De Solène Tadié sur le NCR :
Réveil catholique : comment les jeunes Européens se réapproprient la foi et la tradition
Les remarques suivantes ont été prononcées le 2 avril lors d'un panel à la conférence de l'Institut du Danube à Budapest, où la correspondante d'EWTN Europe, Solène Tadié, a été invitée à offrir un aperçu sur le terrain de la manière dont les jeunes Européens redécouvrent la tradition et se réapproprient le christianisme.
Bonjour et merci beaucoup à l'Institut du Danube pour sa gentille invitation.
Les différents aspects de la crise culturelle et démographique actuelle ont déjà été brillamment explorés par les intervenants précédents. J'aimerais donc alimenter la discussion sous un angle différent : celui de mon expérience de terrain en tant que journaliste couvrant l'Europe pour EWTN. Mon regard catholique sur le monde d'aujourd'hui me permet d'observer à la fois les profonds défis auxquels nous sommes confrontés et les signes surprenants de renouveau qui émergent déjà.
L'échec de la transmission intrafamiliale
Jonathan Price vient de souligner que le populisme – comme toute autre doctrine politique – ne peut remplacer la pietà , ni se substituer à la transcendance, pour favoriser la réémergence d'une civilisation véritablement féconde. Ce que j'ai observé dans mes reportages, c'est que la beauté intrinsèque des principes d'une religion – sa richesse intellectuelle, sa profondeur et son pouvoir de conviction – ne suffit pas, à elle seule, à assurer sa survie ni à déterminer sa réussite sociale.
D'un point de vue sociétal, la religion est avant tout une culture héritée. La culture familiale est la matrice essentielle de la transmission de la foi. Et c'est précisément dans ce domaine que les chrétiens, et notamment les catholiques, connaissent actuellement les moins bons résultats en Europe.
Je ferai référence à la France à plusieurs reprises au cours de cette brève présentation, car elle offre un cas d'étude particulièrement pertinent pour comprendre les enjeux et les facteurs à prendre en compte dans l'élaboration de stratégies à long terme. La France est emblématique de l'effondrement de la famille, de la déchristianisation et de la propagation rapide de l'islam.
Une étude récente de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a en effet montré que le taux de transmission générationnelle pour l'islam est de 91%, de 84% pour les juifs et de seulement 67% pour les catholiques.
Cette même dynamique s'observe dans toute l'Europe occidentale, à quelques exceptions près comme le Portugal, qui bénéficie encore d'une transmission intrafamiliale assez forte. Mais même l'Italie, qui a toujours excellé dans ce domaine et avait plutôt bien résisté à la déchristianisation jusqu'à la dernière décennie, a connu un bouleversement spectaculaire suite à la COVID-19 , avec une baisse de la pratique religieuse de 25 % entre 2020 et 2022 seulement. Cela a révélé la fragilité des fondements religieux du pays.
En revanche, parmi les familles catholiques les plus pratiquantes – notamment celles dites « catholiques traditionnelles » – les taux de transmission sont nettement plus élevés . Cela suggère que la survie du christianisme en Europe dépendra probablement des familles qui nourrissent, cultivent et protègent délibérément leur foi.
L'effet paradoxal d'une logique de survie
D’un côté, nous sommes confrontés à des données alarmantes : les personnes non religieuses et les musulmans pourraient bientôt représenter la majorité en Europe, un continent dont les fondements mêmes sont indissociables du christianisme.
D'un autre côté, ce défi sans précédent semble réveiller une sorte de réflexe existentiel chez de nombreux Européens. Une « logique de survie » est déclenchée par la prise de conscience croissante de devenir une minorité culturelle et spirituelle sur la terre de ses ancêtres. Et cela suscite un renouveau de foi plutôt inattendu.
Nous observons des signes de réveil religieux précisément dans des lieux autrefois considérés comme des bastions du progressisme laïc. La Suède , la Norvège et la France – pays qui ont longtemps mené la marche vers la déchristianisation – connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt pour le christianisme, et en particulier pour le catholicisme traditionnel. Bien qu'il s'agisse d'une tendance très récente et que les chiffres complets soient encore rares, ce changement est indéniable pour ceux qui ont une expérience directe du terrain.
En Norvège, ce phénomène n’est pas totalement nouveau : les données d’une agence statistique gouvernementale ont révélé que le nombre de catholiques inscrits est passé de 95 000 en 2015 à plus de 160 000 en 2019. Et cette augmentation n’est pas seulement attribuable à l’immigration – souvent polonaise ou lituanienne – mais inclut un nombre notable de jeunes locaux en quête d’un sens plus profond à leur vie.