En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
« Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Église, et de leur donner leur juste place. »
« Publié ce vendredi 16 juillet, le motu proprio « Traditionis custodes » du pape François restreint la célébration des messes en forme extraordinaire. Historien du catholicisme, spécialiste du Saint-Siège et auteur de Vatican, vérités et légendes (Perrin), Christophe Dickès considère ce texte comme injustifié, et y voit la main d'une minorité proche de François et très active depuis le début du pontificat. Tribune :
« Amertume, incompréhension, désarroi voire colère… Depuis la sortie du motu proprio Traditionis custodes sur l’abrogation progressive de la forme extraordinaire du rite romain, les réactions se multiplient et vont dans le même sens. Elles révèlent le côté surprenant pour ne pas dire inopportun d’un texte, dont on se demande s’il reflète vraiment la réalité du terrain.
Comment ne pas même voir de l’idéologie dans les exigences démesurées à l’égard du monde traditionnaliste quand, de l’autre côté du Rhin, les évêques allemands sont littéralement en roue libre sur de nombreux aspects du dogme et défient ouvertement Rome depuis plusieurs années ? Comment ceux qui travaillent en grande majorité à l’unité depuis quinze ans, portent des vocations sacerdotales, font vivre leur foi à des familles entières, comment donc, ces catholiques peuvent être au centre d’une telle défiance au point de ne pas susciter un seul mot pastoral de la part du pape lui-même, ni dans le motu proprio, ni dans la lettre aux évêques accompagnant le texte ? Pourquoi l’œuvre pacificatrice du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI visant à libéraliser l’ancien rite est-elle effacée d’un trait de plume ? Comment, selon les propres termes de Benoît XVI, « ce qui était sacré pour les générations précédentes [et qui] reste grand et sacré pour nous » pourra se retrouver à terme interdit ? Pourquoi finalement programmer l’extinction de la forme extraordinaire du rite romain ?
Avant de publier le motu proprio Traditionis custodes, la Congrégation pour la doctrine de la Foi a réalisé une enquête auprès des évêques du monde entier afin de les sonder sur le sujet. La chose est habituelle, surtout dans la perspective de la synodalité qui vise à faire participer le pouvoir épiscopal aux grandes décisions du pontificat. Or, dans la lettre du pape aux évêques qui accompagne le motu proprio, on peut notamment lire : « Les réponses parvenues ont révélé une situation douloureuse qui m’inquiète, me confirmant la nécessité d’intervenir. » Mais est-ce vraiment le cas ? Dit autrement : est-ce qu’aujourd’hui une majorité d’évêques se plaignent du comportement de ceux qui sont attachés à l’ancien rite ?
À la lecture du cas français, on peut sérieusement en douter. Certes le document de la Conférence des évêques de France (CEF, avril 2020) souligne des aspects négatifs de l’application du motu proprio de Benoît XVI, mais la synthèse de chaque question posée par la Congrégation révèle malgré tout le chemin de pacification entrepris : « Dans la plupart des cas, la situation semble apaisée. On perçoit, dans les réponses, le désir des évêques d’associer le plus possible des prêtres diocésains aux célébrations de forme extraordinaire, mais cela s’avère difficile en raison du faible nombre de prêtres » (question 1). La question 2 souligne « le souci de communion où l’évêque agit par délicatesse pastorale ». La question 3 sur les aspects positifs et négatifs révèle qu’à l’exception de deux évêques, « tous s’accordent sur l’apaisement qui résulte de l’application du motu proprio ».
En arrivant au pouvoir porté par une minorité active décidée à mettre fin à l’héritage de Jean-Paul II et de Benoît XVI, le pape François s’est entouré d’une véritable cour voulant imposer sa propre feuille de route à l’ensemble de l’Église catholique
Naturellement, des interrogations demeurent, des points de friction aussi : les aspects négatifs de la forme extraordinaire sont plus nombreux que les aspects positifs. Il n’empêche, se dégage une forme de neutralité dans ce document et une double attitude des évêques : celle d’être des artisans de paix (Matthieu 5, 9), réalisant un « inlassable travail d’unité ». De fait, même si le besoin d’approfondir le dialogue est prégnant dans ce document, même s’il demande que les fidèles de la forme extraordinaire participent davantage à la vie diocésaine, nous sommes bien loin de la guerre des années 1970 et 1980 ! La note de la CEF nous dit à cet égard que seule « une petite minorité » a été confortée dans ses travers et la culture de leurs particularismes en réclamant davantage de droits. Dont acte.
Alors, d’où vient le problème ? Certains évoquent le fait que le motu proprio ait été traduit en anglais (et non en français) afin précisément de marquer sa cible : les néo-conservateurs américains qui, depuis l’élection du pape François, ne cessent de le critiquer. Dans ce dernier cas, pourquoi sanctionner l’ensemble d’une communauté ? Dans les faits, il est difficile de répondre à cette question sans un accès à l’ensemble des études. Or, si l’on en croit la vaticaniste Diane Montagna, 30% des évêques dans le monde ont répondu à l’enquête du Vatican sur le rite extraordinaire. Sur ces 30%, la moitié s’est révélé « neutre et favorable » à la forme extraordinaire du rite. La question est donc : est-ce que 15% d’évêques mécontents peuvent justifier l’abrogation d’une pratique ? Peut-on aussi considérer une minorité de pratiquants comme un réel danger pour l’unité, quand une écrasante majorité des évêques dans le monde n’a strictement aucun avis sur la question ?
Carton rouge pour l'Ancien Rite, et le jeu devient méchant
Quelques jours après sa publication, il est encore trop tôt pour mesurer les effets du motu proprio " Traditionis Custodes " par lequel le pape François a pratiquement interdit la messe en ancien rite : à savoir si les nouvelles dispositions contribueront à rendre l'Église plus unie, ou au contraire à la diviser encore davantage.
Au vu des réactions, l'hypothèse la plus probable est la seconde, comme le suggère également le professeur Pietro De Marco dans son commentaire cinglant déjà publié sur Settimo Cielo.
L'unité de l'Église était également l'objectif du précédent motu proprio de 2007, le "Summorum Pontificum" de Benoît XVI, qui avait libéralisé la célébration de la Messe dans l'ancien rite, en la considérant comme la seconde forme "du seul et même rite romain", qui pouvait en fait être célébré à la fois de la manière "ordinaire" générée par le Concile Vatican II, et de la manière "extraordinaire" du missel jamais abrogé de 1962.
Maintenant, cependant, le pape François a établi que le rite romain a une "expression unique", celle qui suit Vatican II. La Messe dans l'ancien rite n'a pas été interdite, mais mise sur la voie de l'extinction. Ceux qui la célèbrent actuellement ne peuvent continuer à le faire qu'avec l'autorisation préalable de leur évêque et avec beaucoup plus de contraintes. Quant aux nouveaux prêtres qui souhaiteraient le célébrer, ils devront aller jusqu'à obtenir l'autorisation du Saint-Siège. Quant aux groupes de fidèles amoureux de l'ancien rite, il ne sera plus permis d'en former de nouveaux.
Ce qui a le plus troublé Benoît XVI, c'est de voir que "dans de nombreux endroits, les célébrations n'étaient pas fidèles aux prescriptions du nouveau missel, mais ce dernier était en fait compris comme autorisant ou même exigeant la créativité, ce qui conduisait fréquemment à des déformations de la liturgie difficilement supportables."
Pour François, cependant, ce qui l'"attriste" le plus, c'est que "l'utilisation instrumentale du "Missale Romanum" de 1962 est souvent caractérisée par un rejet non seulement de la réforme liturgique, mais du Concile Vatican II lui-même, en affirmant, avec des affirmations sans fondement et insoutenables, qu'il a trahi la Tradition et la "vraie Église"."
En fait, la controverse actuelle sur le rite est analogue à la controverse sur l'interprétation de Vatican II. Ceux qui interprètent ce concile comme une rupture inacceptable de la tradition catholique rejettent également le renouvellement de la liturgie généré par le concile lui-même. Alors qu'au contraire Benoît XVI a écrit, dans la lettre d'accompagnement de "Summorum Pontificum" : "Dans l'histoire de la liturgie, il y a une croissance et un progrès, mais pas de rupture. Ce que les générations précédentes considéraient comme sacré, reste sacré et grand pour nous aussi, et il ne peut pas être tout à coup entièrement interdit ou même considéré comme nuisible."
Pour le pape Joseph Ratzinger, "les deux formes d'usage du rite romain" ne sont ni alternatives ni opposées. Au contraire, elles pouvaient et devaient "s'enrichir mutuellement". Comme il l'a lui-même constamment montré au monde dans l'acte de célébrer.
Il convient toutefois de garder à l'esprit qu'en réalité, la grande majorité des fidèles catholiques ne se sentent pas concernés par cette controverse. Pour eux, la "vieille" messe dont ils entendent parler est en fait la messe en latin, la langue que le Concile Vatican II n'a nullement abolie, mais qu'il a décidé de conserver comme langue propre de la liturgie, même si elle a été tempérée par l'utilisation des langues nationales, notamment dans les lectures.
Puis, en réalité, les langues nationales ont pris le dessus et le latin a pratiquement disparu de la liturgie, après en être devenu la langue sacrée pendant des siècles.
Les appels lancés à Rome, en 1966 et 1971, pour sauver le latin dans la liturgie, par des personnalités comme Jacques Maritain, Jorge Luis Borges, Giorgio De Chirico, Eugenio Montale, François Mauriac, Gabriel Marcel, Harold Acton, Graham Greene, Agatha Christie et bien d'autres, n'ont rien donné.
Pour beaucoup, il s'agissait d'un changement purement linguistique. Mais ce n'est pas le cas, comme le montre le cardinal Walter Brandmüller, 92 ans, ancien président du comité pontifical pour les sciences historiques, dans la réflexion suivante, tirée d'un article qu'il a publié en 2002 dans la revue allemande "Die Neue Ordnung", intitulé "Nationalisme liturgique ou universalisme ?"
Dom Pateau : « Il faut sortir de ce combat liturgique qui épuise l’Église »
Conscient du choc qu’a provoqué le motu proprio Traditionis custodes, le père-abbé de l’abbaye de Fontgombault Jean Pateau appelle à ne pas rejeter le texte du pape François et à « construire des ponts entre les deux formes du rite romain ».
Dom Jean Pateau, bénédictin et abbé de l'abbaye Notre-Dame de Fontgombault.
19/07/2021
Comprenez-vous la tristesse et le choc de beaucoup de fidèles attachés à la forme extraordinaire ? Que dire à tous ceux qui se sentent victimes d'une injustice profonde ?
Oui, je les comprends et je les rejoins. Depuis la parution du Motu Proprio Traditionis custodes, beaucoup se tournent vers les monastères en attendant une parole d’apaisement. Je dois même avouer que la tristesse ne touche pas que les fidèles attachés à la forme extraordinaire. Beaucoup dans l’Église manifestent une réelle tristesse et incompréhension devant un texte rude et sévère. Que faire ? Notre devoir est d’appeler à la confiance, confiance en Dieu, confiance en l’Église, confiance envers le Saint-Père.
En quoi le pape François change-t-il l'esprit du motu proprio de Benoît XVI ?
Le Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI a été un texte d’ouverture, de réconciliation, répondant à la légitime souffrance de fidèles qui n’avaient pas trouvé chez leurs pasteurs l’oreille attentive, bienveillante et généreuse, qu’ils étaient en droit d’attendre en particulier dans le prolongement des invitations du Pape Jean-Paul II. Il est juste de ne pas l’oublier. Par ce texte, le Pape Benoît demandait de répondre à l’attente d’un groupe stable de fidèles. Il rappelait aussi que tout prêtre pouvait user du Missel romain promulgué par Jean XXIII en 1962, forme dite extraordinaire de l’unique Missel Romain. Le Pape Benoît formait en outre le vœu d’un mutuel enrichissement des deux formes ; souhait qui n’a guère reçu d’attention, quand il n’a pas été repoussé tant d’un côté que de l’autre, et ce dès la parution du document. À la lumière de ce texte, les pasteurs ont fait du chemin et, dans la grande majorité des cas, l’ouverture de lieux de célébration en forme extraordinaire s’est faite avec leur accord et pour le bien de tous.
Le pape François restreint fortement l'usage de la messe tridentine. De façon positive, le texte du Pape François souligne le rôle de l’évêque comme « modérateur, promoteur et gardien de toute la vie liturgique de l'Église particulière qui lui est confiée. » Il les invite aussi à nommer dans les lieux de célébration en forme extraordinaire des prêtres qui aient à cœur « non seulement la célébration correcte de la liturgie, mais aussi le soin pastoral et spirituel des fidèles », à veiller à ce que « les paroisses érigées canoniquement au profit de ces fidèles soient effectives pour leur croissance spirituelle. » En sens contraire, le Motu Proprio du Pape François tient les fidèles éloignés des églises paroissiales, refuse l’érection de nouvelles paroisses personnelles, et la constitution de nouveaux groupes. Faudra-t-il donc construire des églises particulières pour la célébration de la forme extraordinaire ? Comment un évêque pourra-t-il répondre à la demande croissante des fidèles ? Celle-ci est un fait en particulier depuis le début de la pandémie. Le texte du Pape laisse à penser que tout doit être fait pour que le mode de célébration en forme extraordinaire disparaisse au plus vite. Ceci inquiète à juste titre les fidèles attachés à cette forme.
Comprenez-vous "l'angoisse" du pape après la réception de l'enquête sur l'usage de la forme extraordinaire dans tous les diocèses du monde, une angoisse qui serait liée au rejet - par certains - du Concile ?
L’état d’angoisse, de souffrance du Pape François a été partagé par beaucoup d’évêques, de prêtres et de fidèles attachés tant à la forme ordinaire qu’à la forme extraordinaire et ce depuis longtemps. Angoisse devant le fait que le sacrement de l’Eucharistie, sacrement de l’Amour par excellence devienne comme le sacrement de la division, tant entre les deux formes qu’au sein même de l’une ou l’autre forme. Angoisse devant le rejet par certains fidèles de la réforme liturgique ou du Concile Vatican II. Angoisse devant le refus de certains prêtres de concélébrer avec leur évêque, pour la Messe chrismale en particulier. Angoisse devant le refus de communier de certains fidèles au cours d’une Messe en forme ordinaire. Angoisse aussi devant le mépris exprimé par de nombreux liturgistes envers la forme extraordinaire ou ceux qui la célèbrent. L’Église ne peut s’enorgueillir de cela. Les responsabilités sont largement partagées tant de la part de ceux qui ne veulent pas entendre l’appel des fidèles, que de ceux qui manquent à leur devoir d’enseigner leur troupeau ; de ceux aussi qui s’approprient le droit de dire et de faire n’importe quoi sans ouvrir leur cœur aux demandes légitimes de leurs pasteurs. L'unité du corps ecclésial a été blessée et ce dès les premiers temps de la réforme liturgique. Les légitimes et diverses sensibilités liturgiques n’ont pas été suffisamment écoutées et ont été exploitées « pour creuser des écarts, renforcer les divergences et encourager les désaccords qui nuisent à l'Église, lui barrent la route et l'exposent au péril de la division. » Si ce constat est vrai, il n’appelle cependant pas une réponse sans distinction. Les fidèles proches de la Fraternité Saint-Pie X parlent de « vraie Église », de « vraie Messe ». Ce n’est pas le cas dans d’autres lieux de célébration de la forme extraordinaire. Si le Motu proprio invite les évêques a un discernement, et c’est heureux, beaucoup ne se retrouvent pas dans les reproches du Saint-Père et les ressentent comme injustifiés. On doit les comprendre.
Comment comprendre le Motu proprio Traditionis Custodes ?
Edition Spéciale - Traditionis Custodes
18/07/2021
Le pape François a signé un Motu Proprio intitulé "Traditionis Custodes" (Gardiens de la tradition) qui détermine les nouvelles modalités pour célébrer la liturgie romaine selon le missel de 1962. Pourquoi ces dispositions ? Quel rôle central dévolu aux évêques ? Comment réagissent ceux qui célèbrent selon la forme extraordinaire du rite romain ? La rédaction de KTO vous propose une édition spéciale ce dimanche 18 juillet à 20h15. Enjeux, débat et perspectives avec Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras et vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF), Christophe Geffroy, directeur du magazine La Nef et l’abbé Alexis Garnier, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre. Animée par Philippine de Saint Pierre.
"Au lieu de prendre l'odeur des moutons, le berger les frappe durement avec son bâton."
Sur le Motu proprio Traditionis custodes. Un commentaire du cardinal Gerhard Ludwig Müller
L'intention de ce motu proprio est d'assurer ou de restaurer l'unité de l'Église. Le moyen d'y parvenir est l'unification totale du Rite Romanus sous la forme du Missel de Paul VI (y compris ses variations antérieures). C'est pourquoi la célébration de la messe dans la forme extraordinaire du rite romain, telle qu'introduite par le pape Benoît XVI avec Summorum pontificum (2007) sur la base du Missel de Pie V (1570) à Jean XXIII (1962), est drastiquement restreinte. L'intention perceptible est de les condamner à l'extinction à long terme.
Dans la "Lettre aux évêques du monde entier", le pape François tente d'expliquer les motifs qui l'ont poussé, en tant que détenteur de l'autorité suprême de l'Église, à supprimer la liturgie du rite extraordinaire. Au-delà de la présentation d'impulsions subjectives, une argumentation théologique rigoureuse et logiquement compréhensible aurait toutefois été appropriée. En effet, l'autorité papale ne consiste pas superficiellement à exiger des fidèles une obéissance de soumission formelle de la volonté, mais bien plus essentiellement à leur permettre de donner également un assentiment convaincu de l'intellect. Déjà, Paul était si courtois avec ses Corinthiens souvent récalcitrants qu'il disait. "Mais devant l'église, je préfère dire cinq mots avec mon intelligence pour instruire les autres que dix mille mots en langues." (1 Co 14, 19). Cette dichotomie entre bonne intention et mauvaise exécution se produit toujours lorsque les objections de collègues compétents sont perçues comme faisant obstacle aux intentions de leur supérieur et sont donc sagement omises. Aussi réjouissante que soit cette fois l'invocation de Vatican II, il faut veiller à utiliser ses déclarations avec précision et dans leur contexte. La citation de Saint Augustin, attribuée à tort à Lumen Gentium 21, sur l'appartenance de l'Église "selon le corps" et "selon le cœur" (Lumen Gentium 14) se réfère à la pleine appartenance à l'Église du catholique. Elle consiste en une incorporation visible au corps du Christ (profession de foi, communion sacramentelle et ecclésiastique-hiérarchique) et en une appartenance selon le cœur, c'est-à-dire dans l'Esprit Saint. Il ne s'agit cependant pas de l'obéissance au pape et aux évêques dans la discipline sacramentelle, mais de la grâce sanctifiante, qui nous incorpore pleinement à l'Église invisible en tant que communauté de vie avec le Dieu trinitaire.
En effet, l'unité dans la confession de la foi révélée et la célébration des mystères de la grâce dans les sept sacrements n'exigent nullement une uniformité stérile dans la forme liturgique extérieure, à l'image des succursales identiques des chaînes hôtelières internationales. L'unité des fidèles entre eux est enracinée dans l'unité en Dieu en vertu de la foi, de l'espérance et de l'amour et n'a rien à voir avec l'uniformité de l'apparence, l'uniformité d'une formation militaire et l'uniformité de la pensée à l'ère de la grande technologie.
Même après le Concile de Trente, il y a toujours eu une certaine diversité (musicale, cérémoniale, régionale) dans l'organisation liturgique des célébrations de la messe. L'intention du pape Pie V n'était pas de supprimer la diversité des rites, mais les abus qui avaient conduit à une incompréhension dévastatrice de la substance du Sacrifice de la Messe (caractère sacrificiel et Présence réelle) chez les réformateurs protestants. Dans le Missel de Paul VI, l'homogénéisation rituelle (rubriques) est rompue, précisément pour dépasser une performance mécanique en faveur d'une participation active intérieure et extérieure de tous les fidèles, chacun dans sa langue et sa culture. Cependant, l'unité du rite latin doit être préservée par la même forme liturgique de base et l'orientation précise des traductions par rapport à l'original latin. Il s'agit donc d'une responsabilité pour l'unité du culte que l'Église romaine ne doit pas transmettre aux conférences épiscopales. Une traduction des textes normatifs du Missel de Paul VI ou même des textes bibliques qui obscurcit le contenu de la foi ou même présume améliorer la verba Domini (par exemple "pro multis" dans la consécration, le "et ne nos inducas in tentationem" dans le Pater noster) contredit la vérité de la foi et l'unité de l'Eglise plus que la célébration de la Messe selon le Missel de Jean XXIII.
De Bruno d’Otreppe sur le site de « La Libre Belgique » ce 19 juillet 2021 :
« Un motu proprio du pape François, publié le vendredi 16 juillet, restreint la possibilité de célébrer des messes "en latin".
Vendredi, le pape François a annoncé vouloir encadrer de manière plus stricte la possibilité de célébrer la messe "en latin", à savoir la messe dite selon la liturgie qui avait cours dans l'Église avant le Concile Vatican II. Ce faisant, François est revenu sur un décret de 2007 de son prédécesseur Benoît XVI qui avait largement permis que cette messe soit de nouveau célébrée.
L'Argentin Jorge Bergoglio estime en effet, dans une lettre explicative, que les concessions accordées par Benoît XVI aux traditionalistes, dans un souci d'unité de l'Eglise, ont été utilisées de manière abusive en méprisant les réformes liturgiques issues du Concile Vatican II. En bref, que le fait d'avoir largement permis que cette messe puisse être dite a renforcé "les différences" et "les oppositions" au sein de l'Église.
Dans son nouveau "motu proprio" (décret) de ce vendredi, le pape François précise que les évêques des diocèses auront désormais la compétence exclusive d'autoriser les messes des traditionalistes, en déterminant l'église et les jours de célébration. L'évêque devra en outre veiller à ce que ces groupes "n'excluent pas la validité et la légitimité de la réforme liturgique, des écrits du Concile Vatican II et du magistère pontifical". Les lectures faites au cours de la messe devront en outre se faire "en langue vernaculaire" (locale), selon des traductions approuvées. Un célébrant, délégué par l'évêque, sera même chargé de vérifier l'opportunité de maintenir de telles célébrations selon l'ancien missel dans son diocèse. En outre, selon le décret publié vendredi, l'évêque "veillera à ne pas autoriser la création de nouveaux groupes" souhaitant célébrer des messes d'avant le Concile Vatican II.
Contacté par La Libre, Tommy Scholtès, porte-parole des évêques de Belgique, a précisé que les rares paroisses qui célèbrent la messe en latin en Belgique pourraient continuer à le faire, celles-ci ne posant pas de problèmes tels que ceux évoqués par le pape François. »
L’écrivain et philosophe Michel Onfray, bien qu’athée, voit dans l’Église catholique et ses rites le pouls de notre civilisation. Sur le site web « Figarovox », il explique pourquoi la décision du pape François de restreindre la messe en latin le consterne :
« Je suis athée, on le sait, mais la vie de l’Église catholique m’intéresse parce qu’elle donne le pouls de notre civilisation judéo-chrétienne bien mal en point. Car si Dieu n’est pas de mon monde, mon monde est celui qu’a rendu possible le Dieu des chrétiens. Quoi qu’en disent ceux qui pensent que la France commence avec la Déclaration des droits de l’homme, ce qui est aussi stupide que de croire que la Russie est née en octobre 1917, le christianisme a façonné une civilisation qui est la mienne et dont j’estime que je peux l’aimer et la défendre sans battre ma coulpe, sans avoir à demander pardon pour ses fautes, sans attendre une rédemption après confession, contrition et agenouillement. C’est fou comme ceux qui répugnent au christianisme en disant qu’il n’a pas eu lieu s’en trouvent imprégnés comme de rhum le baba que l’on sait!
Benoît XVI fut un pape philosophe formé à l’herméneutique et à la phénoménologie allemande. Il a également lu les auteurs catholiques français dans le texte. Son Jésus de Nazareth (2012) s’inscrit dans l’histoire de l’idéalisme allemand, notamment de l’hégélianisme qu’on dit de droite pour le distinguer de celui qui, dit de gauche, conduit au jeune Marx.
Le pape François n’est pas de ce niveau théologique, loin s’en faut. Mais il ne manque pas de la rouerie jésuitique qui fait que, venant de la Compagnie de Jésus, il choisit pour nom de souverain pontife celui qui se trouve le plus à l’opposé des intrigues et des antichambres du pouvoir où les jésuites aiment à se trouver, à savoir celui de François d’Assise. Jorge Mario Bergoglio, chimiste de formation, vient du péronisme ; Joseph Ratzinger, théologien de formation, de l’antinazisme.
À mes yeux, l’acte majeur du pape Benoît XVI a été le discours de Ratisbonne où, le 12 septembre 2006, dans l’université allemande où il a été professeur, il a fait son travail de pape en estimant que le christianisme et l’islam entretiennent par les textes une relation antinomique, notamment sur l’articulation entre foi et raison, mais également sur la question de la violence en général et sur celle du djihad en particulier. Je dis par les textes car c’était ici son souci, il présentait en effet l’exégèse personnelle d’un dialogue situé au début du XV siècle entre l’empereur Byzantin Manuel II Paléologue et un érudit persan. L’invitation à réfléchir sur cette question fut prise pour une insulte planétaire faite à l’islam…
L’acte majeur du pape François est, toujours selon moi, de s’être fait photographier devant un crucifix sur lequel Jésus porte le gilet de sauvetage orange des migrants. C’est ici l’icône triomphante de Vatican II qui congédie tout sacré et toute transcendance au profit d’une moraline tartinée de façon planétaire comme une gourmandise de scout.
C’est selon cette logique qu’il faut comprendre la décision du pape François d’abroger, disons-le dans un terme profane, la décision prise par Benoit XVI de permettre la messe en latin, dite messe Tridentine, pour ceux qui le souhaitent. Dans Summorum pontificum, Benoît XVI libéralisait la messe dite de Pie V. Dans Traditionis custodes, François efface cette libéralité. Benoît XVI voulait dépasser le schisme avec les traditionalistes, François va le restaurer en prétextant bien sûr, jésuite un jour, jésuite toujours, qu’il entend de cette façon réunir ce qu’il sépare. Les vocations chutent avec Vatican II. Mais les religieux qui conservent le rite latin ne connaissent pas la désaffection,mieux, ils remplissent les séminaires. Le pape François préfère les églises vides avec ses thèses que pleines avec celles de Benoît XVI.
Séparer n’est-ce pas la fonction dévolue… au diable? L’étymologie témoigne. Si j’avais la foi catholique, je ne pourrais m’empêcher de penser à l’Épître de Jean qui dit: «Tout esprit qui divise Jésus-Christ n’est point de Dieu ; et c’est là l’Antéchrist, dont vous avez entendu dire qu’il doit venir ; et il est déjà maintenant dans le monde.» (I.4:3).
Ce qui se joue dans cette affaire, c’est la suite de Vatican II, autrement dit l’abolition du sacré et de la transcendance. La laïcisation du rite réduit à une liturgie dont La vie est un long fleuve tranquille a montré toute la puissance avec son curé cool qui joue de la guitare et chante bêtassement «Jésus, Jé-é-é-é-sus, reviens». On peut préférer le chant grégorien sans être pour autant un nostalgique de Vichy…
Or le génie du christianisme, les différents conciles sur la possibilité ou non de figurer le christ témoignent, a été de rendre possible une civilisation de l’allégorie, de la symbolique,de la métaphore. Le génie juif se trouve dans l’herméneutique,celui du christianisme dans l’explication des paraboles. Les juifs inventent l’herméneutique pour les plus savants, les rabbins lecteurs de la kabbale ;les chrétiens élaborent l’herméneutique populaire, pour les fidèles à qui l’on raconte des histoires à déchiffrer avec l’histoire sainte. Notre civilisation de l’image, de la raison explicative, de la philosophie séparée de la théologie, procède de ce monde-là.
La messe en latin est le patrimoine du temps généalogique de notre civilisation. Elle hérite historiquement et spirituellement d’un long lignage sacré de rituels, de célébrations, de prières, le tout cristallisé dans une forme qui offre un spectacle total - un Gesamtkunstwerk,pour utiliser un mot qui relève de l’esthétique romantique allemande.
Pour ceux qui croient en Dieu, la messe en latin est à la messe du Long fleuve tranquille, celle que semble affectionner le pape François, ce qu’est la basilique romaine contemporaine de saint Augustin à une salle polyvalente dans une barre d’immeubles à Aubervilliers: on y chercherait en vain le sacré et la transcendance. Quelle spiritualité dans ces cas-là?
Disons-le de façon énigmatique, le pape François fait bien ce pour quoi il est là où il se trouve… Ajoutons d’une façon tout aussi énigmatique, mais pas tant que ça, qu’on se demande pourquoi nous vivons dans une époque avec deux papes. »
Un article renversant publié sur le site de la RTBF (radio télévision belge francophone) :
Le saviez-vous : Mère Teresa était contre l’avortement
Adulée par les foules, Mère Teresa de Calcutta est célébrée comme une icône de la lutte en faveur des pauvres et des souffrants. Pourtant, le processus de canonisation express en 2016 de la “sainte des caniveaux” ne fait encore l’unanimité…
Mère Teresa à Calcutta, le 23 août 1996
Défenseure d’une doctrine traditionaliste
Alors qu’elle consacrait sa vie à soulager la misère des plus malheureux, Mère Teresa ne s’est jamais cachée de sa fidélité aux valeurs traditionalistes de l’Église catholique. Des principes moraux, dira-t-on, allant bien à l’encontre de l’émancipation des femmes.
Deux discours de la sainte albanaise d’origine et naturalisée indienne traduisent son rejet viscéral pour le divorce, la contraception et l’avortement : En 1979, lorsqu’elle reçoit le prix Nobel de la Paix, elle déclare :
"L’avortement est la plus grande force de destruction de la paix aujourd’hui, par le meurtre d’innocents enfants, un meurtre commis directement par la mère elle-même. Que signifie de s’entretuer ainsi ? Même si les mères oublient leurs enfants tués, moi je n’oublierai pas ces millions d’enfants non nés parce que tués. Et personne ne parle d’eux. Pour moi, les pays qui légalisent l’avortement sont de pauvres nations".
Lors de la Conférence internationale sur la population au Caire, en 1994, elle va jusqu’à condamner l’avortement même dans les cas les plus extrêmes, comme le viol.
"C’est pour moi en contradiction avec sa sincère compassion pour la personne souffrante." commente Matreyi Chaterjee, personnalité féministe indienne.
Également présidente du Forum against Oppression of Women (Association contre l’oppression des femmes), Chaterjee poursuit dans cet article de Libération : "On ne peut lui reprocher ce qui fait partie du discours officiel de l’Eglise catholique, mais qu’est-ce qui l’oblige à faire du zèle dans un pays qui souffre de surpopulation ?".
Mère Teresa ne s’est pas arrêtée à ces deux déclarations publiques. Immiscée dans le débat sur l’avortement en Espagne, en 1983, elle était également proche des “pro life” américains. En 1995, en France, elle avait également parrainé un colloque du cercle Renaissance, lié au Front National.
Une critique parmi d’autres
Comme le rappelle Le Courrier international ou encore L’Express, on reproche également à la Sœur au sari de coton blanc un dogmatisme excessif, des adoptions polémiques, une accointance avec des personnalités controversées, un penchant pour la mortification et même, des doutes sur l’existence de Dieu.
Certaines critiques plus méritées que d’autres mais, quoi qu’il en soit, le mythe d’altruisme et de générosité accolé à “la petite sœur des pauvres” a pour le moins été remis en question.
Archevêque Cordileone : La messe traditionnelle en latin se poursuivra à San Francisco
Il semble que les messes traditionnelles en latin dans les diocèses des États-Unis vont se poursuivre comme prévu, pendant que les évêques préparent les réponses à Traditionis custodes.
L'archevêque Salvatore Cordileone de San Francisco. (photo : CNA / CNA)
16 juillet 2021
Alors que les évêques diocésains examinent comment mettre en œuvre le motu proprio du pape François sur l'utilisation de la messe traditionnelle en latin, l'archevêque de San Francisco a déclaré qu'elle continuerait à être disponible dans son église locale.
L'archevêque Salvatore Cordileone de San Francisco a déclaré à CNA le 16 juillet que "la messe est un miracle sous toutes ses formes : Le Christ vient à nous dans la chair sous l'apparence du pain et du vin. Ce qui compte, c'est l'unité sous le Christ. Par conséquent, la messe traditionnelle en latin continuera d'être disponible ici dans l'archidiocèse de San Francisco et fournie en réponse aux besoins et désirs légitimes des fidèles."
Il semble que les messes traditionnelles en latin dans les diocèses à travers les États-Unis vont largement continuer comme prévu, pendant que les évêques préparent les réponses à Traditionis custodes.
Le motu proprio indique qu'il est de la "compétence exclusive" de chaque évêque d'autoriser l'utilisation du Missel romain de 1962 dans son diocèse.
Il définit également les responsabilités des évêques dont les diocèses comptent déjà un ou plusieurs groupes qui offrent la messe sous la forme extraordinaire, en demandant aux évêques de déterminer si ces groupes ne nient pas la validité de Vatican II et du Magistère.
Les évêques ont pour instruction de "désigner un ou plusieurs lieux où les fidèles adhérents de ces groupes peuvent se réunir pour la célébration eucharistique (pas toutefois dans les églises paroissiales et sans l'érection de nouvelles paroisses personnelles)".
Le sentiment de Mgr Cordileone a rejoint celui d'autres évêques.
Mgr Edward Scharfenberger, évêque d'Albany, a écrit : "En ce qui concerne la célébration de la liturgie romaine avant les réformes de 1970, je souhaite réitérer le grand bien pastoral et spirituel qui a été expérimenté par ceux qui ont été et qui sont engagés dans cette forme de liturgie. Je voudrais également reconnaître les nombreuses et précieuses contributions apportées à la vie de l'Église par ces célébrations."
Il a ajouté que lui, ainsi que les autres évêques, ont été consultés l'année dernière au sujet de la messe traditionnelle en latin : "Celle-ci a été dûment remplie et expédiée, bien que, à ma connaissance, aucun résumé des différentes réponses des évêques n'ait été fourni à ce jour. Ma réponse donnait des détails sur les dispositions et expériences actuelles au sein du diocèse ; ainsi que d'autres points, tels que ceux mentionnés dans le paragraphe ci-dessus."
Le diocèse d'Arlington a déclaré à CNA que toutes les paroisses qui avaient prévu d'offrir des messes sous la forme extraordinaire seraient en mesure de le faire.
"L'évêque Burbidge a lu le motu proprio concernant le Missel de 1962", a déclaré une déclaration de Billy Atwell, responsable de la communication du diocèse d'Arlington. "Il l'examinera plus en détail et donnera des conseils supplémentaires à nos prêtres dans un avenir proche. Les paroisses qui doivent actuellement célébrer la messe sous la forme extraordinaire ce week-end ont reçu la permission de le faire."
Mgr Thomas Tobin, évêque de Providence, a qualifié le motu proprio de "défi et d'opportunité". "Dans le diocèse de Providence, nous allons l'étudier et le mettre en œuvre ensemble, dans la paix et la prière. Mais par-dessus tout, nous affirmerons notre amour pour la Sainte Messe, et notre unité dans le Christ et sa Sainte Église", a-t-il déclaré.
À propos du Nouveau mouvement liturgique, Gregory DiPippo a noté que le motu proprio a été publié le jour de la fête de Notre-Dame du Mont Carmel, et que "lorsque les ordres mendiants comme les Carmes sont apparus au 13ème siècle, dans le cadre du mouvement de réforme en cours dans l'Église, ils ont été attaqués pour divers motifs par les représentants des institutions ecclésiastiques plus établies, qui n'aimaient pas voir leur propre décadence et leur complaisance remises en question par la vitalité évangélique du nouveau mouvement. Semper idem". "Si vous aimez l'Église et la liturgie traditionnelle, adoptez une dévotion mariale, si vous n'en avez pas déjà une, et faites-vous un devoir de demander l'intercession de la Vierge pour dénouer ce nœud d'injustice flagrante. De même, invoquons continuellement l'intercession de saint Joseph, que nous honorons du titre de Patron de l'Église universelle, qui a le plus grand besoin de sa puissante protection, et de saint Pie V, dont le Missel reste l'expression la plus authentique de la lex orandi de l'Église romaine."
Le point de vue de Christophe Geffroy, Fondateur et directeur du mensuel « La Nef », publié ce jour sur le site web de la revue :
« L’incompréhension est ce qui domine en lisant le motu proprio Traditionis Custodes et la lettre aux évêques qui l’accompagne. On ne comprend pas la justification ni la nécessité d’un tel texte, et ce d’autant plus que le pape a légiféré sur la base d’un argument incomplet et d’informations fausses.
1/ L’argument incomplet. Affirmer que le motu proprio Ecclesia Dei de Jean-Paul II n’était motivé que pour « une raison ecclésiale de recomposer l’unité de l’Église » n’est pas exact. Certes, cela en était une raison majeure, mais il y en avait une autre omise par François : « tous les pasteurs et les autres fidèles doivent aussi avoir une conscience nouvelle non seulement de la légitimité mais aussi de la richesse que représente pour l’Église la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat. Cette diversité constitue aussi la beauté de l’unité dans la variété : telle est la symphonie que, sous l’action de l’Esprit-Saint, l’Église terrestre fait monter vers le ciel » (Ecclesia Dei n. 5-a).
2/ Les informations fausses. Le pape François affirme que la générosité de Jean-Paul II et Benoît XVI aurait été utilisée par les tradis pour s’opposer à la messe de Paul VI et au concile Vatican II en mettant en péril l’unité de l’Église. Il écrit en effet : « L’occasion offerte par saint Jean-Paul II et avec encore plus de magnanimité par Benoît XVI de restaurer l’unité du corps ecclésial, dans le respect des diverses sensibilités liturgiques, a été utilisée pour accroître les distances, durcir les différences et construire des oppositions qui blessent l’Église et entravent son progrès, l’exposant au risque de la division. […] Mais je suis également attristé par l’utilisation instrumentale du Missale Romanum de 1962, qui se caractérise de plus en plus par un rejet croissant non seulement de la réforme liturgique, mais du Concile Vatican II, avec l’affirmation infondée et insoutenable qu’il a trahi la Tradition et la “vraie Église”. […] Il est de plus en plus évident, dans les paroles et les attitudes de beaucoup, qu’il existe une relation étroite entre le choix des célébrations selon les livres liturgiques antérieurs au Concile Vatican II et le rejet de l’Église et de ses institutions au nom de ce qu’ils considèrent être la “vraie Église”. Il s’agit d’un comportement qui contredit la communion, alimentant cette pulsion de division. »
Le vocabulaire même utilisé par François est celui de la Fraternité Saint-Pie X : la « vraie Église » ! Aucun tradi fidèle à Rome ne l’emploie ! Donc, son constat est vrai si on se limite à la Fraternité Saint-Pie X. Mais il est faux si on l’applique à la mouvance « Ecclesia Dei » dans sa grande majorité ; qu’il existe des cas répondant à ce que dit le pape est vrai, mais ils sont très minoritaires : pourquoi appliquer une punition collective pour la faute de quelques-uns, n’aurait-il pas suffi de sévir contre ceux-là ? Visiblement, nous ne connaissons pas le même monde tradi que le pape ou ses conseillers, car cela ne correspond tout simplement pas à la réalité ; ils le voient comme un monde homogène qui serait en fait celui de la seule Fraternité Saint-Pie X ! Qui conseille et éclaire le pape sur ces sujets ?
À partir d’informations biaisées sur la situation réelle, on fait croire que le pape répond à une demande qui n’est que celle d’une petite minorité qui a toujours été farouchement hostile à la forme extraordinaire.
3/ L’objectif du pape… et ses conséquences dramatiques prévisibles : « C’est pour défendre l’unité du Corps du Christ que je suis obligé de révoquer la faculté accordée par mes Prédécesseurs. L’usage déformé qui en a été fait est contraire aux raisons qui les ont conduits à accorder la liberté de célébrer la messe avec le Missale Romanum de 1962. » En voulant défendre l’unité, ce motu proprio va apporter incompréhension, désarroi, drames et finalement attiser les divisions au lieu de les réduire : il va aboutir à l’inverse de son objectif ! En un coup de crayon, il balaie 35 années d’efforts de Jean-Paul II et Benoît XVI pour apaiser la situation et apporter une paix certes imparfaite mais réelle. Même la synthèse de la CEF, pourtant peu bienveillante à l’égard du monde tradi, reconnaissait que Summorum Pontificum avait conduit globalement à une « situation apaisée », ce que notre enquête a largement confirmé (cf. le dossier sur les « tradis » dans La Nef n°338 de juillet-août 2021).
Il va réveiller la guerre liturgique, exacerber la résistance des tradis et, surtout, entraîner pas mal de départs vers la Fraternité Saint-Pie X (qui doit se réjouir de ce motu proprio qui va alimenter leurs troupes et confirmer ce qu’ils ne cessent de répéter depuis 1988, à savoir qu’on ne peut faire confiance à Rome, les confortant dans le refus de toute réconciliation) – ce que précisément Jean-Paul II et Benoît XVI avaient su éviter par leur attention à l’égard de ce monde tradi. Cela risque d’être un immense gâchis.
Ajoutons une remarque importante d’un point de vue historique et psychologique : Paul VI était prêt à des concessions sur la messe si Mgr Lefebvre n’avait pas rejeté Vatican II (c’est la fameuse déclaration du 21 novembre 1974 contre la « Rome moderniste » du concile qui a fait difficulté) ; mais Jean-Paul II et Benoît XVI avaient compris que l’apaisement liturgique était la condition nécessaire pour que les tradis les plus réservés sur Vatican II puissent s’ouvrir au concile et se l’assimiler. En resserrant l’étau sur la messe, François va aboutir au résultat inverse à celui légitimement recherché.
4/ Deux poids, deux mesures ? Le ton du motu proprio et de la lettre est d’une dureté et sévérité telles à l’encontre des tradis que l’on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a deux poids, deux mesures : alors que François insiste si souvent sur la miséricorde, la mansuétude, le pardon… alors qu’il est si patient avec l’Église d’Allemagne qui est au bord du schisme, lui, le Père commun, ne montre pas l’ombre d’un signe d’amour ou de compréhension pour ceux qui sont pourtant une petite partie de son troupeau ! À travers ces textes, les tradis apparaissent comme nuisibles, en étant juste tolérés dans des « réserves d’Indiens » le temps qu’ils rentrent dans le rang, l’objectif affiché étant de les faire disparaître (sans jamais s’interroger pour savoir s’ils pouvaient apporter quelque chose à l’Église, en termes de jeunesse, dynamisme, vocations…). Y a-t-il tant de catholiques pratiquants convaincus en Occident qu’il faille prioritairement limiter drastiquement une partie d’entre eux ?
L’histoire récente a montré que mépriser ainsi les tradis, les persécuter n’aide pas à les faire évoluer ; au contraire, on attise la résistance des plus durs, ils deviennent plus rigides, cela va à l’encontre du but recherché de favoriser l’unité.
Rendons hommage ici à la Conférence des évêques de France pour leur communiqué du 17 juillet qui montre de l’estime pour les « tradis » : « Ils [les évêques] souhaitent manifester aux fidèles célébrant habituellement selon le missel de saint Jean XXIII et à leurs pasteurs, leur attention, l’estime qu’ils ont pour le zèle spirituel de ces fidèles, et leur détermination à poursuivre ensemble la mission, dans la communion de l’Église et selon les normes en vigueur. »
5/ Le mépris pour la grande œuvre de Benoît XVI ! Ces deux textes du pape reviennent sans nuance aucune sur l’œuvre de réconciliation de Jean-Paul II et surtout de Benoît XVI à partir d’une analyse des faits qui est fausse, et vont jusqu’à annuler l’apport essentiel du pape émérite qui avait distingué les deux formes ordinaire et extraordinaire du même rite romain ; ce faisant, le pape supprime du même coup toute existence juridique à l’ancienne forme extraordinaire (comme si elle n’existait plus), replongeant ainsi l’Église dans une querelle liturgique sans fin sur le statut juridique de la messe de saint Pie V. On revient au régime de la tolérance selon des modalités plus sévères que celles de 1988, celui de la « parenthèse miséricordieuse »… qui n’est plus guère miséricordieuse ! Soit un recul de plus de trente ans par un seul geste de gouvernement.
6/ Quelle stratégie de Rome peut-on lire en filigrane ?Les deux textes de François montrent très clairement que le pape veut éradiquer le monde tradi dans l’Église, faire en sorte que la messe de saint Pie V disparaisse : tout est fait pour empêcher que croisse cette mouvance (interdiction de tout nouveau groupe et parcours du combattant pour le prêtre diocésain qui voudrait célébrer avec l’ancien Ordo), ce motu proprio étant là le temps que les adeptes de la forme extraordinaire s’approprient le nouveau missel. Tout est fait pour qu’à terme la messe traditionnelle ne soit plus célébrée que dans la Fraternité Saint-Pie X et ses satellites.Il semble donc que la stratégie du pape est de pousser les récalcitrants vers la Fraternité Saint-Pie X, afin que tout le monde tradi s’y retrouve : ils seront ainsi parfaitement maîtrisés et isolés dans une réserve d’Indiens coupée de Rome et des diocèses mais avec laquelle on maintient un lien minimum pour éviter un schisme formel. Cela explique que le pape ne cherche plus de réconciliation avec la Fraternité Saint-Pie X, mais montre une grande générosité à son égard en leur reconnaissant la pleine validité des mariages et des confessions, en encourageant à les recevoir dans des églises lors de pèlerinages, etc. Tout cela est cohérent… et à l’exact opposé de tous les efforts passés de Jean-Paul II et Benoît XVI… pour l’unité de l’Église.
7/ Exclusivisme liturgique ? Ce motu proprio n’est-il pas l’occasion, pour les instituts qui refusent de célébrer la forme ordinaire (qui, précisons-le, sont minoritaires au sein de la galaxie « Ecclesia Dei »), de s’interroger très sérieusement sur le bien-fondé liturgique, théologique et ecclésial de ce refus ? Depuis 1988, les papes invitent à ne pas refuser le principe même de la célébration du nouvel Ordo (il est vrai que les positions de la Commission Ecclesia Dei ont été plus fluctuantes sur le sujet, ne contribuant pas à l’éclairer), ce qui ne retire en rien le charisme propre de ces instituts pour l’ancienne messe. Benoît XVI avait été très explicite dans sa lettre aux évêques de 2007 et, à cet égard, force est de constater que les lignes n’ont guère bougé depuis. En obéissant au pape sur ce point névralgique, ces instituts ne démontreraient-ils pas, par leur exemple même, que François se trompe dans son analyse ?
8/ Conclusion. Tout cela est triste car injuste, il est donc légitime de s’en plaindre, d’argumenter, de demander inlassablement une réforme de ce motu proprio ou une application la plus souple possible de ce texte, dans le respect de l’autorité et de la fonction du pape. Les évêques vont avoir un rôle essentiel à jouer, tout dépendra de la façon dont ils vont appliquer ce motu proprio – les premières réactions observées sont encourageantes, un grand merci à ces évêques soucieux de tout leur troupeau. C’est aussi à eux de faire remonter à Rome une information plus juste sur ce que sont réellement les tradis. L’histoire récente a montré qu’ils n’étaient pas habitués à se laisser faire sans réagir : espérons que la plupart ne retombent pas dans une « résistance » qui verse dans la révolte et la désobéissance ouverte : l’exemple à ne pas suivre est celui de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-Pie X, on voit où cela conduit… Il est dur de souffrir par l’Église, mais cela ne peut pas ne pas porter de fruits… »
Sur ce sujet, la rédaction de KTO vous propose l'édition spéciale que voici ce dimanche 18 juillet à 20h15: enjeux, débat et perspectives avec Mgr Olivier Leborgne, évêque d'Arras et vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF), l'abbé Alexis Garnier, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre et Christophe Geffroy, directeur du magazine La Nef. L’émission est animée par Philippine de Saint Pierre:
A propos de CHRISTOPHE GEFFROY:
Fondateur et directeur de La Nef, auteur notamment de Faut-il se libérer du libéralisme ? (avec Falk van Gaver, Pierre-Guillaume de Roux, 2015), Rome-Ecône : l’accord impossible ? (Artège, 2013), L’islam, un danger pour l’Europe ? (avec Annie Laurent, La Nef, 2009), Benoît XVI et la paix liturgique (Cerf, 2008).
Voici le texte de Mgr Aillet publié sur le site web du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron dont on voudrait espérer que l’exemple sera suivi par un grand nombre de ses confrères :
« Chers frères et sœurs,
Le Pape François a promulgué le vendredi 16 juillet 2021, en la mémoire de Notre-Dame du Mont Carmel, un Motu proprio, intitulé Traditionis Custodes - Gardiens de la Tradition -, sur l’usage de la liturgie romaine antérieure à la Réforme de 1970. Il va sans dire que nous accueillerons ce motu proprio avec le même sens de l’Eglise et la même communion avec le Successeur de Pierre que le Motu proprio Summorum Pontificum, promulgué par le Pape Benoît XVI, le 7 juillet 2007.
Le Pape rappelle qu’en tant que « gardiens de la tradition, les évêques, en communion avec l’évêque de Rome, constituent le principe et le fondement visible de l’unité dans leurs Eglises particulières ». Aussi, comme le stipule l’art. 2 du Motu proprio, « En tant qu’il est le modérateur, le promoteur et le gardien de toute la vie liturgique dans l’Eglise particulière qui lui a été confiée, c’est à l’évêque diocésain qu’il appartient de régler les célébrations liturgiques dans son propre diocèse. Par conséquent, c’est sa compétence exclusive d’autoriser l’usage du Missel Romain de 1962 dans le diocèse, selon les orientations du Saint-Siège ».
Dans la lettre adressée aux évêques pour accompagner ce motu proprio, le Pape François explique pourquoi il a été amené à prendre de nouvelles dispositions qui abrogent celles prises par ses vénérés prédécesseurs. Tout en saluant la sollicitude paternelle et la magnanimité de Saint Jean Paul II et du Pape émérite Benoît XVI, pour faciliter l’usage du Missel de 1962, en vue de promouvoir la communion au sein de l’Eglise, le Saint-Père dit sa tristesse de constater, au terme de l’enquête qu’il a diligentée auprès des évêques du monde entier, que la possibilité offerte par ses prédécesseurs « ait été utilisée pour augmenter les distances, durcir les différences, construire des oppositions qui blessent l’Eglise et en entravent la progression, en l’exposant au risque de divisions ».
Conscient de possibles dérives induites ici ou là dans l’Eglise et toujours à corriger, j’atteste pour ma part que l’application loyale du Motu proprio Summorum Pontificum dans le diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron, a favorisé un climat de paix et de respect mutuel entre les prêtres et les fidèles attachés à ce que Benoît XVI désignait comme la forme ordinaire et la forme extraordinaire de l’unique rite romain. Il me semble pouvoir attester que les prêtres assurant dans le diocèse de Bayonne le service de la liturgie selon le Missel de 1962, adhèrent pleinement au Concile Vatican II, reconnaissent la légitimité du Missel de 1970, expression par excellence de la lex orandi de l’Eglise latine, et cultivent un sens aigu de la communion ecclésiale en participant activement aux manifestations et célébrations, comme aux orientations pastorales et missionnaires du diocèse. Je sais qu’ils ont le souci de faire grandir dans la foi, la vie chrétienne et le sens de la communion et de la mission, les fidèles qui participent habituellement ou occasionnellement aux célébrations liturgiques qu’ils président. Je constate d’ailleurs que leurs assemblées sont relativement jeunes et qu’on y trouve des familles très soucieuses de transmettre la foi à leurs enfants et de les éduquer à « sentire cum Ecclesia – sentir avec l’Eglise ».
Je veux leur redire ma confiance et les invite à poursuivre leurs efforts dans le même sens, dans l’esprit du nouveau Motu proprio Traditionis Custodes, dont je préciserai ultérieurement les modalités d’application. Et s’ils ressentent de l’incompréhension, je les invite à ne pas céder à la colère ni à des attitudes de fermeture ou de repli, mais bien plutôt, à l’instar de l’apôtre Thomas dans l’Evangile (cf. Jn 14, 5-6), à demander au Seigneur lui-même des explications, dans une prière d’abandon à sa volonté.
Les prêtres qui célèbrent le Missel de 1962, en communion avec l’évêque, appartiennent pleinement au presbyterium du diocèse, au sein duquel ils entretiennent des relations fraternelles avec les autres prêtres et y assument des services diocésains appréciés. Je redis aux fidèles attachés au Missel de 1962 qu’ils sont membres à part entière de la communauté des fidèles qui constituent le diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron et je les invite à recevoir ce Motu proprio avec foi, confiance et sens de l’Eglise.