De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :
Ukraine. Ce qui change depuis le coup de téléphone de Poutine au Pape Léon
Le coup de téléphone du 5 juin de Vladimir Poutine à Léon XIV n’est pas un événement isolé. Il est révélateur de la transformation en cours des relations entre le Vatican et Moscou coïncidant avec le nouveau pontificat.
Avant tout, cet entretien téléphonique a brisé le silence qui s’était installé entre le président russe et le pape François, un silence qui aura duré plus de trois ans, depuis le début de l’agression contre l’Ukraine.
Et ceci est déjà en soi quelque chose de contradictoire parce que si entre François et Léon, il n’y a aucun doute que si le premier a toujours été très compréhensif des justifications avancées par le Kremlin, le second quant à lui n’a jamais mystère du fait qu’il juge depuis le début que le conflit en Ukraine est « une invasion impérialiste russe » qui a entraîné et qui entraîne encore des « crimes contre l’humanité ».
Une autre différence entre les deux papes réside également dans l’exercice de la politique internationale. François avait relégué la Secrétairerie d’État au placard, soit en décidant seul des actions à prendre, soit en se fiant à la « diplomatie parallèle » prorusse de la Communauté de Saint’Egidio. Tandis que Léon a immédiatement rappelé la Secrétairerie à ses côtés, la rétablissant dans son rôle de pierre angulaire non seulement en matière de diplomatie mais aussi pour tout ce qui concerne le Siège apostolique en général, comme cela avait prévu en son temps par Paul VI, qui était un « grand expert de la Curie romaine ».
La note publiée par le Vatican quelques heures après cet entretien téléphonique avec Poutine du 4 juin a souligné que le pape « a lancé un appel pour que la Russie fasse un pas en faveur de la paix », en pleine cohérence avec le positionnement de Léon sur un conflit auquel seule la Russie peut mettre un terme, en tant que pays agresseur.
Mais de son côté, le Kremlin a également publié son propre compte-rendu de l’entretien. Et on peut en déduire la raison pour laquelle Poutine a souhaité qu’il ait lieu.
Dans un premier temps pour rappeler au pape que oui, la Russie a bien « l’intention de parvenir à la paix par des moyens politiques et diplomatiques » mais à condition « d’éliminer les causes profondes de la crise », qui sont à ses yeux toutes imputables à l’Occident.
Dans un second temps, Poutine a voulu dénoncer au pape Léon – comme il l’avait déjà fait en appelant Donald Trump plus tôt dans la journée – les actes intolérables de « terrorisme », « visant des civils » selon lui, perpétrés ces derniers jours par l’Ukraine au moyen d’attaques contre des bases aériennes et d’autres infrastructure russes, tout avertissant implicitement que cela entraînera naturellement des représailles sévères par la part de Moscou, ce qui s’est effectivement concrétisé récemment par l’intensification des bombardements sur des villes ukrainiennes, y compris très éloignées de la ligne de front.
Troisièmement, Poutine a tenu à faire part « au pape de son appréciation pour sa disponibilité à contribuer à la résolution de la crise, plus particulièrement pour la participation apolitique du Vatican à la résolution des questions humanitaires urgentes ».