Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Société - Page 77

  • Le "droit de vivre jusqu'au bout" : Michel Laigle, 73 ans, porteur d’une maladie auto-immune handicapante et sans rémission possible témoigne

    IMPRIMER

    De gènéthique.org :

    « Un sommet à conquérir »

    27 septembre 2023

    Fin février, 110 citoyens handicapés, malades ou âgés ont signé un manifeste publié dans le Figaro demandant que soit respecté leur « droit de vivre, de vivre jusqu’au bout » et d’exister tels qu’ils sont (cf. « Manifeste des 110 » : « laissez-nous le droit d’exister, d’exister tels que nous sommes »). Michel Laigle, 73 ans, porteur d’une maladie auto-immune handicapante et sans rémission possible, est l’un d’eux. Il livre à Gènéthique le témoignage de sa vie avec la maladie et nous invite à le suivre.

    Avant la fin de la vie, il y a le chemin, plus ou moins long ou douloureux, qui y mène.

    Je pars ici d’un cancer qui s’est déclaré vers l’âge de 50 ans, il y a maintenant plus de vingt ans, alors que j’exerçais comme instituteur dans une école publique. Cancer qui a été traité par une greffe de sang, anciennement appelé greffe de moelle, nécessitant une longue et quelquefois difficile hospitalisation, et surtout l’abandon de mon poste d’enseignant que je n’ai jamais pu reprendre à temps complet.

    Regarder « l’objectif comme un sommet à conquérir »

    En général, je n’ai pas peur des efforts, ni même de certaines souffrances, ayant connu les dépassements de moi-même par le sport, la randonnée en particulier, et surtout la haute montagne. Je n’ai jamais consenti à ces efforts pour le plaisir de la souffrance en elle-même. Je l’ai toujours limitée à ce que je pouvais supporter. J’ai consenti à ces efforts pour la joie de la conquête d’un sommet, d’un paysage, d’une ambiance, et de ce qu’il y a de sublime dans le dépassement de soi-même. J’y ai consenti pour la conquête de l’inutile, comme certains disent à propos d’admirables alpinistes et amoureux de la montagne.

    C’est dans cet esprit que j’ai abordé ces traitements. En regardant l’objectif comme un sommet à conquérir, un sommet appelé la vie.

    Certes, je n’avais pas le choix, mais aucun résultat n’est jamais vraiment garanti. On sait quand on rentre à l’hôpital, on ne sait pas quand, ni comment on en sortira. Abdiquer ? La pensée même ne m’a pas effleuré. Pendant plus de sept mois, j’ai vécu dans un autre monde, avec ma famille comme seul lien à la vie (cf. « La fin de vie n’est pas avant tout un sujet de liberté individuelle mais de solidarité collective »).

    « Être là » et « regarder le présent »

    Le plus dur est l’aujourd’hui, car les effets secondaires indésirables sont handicapants et m’isolent. Ils m’empêchent totalement de pratiquer la montagne, ne serait-ce qu’en randonnée de moyenne altitude, car le souffle ne tient plus. Je ne peux plus pratiquer le chant choral pour la même raison, mais aussi du fait d’une sécheresse buccale totale. J’ai perdu les glandes salivaires.

    Mais il ne faut pas s’inquiéter pour moi. A l’occasion d’un apéritif ou d’un buffet froid entre amis, je trouve mon plaisir à être là au milieu d’eux, avec un simple verre d’eau (cf. « La lourdeur du jour, comme la joie des petits riens »). Pour les repas, il me faut accepter de demander quelques aménagements, et surtout un peu de patience, car il me faut beaucoup plus de temps que tout le monde pour manger.

    Je n’ai pas d’explication à cette sorte de résilience, dont je ne mesure pas le degré, car c’est non mesurable. Pourtant, elle est bien là. Je crois que cela fait partie de la vie, la vie tout-court, parce qu’elle est la vie. En altitude, dans des parois de granit, je m’étonnais de la présence de papillons et de fleurs à butiner. Combien de splendides reportages nous montrent les prouesses de la vie par l’adaptation d’animaux dans les recoins les plus inhospitaliers ?

    Autour de moi chacun respecte, sans chercher à les commenter, ces difficultés quotidiennes, devenues existentielles. J’en parle peu, et mes proches restent discrets, mais toujours prêts au coup de main (cf. « La mort ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation »). Le passé en bonne santé revient de temps en temps, mais la puissance de l’esprit c’est de pouvoir s’en détacher, et donc de ne pas sombrer dans quelconque nostalgie ou regret de celui-ci. Regarder le présent tout en essayant d’organiser le futur, qui de toute façon arrivera !

    « Il faut de l’endurance »

    Il m’est arrivé d’aider une personne à franchir le cap de l’hospitalisation. Une femme attendait, comme moi, un rendez-vous dans une salle d’attente. L’air grave, elle regardait par la fenêtre, elle ne s’était pas assise. La conversation s’est engagée malgré tout, et au détour d’une phrase, elle m’a subitement interrompu. « Si vous aviez à refaire les chimiothérapies, les referiez-vous ? » m’a-t-elle demandé. « Bien sûr ! » lui ai-je répondu, « et plus qu’une fois s’il le fallait ! ». Après un court instant, celle-ci m’a dit, et se l’est dit à elle-même autant qu’à moi : « il fallait que je vous rencontre ». La providence a voulu que je la revoie plusieurs années après. Elle était rayonnante, mais je n’ai pas cherché à me faire reconnaître.

    Je ne veux pas pour autant idéaliser ma situation. Certains moments, comme des retours en hospitalisation et des soins lors d’un suivi, font que le quotidien devient de plus en plus dur. J’ai alors l’impression que le sommet est toujours plus loin, comme cela se passe quelquefois en montagne. Il semble s’éloigner. Il faut de l’endurance, mais la partie, je crois, en vaut la peine, et je n’évoque pas l’idée d’interrompre le chemin. J’aurais l’impression d’un abandon de ce qui m’est le plus cher : vivre.

    Salutaire résilience

    Certains disent croire aux forces de l’esprit. C’est ce que je vis chaque jour, jour après jour, sans aucune monotonie, car aucun jour ne ressemble au précédent. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, dit-on, et mes amis sont les témoins de cette espérance.

    Sans ôter aucune souffrance, cette résilience salutaire installe une paix qui n’a pas d’équivalent, et qui aide au quotidien. Elle est nécessaire, et à la fois tout à fait étrangère à ce que je pourrais faire par moi-même. Vivre quotidiennement, un pied en dehors de la vie et l’autre pied dedans.

    Lire également : La rencontre de notre vulnérabilité : première étape, pour devenir humain !

  • Migrants : le pape serait-il complètement au sud ?

    IMPRIMER

    De Louis Daufresne sur "La sélection du jour" :

    Migrants : le pape est-il complètement au sud ?

     « L'Église n'est pas une douane » , s'exclama le pape François à Marseille. La phrase, sans figurer dans son discours, résonna dans sa bouche sur les murs du Pharo comme un cri du cœur lancé aux évêques de la Méditerranée mais aussi à Emmanuel Macron et à Gérald Darmanin. L'aphorisme remua-t-il une opinion ballottée entre la mâchoire d'Antoine Dupont et l'OM écrasée au Parc des Princes ? Pas sûr, d'autant que le président de la République s'empressa de clore le sujet migratoire dès le lendemain soir au JT en disant que  « nous faisons notre part » et qu' « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». .

    Cette séquence, et c'est un comble, permit au locataire de l'Élysée de passer pour un chef plus modéré que le monarque catholique. Le revirement de figures de gauche sur l'immigration, sujet bientôt débattu à l'Assemblée, accrut cette impression de sagesse retrouvée : sur le plateau de C ce soir, Jacques Attali fit un plaidoyer pour les frontières extérieures et Bernard Kouchner déclara sur Radio J qu' "on ne peut pas simplement ouvrir les portes". À neuf mois des élections européennes, alors que l'UE discute du pacte sur la migration et l'asile, un sondage réalisé par Confrontations Europe montre que 50 % des Français sont hostiles à l'immigration légale non européenne. On ne parle même pas des clandestins. C'est dire si le pape stupéfie quand il invite à  « élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles ». Mais déranger, n'est-ce pas le lot des prophètes ?

    On ne peut lui reprocher de faire de la politique ou, plus exactement, d'humaniser la politique, comme ses prédécesseurs, et de monter au front de la dignité humaine. Si le pape ne mettait pas son doigt dans les plaies, nul ne l'écouterait et l'audience de l'Église, y compris dans les media, serait celle du dalaï-lama. François ne veut pas agir comme le prêtre et le lévite du bon Samaritain. Surtout ne pas détourner pas le regard.

    Reste que le discours de François contraste avec celui, plus équilibré, de Benoît XVI jugeant que "les immigrés ont le devoir de respecter les lois et l'identité du pays d'accueil ". S'il postule que  « nos frères et sœurs en difficulté (…) ont le droit tant d'émigrer que de ne pas émigrer », le pontife argentin déroule ensuite un programme à sens unique déjà connu :  « Les migrants doivent être accueillis, protégés, promus et intégrés. » Ces quatre mots disent ce qu'il attend d'une  « responsabilité européenne » devant  « assurer un grand nombre d'entrées légales, régulières et durables ». Point notable : il rejette la tradition républicaine de l'assimilation  « qui (…) reste rigide dans ses paradigmes » pour lui préférer l'intégration, c'est-à-dire venir comme on est.

    François corrige les vieux Européens égoïstes, livrés au  « gaspillage », tentés par les  « nationalismes archaïques et belliqueux » et habités par la peur :  « Ceux qui risquent leur vie en mer n'envahissent pas, ils cherchent l'hospitalité, ils cherchent la vie. »  Celle-ci, à ses yeux, s'épanouit dans le brassage : « Dès l'enfance, ''en se mélangeant'' avec les autres, on peut surmonter beaucoup de barrières et de préjugés en développant sa propre identité dans le contexte d'un enrichissement mutuel. »  Douter de ce modèle multikulti, qui montre ses limites comme au Liban, aboutit selon lui au « naufrage de la civilisation ». Ce mot n'est pas la marque déposée d'une Europe fière de son génie et nostalgique de sa puissance ou de ses vieilles pierres. Pour François, « nous ne sommes pas appelés à regretter les temps passés. (…) L'avenir ne sera pas dans la fermeture qui est (…) une inversion de marche sur le chemin de l'histoire. » 

    Chez lui, la migration n'est pas un problème mais la solution à nos problèmes « L'Église n'est pas une douane » sous-tend que toute frontière doit être franchie, alors que l'Église fait sien le principe de séparation, qu'il s'agisse des baptisés et des non baptisés, des clercs et des laïcs, du bien et du mal, du paradis et de l'enfer, etc. Le Vatican est cerné de remparts et de guérites, le chartreux et la carmélite vivent cloîtrés. L'accueil inconditionnel n'existe pas.

    Ce discours recèle trois impensés :

    - l'impensé de l'histoire : comme celle-ci divise, on se focalise sur la famille humaine à l'instant t, sans la vision dynamique faite de projections dans le passé et l'avenir ;

    - l''impensé des origines : celles-ci s'équivalant toutes, elles se fécondent mécaniquement quand elles entrent en contact l'une avec l'autre ;

    - l'impensé du nombre : il ne change pas la nature des problèmes, toute question se résumant à des trajectoires individuelles.

    Ici, le cœur et la raison s'opposent. L'humanitaire pointe les traitements inhumains infligés par la bureaucratie des États européens à des gens pris isolément, quand le politique jauge lucidement le phénomène dans son ensemble et ses répercussions sur la société. Aujourd'hui, ces deux visions ne se parlent ni ne se comprennent.

    Pour aller plus loin :

    Un pape sans concession sur l’immigration

    >>> Lire sur le JDD

  • "Mentir sur la sexualité humaine en la réduisant à des "pratiques" est une véritable violence faite aux enfants"

    IMPRIMER

    La tribune d'Inès Pélissié du Rausas publiée sur le site d'Aleteia.org montre que le débat autour de l'EVRAS n'est pas seulement belge et que l'on assiste à une offensive transnationale pour éduquer les enfants à la sexualité "en les orientant toujours plus vers l’éducation au plaisir, au choix de l’orientation sexuelle, du genre et même du sexe, sous couvert de santé sexuelle, de « lutte contre […] les discriminations liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle, réelle ou supposée », et de promotion du « consentement »."

    « L’éducation à la sexualité », un abus sur les enfants

    26/09/23

    Le projet d’«éducation à la sexualité" lancé par l’Éducation nationale (en France) vise moins à informer les élèves qu’à redéfinir le sens de la sexualité, en contournant la responsabilité des parents. Pour Inès Pélissié du Rausas, auteur de "Les parents, l'école et la sexualité - Qui dit quoi ?" (Cerf), mentir sur la sexualité humaine en la réduisant à des "pratiques" est une véritable violence faite aux enfants.

    Un projet de formation à « l’éducation à la sexualité » a été lancé par le ministère de l’Éducation nationale pour l’année scolaire 2023/2024, à destination du corps enseignant. Il s’agirait de systématiser, du cours préparatoire à la terminale, les trois séances annuelles déjà prévues en les orientant toujours plus vers l’éducation au plaisir, au choix de l’orientation sexuelle, du genre et même du sexe, sous couvert de santé sexuelle, de « lutte contre […] les discriminations liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle, réelle ou supposée », et de promotion du « consentement ».

    Une nouvelle vision de la sexualité

    Comment en est-on arrivé là ? À ses débuts en France, en 1974, l’éducation sexuelle est surtout une information sur la biologie de la « reproduction ». Mais dans les années 1980, la lutte contre le sida conduit à la promotion du préservatif, présenté alors comme moyen de prévention. Cela devient l’occasion de montrer aux jeunes des mises en situation appelant l’usage de ce préservatif, et cela au mépris de l’interdiction de promouvoir des messages à caractère pornographique. 

    En 1996, la circulaire ministérielle « Prévention du sida en milieu scolaire : l’éducation à la sexualité » franchit un pas : il ne s’agit plus seulement d’informer les élèves mais de diffuser une nouvelle vision. Certes, la sexualité humaine est encore déclarée « inséparable de données biologiques », mais sa vision doit être « en ajustement constant », non pas aux réalités de la personne humaine et de son corps sexué, mais aux « situations vécues ». Cette vision intègre et banalise toutes les « pratiques sexuelles » possibles — que Freud appelait dans son Introduction à la psychanalyse des « perversions » — en perdant de vue les deux buts essentiels de la sexualité humaine : la dimension de l’amour et du cœur, l’expression, par l’union dans la chair, de l’amour total et exclusif qui unit les époux et la procréation.

    Lire la suite

  • La star brésilienne du football Ronaldo a été baptisé à l'âge de 46 ans

    IMPRIMER

    De kath.net/news :

    La star brésilienne du football Ronaldo a été baptisée à l'âge de 46 ans.

    24 septembre 2023

    L’ancienne star du football brésilien a écrit sur Instagram que le sacrement du baptême lui faisait se sentir renaître en tant qu’enfant de Dieu.

    L'ancienne star du football brésilien Ronaldo (nom complet Ronaldo Luis Nazario de Lima) a été baptisé à l'âge de 46 ans. Il a partagé quelques photos de son acceptation dans l'Église catholique sur Instagram.

    Il a littéralement écrit : « Aujourd’hui est un jour très spécial. J'ai été baptisé ! La foi chrétienne a toujours été une partie fondamentale de ma vie depuis que je suis enfant, même si je n'étais pas encore baptisé. Grâce à la Sainte-Cène, je me sens vraiment renaître en tant qu’enfant de Dieu – d’une manière nouvelle, plus consciente et plus profonde.

    Il renouvelle son engagement à « parcourir le chemin du bien, de sa propre volonté, dans la foi en l'amour de Jésus, dans l'amour de la solidarité ». Enfin, Ronaldo a remercié deux prêtres et ses deux parrains.

    La vie de Ronaldo n’a pas seulement été façonnée par son talent de footballeur et les succès sportifs et économiques qui y sont associés. Il souffrait de divers problèmes relationnels et souffrait d’hypothyroïdie. Cela a mis fin à sa carrière de footballeur et a donné lieu à plusieurs reprises à des commentaires moqueurs sur sa prise de poids inévitable.

    Ronaldo a remporté la Coupe du monde avec l'équipe nationale brésilienne en 1994 et 2002. En 1997, il remporte la Coupe des vainqueurs de coupe européenne avec le FC Barcelone et en 1998, la Coupe UEFA avec l'Inter Milan. Aujourd'hui, il est propriétaire et président du club de football espagnol Real Valladolid.

  • Belgique : le système de santé défaillant débouche sur une demande d'euthanasie

    IMPRIMER

    Une synthèse de presse de gènéthique.org :

    Belgique : faute de budget, une femme demande l’euthanasie

    25 SEP, 2023

    Shanna Wouters, une femme belge âgée de 38 ans, est atteinte du syndrome d’Ehlers Danloss, une maladie du tissu conjonctif qui lui cause des douleurs insupportables. Confrontée à un système de santé « défaillant », elle ne « voit pas d’autre solution que de demander l’euthanasie ».

    L’état de santé de Shanna s’est fortement dégradé ces dernières années. Elle est désormais dans un fauteuil roulant et reçoit de fortes doses d’analgésiques. L’an dernier, elle a perdu 11 kilos. Elle dort à peine à cause de la douleur. « Je ne peux plus travailler depuis plusieurs années et j’ai besoin chaque jour de soins infirmiers » précise Shanna.

    « J’attends un budget santé depuis des années, mais je n’ai pas ce temps »

    La Belge doit également se battre avec le « système de santé qui est défaillant » . « J’attends un budget santé depuis des années, mais je n’ai pas ce temps » déplore-t-elle. « Depuis janvier, je reçois environ 20.000 euros de budget personnel par an. Alors que j’étais sur la liste d’attente depuis 2017, je n’ai obtenu mon budget que cette année », regrette Shanna. « Le budget que je reçois est loin d’être suffisant pour répondre à mes besoins réels », dénonce-t-elle (cf. Canada : un homme bientôt sans domicile demande l’euthanasie, feu vert du médecin).

    Face à ces difficultés, Shanna ne voit « plus d’issue » (cf. Face au handicap ou à la pauvreté, l’aide médicale à mourir se généralise au Canada).  « J’aimais beaucoup vivre, mais lorsque vous devez vous battre pour survivre chaque jour, il arrive un moment où cela s’arrête. C’est pourquoi je suis en train de mettre en place les documents nécessaires à mon euthanasie », confie-t-elle (cf. Euthanasie en Belgique : de l’acte exceptionnel à la banalisation).

     

    Source : Sud Info (22/09/2023) 

  • « On ne joue pas avec la vie » (pape François)

    IMPRIMER

    Du site de Famille Chrétienne :

    Euthanasie : « On ne joue pas avec la vie », assure le pape au sujet du projet de loi français

    23/09/2023

    Après sa visite à Marseille, dans l'avion qui le ramenait à Rome dans la soirée du samedi 23 septembre, le pape François a exprimé son opposition au futur projet de loi sur la fin de vie en France, mais aussi une nouvelle fois sa condamnation de l'avortement. « On ne joue pas avec la vie », a martelé le pape à de nombreuses reprises en répondant aux questions des journalistes qui l'accompagnaient.

    A la question de savoir s'il avait, lors de son entretien à Marseille avec le président français le matin même, évoqué le projet de loi en préparation sur la fin de vie - et retardé en raison de son voyage -, le pape a assuré ne pas avoir abordé la question avec Emmanuel Macron. Mais il a aussitôt expliqué avoir déjà « clairement » fait part de son avis au chef de l'Etat français lors de leur dernière rencontre au Vatican, en octobre 2022.

    « On efface la vie des grands-parents, ils sont vieux, ils ne servent à rien ! »

    « Quand il est venu au Vatican, a ainsi précisé le pape, je lui ai dit mon avis, clairement : avec la vie on ne joue pas, ni au début, ni à la fin, on ne joue pas ! » Mon avis, a-t-il insisté, « c'est qu'il faut protéger la vie ». Il a encore fustigé la soi-disante « euthanasie humaniste », « la mort douce » ou « la sélection avant la naissance », avant d'attirer l'attention sur « les colonisations idéologiques qui vont à l'encontre de la vie humaine ».

    Et le pape d'ajouter : « Je ne dis pas que c'est une question de foi, mais c'est une question humaine, il s'agit d'une mauvaise compassion ». « On efface la vie des grands-parents, ils sont vieux, ils ne servent à rien ! », a encore déploré le pape. « On ne joue pas avec la vie ! », a répété le pape, que ce soit à propos de la loi qui ne laisse pas grandir l'enfant dans le ventre de la mère, ou la loi sur l'euthanasie pour les maladies ou la vieillesse”.

    « Il y a une conscience du phénomène migratoire »

    Lors de cette brève rencontre avec les journalistes, le pape François a aussi été interrogé sur « l'échec » perceptible de ses innombrables appels sur le sort des migrants. « Je ne crois pas [que cela soit un échec, ndlr], cela a grandi lentement », a rétorqué le pape, « aujourd'hui il y a une conscience du phénomène migratoire ». Le pape François a par ailleurs reconnu pouvoir ressentir des frustrations dans l’action diplomatique du Saint-Siège face au conflit russo-ukrainien, mais a une nouvelle fois soutenu le travail de la secrétairerie d’État. « Il y a quelque chose avec les enfants qui avance bien », a-t-il annoncé, sans rentrer dans les détails, à propos des enfants ukrainiens qui se trouvent actuellement en Russie et que le Saint-Siège tente de rapatrier dans leurs familles.

  • Pour que la Méditerranée redevienne un laboratoire de paix

    IMPRIMER

    VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS à MARSEILLE pour la conclusions des Rencontres Méditerranéennes
    [22 - 23 SEPTEMBRE 2023]

    SESSION CONCLUSIVE DES RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES

    DISCOURS DU SAINT-PÈRE

    Palais du Pharo, Marseille
    Samedi 23 septembre 2023

    source

    ________________________________________

    Monsieur le Président de la République,

    chers frères Évêques,
    Mesdames et Messieurs les Maires et Autorités représentant les villes et territoires bordés par la Méditerranée,
    Vous tous chers amis !

    Je vous salue cordialement et vous suis, à chacun, reconnaissant d'avoir accepté l'invitation du cardinal Aveline à participer à ces rencontres. Je vous remercie pour votre travail et pour les réflexions précieuses que vous avez partagées. Après Bari et Florence, le chemin au service des peuples méditerranéens se poursuit : les responsables ecclésiastiques et civils sont encore ici réunis, non pas pour traiter d’intérêts mutuels, mais animés par le désir de s’occuper de l'homme ; merci de le faire avec les jeunes qui sont le présent et l'avenir de l'Église comme de la société.

    La ville de Marseille est très ancienne. Fondée par des navigateurs grecs venus d'Asie Mineure, le mythe la fait remonter à une histoire d'amour entre un marin émigré et une princesse locale. Elle présente dès ses origines un caractère composite et cosmopolite : elle accueille les richesses de la mer et donne une patrie à ceux qui n'en ont plus. Marseille nous dit que, malgré les difficultés, la convivialité est possible et qu’elle est source de joie. Sur la carte, entre Nice et Montpellier, elle semble presque dessiner un sourire ; et j'aime à la considérer ainsi : Marseille est "le sourire de la Méditerranée". Je voudrais donc vous proposer quelques réflexions autour de trois réalités qui caractérisent Marseille : la mer, le port et le phare. Ce sont trois symboles.

    1. La mer. Une marée de peuples a fait de cette ville une mosaïque d'espérance, avec sa grande tradition multiethnique et multiculturelle, représentée par plus de 60 consulats présents sur son territoire. Marseille est une ville à la fois plurielle et singulière, car c'est sa pluralité, fruit de sa rencontre avec le monde, qui rend son histoire singulière. On entend souvent dire aujourd'hui que l'histoire de la Méditerranée est un entrelacement de conflits entre différentes civilisations, religions et visions. Nous n’ignorons pas les problèmes – il y en a - mais ne nous y trompons pas : les échanges entre peuples ont fait de la Méditerranée un berceau de civilisations, une mer qui regorge de trésors, au point que, comme l'écrivait un grand historien français, elle n'est pas « un paysage, mais d'innombrables paysages. Ce n'est pas une mer, mais une succession de mers » ; « depuis des millénaires, tout s'y est engouffré, compliquant et enrichissant son histoire » (F. Braudel, La Méditerranée, Paris 1985, p. 16). La mare nostrum est un espace de rencontres : entre les religions abrahamiques, entre les pensées grecque, latine et arabe, entre la science, la philosophie et le droit, et entre bien d'autres réalités. Elle a diffusé dans le monde la haute valeur de l'être humain, doté de liberté, ouvert à la vérité et en mal de salut, qui voit le monde comme une merveille à découvrir et un jardin à habiter, sous le signe d'un Dieu qui fait alliance avec les hommes.

    Un grand Maire voyait dans la Méditerranée non pas une question conflictuelle, mais une réponse de paix, mieux encore, « le commencement et le fondement de la paix entre toutes les nations du monde » (G. La Pira, Paroles en conclusion du premier Colloque Méditerranéen, 6 octobre 1958). Il disait en effet : « La réponse [...] est possible si l'on considère la vocation historique commune et pour ainsi dire permanente que la Providence a assignée dans le passé, assigne dans le présent et, en un certain sens, assignera dans l'avenir aux peuples et aux nations qui vivent sur les rives de ce mystérieux lac de Tibériade élargi qu'est la Méditerranée » (Discours d'ouverture du 1er Colloque méditerranéen, 3 octobre 1958). Lac de Tibériade, ou Mer de Galilée : un lieu, c’est-à-dire, où se concentrait à l'époque du Christ une grande variété de peuples, de cultes et de traditions. C'est là, dans la « Galilée des nations » (cf. Mt 4, 15), traversée par la Route de la Mer, que se déroula la plus grande partie de la vie publique de Jésus. Un contexte multiforme et, à bien des égards, instable, fut le lieu de la proclamation universelle des Béatitudes, au nom d'un Dieu Père de tous, qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). C'était aussi une invitation à élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles. Voici donc la réponse qui vient de la Méditerranée : cette mer pérenne de Galilée invite à opposer la « convivialité des différences » à la division des conflits (T. Bello, Benedette inquietudini, Milano 2001, p. 73). La mare nostrum, au carrefour du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, concentre les défis du monde entier comme en témoignent ses "cinq rives" sur lesquelles vous avez réfléchi : l'Afrique du Nord, le Proche-Orient, la mer Noire-Égée, les Balkans et l'Europe latine. Elle est à l’avant-poste de défis qui concernent tout le monde : nous pensons au défi climatique, la Méditerranée représentant un hotspot où les changements se font sentir plus rapidement. Comme il est important de sauvegarder le maquis méditerranéen, écrin unique de biodiversité ! Bref, cette mer, environnement qui offre une approche unique de la complexité, est un "miroir du monde", et elle porte en elle une vocation mondiale à la fraternité, vocation unique et unique voie pour prévenir et surmonter les conflits.

    Frères et sœurs, sur la mer actuelle des conflits, nous sommes ici pour valoriser la contribution de la Méditerranée, afin qu'elle redevienne un laboratoire de paix. Car telle est sa vocation : être un lieu où des pays et des réalités différentes se rencontrent sur la base de l'humanité que nous partageons tous, et non d'idéologies qui opposent. Oui, la Méditerranée exprime une pensée qui n'est pas uniforme ni idéologique, mais polyédrique et adhérente à la réalité ; une pensée vitale, ouverte et conciliante : une pensée communautaire, c'est le mot. Comme nous avons besoin de cela dans les circonstances actuelles où des nationalismes archaïques et belliqueux veulent faire disparaître le rêve de la communauté des nations ! Mais - rappelons-le - avec les armes on fait la guerre, pas la paix, et avec l'avidité du pouvoir on retourne toujours au passé, on ne construit pas l'avenir.

    Par où commencer alors pour enraciner la paix ? Sur les rives de la Mer de Galilée, Jésus commença par donner de l’espérance aux pauvres, en les proclamant bienheureux : il écouta leurs besoins, il soigna leurs blessures, il leur annonça avant tout la bonne nouvelle du Royaume. C'est de là qu’il faut repartir, du cri souvent silencieux des derniers, et non des premiers de la classe qui élèvent la voix même s'ils sont bien lotis. Repartons, Église et communauté civile, de l'écoute des pauvres qui sont à « s'embrasser, et non pas à compter » (P. Mazzolari, La parola ai poveri, Bologne 2016, p. 39), car ils sont des visages et non des numéros. Le changement de rythme de nos communautés consiste à les traiter comme des frères dont nous devons connaître l'histoire, et non comme des problèmes gênants, en les expulsant, en les renvoyant chez eux ; il consiste à les accueillir, et non les cacher ; à les intégrer, et non s’en débarrasser ; à leur donner de la dignité. Et Marseille, je veux le répéter, est la capitale de l'intégration des peuples. C'est votre fierté ! Aujourd'hui, la mer de la coexistence humaine est polluée par la précarité qui blesse même la splendide Marseille. Et là où il y a précarité il y a criminalité : là où il y a pauvreté matérielle, éducative, professionnelle, culturelle, religieuse, le terrain des mafias et des trafics illicites est déblayé. L'engagement des seules institutions ne suffit pas, il faut un sursaut de conscience pour dire "non" à l'illégalité et "oui" à la solidarité, ce qui n'est pas une goutte d'eau dans la mer, mais l'élément indispensable pour en purifier les eaux.

    En effet, le véritable mal social n'est pas tant l'augmentation des problèmes que le déclin de la prise en charge. Qui aujourd'hui est proche des jeunes livrés à eux-mêmes, proies faciles de la délinquance et de la prostitution ? Qui les prend en charge ? Qui est proche des personnes asservies par un travail qui devrait les rendre plus libres ? Qui s'occupe des familles effrayées, qui ont peur de l'avenir et de mettre au monde de nouvelles créatures ? Qui écoute les gémissements des personnes âgées isolées qui, au lieu d'être valorisées, sont parquées dans la perspective faussement digne d'une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ? Qui pense aux enfants à naître, rejetés au nom d'un faux droit au progrès, qui est au contraire une régression de l'individu ? Aujourd'hui, nous avons le drame de confondre les enfants avec les petits chiens. Mon secrétaire me disait qu'en passant par la place Saint-Pierre, il avait vu des femmes qui portaient des enfants dans des poussettes... mais ce n'étaient pas des enfants, c'étaient des petits chiens ! Cette confusion nous dit quelque chose de mauvais. Qui regarde avec compassion au-delà de ses frontières pour entendre les cris de douleur qui montent d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? Combien de personnes vivent plongées dans les violences et souffrent de situations d'injustice et de persécution ! Et je pense à tant de chrétiens, souvent contraints de quitter leur terre ou d'y vivre sans que leurs droits soient reconnus, sans qu'ils jouissent d’une citoyenneté à part entière. S'il vous plaît, engageons-nous pour que ceux qui font partie de la société puissent en devenir les citoyens de plein droit. Et puis il y a un cri de douleur qui résonne plus que tout autre, et qui transforme la mare nostrum en mare mortuum, la Méditerranée, berceau de la civilisation en tombeau de la dignité. C'est le cri étouffé des frères et sœurs migrants, auxquels je voudrais consacrer mon attention en réfléchissant sur la deuxième image que nous offre Marseille, celle de son port.

    2. Le port de Marseille est depuis des siècles une porte grand-ouverte sur la mer, sur la France et sur l'Europe. C'est d'ici que beaucoup sont partis chercher du travail et un avenir à l'étranger, c'est d'ici que beaucoup ont franchi la porte du continent avec des bagages chargés d'espérance. Marseille a un grand port et elle est une grande porte qui ne peut être fermée. Plusieurs ports méditerranéens, en revanche, se sont fermés. Et deux mots ont résonné, alimentant la peur des gens : "invasion" et "urgence". Et on ferme les ports. Mais ceux qui risquent leur vie en mer n'envahissent pas, ils cherchent hospitalité, ils cherchent la vie. Quant à l'urgence, le phénomène migratoire n'est pas tant une urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps, un processus qui concerne trois continents autour de la Méditerranée et qui doit être géré avec une sage prévoyance, avec une responsabilité européenne capable de faire face aux difficultés objectives. Je regarde, ici, sur cette carte, les ports privilégiés pour les migrants : Chypre, la Grèce, Malte, l'Italie et l'Espagne... Ils font face à la Méditerranée et accueillent les migrants. La mare nostrum crie justice, avec ses rivages où, d’un côté, règnent l'opulence, le consumérisme et le gaspillage et, de l’autre, la pauvreté et la précarité. Là encore, la Méditerranée est un reflet du monde : le Sud qui se tourne vers le Nord, avec beaucoup de pays en développement, en proie à l'instabilité, aux régimes, aux guerres et à la désertification, qui regardent les plus aisés, dans un monde globalisé où nous sommes tous connectés mais où les fossés n'ont jamais été aussi profonds. Pourtant, cette situation n'est pas nouvelle de ces dernières années, et ce n'est pas ce Pape venu de l'autre bout du monde à avoir le premier à l'alerté, avec urgence et préoccupation. Cela fait plus de cinquante ans que l'Église en parle de manière pressante.

    Le concile Vatican II venait de se conclure lorsque saint Paul VI, dans l’encyclique Populorum progressio, écrivait : « Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui de façon dramatique les peuples de l'opulence. L’Église tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère » (n. 3). Le Pape Montini énuméra "trois devoirs" des nations les plus développées, « enracinés dans la fraternité humaine et surnaturelle » : « devoir de solidarité, c’est à dire l’aide que les nations riches doivent apporter aux pays en voie de développement ; devoir de justice sociale, c’est-à-dire le redressement des relations commerciales défectueuses entre peuples forts et peuples faibles ; devoir de charité universelle, c’est-à-dire la promotion d’un monde plus humain pour tous, où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres » (n. 44). À la lumière de l’Évangile et de ces considérations, Paul VI, en 1967, soulignait le « devoir de l’accueil », sur lequel il écrivait : « nous ne saurions trop insister » (n. 67). Pie XII avait encouragé à cela quinze années auparavant en écrivant que : « La famille de Nazareth en exile, Jésus, Marie et Joseph émigrés en Egypte […] sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les personnes qui leurs sont chères, […] et se rendre en terre étrangère » (Const. ap. Exsul Familia de spirituali emigrantium cura, 1er août 1952).

    Certes, les difficultés d’accueil sont sous les yeux de tous. Les migrants doivent être accueillis, protégés ou accompagnés, promus et intégrés. Dans le cas contraire, le migrant se retrouve dans l'orbite de la société. Accueillis, accompagnés, promus et intégrés : tel est le style. Il est vrai qu'il n'est pas facile d'avoir ce style ou d'intégrer des personnes non attendues. Cependant le critère principal ne peut être le maintien de leur bien-être, mais la sauvegarde de la dignité humaine. Ceux qui se réfugient chez nous ne doivent pas être considérés comme un fardeau à porter : si nous les considérons comme des frères, ils nous apparaîtront surtout comme des dons. La Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié sera célébrée demain. Laissons-nous toucher par l’histoire de tant de nos frères et sœurs en difficulté qui ont le droit tant d’émigrer que de ne pas émigrer, et ne nous enfermons pas dans l’indifférence. L’histoire nous interpelle à un sursaut de conscience pour prévenir le naufrage de civilisation. L’avenir, en effet, ne sera pas dans la fermeture qui est un retour au passé, une inversion de marche sur le chemin de l’histoire. Contre le terrible fléau de l’exploitation des êtres humains, la solution n’est pas de rejeter, mais d’assurer, selon les possibilités de chacun, un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable de la part du continent européen, dans le cadre d’une collaboration avec les pays d’origine. Dire "assez" c’est au contraire fermer les yeux ; tenter maintenant de "se sauver" se transformera demain en tragédie. Alors que les générations futures nous remercieront pour avoir su créer les conditions d’une intégration indispensable, elles nous accuseront pour n’avoir favorisé que des assimilations stériles. L’intégration, même des migrants, est difficile, mais clairvoyante : elle prépare l’avenir qui, qu’on le veuille ou non, se fera ensemble ou ne sera pas ; l’assimilation, qui ne tient pas compte des différences et reste rigide dans ses paradigmes, fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation, provoquant hostilité et intolérance. Nous avons besoin de fraternité comme de pain. Le mot même "frère", dans sa dérivation indo-européenne, révèle une racine liée à la nutrition et à la subsistance. Nous ne nous soutiendrons qu’en nourrissant d’espérance les plus faibles, en les accueillant comme des frères. « N’oubliez pas l’hospitalité » (He 13, 2), nous dit l’Écriture. Et dans l'Ancien Testament, il est répété : la veuve, l'orphelin et l'étranger. Les trois devoirs de charité : assister la veuve, assister l'orphelin et assister l'étranger, le migrant.

    À cet égard, le port de Marseille est aussi une "porte de la foi". Selon la tradition, les saints Marthe, Marie et Lazare ont débarqué ici, et ont semé l’Évangile sur ces terres. La foi vient de la mer, comme l’évoque la suggestive tradition marseillaise de la chandeleur avec la procession maritime. Lazare, dans l’Évangile, est l’ami de Jésus, mais c’est aussi le nom du protagoniste d’une parabole très actuelle qui ouvre les yeux sur l’inégalité qui ronge la fraternité et nous parle de la prédilection du Seigneur pour les pauvres. Eh bien, nous chrétiens qui croyons au Dieu fait homme, à l’homme unique et inimitable qui, sur les rives de la Méditerranée, s’est dit chemin, vérité et vie (cf. Jn 14, 6), nous ne pouvons pas accepter que les voies de la rencontre soient fermées. Ne fermons pas les voies de la rencontre, s'il vous plaît ! Nous ne pouvons accepter que la vérité du dieu argent l’emporte sur la dignité de l’homme, que la vie se transforme en mort ! L’Église, en confessant que Dieu, en Jésus Christ, « s’est en quelque sorte uni à tout homme » (Gaudium et spes, n. 22), croit, avec saint Jean-Paul II, que son chemin est l’homme (cf. Lett. enc. Redemptor hominis, n. 14). Elle adore Dieu et sert les plus fragiles qui sont ses trésors. Adorer Dieu et servir le prochain, voilà ce qui compte : non pas la pertinence sociale ou l’importance numérique, mais la fidélité au Seigneur et à l’homme !

    Voilà le témoignage chrétien et, bien souvent, il est héroïque. Je pense par exemple à saint Charles de Foucauld, le "frère universel", aux martyrs de l’Algérie, mais aussi à tant d’artisans de la charité d’aujourd’hui. Dans ce style de vie scandaleusement évangélique, l’Église retrouve le port sûr auquel accoster et d’où repartir pour tisser des liens avec les personnes de tous les peuples, en recherchant partout les traces de l’Esprit et en offrant ce qu’elle a reçu par grâce. Voilà la réalité la plus pure de l’Église, voilà - écrivait Bernanos - « l’Église des saints », ajoutant que « tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de magnificence et de majesté n’est rien de lui-même, si la charité ne l’anime » (Jeanne d’Arc relapse et sainte, Paris 1994, p. 74). J’aime exalter cette perspicacité française, génie croyant et créatif qui a affirmé ces vérités à travers une multitude de gestes et d’écrits. Saint Césaire d’Arles disait : « Si tu as la charité, tu as Dieu ; et si tu as Dieu, que ne possèdes-tu pas ? » (Sermo 22, 2). Pascal reconnaissait que « l’unique objet de l’Écriture est la charité » (Pensées, n. 301) et que « la vérité hors de la charitén’est pas Dieu ; elle est son image, et une idole qu’il ne faut point aimerni adorer » (Pensées, n. 767). Et saint Jean Cassien, qui est mort ici, écrivait que « tout, même ce qu’on estime utile et nécessaire, vaut moins que ce bien qu’est la paix et la charité » (Conférences spirituelles XVI, 6).

    Il est bon, par conséquent, que les chrétiens ne viennent pas en deuxième position en matière de charité ; et que l’Évangile de la charité soit la magna charta de la pastorale. Nous ne sommes pas appelés à regretter les temps passés ou à redéfinir une importance ecclésiale, nous sommes appelés au témoignage : non pas broder l’Évangile de paroles, mais lui donner de la chair ; non pas mesurer la visibilité, mais nous dépenser dans la gratuité, croyant que « la mesure de Jésus est l’amour sans mesure » (Homélie, 23 février 2020). Saint Paul, l’Apôtre des nations qui passa une bonne partie de sa vie à traverser la Méditerranée d’un port à l’autre, enseignait que pour accomplir la loi du Christ, il faut porter mutuellement le poids des uns des autres (cf. Ga 6, 2). Chers frères évêques, ne chargeons pas les personnes de fardeaux, mais soulageons leurs efforts au nom de l’Évangile de la miséricorde, pour distribuer avec joie le soulagement de Jésus à une humanité fatiguée et blessée. Que l’Église ne soit pas un ensemble de prescriptions, que l’Église soit un port d’espérance pour les personnes découragées. Élargissez vos cœurs, s'il vous plaît ! Que l'Église soit un port de ravitaillement, où les personnes se sentent encouragées à prendre le large dans la vie avec la force incomparable de la joie du Christ. Que l'Église ne soit pas une douane. Souvenons-nous du Seigneur : tous, tous, tous sont invités.

    3. Et j’en viens brièvement ainsi à la dernière image, celle du phare. Il illumine la mer et fait voir le port. Quelles traces lumineuses peuvent orienter le cap des Églises dans la Méditerranée ? En pensant à la mer qui unit tant de communautés croyantes différentes, je pense que l’on peut réfléchir sur des parcours plus synergiques, en évaluant peut-être aussi l’opportunité d’une Conférence ecclésiale de la Méditerranée, comme l’a dit le Cardinal [Aveline], qui permettrait de nouvelles possibilités d’échanges et qui donnerait une plus grande représentativité ecclésiale à la région. En pensant au port et au thème migratoire, il pourrait être profitable de travailler à une pastorale spécifique encore plus reliée, afin que les diocèses les plus exposés puissent assurer une meilleure assistance spirituelle et humaine aux sœurs et aux frères qui arrivent dans le besoin.

    Le phare, dans ce prestigieux palais qui porte son nom, me fait enfin penser surtout aux jeunes : ce sont eux la lumière qui indique la route de l’avenir. Marseille est une grande ville universitaire qui abrite quatre campus : sur les quelque 35000 étudiants qui les fréquentent, 5000 sont étrangers. Par où commencer à tisser des liens entre les cultures, sinon par l’université ? Là, les jeunes ne sont pas fascinés par les séductions du pouvoir, mais par le rêve de construire l’avenir. Que les universités méditerranéennes soient des laboratoires de rêves et des chantiers d’avenir, où les jeunes grandissent en se rencontrant, en se connaissant et en découvrant des cultures et des contextes à la fois proches et différents. On abat ainsi les préjugés, on guérit les blessures et on conjure des rhétoriques fondamentalistes. Faites attention à la prédication de tant de fondamentalismes qui sont à la mode aujourd'hui ! Des jeunes bien formés et orientés à fraterniser pourront ouvrir des portes inespérées de dialogue. Si nous voulons qu’ils se consacrent à l’Évangile et au haut service de la politique, il faut avant tout que nous soyons crédibles : oublieux de nous-mêmes, libérés de l’autoréférentialité, prêts à nous dépenser sans cesse pour les autres. Mais le défi prioritaire de l’éducation concerne tous les âges de la formation : dès l’enfance, "en se mélangeant" avec les autres, on peut surmonter beaucoup de barrières et de préjugés en développant sa propre identité dans le contexte d’un enrichissement mutuel. L’Église peut bien y contribuer en mettant au service ses réseaux de formation et en animant une "créativité de la fraternité".

    Frères et sœurs, le défi est aussi celui d’une théologie méditerranéenne - la théologie doit être enracinée dans la vie ; une théologie de laboratoire ne fonctionne pas - qui développe une pensée qui adhère au réel, "maison" de l’humain et pas seulement des données techniques, en mesure d’unir les générations en reliant mémoire et avenir, et de promouvoir avec originalité le chemin œcuménique entre chrétiens et le dialogue entre croyants de religions différentes. Il est beau de s’aventurer dans une recherche philosophique et théologique qui, en puisant aux sources culturelles méditerranéennes, redonne espérance à l’homme, mystère de liberté en mal de Dieu et de l’autre, pour donner un sens à son existence. Et il est également nécessaire de réfléchir sur le mystère de Dieu, que personne ne peut prétendre posséder ou maîtriser, et qui doit même être soustrait à tout usage violent et instrumental, conscients que la confession de sa grandeur présuppose en nous l’humilité des chercheurs.

    Chers frères et sœurs, je suis heureux d’être ici à Marseille ! Un jour, Monsieur le Président m'a invité à visiter la France et m'a dit : "Mais il est important que vous veniez à Marseille !". Et je l’ai fait. Je vous remercie de votre écoute patiente et de votre engagement. Allez de l’avant, courageux ! Soyez une mer de bien, pour faire face aux pauvretés d’aujourd’hui avec une synergie solidaire ; soyez un port accueillant, pour embrasser ceux qui cherchent un avenir meilleur ; soyez un phare de paix, pour anéantir, à travers la culture de la rencontre, les abîmes ténébreux de la violence et de la guerre. Merci beaucoup !

  • De Pie XII à François: les paroles des souverains pontifes face à l'urgence migratoire

    IMPRIMER

    D'Andrea Tornielli sur Vatican News :

    François, fils de migrants et le long magistère de l'accueil

    De Pie XII à François: les paroles des Souverains pontifes face à l'urgence migratoire.

    23 septembre 2023

    Dans le vaste discours prononcé à Marseille en conclusion des Rencontres méditerranéennes, le Pape François, lui-même enfant de migrants, a rappelé que le phénomène migratoire n'est pas une nouveauté de ces dernières années et qu'il n'est pas non plus le premier pontife à s'en préoccuper. Cela fait au moins 70 ans que l'Église a ressenti l'urgence croissante de cette situation.

    En 1952 et, sept ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe connaît encore le drame des personnes déplacées. Pie XII, dans la Constitution apostolique Exsul Familia, écrivait que «La famille de Nazareth en exil, Jésus, Marie et Joseph émigrés en Egypte […] sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les personnes qui leurs sont chères, […] et se rendre en terre étrangère».

    Les guerres, les persécutions ou la nécessité d'améliorer sa condition, sont les motivations des migrations, auxquelles s'ajoutent aujourd'hui, de manière de plus en plus évidente, les problèmes liés au changement climatique. En 1967, avec l’encyclique Populorum Progressio, Paul VI rappelait que les peuples de la faim défient dramatiquement les peuples de l'opulence, en énumérant trois devoirs pour les nations les plus développées: le devoir de solidarité, le devoir de justice sociale et le devoir de charité universelle. Le Pape Montini a rappelait aussi le «devoir de l'accueil», sur lequel, écrivait-il, «nous n'insisterons jamais assez».

    Pour le deuxième rendez-vous de cette première journée dans la cité phocéenne, vendredi 22 septembre, après une prière mariale à la basilique Notre-Dame de la Garde, à 18 heures, ...

    Outre les deux exemples cités par François, de nombreux autres pourraient être mentionnés. Par exemple, les paroles de Jean-Paul II qui, dans son message pour la Journée mondiale de l'émigration en 1996, écrivait: «La première façon d'aider ces personnes est de les écouter pour connaître leur situation et leur assurer, quelle que soit leur position juridique devant l'État, les moyens de subsistance nécessaires». Il ajoutait: «Il faut être vigilant face à l'émergence de formes de néo-racisme ou de comportements xénophobes, qui tentent de faire de ces frères des boucs émissaires pour toute situation locale difficile».

    Benoît XVI, dans son message de 2012, relevait: «Aujourd’hui, en effet, nous voyons que de nombreuses migrations sont la conséquence d’une précarité économique, d’un manque de biens essentiels, de catastrophes naturelles, de guerres et de désordres sociaux. A la place d’une pérégrination animée par la confiance, par la foi et par l’espérance, migrer devient alors un "calvaire" pour survivre, où des hommes et des femmes apparaissent davantage comme des victimes que comme des acteurs et des responsables de leur aventure migratoire».

    Bien sûr, même à Marseille, comme il l'a répété à plusieurs reprises au cours de ses dix années de pontificat, François a évoqué les difficultés d'accueil, de protection, de promotion et d'intégration des personnes non désirées. Il a rappelé la responsabilité commune de toute l'Europe et la nécessité de garantir «un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable» du continent européen. Mais il a également rappelé que le critère principal doit toujours être la protection de la dignité humaine et non la préservation de son propre bien-être. Car, comme l'expérience de la récente pandémie devrait l’avoir enseigné, on ne se sauve qu'ensemble, jamais seul.

    Lire également : Migrants : que veut vraiment le pape François ?

  • De l’Europe jusqu’aux municipalités : l’avortement, une priorité ?

    IMPRIMER

    De Gènéthique Magazine :

    De l’Europe jusqu’aux municipalités : l’avortement, une priorité ?

    21 septembre 2023
     

    Des députés européens ont débattu de la « santé reproductive et sexuelle » des femmes, mardi 19 septembre, au sein de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM). Une réunion en présence de militants qui a laissé une vaste place au sujet de l’avortement présenté comme un « droit fondamental ».

    Birgit van Hout du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a appelé à financer l’accès aux « droits sexuels et reproductifs » à travers le monde, quand Camila Gervais du Center for Reproductive Rights en Belgique estime que la Commission des Affaires constitutionnelles (ne devrait pas « se cacher derrière des questions nationales quand il s’agit de changer les traités ». Elle juge en outre que la récente directive relative aux violences faites aux femmes sera un « immense pas » en matière de « droits reproductifs » (cf. Lutter contre les violences contre les femmes en promouvant l’avortement ?).

    Priver les Etats membres de cette compétence nationale

    Le député croate Predrag Fred Matic (Socialistes et Démocrates) a rappelé l’initiative qu’il a portée il y a deux ans (cf. Le Parlement européen adopte le rapport Matic), et réclamé des « normes européennes » en matière de « droit à l’avortement ». « Nous ne devrions plus dire qu’il s’agit d’une compétence nationale », estime-t-il (cf. Avortement : les évêques appellent l’Europe à respecter les limites de ses compétences). Il est rejoint par Gwendoline Delbos Corfield, eurodéputée française du Groupe des Verts Alliance libre européenne. « Les droits sexuels et reproductifs doivent devenir une compétence européenne », a-t-elle martelé, indiquant être dans un processus de « changement des traités » (cf. Le Parlement européen demande d’inscrire l’avortement parmi les « droits fondamentaux »).

    Seule voix dissonante : celle de l’Espagnole Margarita de la Pisa Carrión (Groupe des Conservateurs et Réformistes européens . « Le progrès n’est pas compatible avec la négation du droit à la vie », a-t-elle fait valoir, appelant à arrêter cette « idéologie destructrice ».

    Des actions tous azimuts

    La volonté générale est claire : faire remonter l’avortement au rang des compétences de l’Union européenne afin de faire plier les quelques Etats encore réfractaires (cf. Avortement eugénique en Pologne : la CEDH déclare les plaintes irrecevables Avortement : le Parlement européen désavoue la Hongrie)

    A la veille de la « Journée internationale de l’avortement », qui aura lieu le 28 septembre, deux jours après celle consacrée à la contraception, l’avortement est promu sur tous les fronts. Ainsi diverses municipalités de l’Hexagone lancent des initiatives sur le sujet (cf. Avortement et liberté d’expression : deux maires, deux choix). A Paris, des affiches qualifient l’avortement de « droit fondamental ». Ecrire une phrase en majuscules n’en fait pas une vérité (cf. Le « droit à l’avortement » n’est pas légitime « parce qu’une majorité d’individus ou d’Etats l’affirment »).

  • Crise migratoire : l’émigration des Européens pourrait-elle être la solution ?

    IMPRIMER

    De Chantal Delsol sur le site du Figaro Vox via le site "pour une école libre au Québec" :

    Crise migratoire : quelles leçons tirer de la chute de l’empire romain ?

    Un seul précédent historique permet de réfléchir à la situation de l’europe aujourd’hui, explique la philosophe Chantal Delsol : le déclin de l’empire romain. alors que la France ne dispose ni de la chance géographique ni de la volonté politique pour endiguer l’immigration, analyse-t-elle, la solution pourrait être l’émigration des Européens...

    L’arrivée massive de plusieurs milliers d’Africains en quelques jours à Lampedusa a provoqué une vague d’affolement dans les pays européens. Déplacements de gouvernants, promesses de solidarité européenne afin que l’Italie ne soit pas seule à porter la charge : toutes actions sur fond d’effroi – l’effroi de voir à l’œuvre ce déferlement, annonciateur de difficultés sans nombre.

    Les pays d’occident sont pourvus d’une rationalité économique qui produit la richesse ; de religions fondées sur l’autonomie ; et conséquemment, de gouvernements institués dans la liberté. Pendant que la plupart des pays d’Afrique vivent dans la pauvreté économique et sous des gouvernements despotiques. Aussi, puisque les déplacements sont possibles, rien ne peut empêcher les seconds de courir s’installer chez les premiers, pour profiter de tous ces avantages qui n’existent pas chez eux. Pendant tout le XXe siècle, on a vu des milliers et des milliers d’européens aller s’installer en Amérique pour fuir les tyrannies et totalitarismes dont le Vieux Continent s’était fait alors une sorte d’apanage. Les humains cherchent le bonheur où il se trouve, ce qui est bien naturel.

    Depuis un demi-siècle déjà, une partie des Européens, et une partie de plus en plus importante, s’inquiète de cette vague qu’on craint submersive. Ce n’est pas que les richesses ne soient pas partageables. Elles le sont. Ce n’est pas que la liberté ne puisse ouvrir son cercle. Elle le peut. Ce n’est pas que les nouveaux arrivants ont la peau foncée. Les Européens ne sont pas racistes. Le problème est culturel.

    Les nouveaux arrivants, et c’est là le paradoxe, sont dotés d’une culture de soumission (c’est là le nom précis de leur religion), qu’ils n’ont pas l’intention d’abandonner, et même à laquelle ils ont bien l’intention de nous enchaîner nous aussi. Pourquoi ce paradoxe ? Pourquoi vouloir profiter de notre culture de liberté et vouloir en même temps lui insuffler une culture de soumission ? L’historien Paul Veyne avait répondu à cette question en décrivant l’installation massive dans l’empire romain de ceux qu’on appelait alors les « barbares » - c’est-à-dire les « autres » : « Ces barbares si envieux, admiratifs, imitateurs et cupides de la civilisation romaine, entendaient bien rester eux-mêmes tout en s’en emparant. » Devant cette situation, nombre d’européens sont saisis d’affolement, d’une folle crainte de la perte de soi, de cette hystérie collective que décrivait si bien l’historien hongrois Istvan Bibo en parlant des nations d’Europe centrale : l’angoisse de voir sombrer sa propre culture. D’où la montée dans tous nos pays des partis dits populistes.

    Comment empêcher un tel déferlement, qui laisse bien penser, et de plus en plus, à l’histoire du Camp des saints de Raspail, qu’on avait tellement vilipendé comme extrémiste ? Je dirais que pour qu’un pays européen parvienne au moins à réguler le flux, il lui faut bénéficier de deux conditions additionnées : la volonté politique ET la chance géographique [Nous sommes très dubitatif, il y a la Méditerranée, encore faut-il ne pas aller chercher les migrants à quelques encâblures de la côte africaine]. Un pays qui ne bénéficie pas de la chance géographique peut bien avoir la volonté politique, il n’y parviendra pas – c’est le cas de l’Italie. [L'Italie est tenue en laisse par l'Union européenne et ses promesses de transferts massifs de fonds de relance : 200 milliards d'euros] Un pays doté de chance géographique mais sans la volonté politique n’y parviendra pas non plus – c’est l’Allemagne. Le Danemark y parvient parce que doté des deux capacités. La France ne possède ni l’une ni l’autre. Il arrive bien souvent, et c’est le cas de l’instance politique européenne, des gouvernements allemands et aussi français, que la volonté politique soit carrément contraire : dans ce cas, on veut l’immigration et parfois l’immigration la plus massive possible (c’était le cas de Merkel) pour des raisons idéologiques (sans-frontièrisme et mondialisme) camouflées sous le besoin de main-d’œuvre, c’est-à-dire par volonté de dissolution de soi. C’est dire que l’Europe est assez mal partie pour enrayer ce déferlement. D’autant que la démographie et les situations économicopolitiques jouent de plus en plus en faveur de la migration. La natalité est massive dans les pays d’Afrique et s’effondre dans les pays d’Europe. La pauvreté économique, l’instabilité politique et les guerres intestines se déploient dans les pays d’Afrique pendant que la culpabilité et la honte de soi se déploient dans les pays d’Europe en même temps que la richesse et la liberté. On ne voit pas bien ce que les partis dits populistes pourraient changer à l’affaire.

    La seule situation analogue dans notre histoire était celle de l’empire romain sur le déclin. Nous avions alors ici en Europe la richesse et la liberté, et ceux appelés alors « barbares » étaient attirés à Rome comme des papillons vers la lumière. Finalement, leur nombre fut tel que la vie romaine sous le poids se détériorait et s’appauvrissait – on ne peut intégrer quand la masse des arrivants est trop énorme. D’autant que chez les Romains eux-mêmes, et particulièrement chez les chrétiens, montait un courant de pensée culpabilisant pour lequel les barbares étaient bien supérieurs aux Romains décadents et cupides (le prêtre Salvien écrit même « ce sont les Romains qu’il faut barbariser »). Tout était fait pour la dissolution de la culture romaine.

    Finalement, les écoles fermèrent les unes après les autres – ce qui est le signe majeur, et nous appelons les siècles suivants les siècles obscurs, parce que nous en avons si peu de connaissances, une grande partie de la culture s’étant dissoute dans le désordre régnant. Ainsi la richesse et la liberté s’en vont au chaos.

    Cependant nous avons un atout majeur que les Romains n’avaient pas – même si je ne sais si cela confortera mes lecteurs ! Le monde des Romains était très étriqué, il s’arrêtait aux colonnes d’Hercule et aux confins de l’Inde. Tandis que nous avons le Nouveau Monde, occidental, c’est-à-dire du nord au sud nourri d’initiative économique, de liberté politique, et de religions de liberté. Naturellement les États-unis subissent les vagues de migration mexicaines et les pays d’Amérique latine sont actuellement investis par des Vénézuéliens, mais il s’agit toujours de cultures de liberté, même si subsistent quelques reliquats de démence idéologique hérités du XXe siècle. Le Nouveau monde ne sera pas investi par les migrants d’ici, parce qu’il bénéficie d’une chance géographique et d’une volonté politique inégalées (ce sont, et ce seront de plus en plus, des pays protestants, la culpabilité nigaude étant essentiellement catholique ou de culture catholique ; et le wokisme à culpabilité nigaude ressemble bien à la mode d’un jour). On peut penser, si l’on se risque à un peu de prospective, que nos arrière-petits-enfants, au moins les intrépides et les créatifs, quitteront « l’Europe aux anciens parapets » et émigreront en masse vers le Nouveau monde, afin d’y retrouver leur culture d’initiative et de liberté, laissant derrière eux de nouveaux siècles obscurs. Sic transit gloria mundi.

    Il faut rappeler aussi que l’effondrement romain donna naissance aux splendeurs byzantines [Rome avait donc aussi sa nouvelle Rome à Byzance] et chrétiennes. Ce qui nous interdit le désespoir apocalyptique. Pourquoi nos arrière-petits-enfants ne pourraient-ils pas espérer, eux aussi, de nouveaux commencements ?

  • Gand : quand une église devient un supermarché

    IMPRIMER

    Nog één attest en ze kunnen beginnen: Delhaize wil dit najaar kerk in Gent  ombouwen tot buurtmarkt, wijnbar en restaurant (Gent) | Het Nieuwsblad  Mobile

    Lu sur Moustique :

    Delhaize se lance dans un nouveau projet fou... dans une église

  • A ne pas manquer, en accès libre sur le site de La Nef

    IMPRIMER