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Culture - Page 11

  • USA : la résistance au wokisme s'organise

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    Sur Radio Notre-Dame ("Le grand témoin" avec Louis Daufresne) :

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  • Namur, 20 novembre : la Théologie du Corps; conférence par Robert Sebisaho

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  • "Le totalitarisme revient sous une forme paradoxale"

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    Du blog "Pour une école libre..." :

    Le Totalitarisme sans le goulag, le nouveau livre de Mathieu Bock-Côté


    Les Occidentaux ont voulu se faire croire après la chute du communisme que l’histoire du totalitarisme était derrière eux, qu’elle ne les concernait plus. Au pire redoutaient-ils l’apparition d’un totalitarisme doux, à visage humain, mais ils ne le croyaient pas vraiment, ne le prenaient pas au sérieux. Et pourtant, le totalitarisme revient. Dans l’incrédulité générale, puisqu’il revient sans goulag, car il n’en a plus besoin. Et il revient sous une forme paradoxale.

    Nos sociétés veulent croire que ce qu’elles appellent « l’extrême-droite » les menace existentiellement, comme si elle sortait des enfers pour les y ramener avec elle.

    Cette catégorie politique fantomatique, indéfinissable, manipulée et instrumentalisée, sert essentiellement à étiqueter tous ceux qui s’opposent au régime diversitaire. Mais pas seulement : toute personnalité de gauche n’adhérant pas à la doxa ambiante est désormais frappée de cette marque de l’infamie.

    La lutte contre la prétendue « extrême-droite » justifie aujourd’hui une suspension progressive des libertés, le retour de mécanismes d’ostracisme et un contrôle social croissant, prétendant éradiquer le mal du cœur de l’homme. En d’autres mots, ce n’est pas « l’extrême-droite » qui nous menace, mais la lutte contre « l’extrême-droite » qui nous conduit au totalitarisme. Je sais cette thèse contre-intuitive. Je me donne la mission ici de la démontrer.

    Mathieu Bock-Côté
    Le retour de la question totalitaire
     
    Introduction :

    Je crains la réalisation généralisée de l’utopie.

    Eugène Ionesco


    Il y a quelques années à peine, ceux qui annonçaient un retour de la tentation totalitaire au cœur du monde occidental passaient pour d’inquiétants illuminés, ou pour des soldats perdus de la guerre froide, ignorant que le communisme s’était effondré, qu’il était mort et enterré, ou ne parvenant pas à en faire leur deuil, car ayant toujours besoin d’un grand Satan à combattre. Certes, l’islamisme était un totalitarisme, mais il venait de loin, et ne surgissait pas à la manière d’une pathologie propre à notre civilisation. Dans sa forme violente, il relevait moins du combat des idées que de la lutte antiterroriste. Dans sa forme pacifique, il exigeait un redressement existentiel des sociétés occidentales, invitées à renouer avec leurs idéaux, pour tenir tête à sa dynamique conquérante. Ils furent pourtant nombreux dès les années 1990 à s’inquiéter d’une forme nouvelle d’asservissement idéologique : ils ne furent pas vraiment pris au sérieux. Les conservateurs inquiets qui croyaient reconnaître la renaissance du totalitarisme dans ce qu’on a commencé à appeler le politiquement correct étaient accusés de s’épouvanter devant des faits divers marginaux, sans ancrage dans la réalité. Ils verseraient dans des « paniques morales », cherchant désespérément dans les aléas de la vie universitaire de quoi alimenter leur vision épouvantée de la modernité. Ceux qui insistèrent un peu trop s’attirèrent une réputation de radicaux, d’extrémistes nauséabonds et sulfureux : la mouvance national-conservatrice, grande maudite des années 1990, annonçait aussi l’avènement d’un nouveau totalitarisme, dont elle serait la première victime. Enfermée dans son ghetto, extrême-droitisée, prisonnière de l’étiquette diabolisante qu’on lui collait, elle ne parvenait qu’à convaincre les siens. Le totalitarisme, pathologie politique propre à la modernité, ne nous concernerait plus. De l’URSS, il ne resterait plus que de vieux restes, babioles et colifichets pour antiquaires. On aurait jugé biscornue l’idée voulant que les sociétés occidentales poursuivent à leur manière l’histoire du communisme par d’autres moyens.

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  • Relire Henri Pirenne

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    Du site "Pour une école libre..." :

    Histoire — Relisons Pirenne !

    Un imposant volume de la collection « Quarto » réunit les écrits de l’historien médiéviste belge rendu célèbre par son livre « Mahomet et Charlemagne ».

    L’historien Henri Pirenne, dans son bureau, à Gand (Belgique), en 1930. La loi du 5 avril 1930 éliminera le français comme langue d’enseignement et imposera le néerlandais. Pirenne, ne parlant pas le néerlandais, dut céder son poste de professeur d’histoire à la fin de l’année universitaire. L’Université de Louvain en terre flamande sera la dernière université à être « flamandisée » en 1968

    Il fut un temps où son nom n’était plus cité qu’avec embarras. À l’époque où Samuel Huntington faisait frémir avec sa thèse sur le « choc des civilisations », il n’était pas bien vu de mentionner Henri Pirenne. Son crime ? Il avait osé affirmer, dans Mahomet et Charlemagne, publié en 1937, que les invasions arabes avaient marqué la fin de l’Europe antique, semblant donner du crédit par avance aux thèses du néoconservateur américain. 

    Avant Mahomet, écrivait Pirenne, l’orient et l’occident n’étaient pas franchement divisés. L’Empire romain, qui, de la Syrie à l’Espagne, de la Baltique au Sahara, formait une magnifique unité, n’avait pas été bouleversé fondamentalement par les « invasions » barbares, car les nouveaux conquérants germaniques avaient institué, sur les ruines de l’empire, des monarchies qui, comme celles de Clovis ou des Wisigoths et des Vandales, avaient manifesté une grande révérence à l’égard de la civilisation vaincue. Clovis se fait baptiser et pousse même le zèle jusqu’à demander à être reconnu comme consul et patrice romain par l’empereur romain d’Orient Anastase.

    Tout allait changer avec l’arrivée des défenseurs d’Allah au VIIe siècle. Eux n’ont aucun respect pour la romanité, car ils défendent une autre civilisation et un autre dieu. Pirenne résumait : « Tandis que les Germains n’ont rien à opposer au christianisme de l’empire, les Arabes sont exaltés par une foi nouvelle. »

    À Pirenne revient l’indéniable mérite d’avoir le premier exploré l’étendue de l’influence islamique dans les premiers siècles du Moyen Âge.

    Geneviève Warland et Philippe Sénac
    Provenant de la péninsule arabique, ils colonisent au nom d’Allah la rive sud de la Méditerranée, s’installant durablement en Palestine, en Égypte ou en Maurétanie césarienne et tingitane, puis ils franchissent le détroit de Gibraltar et remontent jusqu’au Nord, près de Poitiers, en passant par l’Espagne. 

    Loin d’être restée un lac intérieur (le fameux Mare nostrum des Romains), la Méditerranée allait dès lors devenir un obstacle, une « barrière ». Pirenne parle de « cataclysme cosmique ». Le royaume wisigoth s’effondre, le royaume franc résiste de justesse. D’où la phrase célèbre et contestable : « Sans Mahomet, Charlemagne est inconcevable. »

    Ce que les Anglo-saxons ont appelé, au regard de sa popularité, « the Pirenne’s thesis », n’est plus aujourd’hui reconnu par la très large majorité de la communauté historique. Elle avait déjà été nuancée dès la publication de ce livre. Un grand historien du Moyen Âge comme Marc Bloch, tout en saluant l’érudition et le style de l’auteur, ne se disait pas tout à fait convaincu par la thèse de Pirenne dans la mesure où, selon lui, Mahomet avait probablement « précipité » l’effondrement de la civilisation antique, mais il ne l’avait pas « créée », constatant avec d’autres que le commerce s’était déjà effondré à l’époque mérovingienne. D’autres historiens affirmeront ensuite que le commerce méditerranéen, qui était déjà en recul depuis la chute de Rome, ne s’effondra pas totalement avec l’arrivée des Arabes puisque certains ports de l’Italie du Sud continuèrent leurs relations avec l’orient. 

    Bref, les controverses érudites feront rage, mais l’idée essentielle demeure, et, comme l’écrivent Geneviève Warland et Philippe Sénac, qui codirigent la publication de l’œuvre de Pirenne dans cette édition « Quarto », « à Pirenne revient l’indéniable mérite d’avoir le premier exploré l’étendue de l’influence islamique dans les premiers siècles du Moyen Âge ».

    Insistant sur la force de sa reconstruction historique, sur son « don d’évocation hors pair », les auteurs de ce gros volume nous permettent de redécouvrir l’œuvre de Pirenne, ne se limite nullement à cette thèse sur Mahomet et Charlemagne, dont l’auteur avait eu l’intuition dès 1893 et qu’il avait commencé à défendre dans un article savant en 1922 avant d’en rédiger le texte fameux. Pirenne offre aussi à ses lecteurs une formidable histoire de l’Europe qui possède un souffle et un « art de voir », comme dira Marc Bloch, qui fait bien défaut à beaucoup d’historiens d’aujourd’hui. Pirenne [germanophone et familier de l’Allemagne] s’oppose notamment à la vision des historiens allemands et défend une ligne de démarcation entre une Europe de l’Ouest marquée par l’esprit de liberté dès le Moyen Âge, reposant sur un idéal national, et une Europe orientale, germanique, impériale, plus autoritaire et arriérée. Cette tonalité antiallemande paraîtra un peu démodée, mais elle n’est pas si erronée et elle a du souffle. Alors, ne serait-ce que pour le plaisir littéraire, il faut relire Pirenne.

    Source : Le Figaro

    Histoires de l’Europe 
    par Henri Pirenne,
    paru le 28 septembre 2023,
    chez Gallimard,
    à Paris,
    dans la collection Quarto,
    1504 pp,
    ISBN-10 : 2 072 828 341
    ISBN-13 : 978-2072828348

    Ce volume illustré contient :

    • Histoire de l’Europe 
    • Les Villes du Moyen Âge
    •  Mahomet et Charlemagne Recueils d’articles, discours, essais et journaux sur la méthodologie de l’histoire, autour des « Annales », sur la nation (belge), et sur la Grande Guerre 
    •  « Pirenne, Mahomet, Charlemagne », préface de Philippe Sénac 
    •  Vie & Œuvre.
  • Quand l'Eglise parlait aux simples...

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    De KTO ("Au risque de l'histoire") :

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    L'époque médiévale souffre, depuis le XVIIIe siècle, d'une réputation d'âge sombre, inculte et ignorant où la superstition le dispute à la violence. On lui oppose volontiers l'âge de la Renaissance, prélude de l'époque moderne où les ténèbres moyenâgeuses auraient été progressivement dissipées par les lumières de la rationalité humaine, redécouvertes à travers un âge d'or antique. Bien des travaux ont pourtant battu en brèche ces lieux communs et montrés toute la richesse de ces mille ans d'histoire. Michel Zink fait partie de ces historiens passionnés par l'éblouissante effervescence artistique, politique et sociale de cette époque. « On parle souvent à tort de « La » Renaissance, alors même que ce que nous désignons par ce mot peut être daté du XIVe siècle en Italie et du XVIe siècle chez nous. La vérité, c'est que les sociétés médiévales ont vécu une succession de renaissances », lance-t-il avec entrain. Un entretien passionné qui permet de revenir sur une valeur chère à l'époque médiévale : la simplicité. « Lorsqu'on parle des simples gens, dans la littérature du Moyen-âge, l'expression est toujours positive, car elle recouvre un sens religieux : la simplicité est une vertu biblique qui s'oppose à la duplicité du coeur diabolique. » Une occasion de jeter un regard éclairé sur cette période fascinante de l'histoire européenne.

  • Bruxelles, 25 octobre : Quels classiques en philosophie? (conférence inaugurale du 7e cycle de Philo à BXL avec Stéphane Mercier)

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  • Le lauréat norvégien du prix Nobel de littérature s'est converti au catholicisme en 2013. Ses œuvres respirent la transcendance.

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    De Kath.Net/News :

    Le lauréat norvégien du prix Nobel de littérature s'est converti au catholicisme en 2013. Ses œuvres respirent la transcendance.

    11 octobre 2023

    Par Petra Knapp

    Linz (kath.net /pk) Ses « pièces de théâtre innovantes » et sa prose donnent « une voix à l'indicible ». C'est ainsi que l'Académie suédoise de Stockholm a justifié l'attribution cette année du prix Nobel de littérature à Jon Fosse. Le prix décerné à l'auteur norvégien, qui affirme qu'un grave accident dans son enfance a fait de lui un écrivain, a été une surprise pour beaucoup.

    Cela fait plus d'une décennie que la maigre littérature de Fosse n'a pas été inscrite à la programmation des théâtres germanophones et n'a pas été célébrée avec enthousiasme. Depuis, la situation est plutôt calme pour l'auteur, qui vit à la fois à Oslo et à Hainburg, près de Vienne.

    Il est également surprenant que le prix décerné à l'écrivain né en 1959 ait mis en lumière le monde de la transcendance et de la religion. Pour le dogmatique viennois Jan-Heiner Tück, c’est « le signe que la présence culturelle de la religion résiste à la sécularisation ». Il y a « une présence constante de thèmes religieux » dans l’œuvre de Fosse, a-t-il expliqué dans une interview à « domradio.de ».

    La religion a accompagné l'auteur de 64 ans dès son plus jeune âge. Il a grandi dans une famille d'agriculteurs appartenant aux Quakers, un mouvement de renouveau chrétien. À la vingtaine, il s’est tourné plus profondément vers la foi chrétienne et s’est converti au catholicisme en 2013.

    Enfant, a déclaré Fosse, il a vécu une expérience existentielle qui a ensuite eu une forte influence sur lui. Il a glissé avec une bouteille à la main et s'est coupé les poignets. «Je crois encore aujourd'hui que je suis devenu écrivain grâce à cet accident», dit l'auteur. « La perspective principale de mes textes est celle de quelqu’un qui se trouve à la frontière entre la vie et la mort. »

    Plus tard, il se passionnera particulièrement pour le mysticisme chrétien de Maître Eckhart. Son épouse a contribué à l'entrée de Fosse dans l'Église catholique, affirme le dogmatique viennois Tück. "Je sais que sa femme, qui était catholique et qui avait également une dévotion particulière pour les icônes et une spiritualité mariale, l'a évidemment influencé à se convertir à l'Église catholique."

    Tück voit dans les textes de l'auteur norvégien « une attitude catholique envers le monde qui laisse calmement, calmement les choses dans le monde s'exprimer », par exemple dans le roman « Je suis un autre », qui ne contient aucune phrase au sens complet. arrêt.

    « Tout comme la respiration est essentielle à la vie, le mouvement d’écriture est également un mouvement sans fin. Des prières latines comme le Pater noster ou l'Ave Maria s'inscrivent alors dans ce mouvement d'écriture. Quand on s’implique dans ce mouvement lent du langage, on entre presque dans une atmosphère de prière.

    Les œuvres de Fosse sont diverses. Il est dramaturge, poète, auteur de prose et de livres pour enfants, essayiste et traducteur. Dans le livre « Le secret de la foi », Vosse raconte son acceptation dans l'Église catholique. En 2015, il a révélé sa vie spirituelle dans une interview avec « Deutschlandfunk ». À l’âge de 23 ou 24 ans, se souvient-il, il est devenu une personne « religieuse ». Il dit du protestantisme qu’il voulait « faire disparaître le mysticisme et la poésie de l’Église et de la foi ». « Avec pour résultat qu’aujourd’hui, à notre époque éclairée, personne ne peut plus croire littéralement. »

    La foi doit être vécue « comme un mystère », « non comme quelque chose d’objectif, comme un fait mondain », souligne Fosse dans l’interview. Il était membre de longue date de l'Église évangélique norvégienne ; Les Quakers, dont il a été membre jusqu’en 2013, lui semblaient être une « porte de sortie », mais il cherchait et s’est engagé pendant des décennies dans l’Église catholique.

    « D’une part, la distance entre les réunions silencieuses quakers – sans prêtres, sans sacrements, sans liturgie – et le « théâtre » de l’Église catholique semblait assez grande », dit-il. « D’un autre côté, elle ne l'est pas – car au centre de la foi quaker se trouve ce qu’ils appellent le Dieu intérieur, ou la lumière intérieure, qui, comme le croient les Quakers, est la lumière de Dieu intérieur d’une personne. A travers les rencontres, vous essayez de vous rapprocher le plus possible du silence, de la lumière intérieure en vous - et chez les autres, bien sûr. Et dans le catholicisme, on essaie de se rapprocher de Dieu par la communion.

    Dans les années 80, Fosse commence à lire Maître Eckhart et son cœur se met à battre pour l’Église catholique. "Je me suis dit : s'il pouvait être catholique, alors je peux l'être aussi !" En Autriche, l'auteur norvégien et son épouse assistent depuis sa conversion aux offices catholiques à Vienne et à Hainburg, ainsi qu'à Oslo, où l'église catholique L'Église compte environ 5 000 membres.

    La grande différence est qu'en Norvège, il n'y a presque que des étrangers à la foire, comme des Polonais, des Asiatiques ou des Latino-Américains. Ici en Autriche, les choses sont différentes, dit-il à « Deutschlandfunk ». Fosse dit qu'il peut comprendre qu'en Autriche, de plus en plus de personnes quittent l'Église catholique. En tant qu'Autrichien, cela aurait pu lui arriver aussi.

  • La rentrée des philosophes est arrivée ! En octobre, plongez dans un univers d'intellect et de beauté avec "Philo à Bruxelles"

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  • Déboulonner Albert Camus ?

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    D'Eugénie Bastié sur Le Figaro (via artofuss.blog) :

    Eugénie Bastié: «Et maintenant, ils veulent déboulonner Albert Camus»

    27 septembre 2023

    Telle est la loi de l’intersectionnalité: le mâle blanc hétérosexuel est un monstre protéiforme. Voilà ce qui ressort du dernier essai de l’universitaire américain Olivier Gloag, Oublier Camus.  Le Figaro

    CHRONIQUE- Dans Oublier Camus (La Fabrique), Olivier Gloag prétend démythifier l’auteur de L’Étranger. Il serait colonialiste, raciste, machiste et munichois. Un livre purement à charge où la littérature est absente et l’idéologie omniprésente.

    Déboulonneur de statues : voilà un métier en tension dont on parle peu. Pourtant, dans les facs anglo-saxonnes, il n’est pas de situation plus enviable. Faire chuter les DWEMs («Dead White European Males», pour «Mâles européens blanc et morts») de leurs piédestaux est devenu un département à part entière de la recherche occidentale. La littérature y est enseignée comme une branche des «postcolonial studies» . Olivier Gloag, professeur à l’université de Caroline du Nord, fait partie de cette espèce qui a de commun avec les virologues de se faire spécialistes d’un sujet qu’on a pour ambition de détruire. «Oublier Camus» : tel est son programme. Et on ne parle pas de Renaud, mais bien d’Albert.

    On ouvrait cependant ce livre, sinon avec bienveillance, du moins avec curiosité. Il y a en effet quelque chose d’agaçant dans le consensus mou autour d’Albert Camus, une sorte de confort intellectuel, de culte du juste milieu, où l’injonction à la nuance masque parfois une tentation de la dérobade. Mais l’auteur ne se livre pas, dans un esprit de libre examen, à une mise à l’épreuve des contradictions de Camus. Il mêle procès d’intention, citations tronquées, malhonnêteté intellectuelle la plus crasse pour dénaturer sa vie et son œuvre.

    À lire aussi : Eugénie Bastié : «Il était une fois au Wokistan, quand l’idéologie envahit la fiction»

    Il ne reproche pas à Camus de ne pas avoir été anticolonialiste. C’est vrai, Camus a cru et plaidé jusqu’à la fin de sa vie contre l’indépendance de l’Algérie qu’il jugeait insupportable. Il lui reproche d’avoir été un colonialiste forcené. Ses reportages sur la misère en Kabylie ? Habillage humanitaire destiné à montrer qu’il pourrait exister un «colonialisme à visage humain». L’Étranger ? Un chef-d’œuvre de racisme qui nie l’existence même des Arabes. La Peste ? Un roman dont la métaphore n’est pas l’Occupation allemande mais la peur du basculement démographique en Algérie. L’Homme révolté ? Un texte «fondamentalement réactionnaire» parce qu’il cible principalement le communisme. La Chute ? Un plagiat hanté par le ressentiment envers Sartre. Le Premier Homme ? Un livre de propagande, «le roman d’un écrivain colonial».

    Substitution de pensée

    Prenons un exemple parmi d’autres de la malhonnêteté intellectuelle de l’auteur. P 87 de son livre, il met en exergue de son chapitre cette phrase de Jean Grenier, très proche ami de Camus qui rapporte une conversation qu’il a eue avec lui : «Pourquoi ne choisissez-vous pas d’habiter une belle maison à la campagne ou au bord de la mer en Algérie, puisque vous êtes maintenant à même d’acheter une résidence de votre choix et que vous êtes si attaché à votre pays. Il me répondit, d’un air contraint : c’est parce qu’il y a les Arabes».

    Olivier Gloag coupe sciemment la phrase après «Arabes». Il ne cite pas la suite : «ne voulant pas dire que les Arabes le gênaient par leur présence, mais par le fait qu’ils avaient été dépossédés.» Il substitue donc sciemment à la délicatesse de Camus sa propre interprétation raciste. Il ose écrire, sans doute pour vanter la largesse d’esprit de la dictature algérienne, que «Camus est enseigné en Algérie» alors que la propagande algérienne l’a banni des mémoires.

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  • L'affaire Rupnik révèlerait-elle une schizophrénie vaticane ?

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    De René Poujol sur son blog :

    Affaire Rupnik : schizophrénie vaticane

    Lutter contre les abus dans l’Eglise n’est définitivement plus la priorité du pape François. 

    Dans une France catholique toute mobilisée par le proche voyage du pape François à Marseille, l’événement est passé inaperçu. Le 18 septembre, un communiqué du Vicaire du diocèse de Rome dont le pape est l’évêque, tendait à “blanchir“ le père Marko Rupnik pourtant “estimé coupable » d’une quarantaine d’agressions sexuelles, abus psychologiques et spirituels sur des religieuses et déjà sanctionné, notamment par l’Ordre jésuite auquel il appartient. Nouveau rebondissement dans une affaire où le célèbre mosaïste (on lui doit les aménagements récents de la façade du Rosaire à Lourdes) semble bénéficier de la protection personnelle du pape François. Ce qui consolide le doute sur sa détermination à faire de la lutte contre les abus et agressions dans l’Eglise une réelle priorité de son pontificat. 

    Un mosaïste jésuite de renommée internationale

    Marko Rupnik, jésuite slovène et mosaïste, jouit depuis plusieurs décennies d’une renommée internationale. Jean-Paul II, déjà, lui avait confié la rénovation de la chapelle Redemptoris Mater au sein même des appartements privés du palais pontifical au Vatican. En 2008, à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire des Apparitions, étaient inaugurées à Lourdes les mosaïques illustrant, sur la façade de la basilique du Rosaire, les « nouveaux » mystères lumineux proclamés quelques années plus tôt par le pape Wojtyla. (1) On trouve d’autres de ses œuvres à Fatima, Washington… En 2017 le diocèse de Versailles annonçait que le directeur du Centre d’art Aletti, à Rome, avait été retenu pour la conception et la décoration d’une nouvelle église Saint-Joseph-le-Bienveillant à Montigny-le-Bretonneux. Commande annulée par le diocèse dès la sortie de l’affaire. Sauf que le ver était déjà dans le fruit…

    Après des décennies de silence, l’mage d’un prédateur

    En 2015, on le sait aujourd’hui, le prêtre agresse sexuellement une femme en confession avant que de lui donner l’absolution. La victime se confie, trois ans plus tard, aux pères jésuites. Les premières sanctions tombent cette même année 2018 : interdiction de confesser et d’accompagner spirituellement des femmes. En 2020, Marko Rupnik est même démis des fonctions qu’il occupait depuis vingt-cinq ans à la tête du Centre Aletti. De son côté le Dicastère pour la doctrine de la foi ( DDF) que préside le cardinal Ladaria, en charge de ces dossiers sensibles, reconnaît qu’il y a bien eu « absolution du complice » (2) Au terme du droit canonique, cela entraine une excommunication automatique qui est signifiée à l’intéressé… avant que d’être levée un mois plus tard dans des circonstances restées obscures et qui, depuis lors, nourrissent bien des soupçons. 

    Mais à ce stade, rien n’a filtré ! Le secret des procédures ecclésiastiques a bien fonctionné. Il faudra attendre les révélations de la presse italienne en décembre 2022 qui révèlent la « deuxième affaire Rupnik ». Elle porte sur des agressions sexuelles et des abus psychologiques et spirituels commis sur neuf religieuses dans les années 1980-1990 dans un couvent de Ljubjana (Slovénie) dont le prêtre mosaïste était conseiller spirituel. Les témoignages, dont la presse fait état, ont été recueillis sur place en 2021 par un évêque auxiliaire de Rome, lui-même jésuite, après que l’Ordre ait été alerté par une victime. On apprend alors que les jésuites ont aggravé les sanctions  (interdiction de prêcher des retraites et de diriger des exercices ignatiens…) sans parvenir toutefois à obtenir du DDF la levée de la prescription. Il n’y aura donc pas de procès canonique.

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  • Pour que la Méditerranée redevienne un laboratoire de paix

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    VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS à MARSEILLE pour la conclusions des Rencontres Méditerranéennes
    [22 - 23 SEPTEMBRE 2023]

    SESSION CONCLUSIVE DES RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES

    DISCOURS DU SAINT-PÈRE

    Palais du Pharo, Marseille
    Samedi 23 septembre 2023

    source

    ________________________________________

    Monsieur le Président de la République,

    chers frères Évêques,
    Mesdames et Messieurs les Maires et Autorités représentant les villes et territoires bordés par la Méditerranée,
    Vous tous chers amis !

    Je vous salue cordialement et vous suis, à chacun, reconnaissant d'avoir accepté l'invitation du cardinal Aveline à participer à ces rencontres. Je vous remercie pour votre travail et pour les réflexions précieuses que vous avez partagées. Après Bari et Florence, le chemin au service des peuples méditerranéens se poursuit : les responsables ecclésiastiques et civils sont encore ici réunis, non pas pour traiter d’intérêts mutuels, mais animés par le désir de s’occuper de l'homme ; merci de le faire avec les jeunes qui sont le présent et l'avenir de l'Église comme de la société.

    La ville de Marseille est très ancienne. Fondée par des navigateurs grecs venus d'Asie Mineure, le mythe la fait remonter à une histoire d'amour entre un marin émigré et une princesse locale. Elle présente dès ses origines un caractère composite et cosmopolite : elle accueille les richesses de la mer et donne une patrie à ceux qui n'en ont plus. Marseille nous dit que, malgré les difficultés, la convivialité est possible et qu’elle est source de joie. Sur la carte, entre Nice et Montpellier, elle semble presque dessiner un sourire ; et j'aime à la considérer ainsi : Marseille est "le sourire de la Méditerranée". Je voudrais donc vous proposer quelques réflexions autour de trois réalités qui caractérisent Marseille : la mer, le port et le phare. Ce sont trois symboles.

    1. La mer. Une marée de peuples a fait de cette ville une mosaïque d'espérance, avec sa grande tradition multiethnique et multiculturelle, représentée par plus de 60 consulats présents sur son territoire. Marseille est une ville à la fois plurielle et singulière, car c'est sa pluralité, fruit de sa rencontre avec le monde, qui rend son histoire singulière. On entend souvent dire aujourd'hui que l'histoire de la Méditerranée est un entrelacement de conflits entre différentes civilisations, religions et visions. Nous n’ignorons pas les problèmes – il y en a - mais ne nous y trompons pas : les échanges entre peuples ont fait de la Méditerranée un berceau de civilisations, une mer qui regorge de trésors, au point que, comme l'écrivait un grand historien français, elle n'est pas « un paysage, mais d'innombrables paysages. Ce n'est pas une mer, mais une succession de mers » ; « depuis des millénaires, tout s'y est engouffré, compliquant et enrichissant son histoire » (F. Braudel, La Méditerranée, Paris 1985, p. 16). La mare nostrum est un espace de rencontres : entre les religions abrahamiques, entre les pensées grecque, latine et arabe, entre la science, la philosophie et le droit, et entre bien d'autres réalités. Elle a diffusé dans le monde la haute valeur de l'être humain, doté de liberté, ouvert à la vérité et en mal de salut, qui voit le monde comme une merveille à découvrir et un jardin à habiter, sous le signe d'un Dieu qui fait alliance avec les hommes.

    Un grand Maire voyait dans la Méditerranée non pas une question conflictuelle, mais une réponse de paix, mieux encore, « le commencement et le fondement de la paix entre toutes les nations du monde » (G. La Pira, Paroles en conclusion du premier Colloque Méditerranéen, 6 octobre 1958). Il disait en effet : « La réponse [...] est possible si l'on considère la vocation historique commune et pour ainsi dire permanente que la Providence a assignée dans le passé, assigne dans le présent et, en un certain sens, assignera dans l'avenir aux peuples et aux nations qui vivent sur les rives de ce mystérieux lac de Tibériade élargi qu'est la Méditerranée » (Discours d'ouverture du 1er Colloque méditerranéen, 3 octobre 1958). Lac de Tibériade, ou Mer de Galilée : un lieu, c’est-à-dire, où se concentrait à l'époque du Christ une grande variété de peuples, de cultes et de traditions. C'est là, dans la « Galilée des nations » (cf. Mt 4, 15), traversée par la Route de la Mer, que se déroula la plus grande partie de la vie publique de Jésus. Un contexte multiforme et, à bien des égards, instable, fut le lieu de la proclamation universelle des Béatitudes, au nom d'un Dieu Père de tous, qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). C'était aussi une invitation à élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles. Voici donc la réponse qui vient de la Méditerranée : cette mer pérenne de Galilée invite à opposer la « convivialité des différences » à la division des conflits (T. Bello, Benedette inquietudini, Milano 2001, p. 73). La mare nostrum, au carrefour du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, concentre les défis du monde entier comme en témoignent ses "cinq rives" sur lesquelles vous avez réfléchi : l'Afrique du Nord, le Proche-Orient, la mer Noire-Égée, les Balkans et l'Europe latine. Elle est à l’avant-poste de défis qui concernent tout le monde : nous pensons au défi climatique, la Méditerranée représentant un hotspot où les changements se font sentir plus rapidement. Comme il est important de sauvegarder le maquis méditerranéen, écrin unique de biodiversité ! Bref, cette mer, environnement qui offre une approche unique de la complexité, est un "miroir du monde", et elle porte en elle une vocation mondiale à la fraternité, vocation unique et unique voie pour prévenir et surmonter les conflits.

    Frères et sœurs, sur la mer actuelle des conflits, nous sommes ici pour valoriser la contribution de la Méditerranée, afin qu'elle redevienne un laboratoire de paix. Car telle est sa vocation : être un lieu où des pays et des réalités différentes se rencontrent sur la base de l'humanité que nous partageons tous, et non d'idéologies qui opposent. Oui, la Méditerranée exprime une pensée qui n'est pas uniforme ni idéologique, mais polyédrique et adhérente à la réalité ; une pensée vitale, ouverte et conciliante : une pensée communautaire, c'est le mot. Comme nous avons besoin de cela dans les circonstances actuelles où des nationalismes archaïques et belliqueux veulent faire disparaître le rêve de la communauté des nations ! Mais - rappelons-le - avec les armes on fait la guerre, pas la paix, et avec l'avidité du pouvoir on retourne toujours au passé, on ne construit pas l'avenir.

    Par où commencer alors pour enraciner la paix ? Sur les rives de la Mer de Galilée, Jésus commença par donner de l’espérance aux pauvres, en les proclamant bienheureux : il écouta leurs besoins, il soigna leurs blessures, il leur annonça avant tout la bonne nouvelle du Royaume. C'est de là qu’il faut repartir, du cri souvent silencieux des derniers, et non des premiers de la classe qui élèvent la voix même s'ils sont bien lotis. Repartons, Église et communauté civile, de l'écoute des pauvres qui sont à « s'embrasser, et non pas à compter » (P. Mazzolari, La parola ai poveri, Bologne 2016, p. 39), car ils sont des visages et non des numéros. Le changement de rythme de nos communautés consiste à les traiter comme des frères dont nous devons connaître l'histoire, et non comme des problèmes gênants, en les expulsant, en les renvoyant chez eux ; il consiste à les accueillir, et non les cacher ; à les intégrer, et non s’en débarrasser ; à leur donner de la dignité. Et Marseille, je veux le répéter, est la capitale de l'intégration des peuples. C'est votre fierté ! Aujourd'hui, la mer de la coexistence humaine est polluée par la précarité qui blesse même la splendide Marseille. Et là où il y a précarité il y a criminalité : là où il y a pauvreté matérielle, éducative, professionnelle, culturelle, religieuse, le terrain des mafias et des trafics illicites est déblayé. L'engagement des seules institutions ne suffit pas, il faut un sursaut de conscience pour dire "non" à l'illégalité et "oui" à la solidarité, ce qui n'est pas une goutte d'eau dans la mer, mais l'élément indispensable pour en purifier les eaux.

    En effet, le véritable mal social n'est pas tant l'augmentation des problèmes que le déclin de la prise en charge. Qui aujourd'hui est proche des jeunes livrés à eux-mêmes, proies faciles de la délinquance et de la prostitution ? Qui les prend en charge ? Qui est proche des personnes asservies par un travail qui devrait les rendre plus libres ? Qui s'occupe des familles effrayées, qui ont peur de l'avenir et de mettre au monde de nouvelles créatures ? Qui écoute les gémissements des personnes âgées isolées qui, au lieu d'être valorisées, sont parquées dans la perspective faussement digne d'une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ? Qui pense aux enfants à naître, rejetés au nom d'un faux droit au progrès, qui est au contraire une régression de l'individu ? Aujourd'hui, nous avons le drame de confondre les enfants avec les petits chiens. Mon secrétaire me disait qu'en passant par la place Saint-Pierre, il avait vu des femmes qui portaient des enfants dans des poussettes... mais ce n'étaient pas des enfants, c'étaient des petits chiens ! Cette confusion nous dit quelque chose de mauvais. Qui regarde avec compassion au-delà de ses frontières pour entendre les cris de douleur qui montent d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? Combien de personnes vivent plongées dans les violences et souffrent de situations d'injustice et de persécution ! Et je pense à tant de chrétiens, souvent contraints de quitter leur terre ou d'y vivre sans que leurs droits soient reconnus, sans qu'ils jouissent d’une citoyenneté à part entière. S'il vous plaît, engageons-nous pour que ceux qui font partie de la société puissent en devenir les citoyens de plein droit. Et puis il y a un cri de douleur qui résonne plus que tout autre, et qui transforme la mare nostrum en mare mortuum, la Méditerranée, berceau de la civilisation en tombeau de la dignité. C'est le cri étouffé des frères et sœurs migrants, auxquels je voudrais consacrer mon attention en réfléchissant sur la deuxième image que nous offre Marseille, celle de son port.

    2. Le port de Marseille est depuis des siècles une porte grand-ouverte sur la mer, sur la France et sur l'Europe. C'est d'ici que beaucoup sont partis chercher du travail et un avenir à l'étranger, c'est d'ici que beaucoup ont franchi la porte du continent avec des bagages chargés d'espérance. Marseille a un grand port et elle est une grande porte qui ne peut être fermée. Plusieurs ports méditerranéens, en revanche, se sont fermés. Et deux mots ont résonné, alimentant la peur des gens : "invasion" et "urgence". Et on ferme les ports. Mais ceux qui risquent leur vie en mer n'envahissent pas, ils cherchent hospitalité, ils cherchent la vie. Quant à l'urgence, le phénomène migratoire n'est pas tant une urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps, un processus qui concerne trois continents autour de la Méditerranée et qui doit être géré avec une sage prévoyance, avec une responsabilité européenne capable de faire face aux difficultés objectives. Je regarde, ici, sur cette carte, les ports privilégiés pour les migrants : Chypre, la Grèce, Malte, l'Italie et l'Espagne... Ils font face à la Méditerranée et accueillent les migrants. La mare nostrum crie justice, avec ses rivages où, d’un côté, règnent l'opulence, le consumérisme et le gaspillage et, de l’autre, la pauvreté et la précarité. Là encore, la Méditerranée est un reflet du monde : le Sud qui se tourne vers le Nord, avec beaucoup de pays en développement, en proie à l'instabilité, aux régimes, aux guerres et à la désertification, qui regardent les plus aisés, dans un monde globalisé où nous sommes tous connectés mais où les fossés n'ont jamais été aussi profonds. Pourtant, cette situation n'est pas nouvelle de ces dernières années, et ce n'est pas ce Pape venu de l'autre bout du monde à avoir le premier à l'alerté, avec urgence et préoccupation. Cela fait plus de cinquante ans que l'Église en parle de manière pressante.

    Le concile Vatican II venait de se conclure lorsque saint Paul VI, dans l’encyclique Populorum progressio, écrivait : « Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui de façon dramatique les peuples de l'opulence. L’Église tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère » (n. 3). Le Pape Montini énuméra "trois devoirs" des nations les plus développées, « enracinés dans la fraternité humaine et surnaturelle » : « devoir de solidarité, c’est à dire l’aide que les nations riches doivent apporter aux pays en voie de développement ; devoir de justice sociale, c’est-à-dire le redressement des relations commerciales défectueuses entre peuples forts et peuples faibles ; devoir de charité universelle, c’est-à-dire la promotion d’un monde plus humain pour tous, où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres » (n. 44). À la lumière de l’Évangile et de ces considérations, Paul VI, en 1967, soulignait le « devoir de l’accueil », sur lequel il écrivait : « nous ne saurions trop insister » (n. 67). Pie XII avait encouragé à cela quinze années auparavant en écrivant que : « La famille de Nazareth en exile, Jésus, Marie et Joseph émigrés en Egypte […] sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les personnes qui leurs sont chères, […] et se rendre en terre étrangère » (Const. ap. Exsul Familia de spirituali emigrantium cura, 1er août 1952).

    Certes, les difficultés d’accueil sont sous les yeux de tous. Les migrants doivent être accueillis, protégés ou accompagnés, promus et intégrés. Dans le cas contraire, le migrant se retrouve dans l'orbite de la société. Accueillis, accompagnés, promus et intégrés : tel est le style. Il est vrai qu'il n'est pas facile d'avoir ce style ou d'intégrer des personnes non attendues. Cependant le critère principal ne peut être le maintien de leur bien-être, mais la sauvegarde de la dignité humaine. Ceux qui se réfugient chez nous ne doivent pas être considérés comme un fardeau à porter : si nous les considérons comme des frères, ils nous apparaîtront surtout comme des dons. La Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié sera célébrée demain. Laissons-nous toucher par l’histoire de tant de nos frères et sœurs en difficulté qui ont le droit tant d’émigrer que de ne pas émigrer, et ne nous enfermons pas dans l’indifférence. L’histoire nous interpelle à un sursaut de conscience pour prévenir le naufrage de civilisation. L’avenir, en effet, ne sera pas dans la fermeture qui est un retour au passé, une inversion de marche sur le chemin de l’histoire. Contre le terrible fléau de l’exploitation des êtres humains, la solution n’est pas de rejeter, mais d’assurer, selon les possibilités de chacun, un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable de la part du continent européen, dans le cadre d’une collaboration avec les pays d’origine. Dire "assez" c’est au contraire fermer les yeux ; tenter maintenant de "se sauver" se transformera demain en tragédie. Alors que les générations futures nous remercieront pour avoir su créer les conditions d’une intégration indispensable, elles nous accuseront pour n’avoir favorisé que des assimilations stériles. L’intégration, même des migrants, est difficile, mais clairvoyante : elle prépare l’avenir qui, qu’on le veuille ou non, se fera ensemble ou ne sera pas ; l’assimilation, qui ne tient pas compte des différences et reste rigide dans ses paradigmes, fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation, provoquant hostilité et intolérance. Nous avons besoin de fraternité comme de pain. Le mot même "frère", dans sa dérivation indo-européenne, révèle une racine liée à la nutrition et à la subsistance. Nous ne nous soutiendrons qu’en nourrissant d’espérance les plus faibles, en les accueillant comme des frères. « N’oubliez pas l’hospitalité » (He 13, 2), nous dit l’Écriture. Et dans l'Ancien Testament, il est répété : la veuve, l'orphelin et l'étranger. Les trois devoirs de charité : assister la veuve, assister l'orphelin et assister l'étranger, le migrant.

    À cet égard, le port de Marseille est aussi une "porte de la foi". Selon la tradition, les saints Marthe, Marie et Lazare ont débarqué ici, et ont semé l’Évangile sur ces terres. La foi vient de la mer, comme l’évoque la suggestive tradition marseillaise de la chandeleur avec la procession maritime. Lazare, dans l’Évangile, est l’ami de Jésus, mais c’est aussi le nom du protagoniste d’une parabole très actuelle qui ouvre les yeux sur l’inégalité qui ronge la fraternité et nous parle de la prédilection du Seigneur pour les pauvres. Eh bien, nous chrétiens qui croyons au Dieu fait homme, à l’homme unique et inimitable qui, sur les rives de la Méditerranée, s’est dit chemin, vérité et vie (cf. Jn 14, 6), nous ne pouvons pas accepter que les voies de la rencontre soient fermées. Ne fermons pas les voies de la rencontre, s'il vous plaît ! Nous ne pouvons accepter que la vérité du dieu argent l’emporte sur la dignité de l’homme, que la vie se transforme en mort ! L’Église, en confessant que Dieu, en Jésus Christ, « s’est en quelque sorte uni à tout homme » (Gaudium et spes, n. 22), croit, avec saint Jean-Paul II, que son chemin est l’homme (cf. Lett. enc. Redemptor hominis, n. 14). Elle adore Dieu et sert les plus fragiles qui sont ses trésors. Adorer Dieu et servir le prochain, voilà ce qui compte : non pas la pertinence sociale ou l’importance numérique, mais la fidélité au Seigneur et à l’homme !

    Voilà le témoignage chrétien et, bien souvent, il est héroïque. Je pense par exemple à saint Charles de Foucauld, le "frère universel", aux martyrs de l’Algérie, mais aussi à tant d’artisans de la charité d’aujourd’hui. Dans ce style de vie scandaleusement évangélique, l’Église retrouve le port sûr auquel accoster et d’où repartir pour tisser des liens avec les personnes de tous les peuples, en recherchant partout les traces de l’Esprit et en offrant ce qu’elle a reçu par grâce. Voilà la réalité la plus pure de l’Église, voilà - écrivait Bernanos - « l’Église des saints », ajoutant que « tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de magnificence et de majesté n’est rien de lui-même, si la charité ne l’anime » (Jeanne d’Arc relapse et sainte, Paris 1994, p. 74). J’aime exalter cette perspicacité française, génie croyant et créatif qui a affirmé ces vérités à travers une multitude de gestes et d’écrits. Saint Césaire d’Arles disait : « Si tu as la charité, tu as Dieu ; et si tu as Dieu, que ne possèdes-tu pas ? » (Sermo 22, 2). Pascal reconnaissait que « l’unique objet de l’Écriture est la charité » (Pensées, n. 301) et que « la vérité hors de la charitén’est pas Dieu ; elle est son image, et une idole qu’il ne faut point aimerni adorer » (Pensées, n. 767). Et saint Jean Cassien, qui est mort ici, écrivait que « tout, même ce qu’on estime utile et nécessaire, vaut moins que ce bien qu’est la paix et la charité » (Conférences spirituelles XVI, 6).

    Il est bon, par conséquent, que les chrétiens ne viennent pas en deuxième position en matière de charité ; et que l’Évangile de la charité soit la magna charta de la pastorale. Nous ne sommes pas appelés à regretter les temps passés ou à redéfinir une importance ecclésiale, nous sommes appelés au témoignage : non pas broder l’Évangile de paroles, mais lui donner de la chair ; non pas mesurer la visibilité, mais nous dépenser dans la gratuité, croyant que « la mesure de Jésus est l’amour sans mesure » (Homélie, 23 février 2020). Saint Paul, l’Apôtre des nations qui passa une bonne partie de sa vie à traverser la Méditerranée d’un port à l’autre, enseignait que pour accomplir la loi du Christ, il faut porter mutuellement le poids des uns des autres (cf. Ga 6, 2). Chers frères évêques, ne chargeons pas les personnes de fardeaux, mais soulageons leurs efforts au nom de l’Évangile de la miséricorde, pour distribuer avec joie le soulagement de Jésus à une humanité fatiguée et blessée. Que l’Église ne soit pas un ensemble de prescriptions, que l’Église soit un port d’espérance pour les personnes découragées. Élargissez vos cœurs, s'il vous plaît ! Que l'Église soit un port de ravitaillement, où les personnes se sentent encouragées à prendre le large dans la vie avec la force incomparable de la joie du Christ. Que l'Église ne soit pas une douane. Souvenons-nous du Seigneur : tous, tous, tous sont invités.

    3. Et j’en viens brièvement ainsi à la dernière image, celle du phare. Il illumine la mer et fait voir le port. Quelles traces lumineuses peuvent orienter le cap des Églises dans la Méditerranée ? En pensant à la mer qui unit tant de communautés croyantes différentes, je pense que l’on peut réfléchir sur des parcours plus synergiques, en évaluant peut-être aussi l’opportunité d’une Conférence ecclésiale de la Méditerranée, comme l’a dit le Cardinal [Aveline], qui permettrait de nouvelles possibilités d’échanges et qui donnerait une plus grande représentativité ecclésiale à la région. En pensant au port et au thème migratoire, il pourrait être profitable de travailler à une pastorale spécifique encore plus reliée, afin que les diocèses les plus exposés puissent assurer une meilleure assistance spirituelle et humaine aux sœurs et aux frères qui arrivent dans le besoin.

    Le phare, dans ce prestigieux palais qui porte son nom, me fait enfin penser surtout aux jeunes : ce sont eux la lumière qui indique la route de l’avenir. Marseille est une grande ville universitaire qui abrite quatre campus : sur les quelque 35000 étudiants qui les fréquentent, 5000 sont étrangers. Par où commencer à tisser des liens entre les cultures, sinon par l’université ? Là, les jeunes ne sont pas fascinés par les séductions du pouvoir, mais par le rêve de construire l’avenir. Que les universités méditerranéennes soient des laboratoires de rêves et des chantiers d’avenir, où les jeunes grandissent en se rencontrant, en se connaissant et en découvrant des cultures et des contextes à la fois proches et différents. On abat ainsi les préjugés, on guérit les blessures et on conjure des rhétoriques fondamentalistes. Faites attention à la prédication de tant de fondamentalismes qui sont à la mode aujourd'hui ! Des jeunes bien formés et orientés à fraterniser pourront ouvrir des portes inespérées de dialogue. Si nous voulons qu’ils se consacrent à l’Évangile et au haut service de la politique, il faut avant tout que nous soyons crédibles : oublieux de nous-mêmes, libérés de l’autoréférentialité, prêts à nous dépenser sans cesse pour les autres. Mais le défi prioritaire de l’éducation concerne tous les âges de la formation : dès l’enfance, "en se mélangeant" avec les autres, on peut surmonter beaucoup de barrières et de préjugés en développant sa propre identité dans le contexte d’un enrichissement mutuel. L’Église peut bien y contribuer en mettant au service ses réseaux de formation et en animant une "créativité de la fraternité".

    Frères et sœurs, le défi est aussi celui d’une théologie méditerranéenne - la théologie doit être enracinée dans la vie ; une théologie de laboratoire ne fonctionne pas - qui développe une pensée qui adhère au réel, "maison" de l’humain et pas seulement des données techniques, en mesure d’unir les générations en reliant mémoire et avenir, et de promouvoir avec originalité le chemin œcuménique entre chrétiens et le dialogue entre croyants de religions différentes. Il est beau de s’aventurer dans une recherche philosophique et théologique qui, en puisant aux sources culturelles méditerranéennes, redonne espérance à l’homme, mystère de liberté en mal de Dieu et de l’autre, pour donner un sens à son existence. Et il est également nécessaire de réfléchir sur le mystère de Dieu, que personne ne peut prétendre posséder ou maîtriser, et qui doit même être soustrait à tout usage violent et instrumental, conscients que la confession de sa grandeur présuppose en nous l’humilité des chercheurs.

    Chers frères et sœurs, je suis heureux d’être ici à Marseille ! Un jour, Monsieur le Président m'a invité à visiter la France et m'a dit : "Mais il est important que vous veniez à Marseille !". Et je l’ai fait. Je vous remercie de votre écoute patiente et de votre engagement. Allez de l’avant, courageux ! Soyez une mer de bien, pour faire face aux pauvretés d’aujourd’hui avec une synergie solidaire ; soyez un port accueillant, pour embrasser ceux qui cherchent un avenir meilleur ; soyez un phare de paix, pour anéantir, à travers la culture de la rencontre, les abîmes ténébreux de la violence et de la guerre. Merci beaucoup !

  • Crise migratoire : l’émigration des Européens pourrait-elle être la solution ?

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    De Chantal Delsol sur le site du Figaro Vox via le site "pour une école libre au Québec" :

    Crise migratoire : quelles leçons tirer de la chute de l’empire romain ?

    Un seul précédent historique permet de réfléchir à la situation de l’europe aujourd’hui, explique la philosophe Chantal Delsol : le déclin de l’empire romain. alors que la France ne dispose ni de la chance géographique ni de la volonté politique pour endiguer l’immigration, analyse-t-elle, la solution pourrait être l’émigration des Européens...

    L’arrivée massive de plusieurs milliers d’Africains en quelques jours à Lampedusa a provoqué une vague d’affolement dans les pays européens. Déplacements de gouvernants, promesses de solidarité européenne afin que l’Italie ne soit pas seule à porter la charge : toutes actions sur fond d’effroi – l’effroi de voir à l’œuvre ce déferlement, annonciateur de difficultés sans nombre.

    Les pays d’occident sont pourvus d’une rationalité économique qui produit la richesse ; de religions fondées sur l’autonomie ; et conséquemment, de gouvernements institués dans la liberté. Pendant que la plupart des pays d’Afrique vivent dans la pauvreté économique et sous des gouvernements despotiques. Aussi, puisque les déplacements sont possibles, rien ne peut empêcher les seconds de courir s’installer chez les premiers, pour profiter de tous ces avantages qui n’existent pas chez eux. Pendant tout le XXe siècle, on a vu des milliers et des milliers d’européens aller s’installer en Amérique pour fuir les tyrannies et totalitarismes dont le Vieux Continent s’était fait alors une sorte d’apanage. Les humains cherchent le bonheur où il se trouve, ce qui est bien naturel.

    Depuis un demi-siècle déjà, une partie des Européens, et une partie de plus en plus importante, s’inquiète de cette vague qu’on craint submersive. Ce n’est pas que les richesses ne soient pas partageables. Elles le sont. Ce n’est pas que la liberté ne puisse ouvrir son cercle. Elle le peut. Ce n’est pas que les nouveaux arrivants ont la peau foncée. Les Européens ne sont pas racistes. Le problème est culturel.

    Les nouveaux arrivants, et c’est là le paradoxe, sont dotés d’une culture de soumission (c’est là le nom précis de leur religion), qu’ils n’ont pas l’intention d’abandonner, et même à laquelle ils ont bien l’intention de nous enchaîner nous aussi. Pourquoi ce paradoxe ? Pourquoi vouloir profiter de notre culture de liberté et vouloir en même temps lui insuffler une culture de soumission ? L’historien Paul Veyne avait répondu à cette question en décrivant l’installation massive dans l’empire romain de ceux qu’on appelait alors les « barbares » - c’est-à-dire les « autres » : « Ces barbares si envieux, admiratifs, imitateurs et cupides de la civilisation romaine, entendaient bien rester eux-mêmes tout en s’en emparant. » Devant cette situation, nombre d’européens sont saisis d’affolement, d’une folle crainte de la perte de soi, de cette hystérie collective que décrivait si bien l’historien hongrois Istvan Bibo en parlant des nations d’Europe centrale : l’angoisse de voir sombrer sa propre culture. D’où la montée dans tous nos pays des partis dits populistes.

    Comment empêcher un tel déferlement, qui laisse bien penser, et de plus en plus, à l’histoire du Camp des saints de Raspail, qu’on avait tellement vilipendé comme extrémiste ? Je dirais que pour qu’un pays européen parvienne au moins à réguler le flux, il lui faut bénéficier de deux conditions additionnées : la volonté politique ET la chance géographique [Nous sommes très dubitatif, il y a la Méditerranée, encore faut-il ne pas aller chercher les migrants à quelques encâblures de la côte africaine]. Un pays qui ne bénéficie pas de la chance géographique peut bien avoir la volonté politique, il n’y parviendra pas – c’est le cas de l’Italie. [L'Italie est tenue en laisse par l'Union européenne et ses promesses de transferts massifs de fonds de relance : 200 milliards d'euros] Un pays doté de chance géographique mais sans la volonté politique n’y parviendra pas non plus – c’est l’Allemagne. Le Danemark y parvient parce que doté des deux capacités. La France ne possède ni l’une ni l’autre. Il arrive bien souvent, et c’est le cas de l’instance politique européenne, des gouvernements allemands et aussi français, que la volonté politique soit carrément contraire : dans ce cas, on veut l’immigration et parfois l’immigration la plus massive possible (c’était le cas de Merkel) pour des raisons idéologiques (sans-frontièrisme et mondialisme) camouflées sous le besoin de main-d’œuvre, c’est-à-dire par volonté de dissolution de soi. C’est dire que l’Europe est assez mal partie pour enrayer ce déferlement. D’autant que la démographie et les situations économicopolitiques jouent de plus en plus en faveur de la migration. La natalité est massive dans les pays d’Afrique et s’effondre dans les pays d’Europe. La pauvreté économique, l’instabilité politique et les guerres intestines se déploient dans les pays d’Afrique pendant que la culpabilité et la honte de soi se déploient dans les pays d’Europe en même temps que la richesse et la liberté. On ne voit pas bien ce que les partis dits populistes pourraient changer à l’affaire.

    La seule situation analogue dans notre histoire était celle de l’empire romain sur le déclin. Nous avions alors ici en Europe la richesse et la liberté, et ceux appelés alors « barbares » étaient attirés à Rome comme des papillons vers la lumière. Finalement, leur nombre fut tel que la vie romaine sous le poids se détériorait et s’appauvrissait – on ne peut intégrer quand la masse des arrivants est trop énorme. D’autant que chez les Romains eux-mêmes, et particulièrement chez les chrétiens, montait un courant de pensée culpabilisant pour lequel les barbares étaient bien supérieurs aux Romains décadents et cupides (le prêtre Salvien écrit même « ce sont les Romains qu’il faut barbariser »). Tout était fait pour la dissolution de la culture romaine.

    Finalement, les écoles fermèrent les unes après les autres – ce qui est le signe majeur, et nous appelons les siècles suivants les siècles obscurs, parce que nous en avons si peu de connaissances, une grande partie de la culture s’étant dissoute dans le désordre régnant. Ainsi la richesse et la liberté s’en vont au chaos.

    Cependant nous avons un atout majeur que les Romains n’avaient pas – même si je ne sais si cela confortera mes lecteurs ! Le monde des Romains était très étriqué, il s’arrêtait aux colonnes d’Hercule et aux confins de l’Inde. Tandis que nous avons le Nouveau Monde, occidental, c’est-à-dire du nord au sud nourri d’initiative économique, de liberté politique, et de religions de liberté. Naturellement les États-unis subissent les vagues de migration mexicaines et les pays d’Amérique latine sont actuellement investis par des Vénézuéliens, mais il s’agit toujours de cultures de liberté, même si subsistent quelques reliquats de démence idéologique hérités du XXe siècle. Le Nouveau monde ne sera pas investi par les migrants d’ici, parce qu’il bénéficie d’une chance géographique et d’une volonté politique inégalées (ce sont, et ce seront de plus en plus, des pays protestants, la culpabilité nigaude étant essentiellement catholique ou de culture catholique ; et le wokisme à culpabilité nigaude ressemble bien à la mode d’un jour). On peut penser, si l’on se risque à un peu de prospective, que nos arrière-petits-enfants, au moins les intrépides et les créatifs, quitteront « l’Europe aux anciens parapets » et émigreront en masse vers le Nouveau monde, afin d’y retrouver leur culture d’initiative et de liberté, laissant derrière eux de nouveaux siècles obscurs. Sic transit gloria mundi.

    Il faut rappeler aussi que l’effondrement romain donna naissance aux splendeurs byzantines [Rome avait donc aussi sa nouvelle Rome à Byzance] et chrétiennes. Ce qui nous interdit le désespoir apocalyptique. Pourquoi nos arrière-petits-enfants ne pourraient-ils pas espérer, eux aussi, de nouveaux commencements ?