Du site des inrocks.com :
On a parlé féminisme avec Eugénie Bastié
Alors que le féminisme est devenu un thème de société incontournable, nous avons choisi d’interviewer des personnalités de tous horizons à ce propos. Parfois éloignées du sujet, spécialistes, investies ou inattendues, elles nous livrent leur vision de la lutte pour l’égalité homme-femme.
Journaliste au Figaro, chez Causeur, rédactrice en chef de la revue d’inspiration catholique Limites, Eugénie Bastié est désormais chroniqueuse dans l’émission Actuality diffusée sur France 2. A 24 ans, cette anti-libérale catholique est parfois comparée à Eric Zemmour. La figure néo conservatrice qui monte se bat, entre autre, contre le”néo-féminisme“, le thème de son premier livre Adieu Mademoiselle, la défaite des femmes. Interview.
Vous considérez-vous comme féministe ?
Eugénie Bastié – Non, car pour moi le féminisme est une idéologie. On peut très bien être sensible à la condition des femmes et vouloir qu’elles soient épanouies sans être féministe, c’est à dire adhérer à une lecture du monde inventée par Simone de Beauvoir qui consiste à percevoir les relations entre hommes et femmes sous le prisme d’une domination qui dure depuis des siècles. C’est une vision quasi-complotiste du monde et même si j’entends sa critique, je n’y adhère pas.
N’avez-vous jamais constaté cette inégalité entre hommes et femmes ?
On est tous d’accord sur le fait qu’il y a des constructions sociales de la féminité et de la masculinité et une dissymétrie entre les sexes. Mais je considère que ce n’est pas parce qu’une chose est construite qu’elle est forcément mauvaise. Ce qui me dérange dans le féminisme, c’est ce passage du dévoilement de la construction à l’impératif de la déconstruction.
Mais ce que veulent beaucoup de féministes c’est l’égalité : que l’on se comporte avec une femme comme avec un homme. Pensez-vous que c’est un combat vain ?
Oui, moi par exemple j’apprécie de me comporter différemment avec un homme qu’avec une femme. Je crois que la différence des sexes existe et qu’on bâtit dessus des codes sociaux qui ne sont pas forcément dégradants. Je pense par exemple que la galanterie est quelque chose de précieux et de civilisationnel. Et je préfère un monde où l’on tient la porte aux femmes qu’un monde où on les siffle dans le métro. On met en avant une espèce de police des comportements extérieurs, notamment en politique, alors qu’il y a clairement une brutalisation et un ensauvagement des comportements privés. Je pense que jamais les femmes ne se sont fait autant traités de “putes” ou de “salopes” dans les cours de récréation. Jamais leur corps n’a été autant objectivé quand on voit la place que prennent la télé-réalité ou la pornographie, qui renvoient une image dramatique de la femme. Ce qui me dérange, c’est cette disjonction entre l’injonction publique d’une morale et d’une égalité parfaite et une forme d’ensauvagement dans la vie concrète des femmes, parce qu’il n’y a plus d’éducation, de politesse, de civilisation. Le cas de Denis Baupin est à ce titre un bon exemple : il se met du rouge à lèvres en public pour dire stop au harcèlement, et on apprend quelques semaines plus tard qu’il a harcelé en privé des femmes.

