pouvait nous offrir cette année ? Les céréales vont-elles donc arrêter de pousser jusqu’au 1er janvier ? Sommes-nous en train de puiser notre nourriture dans un frigo géant qui un jour s’épuisera à son tour ?
Aucun calcul ne tient la route
Bien sûr, on imagine aisément que l’institut chargé de calculer cette date se propose de prendre en compte l’épuisement des ressources naturelles, notamment l’utilisation de carburants fossiles, en considérant ces dernières comme un "stock". Un stock dont l’épuisement pourrait être converti statistiquement en surface cultivable. Ce serait confondre la notion déjà critiquable d’empreinte écologique avec celle d’empreinte carbone. Mais surtout, sur base de quelle équivalence allons-nous réaliser ce calcul ? Combien d’hectares pour un litre de pétrole ou l’extraction d’un kilo de cuivre ? Ne cherchez pas, il n’y a aucun calcul connu qui tienne la route, et quiconque prétend le contraire ne fait que se ménager le droit d’écrire n’importe quoi.
Mieux encore, comment expliquer les incohérences et remarquables omissions au gré des intentions des auteurs du calcul ? Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, l’institut chargé de calculer le jour du dépassement a dû admettre en 2008 qu’il prenait en compte une empreinte carbone identique pour l’électricité d’origine nucléaire et celle d’origine fossile. Hypothèse qui, quoi qu’on pense du nucléaire, ne peut relever que du préjugé ou de l’ignorance de son auteur.