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Actualité - Page 3

  • Le pape François et l'État profond du Vatican

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    De Mary Ann Glendon sur First Things :

    Le pape François et l'État profond du Vatican

    Lorsque le cardinal Jorge Bergoglio est devenu pape en mars 2013, il semblait prometteur qu'il soit issu de ce qu'il appellerait, en tant que pape François, « les périphéries ». Son élection témoignait de l'universalité de l'Église dans un monde où plus des deux tiers des catholiques vivent désormais en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Et, relativement extérieur au Vatican, il semblait tout indiqué pour diriger une bureaucratie nécessitant des réformes majeures. 

    Les différents départements du Saint-Siège avaient fonctionné avec peu de surveillance sous les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Leur méthode de gouvernance consistait à laisser les affaires internes du Vatican presque entièrement entre les mains de subordonnés de confiance. Parfois, la confiance placée en ces subordonnés était amplement méritée, mais comme le dit le vieil adage : « Quand le chat n'est pas là, les souris dansent. » Certains départements sont devenus de petits fiefs. Dans le domaine financier, des individus peu recommandables ont rapidement repéré et exploité les vulnérabilités.

    Lorsque le pape François a pris ses fonctions en 2013, il a été immédiatement confronté à un nouveau scandale au sein de l'Institut des œuvres religieuses (plus connu sous le nom de Banque du Vatican), où il y avait déjà eu suffisamment de scandales pour ravir romanciers et cinéastes depuis des années. Il était encourageant que le nouveau pape ait immédiatement nommé une commission (dont je faisais partie) pour enquêter sur l'institution en difficulté. Bien que nous disposions des pleins pouvoirs pour examiner tous les documents et interroger quiconque, nous avons été constamment bloqués par les responsables de la banque. Pour comprendre ce qui se passait, un autre commissaire et moi-même avons interrogé la quasi-totalité des 115 employés de la banque, mais nous avons constaté que les garanties de confidentialité données par le pape lui-même ne suffisaient pas à dissiper leur peur de parler franchement.  

    Quelques mois plus tard, lorsque le pape François confia au cardinal George Pell la tâche de réformer l'ensemble du système financier, le prélat australien fut stupéfait d'apprendre l'absence de contrôle centralisé des finances du Vatican. L'une de ses premières mesures fut donc de faire appel à un auditeur externe respecté. Mais Pell n'avait pas anticipé le pouvoir de la Curie. Dès que l'auditeur, Libero Milone, commença à examiner les finances de la puissante secrétairerie d'État (qui contrôlait alors une grande partie des actifs du Vatican), il fut limogé par le cardinal Giovanni Becciu, qui, en tant que suppléant, était le membre le plus haut placé de la Curie après le secrétaire d'État.  

    Becciu a continué à résister aux efforts de Pell jusqu'à ce que ce dernier soit contraint de retourner en Australie pour se défendre contre des accusations d'abus sur mineur. À ce jour, Becciu n'a jamais expliqué l'usage des sommes importantes qu'il a envoyées à une agence de détectives australienne alors que Pell faisait l'objet d'une enquête des autorités locales. Pell a été reconnu coupable et a purgé plus d'un an de prison avant que la décision du tribunal de première instance ne soit annulée par la Haute Cour australienne pour manque de preuves. Becciu a finalement été reconnu coupable de délits financiers par un tribunal du Vatican, mais seulement en 2023.

    Fin 2014, des problèmes dans divers ministères semblent avoir fait prendre conscience au pape François que même un monarque absolu n'est pas à l'abri du problème décrit par Henry Kissinger dans un célèbre essai de 1968 sur « Bureaucratie et élaboration des politiques », à savoir que le pouvoir décisionnel de tout dirigeant est considérablement limité par la culture bureaucratique chargée de la mise en œuvre des politiques. Le pape a instauré un processus d'élaboration d'une nouvelle constitution et a consacré son discours de Noël cette année-là à ce qu'il a appelé les « maladies de la Curie ». 

    Par la suite, le pape François semble avoir largement abandonné toute idée de réforme interne pour se tourner vers l'extérieur. Comme ses prédécesseurs, il s'est appuyé sur des conseillers de confiance et leur a laissé un large pouvoir discrétionnaire. La nouvelle constitution qu'il a commandée est finalement apparue en 2023, mais ne prévoyait pas de mécanismes pour remédier aux déficits de responsabilité qui continuent de rendre le Saint-Siège vulnérable aux malversations financières et autres abus. Le seul élément de la constitution qui a retenu l'attention de la presse a été l'élargissement des possibilités de participation des laïcs. Ironiquement, cependant, les laïcs ont souvent été les renards dans le poulailler financier.

    Aujourd'hui, le Saint-Siège traverse une situation financière difficile : recettes et dons en baisse, déficit colossal estimé à 87 millions de dollars, et absence de plan réaliste pour l'avenir. Fin 2018, le pape François a annoncé que le système de retraite n'était pas en mesure, « à moyen terme », de garantir ses obligations financières envers ses employés. Ces faits inquiétants pèseront sans aucun doute lourd lors du prochain conclave. Compte tenu de la composition actuelle du groupe des cardinaux ayant le droit de vote et du déplacement de la population catholique mondiale vers les pays du Sud, il est probable que les cardinaux électeurs seront disposés à poursuivre l'accent mis par le pape François sur l'Église pour les pauvres et par les pauvres. Mais ils pourraient aussi rechercher un pape qui incarnera l'Église à la fois comme Mater et Magistra.

    Lorsque l'encyclique du pape Jean XXIII, portant ce nom, parut en 1961, feu William Buckley la salua par un article intitulé « Mater, si ; Magistra, no. » Il craignait que l'Église, en tant que Magistra, ne s'écarte de son rôle de témoin moral pour donner des leçons au monde sur des questions politiques où elle n'avait aucune autorité particulière. Mais dans les circonstances actuelles, je pense que le prochain conclave recherchera quelqu'un qui enseignera avec clarté et cohérence sur les questions de foi et de morale, qui aura à cœur les plus pauvres et les plus vulnérables du monde, et qui se penchera enfin sur les conditions qui, au sein même du Vatican, empêchent si souvent le Saint-Siège d'être une présence transformatrice dans un monde en quête de salut. Quelqu'un qui, comme Jean XXIII, considère l'Église à la fois comme mère et comme enseignante.

  • “Ne me tournez pas contre Cyrille” : le Pape François dans les souvenirs de Poutine et du patriarche de Moscou

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :

    “Ne me tournez pas contre Cyrille”. Le Pape François dans les souvenirs de Poutine et du patriarche de Moscou

    Un commentaire très particulier se distingue de la masse de ceux qui suivi la mort du Pape François. Il est parvenu de Moscou d’où il émane des deux plus hautes autorités de la Russie politique et religieuse : le président Vladimir Poutine et le patriarche orthodoxe Cyrille.

    L’après-midi du mardi 22 avril, Poutine et Cyrille ont eu une entrevue au Kremlin avec le patriarche de Serbie, Porphyre (voir photo). Et aussi bien la vidéo que la retranscription de ce colloque ont fait leur apparition sur le site web officiel du président russe.

    Voici quelques extraits de déclarations qu’ils se sont échangées, tout d’abord sur la proximité entre la Serbie et la Russie en tant que partis du « Russkij mir » commun opposé à l’Occident « démoniaque » et ensuite avec des références directes au Pape François.

    Ni Poutine ni Cyrille ne seront à Rome aux funérailles du Pape François samedi 26 avril. C’est le métropolite Antoine de Volokolamsk, président du département pour les relations ecclésiastiques extérieures, très proche de la Communauté de Sant’Egidio et du cardinal Matteo Zuppi, qui sera présent.

    *

    Extrait de la retranscription de la rencontre au Kremlin entre Poutine, Cyrille et Porphyre

    Moscou, le 22 avril 2025

    Patriarche Porphyre : J’étais à Jérusalem il y a deux semaines où j’ai discuté avec le patriarche [orthodoxe] de Jérusalem. […] Et quand nous avons parlé de l’orthodoxie au niveau mondial, il m’a dit : nous, les orthodoxes, avons une carte maîtresse. J’ai demandé : laquelle ? Vladimir Poutine, m’a‑t-il répondu. […] Mon souhait et celui de la majorité de notre Église est qu’à l’avenir, s’il y avait une nouvelle division géopolitique, nous restions proches dans ce monde russe commun. […]

    V. Poutine : Votre Sainteté, vous avez parlé d’identité. C’est ce qu’est en train de faire l’Église orthodoxe russe sous la direction de Sa Sainteté le patriarche de Moscou et de toute les Russies. Sa Sainteté le Patriarche [Cyrille] fait de grands efforts pour renforcer nos valeurs traditionnelles, nos principes spirituels.

    Patriarche Cyrille : Cher Vladimir Vladimirovitch ! Je suis très heureux que cette rencontre ait eu lieu. De toutes les Églises orthodoxes, l’Église serbe est celle qui est la plus proche de l’Église russe, tant par la culture, la langue que par l’histoire. […] Mais il y a une autre chose que je voudrais dire : les Serbes sont, bien sûr, situés plus à l’ouest que nous, le Seigneur en a décidé ainsi. C’est une Église qui entre en contact direct avec le monde occidental, dont on peut recevoir, et dont on a probablement reçu, bien des choses utiles aussi bien dans le domaine scientifique que culturel. Mais avec ce qui est en train d’arriver à la moralité humaine, à l’éthique en Occident, oui, je le dis-le tout haut, de quoi peut-on avoir honte ? Toute cette histoire est démoniaque.

    Patriarche Porphyre : c’est vrai.

    Patriarche Cyrille : Et pourquoi démoniaque ? Parce que le rôle du démon, c’est de faire perdre à l’homme la différence entre le bien et le mal. Il existe des comportements au sujets desquels l’Église dit : tu ne peux pas le faire. Et la parole de Dieu dit : tu ne peux pas le faire. Mais la culture laïque moderne dit : pourquoi pas ? Une personne n’est-elle pas libre d’agir comme elle l’entend ? Est-ce que cela ne relève pas de la liberté de chacun ?

    Cette approche détruit les fondements moraux de l’existence humaine et pourraient entraîner de terribles catastrophes civilisationnelles. Parce que si l’intégrité de la personne humaine est détruite, tout ce qui en découle s’effondre. L’Église orthodoxe russe, comme on sait, soutient ces positions et les défend sur la scène internationale. Mais naturellement, nous avons besoin de bons alliés.

    V. Poutine : Votre Sainteté, vous avez parlé de ce qui est en train de se passer dans la partie occidentale de notre monde. Nous tous ici le savons bien, nous l’avons tous vu, nous avons été témoins de votre rencontre avec le pape, qui nous a quitté en ces jours de Pâques. Cela, me semble-t-il, démontre que même en Occident, il y a encore des personnes, il y a des forces, et des forces spirituelles, qui s’engagent à rétablir les relations et à faire revivre les principes spirituels.

    Patriarche Cyrille : C’est à juste titre que vous avez évoqué le pape défunt. C’était un homme aux idées et aux convictions assez fortes, en dépit des fortes pressions auxquelles il était soumis, notamment en ce qui concerne le refroidissement des relations avec l’Église russe.

    À présent qu’il est dans l’autre monde, je peux le citer avec confiance, sans lui demander la permission. Quand on lui a vraiment mis la pression, si vous me pardonnez cette expression vulgaire, il a seulement prononcé cette petite phrase : « Ne me tournez pas contre Cyrille ». Puis il a fait demi-tour et il est parti. Et ceux qui le pressaient étaient ses proches collaborateurs : [ils lui disaient] qu’il fallait changer de cap, qu’il était impossible, pour ainsi dire, de rester liés à la politique russe.

    Cette petite phrase – « Ne me tournez pas contre Cyrille » — est restée dans ma mémoire et dans ma conscience pendant tout le temps qu’il était en vie. Nos relations étaient bonnes. À présent le Seigneur l’a rappelé dans un autre monde, mais les plus beaux souvenirs que je garde de lui concernent son attitude aussi bien envers la Russie qu’avec l’Église russe.

    V. Poutine : C’est pareil pour moi. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises. Il était de manière naturelle – je peux le dire – bien disposé envers la Russie. Vu ses origines latino-américaines et l’état d’esprit de l’écrasante majorité des citoyens des pays latino-américains, il partageait probablement lui aussi ces sentiments et il a tissé des relations avec la Russie de la manière la plus bienveillante.

    ———

    Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire L’Espresso.
    Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur diakonos.be en langue française.
    Ainsi que l’index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.

  • Regard rétrospectif sur un pontificat

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    De George Weigel sur le NCR :

    Rétrospective sur un pontificat

    COMMENTAIRE : Les communautés chrétiennes qui maintiennent une compréhension claire de leur identité et de leurs limites doctrinales et morales ont une chance de convertir le monde postmoderne.

    Le pape François est étreint par un jeune visiteur lors de son audience générale au Vatican, le mercredi 12 février 2025.
    Le pape François est étreint par un jeune visiteur lors de son audience générale au Vatican, le mercredi 12 février 2025. (photo : Vatican Media / Vatican Media)

    Durant l'interrègne de mars 2013 qui a suivi l'abdication du pape Benoît XVI, et lors du conclave lui-même, les partisans du cardinal Jorge Mario Bergoglio, SJ, comme successeur de Benoît XVI, l'ont décrit comme un réformateur orthodoxe, déterminé et courageux, qui nettoierait les écuries d'Augias du Vatican tout en maintenant la ligne théologique et pastorale qui avait guidé l'Église depuis l'élection de Jean-Paul II en 1978 : une orthodoxie dynamique au service d'une proclamation revitalisée de l'Évangile, dans un monde qui a cruellement besoin du témoignage et de la charité d'une Église de disciples missionnaires.

    C'est ainsi que j'avais perçu le cardinal Bergoglio lors de notre rencontre de plus d'une heure à Buenos Aires, dix mois plus tôt. Au cours de cet entretien, le cardinal m'avait remercié pour ce que j'avais fait pour expliquer Jean-Paul II au monde dans Témoins de l'espérance. À mon tour, je lui avais exprimé mon admiration pour le « Document d'Aparecida » de 2007, dans lequel les évêques d'Amérique latine s'engageaient pour un avenir d'évangélisation intensifiée. C'était, disais-je, l'explication la plus impressionnante de la Nouvelle Évangélisation que j'aie jamais lue, et je l'avais remercié pour le rôle moteur qu'il avait joué dans sa rédaction. 

    Ainsi, lorsque le cardinal Bergoglio fut élu pape le 13 mars 2013, je m'attendais à un pontificat dans la continuité de ses deux prédécesseurs, même si avec des accents personnels distinctifs. C'est ce que pensaient, j'ose le dire, la plupart des cardinaux qui ont voté pour faire de l'archevêque de Buenos Aires le 266e évêque de Rome. François, pensait-on, serait un pape réformateur qui dynamiserait davantage l'Église pour la mission et l'évangélisation en redressant le bourbier vatican qui avait déstabilisé le pontificat de Benoît XVI. 

    Ce n’est pas tout à fait ce qui s’est passé au cours des 12 années suivantes.

    La compassion manifeste du pape François pour les démunis et les pauvres a certainement aidé le monde à mieux comprendre que l'Église catholique suit son Seigneur en tendant une main de guérison aux marginalisés des périphéries de la société. Son exhortation apostolique inaugurale, Evangelii Gaudium (La Joie de l'Évangile), était une affirmation retentissante de l'intention évangélique du Concile Vatican II, dans la continuité de la grande encyclique Redemptoris Missio (La Mission du Rédempteur) de Jean-Paul II et du Document d'Aparecida. Tel était le défi lancé par le pape aux jeunes lors de ses premières Journées mondiales de la jeunesse au Brésil : n'ayez pas peur d'explorer de nouvelles voies pour amener les autres au Christ, même si certaines d'entre elles ne fonctionnent pas. 

    Pourtant, moins d'un an après son élection, le pape François a rouvert ce que l'on croyait être la question réglée : les catholiques mariés canoniquement en situation irrégulière – qui demeurent membres de l'Église cultuelle – pouvaient-ils légitimement recevoir la Sainte Communion ? Ce faisant, il a enclenché une dynamique qui allait faire obstacle à la réévangélisation d'un Occident sécularisé et semer la confusion là où la Nouvelle Évangélisation avait connu un grand succès, notamment en Afrique subsaharienne. Cette tendance à perturber ce que l'on croyait réglé s'est poursuivie tout au long du pontificat et a soulevé des questions de vie morale (notamment la réponse de l'Église aux revendications de plus en plus étranges de la révolution sexuelle), d'ordre ecclésial (notamment la question de savoir qui l'Église était autorisée à ordonner) et de relations du catholicisme avec les puissances mondiales désireuses de l'imposer (comme en Chine).

    Fin 2016, le pape François m'a invité à ce qui allait être ma troisième et dernière audience privée avec lui. Ce fut une conversation amicale et franche, comme les précédentes. Mais lorsque j'ai suggéré que les débats sur la communion des personnes mariées irrégulièrement, qui s'étaient intensifiés après son exhortation apostolique Amoris Laetitia (La Joie de l'Amour), faisaient obstacle à l'évangélisation passionnée qu'il avait proposée dans Evangelii Gaudium , le pape a balayé mes inquiétudes en disant : « Oh, les débats sont acceptables. » Bien sûr, c'est le cas, me suis-je dit, dans bien d'autres circonstances. Mais est-il dans la nature de la papauté de remettre en question ce qui a été réglé ?

    Il reste un grand travail de réforme à accomplir à Rome : sur les plans financier, théologique et autres. Plus fondamentalement encore, cependant, le prochain pontificat doit comprendre ce que le pontificat de François semble avoir ignoré : les communautés chrétiennes qui maintiennent une compréhension claire de leur identité et de leurs limites doctrinales et morales peuvent non seulement survivre aux assauts de la postmodernité ; elles ont une chance de convertir le monde postmoderne. À l’inverse, les communautés chrétiennes dont l’identité devient incohérente, dont les limites deviennent poreuses et qui reflètent la culture au lieu de chercher à la convertir dépérissent et meurent. 

    Car comme toujours, la question fondamentale pour l’avenir de l’Église catholique est : « Quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Luc 18:8) — la « foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 1:3), et aucune autre.

  • L’Église a maintenant besoin de réconciliation, mais dans la Vérité

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    De Luisella Scrosati sur la NBQ :

    L’Église a maintenant besoin de réconciliation, mais dans la Vérité

    Le premier critère pour choisir le prochain Pape est de vérifier qu’il a le sens de la fonction qu’il devra assumer, sans protagonisme narcissique et conscient d’être au service de l’obéissance à la foi.

    24_04_2025

    Photo Vatican Media/LaPresse

    En vue du prochain Conclave, nous publions une série d'articles approfondis inspirés du document signé par Dèmos II  (un cardinal anonyme) qui fixe les priorités du prochain Conclave pour réparer la confusion et la crise créées par le pontificat de François.

    Douze ans d'un pontificat qui s'est déroulé sur la place médiatique, en utilisant tous les canaux de communication, depuis de courtes diffusions en direct sur Facebook et Tik Tok, jusqu'au choix d'être présent sur le tournage d'un film documentaire. La frontière entre le pape virtuel et le pape réel s’est essentiellement dissoute d’année en année, tout comme la différence entre la voix exprimant l’opinion personnelle de l’homme vêtu de blanc et celle du successeur de Pierre a désormais disparu. Même la perspective de la hiérarchie des vérités a disparu, tant proclamée pendant des années dans le but de relativiser des enseignements importants mais inconfortables, et maintenant de fait démembrée par un « magistère » qui a mélangé les cartes, mettant au centre des thèmes périphériques comme la fraternité humaine ou la « maison commune ».

    Les gestes de ce pontificat, parmi les plus magnifiés dans les médias – les chaussures noires au lieu des rouges, les différents « bonsoir » et « bon appétit », les coups de fil adressés aux personnages les plus improbables (mais idéologiquement bien alignés), d’Emma Bonino à Rita Pavone, de Marco Pannella à Giorgio Napolitano, jusqu’à la rédaction de la Gazzetta dello Sport – ont en effet démantelé la figure du Souverain Pontife en tant que telle. Le Pape qui plaît au monde des médias, ce monde qui a en effet façonné les « goûts » et les sensibilités de beaucoup de gens simples, n'est certainement pas celui qui, inspiré par l'Esprit qui vient d'en haut, convainc le monde « de péché, de justice et de jugement » (Jn 16, 8) ; Au contraire, c’est le Pape qui dit ce que le monde aime entendre et qui garde le silence sur ce qui l’offense et l’irrite. Ce pontificat a dangereusement provoqué une compréhension gravement insuffisante de l’Église catholique, où les valeurs philanthropiques ont remplacé la grâce surnaturelle, la bonne nature humaine (présumée) a supplanté la sainteté, la complaisance avec les modes artificielles a submergé l’approbation divine.

    Les déclarations répandues, continues et inexactesdu Chef visible de l’Église ont provoqué au fil des ans une désorientation compréhensible parmi les fidèles eux-mêmes et, chez un nombre non négligeable d’entre eux, même une aversion instinctive à son égard ; une aversion qui les a poussés vers des rivages aux caractéristiques nettement schismatiques et parfois même sédévacantistes. Il est indéniable que ce pontificat, avec ses déclarations imprudentes et trompeuses et l’ambiguïté non moins inquiétante de ses documents, a provoqué une grave et vaste déchirure interne dans l’Église. Après douze ans de François, les catholiques sont considérablement plus divisés et l’Église de plus en plus dangereusement polarisée.

    Le prochain pontife devra nécessairement s’attaquer à ce schisme , qui n’est même plus très souterrain ; mais nous devons veiller à ce que cette œuvre de réconciliation ne se fasse pas au détriment de la vérité. Le profil du nouveau pontife doit être à la hauteur de la Chaire de Vérité sur laquelle il siégera, c’est-à-dire qu’il doit être celui d’un homme conscient que seules la vérité, la bonté et la beauté ont une réelle capacité d’unification ; un homme qui sait construire patiemment sur des bases solides, plutôt que de rechercher une gratification et des applaudissements immédiats.

    Il faut se méfier des profils complaisants , qui prétendent réaliser cette (prétendue) unification en accordant des faveurs à tous les candidats, sans aucun égard pour la vérité ; des profils qui vivent selon la logique du « Paris vaut bien une messe » ! Une tentation très forte, après des années d'un pontificat qui n'était pas du tout autoritaire, en raison de son éloignement de la vérité, mais très autoritaire, qui a conduit beaucoup à l'exaspération.

    A cet égard, il peut être utile de retracer le portrait-robot de l'Antéchrist, tel qu'il a été esquissé par le célèbre théologien russe Vladimir Sergueïevitch Soloviev, c'est-à-dire celui d'un pacificateur universel, capable de satisfaire chacun selon ses propres désirs et sensibilités : la fondation du musée d'archéologie chrétienne pour les orthodoxes, la création d'un institut de recherche libre sur les Saintes Écritures pour les protestants, la réintégration du pape au siège romain pour les catholiques. Tout cela au prix modeste du sacrifice de Jésus-Christ, Dieu et seul sauveur du monde. La possibilité que le Conclave se rassemble autour de la figure d'un candidat à la nature bienveillante et aux traits conciliants, mais sans le sens de son devoir premier de confirmer ses frères dans la foi, de garder la sainte Tradition, de défendre le peuple de Dieu des assauts des loups déguisés en brebis, est loin d'être éloignée. 

    Le premier critère de choix du candidat à la succession du bienheureux Pierre sera donc la vérification qu'il a le sens de la fonction qu'il devra assumer : 1. le protéger de l'avilissement qui vient d'une exposition médiatique continue, d'enseignements approximatifs, ainsi que d'une personnalité centralisatrice et narcissique ; 2. sachant qu'il est véritablement le servus servorum Dei, non pas à cause d'une simplicité et d'une humilité ostentatoires, mais plutôt à cause de la conscience de la gravité de cette fonction, qui ne le place pas comme une autorité absolue dans l'Église, mais comme une véritable autorité suprême en ce qu'elle est entièrement relative et obéissante à la Parole de Dieu, transmise dans l'Église à travers les Écritures et la Sainte Tradition, authentiquement interprétées par le Magistère sacré.

    Il faudra vérifier qu'il croit, au plus profond de son être, ce qu'affirmait Benoît XVI dans le passage bien connu de l'homélie prononcée à l'occasion de son installation sur le siège romain, le 7 mai 2005 : « Le pouvoir d'enseigner, dans l'Église, comporte un engagement au service de l'obéissance à la foi. Le pape n’est pas un souverain absolu, dont les pensées et la volonté font loi. Au contraire : le ministère du Pape est une garantie d’obéissance au Christ et à sa Parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais plutôt s'engager constamment, lui et l'Église, à obéir à la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d'adaptation et d'édulcoration, ainsi qu'à tout opportunisme.

    Ce n'est que si le prochain pape est le premier à obéir à l'intégrité de la Parole de Dieu qu'il sera possible de re-compacter les fondements de l'Église, de ceux qui lieront leur obéissance à celle du Vicaire du Christ, et non à sa personnalité excentrique ou à sa manie des « changements de paradigme ».

  • Critique du Pape ? Non, une analyse nécessaire

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    De Riccardo Cascioli sur la NBQ :

    Critique du Pape ? Non, une analyse nécessaire

    Certains ont été surpris ou attristés ces derniers jours par certains articles critiques sur le pontificat de François. Mais notre jugement n’est pas un jugement sur la personne, mais une analyse consciencieuse de douze années de pontificat qui ont conduit à une profonde division du peuple de Dieu et à une grande confusion. Une analyse qui s'impose également en vue du conclave qui devra choisir le successeur.

    24_04_2025

    Ces derniers jours, certaines personnes ont été surprises ou se sont senties attristées parce qu’après la mort du pape François, nous avons publié des articles critiques sur son pontificat. Il y a ceux qui nous ont invités à regarder aussi les bonnes choses qu'il a faites et ceux qui ont simplement dit qu'il valait mieux se concentrer sur le prochain Conclave en promouvant la prière et le jeûne pour qu'émerge un Pape à la hauteur de la tâche.

    Il semble donc nécessaire de clarifier quelques points. Première question : ce que nous publions ces jours-ci n'est pas un jugement sur la personne du pape François, nous n'avons aucune présomption de nous mettre à la place de Dieu. En effet, nous participons à juste titre et de manière convaincante aux prières et aux messes de suffrage pour son âme. Mais il est plutôt nécessaire de donner un avis sur la situation de l’Église après – et à cause de – ces 12 années de pontificat. Il ne s'agit pas de se placer devant une balance pesant les bonnes et les mauvaises choses faites par le pape François, mais de proposer une analyse synthétique des passages significatifs de ce pontificat et des raisons qui ont conduit l'Église à cette profonde division (une « division dans le peuple de Dieu » sans précédent, comme l'a défini l'expert du Vatican Gian Franco Svidercoschi ) et à une confusion à tous les niveaux, dont les conséquences pratiques sont visibles même après la mort du pape (comme le démontre l'affaire Becciu, que nous aborderons séparément ).

    De quelque manière qu'on le considère, ce fut un pontificat de rupture, qui voulait une discontinuité non seulement avec ses prédécesseurs directs mais avec toute la tradition catholique. Bien sûr, beaucoup évaluent cela positivement et, en effet, nombreux sont ceux qui sont mécontents parce que cette discontinuité n’a pas été poussée jusqu’à ses conséquences extrêmes. Nous, au contraire, nous croyons avec Benoît XVI (et toute la tradition) que l'Église se réforme dans la continuité, qu'il n'y a pas besoin d'une nouvelle Église ou de l'Église de tel ou tel Pape : l'Église est au Christ et c'est tout ; Les papes sont au service de la Révélation, ils n’en sont pas les maîtres.

    Et quoi que vous pensiez, il est juste d’aller au fond des choses et d’affronter la réalité. Affirmer, juste pour donner un exemple, que ce pontificat a ignoré le droit naturel et que cela nous a empêché de penser à la doctrine sociale de l'Église (comme l'expliquait hier l'article de Stefano Fontana ) n'est pas une critique impitoyable d'un pape qui vient de mourir, mais un examen calme qui nous permet de comprendre ce qui s'est passé en ce moment.

    Et ce jugement est d’autant plus important que nous nous rapprochons du conclave qui choisira le prochain pape. Comprendre les raisons profondes qui ont conduit le pontificat récemment terminé à certaines conséquences (ou dérives) sert aussi à établir les critères que nous croyons nécessaires pour dresser le portrait-robot du prochain Pape. C'est pour cela que nous commençons aujourd'hui une série d'articles, signés par Luisella Scrosati, qui, inspirés par le document de Demos II (le cardinal anonyme qui, il y a un an à peine, a confié à la NBQ quelques notes sur les priorités du prochain pontificat), approfondissent les critères fondamentaux avec lesquels nous pensons que les cardinaux devraient choisir le successeur du pape François.

    Celui qui s'oppose à cela en prétendant s'en remettre à l'Esprit Saint a évidemment une conception magique de l'Église et du conclave : comme si à un certain moment, d'un coup de baguette magique, l'Esprit Saint prenait possession de l'esprit des cardinaux pour leur faire écrire sur les cartes le nom qu'il voulait. Benoît XVI, en 1997, avait bien clarifié la question en répondant à la question de savoir si c'est le Saint-Esprit qui choisit le pape : « Je ne dirais pas cela, dans le sens où c'est le Saint-Esprit qui le choisit – disait alors le cardinal Ratzinger -. Je dirais que le Saint-Esprit ne prend pas exactement le contrôle de la question, mais plutôt, en bon éducateur qu'il est, il nous laisse beaucoup d'espace, beaucoup de liberté, sans pour autant nous abandonner complètement. Le rôle de l’Esprit doit donc être compris dans un sens beaucoup plus flexible, et non pas comme s’il dictait le candidat pour lequel il fallait voter. La seule sécurité qu’il offre est probablement que la chose ne peut pas être totalement ruinée. Il y a trop d’exemples de papes que le Saint-Esprit n’aurait évidemment pas choisis.

    La présence de l’Esprit Saint passe donc aussi par la conscience de la situation de l’Église, de quelles sont ses priorités dans le contexte actuel, de ce qui est en jeu. Prier, et même jeûner, pour que l'Esprit Saint éclaire les cardinaux en conclave est un devoir, mais nous croyons que le travail que nous faisons en cette période pour offrir des critères d'évaluation, qui soient au service de l'Église et du peuple de Dieu, est tout aussi important.

    Nous ne prétendons pas que notre approche plaira à tout le monde, mais notre première préoccupation est de plaire à Dieu. Le jugement des lecteurs est important mais aussi éphémère, le seul Jugement à vraiment craindre est le Jugement final.

  • François, le pape de l'ambiguïté ?

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    De Joseph Shaw sur First Things :

    François, le pape de l'ambiguïté

    23 avril 2025

    L'une des constantes du pontificat franciscain a été la faveur avec laquelle il a été traité par les médias séculiers anglophones. Outre les hommages que la diplomatie internationale exige, nous pouvons nous attendre à ce que ses nécrologies dans les médias grand public soient bienveillantes. Cependant, lorsque la poussière sera retombée, nous pourrons commencer à nous poser la question suivante : qu'est-ce que le pape François s'était exactement fixé comme objectif, et l'a-t-il atteint ?

    Curieusement, la deuxième question est un peu plus claire que la première. Nous pouvons examiner les effets de ses actions, mais le pape François ne nous a jamais donné de manifeste. Par exemple, il a pris un certain nombre de mesures pour centraliser l'Église, en affaiblissant le pouvoir des évêques d'établir de nouvelles communautés religieuses et de gérer la célébration de la messe latine pré-Vatican II (« traditionnelle »). Il a également créé une vaste bureaucratie de « synodalité », qui acheminait les questions locales vers Rome, où les réponses pouvaient être soigneusement mises en scène ou reportées indéfiniment. Il n'a cependant jamais plaidé en faveur du centralisme, insistant sur le fait qu'il souhaitait une autonomie locale, tout en empêchant les évêques conservateurs américains de faire de la messe traditionnelle un élément majeur de leur stratégie pastorale, les évêques libéraux brésiliens de créer des diaconesses et les évêques allemands favorables aux homosexuels d'autoriser des textes liturgiques pour les unions entre personnes du même sexe.

    Une façon de lire ce pontificat serait donc dans la continuité de ceux du pape Benoît, du pape Jean-Paul II et du pape Paul VI : en essayant simplement de maintenir les choses ensemble. Nous pourrions l'appeler la lecture « Rowan Williams », puisque l'arme rhétorique préférée du pape François, contrairement à ces prédécesseurs, n'était pas la persuasion mais l'ambiguïté, dans une succession de documents et de déclarations extrêmement difficiles à comprendre pour quiconque.

    Les critiques conservateurs du pape François souligneraient toutefois que ses déclarations delphiques semblent avoir une fonction très différente de celles de l'archevêque Williams. Alors que le primat anglican devait souvent répondre à des déclarations formulées de manière stridente et mutuellement contradictoires par des parties constitutives de sa Communion, avec une formulation qui, avec un peu de chance, pourrait être approuvée par des anglicans ayant un large éventail d'opinions, les déclarations du pape François semblaient ouvrir les fissures, plutôt que de les masquer. 

    Sa condamnation de la peine de mort s'est arrêtée juste avant de dire clairement qu'elle était intrinsèquement mauvaise. Ses déclarations sur le divorce et les unions entre personnes du même sexe n'ont pas dit que ces situations étaient voulues par Dieu. Sa restriction de la messe traditionnelle ne dit pas tout à fait que la diversité liturgique sape l'unité de l'Église. Les réponses de ses différents subordonnés à la question de l'ordination des femmes n'ont jamais franchi la ligne de démarcation pour dire que les femmes diacres étaient impossibles. Dans chaque cas, de nombreuses personnes, en lisant les textes, diraient que ces conclusions sont implicites, mais il s'agit d'une implication rhétorique, pas d'une implication logique : la distinction qui a permis à Boris Johnson de dire que décrire une affirmation comme une « pyramide inversée de balivernes » n'est pas la même chose que de dire qu'elle est factuellement fausse.

    Chacun de ces documents a eu pour effet de déchirer les termes d'une trêve qui avait été établie par ses prédécesseurs. Le pape Jean-Paul II avait encouragé ses disciples à faire campagne contre la peine de mort dans la pratique, tout en concédant sa légitimité en principe, ce dont presque tout le monde pouvait s'accommoder, mais le pape François a contraint de nombreux conservateurs à s'opposer ouvertement au point de vue désormais adopté par de nombreux libéraux, à savoir que la peine de mort est toujours et partout une erreur. Son document sur les unions homosexuelles a amené des conférences épiscopales africaines entières à s'opposer ouvertement à la pratique établie de pans entiers de l'Église en Allemagne, ce qui est le cas le plus proche d'un schisme géographiquement défini depuis des siècles. Là encore, le pape Benoît avait accordé à la messe traditionnelle une place honorée mais subordonnée dans l'Église, ce qui avait d'abord suscité une certaine opposition avant de déboucher sur un compromis viable, mais la nouvelle politique du pape François a introduit une persécution ouverte contre certains des rares domaines de croissance de l'Église. Sa position sur les femmes diacres lui a aliéné ses alliés les plus dévoués, les évêques d'Amérique latine et les féministes. Mary McAleese, ancienne présidente de l'Irlande, a réagi en qualifiant l'Église d'« empire de la misogynie ». Dans le même temps, de nombreux conservateurs exaspérés sont restés convaincus que le pape François complotait toujours pour ordonner des femmes à l'avenir, ce qu'ils n'avaient jamais soupçonné chez le pape Jean-Paul II, bien qu'il n'ait pas inclus le diaconat dans son rejet de l'ordination des femmes, et qu'il n'ait pas été capable d'ordonner des femmes.

    Plutôt qu'une herméneutique à la Rowan Williams, nous avons donc besoin d'un autre outil pour analyser la stratégie du pape François, peut-être un outil nommé en l'honneur de Juan Perón, qui fut un temps le dirigeant militaire de son Argentine natale. Une histoire apocryphe de Perón raconte qu'un jour, alors qu'il roulait, son chauffeur lui demanda s'il devait tourner à droite ou à gauche. « Signal à gauche, virage à droite », répondit le grand homme d'État.

    Quel est l'intérêt de l'ambiguïté, si ce n'est de créer au moins une apparence d'unité ? Les cyniques nous diront qu'un dirigeant peut tirer profit des conflits entre ses subordonnés, qu'il y participe personnellement pour affaiblir ses ennemis ou qu'il se tienne à l'écart, laissant les factions s'épuiser à se battre les unes contre les autres.

    Cette lecture du pape François, il faut le dire, est minoritaire, car elle suggère qu'il était plus intéressé par l'exercice du pouvoir que par l'imposition d'un ensemble particulier de politiques à l'Église. Pour ceux qui sont profondément engagés dans les diverses batailles idéologiques que le pape François a déclenchées, une telle attitude semble inconcevable, mais l'histoire est remplie de dirigeants non idéologiques, qui passent leur temps à écraser leurs rivaux, à récompenser leurs amis et à harceler le genre de personnes qu'ils n'aiment pas.

    Nous verrons si les cardinaux préfèrent poursuivre dans la voie de François ou s'ils choisissent un pape qui souhaite unir l'Église autour d'un ensemble de principes militants clairement exprimés. Le mandat du pape François a rendu ce dernier projet beaucoup plus difficile. Un nouveau pape pourrait être mieux avisé de parler peu et de se concentrer sur l'apaisement : en d'autres termes, pour emprunter une phrase de saint François, d'être un instrument de paix.

  • Un nouveau modèle de conclave ?

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    De sur le CWR :

    Un nouveau modèle de conclave ?

    En ce moment délicat de l’histoire catholique, des questions fondamentales de doctrine, de morale et de pratique pastorale sont contestées.

    Rome a de bonnes raisons de prétendre être la capitale mondiale des rumeurs. Nombre de spéculations entendues le long du Tibre sont absurdes, bien sûr, notamment celles concernant  les papabili : des hommes qui sont (traduction libre) « papétables ». Certaines rumeurs, cependant, méritent d'être prises plus au sérieux ; si elles s'avéraient être des faits plutôt que des rumeurs, l'Église pourrait subir de graves dommages. Dans cette dernière catégorie, on trouve des rumeurs actuelles selon lesquelles des modifications du processus qui guide l'Église pendant l'interrègne papal seraient envisagées, peut-être pour rendre le choix d'un pape plus « synodal ».

    Quels pourraient être ces changements ?

    Depuis le motu proprio de Paul VI de 1970,  Ingravescentem Aetatem, les cardinaux de plus de 80 ans ne peuvent pas voter au conclave pour élire un nouveau pape. Pourtant, ces éminents cardinaux restent membres des Congrégations générales des cardinaux, qui se réunissent pour examiner l'état de l'Église entre la vacance de la chaire de Pierre et la clôture du conclave lui-même. Ces voix éminentes, sans droit de vote, peuvent s'avérer influentes. En 2013, par exemple, le cardinal Cormac Murphy-O'Connor, archevêque émérite de Westminster âgé de 80 ans, a contribué à rallier des soutiens à la candidature de celui qui est devenu le pape François.

    En décembre dernier, j'ai évoqué la possibilité d'exclure les cardinaux de plus de 80 ans des futures Congrégations générales avec un cardinal très respecté (lui-même âgé de plus de 80 ans), qui a averti qu'une telle prétendue « réforme » « priverait l'Église de sa mémoire ». J'ajouterais : « … et une grande sagesse. »

    Comment le processus de sélection d'un nouveau pape serait-il amélioré en refusant la parole à des hommes comme le cardinal Francis Arinze du Nigéria ? Ou le cardinal Joseph Zen de Hong Kong ? Ou le cardinal Camillo Ruini, ancien vicaire de Rome ? Ou les cardinaux Angelo Scola et Marc Ouellet, qui ont obtenu un nombre important de voix en 2013 ? Ou le cardinal Walter Brandmüller, éminent historien ? Ou le cardinal Angelo Bagnasco, ancien président du Conseil des conférences épiscopales d'Europe ? Ou le cardinal Wilfrid Fox Napier d'Afrique du Sud ? Ou le cardinal Stanisław Dziwisz, ancien secrétaire de saint Jean-Paul II ? Ou le cardinal Dominik Duka, archevêque émérite de Prague ? Ou le cardinal Seán O'Malley, fondateur et actuel président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs ?

    Selon une autre rumeur de « réforme », les discussions lors des futures Congrégations générales (probablement réservées aux cardinaux de moins de 80 ans) seraient menées selon le modèle de la « Conversation dans l’Esprit » utilisé lors des récents synodes. Une telle « réforme » susciterait certainement un profond ressentiment et pourrait rencontrer une forte résistance, car elle impliquerait des « facilitateurs » dans un processus longtemps réservé aux cardinaux. De plus, le processus de « Conversation » est artificiel et manipulateur. Il ne permet aucun véritable débat sur les différences de point de vue ou de jugement. Et, par sa nature même, il produit un « accord » sur le plus petit dénominateur commun plutôt qu’un véritable discernement ou une véritable sagesse.

    En ce moment délicat de l'histoire catholique, des questions fondamentales de doctrine, de morale et de pratique pastorale sont contestées. La « Conversation dans l'Esprit », cependant, considère toutes les opinions comme également valables. Un processus de discussion pré-conclave entre cardinaux électeurs, sans place pour la contestation et la correction fraternelles, n'est pas sérieux. Il laissera sans réponse ce qui a absolument besoin d'être clarifié, si le conclave qui suivra doit s'attaquer aux véritables problèmes plutôt que d'être dominé par des reportages médiatiques souvent erronés.

    Une rumeur encore plus inquiétante voudrait que le conclave se déroule selon le modèle de la « Conversation dans l'Esprit », le vote étant remplacé par l'émergence d'un pape de consensus grâce à un processus de discussion facilité (le choix étant éventuellement ratifié par un vote de confirmation). Cette hypothèse est cependant tellement tirée par les cheveux qu'elle ne doit pas être prise (trop) au sérieux. Plus inquiétante est la possibilité que la procédure de vote soit « réformée » pour permettre l'élection d'un pape à une majorité de 50 % + 1 au lieu de la majorité actuelle des 2/3.

    En 1996, Jean-Paul II  modifia les règles  afin qu'un pape puisse être élu à la majorité simple après un conclave bloqué après 33 tours de scrutin sur plusieurs semaines. Benoît XVI reconnut l'erreur et  révisa  la formule de Jean-Paul II de telle sorte qu'après ces trente-trois tours de scrutin indécis, un second tour aurait lieu entre les deux candidats ayant obtenu le plus de voix (qui eux-mêmes ne peuvent pas voter), mais que le vainqueur devait réunir les deux tiers des voix.

    La règle des 2/3 a bien servi l'Église pendant des siècles. Elle a souvent permis de garantir qu'un nouveau pape, même issu d'un conclave controversé, bénéficie d'un soutien suffisant pour gouverner efficacement. Toute modification de cette règle serait une erreur. Certains y verraient sans doute une tentative d'obtenir un résultat précis. Or, un tel résultat serait néfaste pour le nouveau pape et pour l'Église, car le pontificat débuterait sous un lourd nuage de suspicion.

  • Neuf auteurs réfléchissent sur la pensée, les actions et le pontificat du pape François

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    De Carl E. Olson sur le CWR (en traduction automatique) :

    Le règne du pape François en rétrospective : un symposium du Catholic World Report

    Neuf auteurs réfléchissent sur la pensée, les actions et le pontificat du pape François, qui a régné du 13 mars 2013 jusqu'à sa mort, à l'âge de 88 ans, le 21 avril 2025.

    Le pape François salue les pèlerins rassemblés place Saint-Pierre pour son audience générale du mercredi 8 mai 2024. (Crédit : Vatican Media)
    En octobre 2013, j'ai écrit l'un des articles les plus ambitieux de mes près de 30 ans d'écriture : un éditorial pour CWR intitulé « Le Pape François : le bien, le déconcertant et l'obscur » . Je n'en reprendrai pas grand-chose ici ; je me contenterai d'en citer la fin, où j'ai écrit :

    En fin de compte, à bien des égards, l'Église n'appartient pas au pape de la remodeler, de la réviser ou de la changer. Le rôle du pape est plus modeste (ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas divinement ordonné ou sans importance), comme l'expliquait récemment un pape : « Le successeur de Pierre, hier, aujourd'hui et demain, est toujours appelé à affermir ses frères et sœurs dans le trésor inestimable de la foi que Dieu a donnée comme lumière pour le chemin de l'humanité. » Oui, ce pape était François, dans  Lumen fidei , son encyclique sur la foi.

    Beaucoup d'eau ecclésiastique a coulé sous les ponts entre cette époque et aujourd'hui. Je reste convaincu que le règne du défunt pontife a été riche en bienfaits, mais aussi en incertitudes et en confusion. De plus, au fil des ans, beaucoup trop de choses ont été néfastes pour l'Église et son témoignage, ainsi que pour le monde en général.

    Hélas, je pense que le pape François a souvent omis de renforcer ses frères et sœurs dans la foi catholique, et je crois que tenter d'ignorer ce point n'est d'aucune utilité. Je compte écrire davantage sur ce point et sur des sujets connexes prochainement.

    Mais je voulais d'abord entendre l'avis d'autres personnes. Les neuf auteurs suivants sont des catholiques sérieux et érudits qui ont longuement réfléchi à la pensée et aux actions du pape François. Ils ne sont pas toujours d'accord, et je pense que c'est une bonne chose. Ils ne prétendent pas avoir toutes les réponses, ce qui est également une bonne chose.

    Ô Dieu, fidèle rémunérateur des âmes,
    accorde à ton défunt serviteur le pape François ,

    que tu as fait successeur de Pierre

    et pasteur de ton Église,

    de jouir éternellement, en ta présence au ciel,

    des mystères de ta grâce et de ta compassion,

    qu'il a fidèlement administrés sur terre.

    Par le Christ notre Seigneur. Amen.

    Pax Christi.

    Larry Chapp : « Le décalage entre les paroles et les actes du pape »

    Avec l'essor des médias modernes, l'empreinte publique de la papauté a connu une croissance exponentielle. Ce phénomène a eu des effets positifs mitigés. D'une part, cela a accru la capacité de la papauté à diffuser instantanément ses enseignements et l'image globale de chaque voyage et geste papal. D'autre part, paradoxalement, puisque la nature même des nouveaux médias est de réduire tout ce qu'ils abordent à des informations du jour faciles à digérer, les diverses déclarations du Vatican ont également été réduites à ce que les médias pensent être « vendable ».

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  • Qui sera le successeur de François ?

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    De Guido Horst sur Die Tagespost :

    Qui sera le successeur de François ?

    Avant le conclave, le loto des papes commence. Ce sont presque toujours les mêmes qui font l'objet de spéculations dans les médias. Mais il pourrait aussi y avoir une surprise.

    23.04.2025

    Lors d'un conclave au Moyen-Âge, les « nations » étaient décisives. A un moment donné au cours d'une élection papale - parfois longue - les Espagnols ou les Français, les cardinaux d'Italie ou des pays germaniques devaient décider qui s'allierait avec qui, jusqu'à ce qu'une majorité suffisante soit atteinte et que le pape soit élu. Ce que les « nations » étaient autrefois, les « camps » le sont peut-être aujourd'hui. Ainsi, lors du deuxième conclave de 1978, le camp plutôt conservateur, avec son candidat le cardinal Giuseppe Siri de Gênes, et le camp plutôt libéral, avec le cardinal florentin Giovanni Benelli, se seraient bloqués mutuellement, ce qui a ensuite conduit à l'élection de Jean-Paul II. Y aura-t-il également de tels camps lors du prochain conclave, qui aura lieu en mai ?

    Aujourd'hui, en Italie, on parle plutôt des « grandi elettori », les cardinaux dont les voix ont un poids particulier lors du préconclave. Cela est d'autant plus important dans le cadre des congrégations générales actuellement en cours à Rome, auxquelles peuvent également participer les cardinaux de plus de quatre-vingts ans, car de nombreux cardinaux « des périphéries du monde » sont presque inconnus à Rome. De même, les cardinaux qui ne résident pas en Italie n'ont guère pu faire connaissance jusqu'à présent. En effet, depuis le dernier consistoire extraordinaire de 2014, qui portait sur les « sujets chauds » du synode sur le mariage et la famille, le pape François n'a plus convoqué d'assemblée où les cardinaux ont pu échanger librement entre eux.

    Quel familier de François s'impose ?

    Parmi les cardinaux de la Curie, les proches du pape défunt auraient certainement intérêt à ce que le conclave se mette d'accord sur un successeur qui poursuive la ligne de François. Il s'agirait notamment du préfet du dicastère de la foi, le cardinal Víctor Manuel Fernández, le Camerlengo de l'Eglise catholique, de l'Américain Kevin Farrell, qui a dirigé le dicastère pour les laïcs, les familles et la vie, ou du cardinal Michael F. Czerny SJ, Canadien et préfet du dicastère pour le développement humain intégral depuis 2022. Avec la mort du pape, leurs fonctions se sont éteintes, seul le camerlingue Farrell reste en fonction et a déjà scellé les appartements du pape à Santa Marta. Mais il n'est pas certain que l'on puisse réellement qualifier ces trois personnes d'éminences grises du prochain conclave.

    C'est plutôt un autre familier de François qui s'impose et qui - surtout à l'âge idéal de 68 ans - pourrait lui-même être considéré comme un candidat remarquable à la papauté s'il n'était pas jésuite : Jean-Claude Hollerich, l'archevêque de Luxembourg. Il n'est certes pas cardinal de la Curie, mais il a acquis une influence et un profil en tant que rapporteur général du double synode sur la synodalité. Les électeurs n'éliront certainement pas un autre jésuite comme pape, mais la voix de Hollerich, qui a des idées plus libérales sur les questions de morale sexuelle et d'ordination des femmes, a du poids dans la campagne.

    Deux cardinaux de la Curie à suivre de près

    Deux autres cardinaux de la Curie seront à surveiller : le cardinal philippin Luis Antonio Gokim Tagle, jusqu'à présent pro-préfet du dicastère de l'évangélisation, et l'artiste parmi les curiales : le cardinal José Tolentino Calaça de Mendonça OP, préfet du dicastère de la culture et de l'éducation. Si Tagle était resté sur son siège d'archevêque à Manille, cet homme aujourd'hui âgé de 67 ans aurait été un candidat idéal pour le pape. C'est un prédicateur charismatique et, comme François, il fait passer la pastorale avant la dogmatique. Mais sa période romaine ne s'est pas déroulée sans heurts : jusqu'à son renvoi par le pape en novembre 2022, Tagle était président de Caritas Internationalis, l'organisation faîtière mondiale des associations Caritas. Cela lui a porté préjudice. Le Portugais Tolentino Calaça de Mendonça s'est montré plus habile. Ce sexagénaire a su se créer un bon réseau lorsqu'il était à Rome à partir de 2018, mais il est resté en arrière-plan, ce qui n'est pas la pire des choses pour un conclave.

    Ce n'est évidemment pas le cas du cardinal secrétaire d'Etat Pietro Parolin qui, avec le cardinal de Bologne Matteo Zuppi, proche de la Communauté de Sant'Egidio, ne manque sur aucune liste de candidats lorsqu'il s'agit maintenant dans les médias de la loterie du pape. Tous deux sont connus de tous les cardinaux. Mais Parolin a dû regarder comment François a fortement réduit les compétences de la Secrétairerie d'Etat et surtout ses finances, tandis que Zuppi a été envoyé comme envoyé spécial pour servir de médiateur dans la guerre d'Ukraine, mais est revenu de Kiev, Washington et Moscou sans résultats tangibles.

    L'heure des critiques

    Les cardinaux du monde entier qui sont plus proches de la théologie et de la clarté doctrinale d'un Joseph Ratzinger / Benoît XVI n'ont plus comme dernier garant au plus haut niveau du Vatican que le cardinal suisse et préfet de l'œcuménisme Kurt Koch, qui est moins considéré comme un candidat à la papauté. Les cardinaux Peter Erdö de Budapest et le patabendige Albert Malcolm Ranjith de Colombo sont régulièrement cités comme « ratzingériens ». Mais ce dernier a également 77 ans et le cardinal Erdö, âgé de 72 ans, n'a pas le même charisme que le Philippin Tagle.

    Mais il ne faut pas non plus s'attendre à ce que ces candidats régulièrement cités, qui apporteraient un contrepoint au pontificat de François, soient retenus dans un conclave. Il y a aussi quelques « inconnus », comme le Canadien Frank Leo de Toronto, qui, à 53 ans, est toutefois un très « jeune » cardinal, ou l'archevêque de Marseille, le cardinal Jean-Marc Noël Aveline, qui a accueilli François dans la ville portuaire française en septembre 2023, est aujourd'hui président de la Conférence des évêques de France et pourrait jouer un rôle dans le conclave. Toutefois, plutôt comme candidat des « bergogliens ».

    Ils n'entrent pas en ligne de compte comme papes : les cardinaux qui sont apparus comme des critiques plus ou moins explicites du pape François : par exemple l'Allemand Gerhard Müller, l'Américain Raymond Leo Burke ou l'Africain Robert Sarah, qui aura 80 ans en juin. Mais dans les congrégations générales et en marge du préconclave, ils pourraient être des points de contact pour des cardinaux largement inconnus qui officient quelque part dans le monde et qui souhaiteraient peut-être, comme eux, quelques corrections du pontificat du pape Bergoglio. Il s'agit donc aussi d'une question de stratégie, sur laquelle seuls les jours à venir nous renseigneront.

    Les partisans et les critiques de Bergoglio s'équilibrent-ils ?

    En effet, certains éléments laissent penser que les deux camps, celui des partisans de François et celui des partisans d'une réforme de Bergoglio, pourraient s'équilibrer. On chercherait alors un candidat qui se situe totalement au-dessus des partis et qui s'est jusqu'à présent montré totalement neutre en matière de politique ecclésiastique. Le candidat le plus remarquable serait le patriarche de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa OFM, d'origine italienne. En tant que franciscain, il préserverait un peu de l'héritage du premier pape, qui s'appelait François. Pizzaballa connaît les soucis de ce monde, les juifs comme les musulmans, et pour certains, après trois « étrangers », le pape serait enfin à nouveau un Italien, imprégné depuis sa naissance de la culture européenne. A 60 ans, Pizzaballa est toutefois encore assez jeune. Après le long mandat de Jean-Paul II, beaucoup craignent un pontificat qui pourrait durer un quart de siècle.

    Dans certains médias, on peut lire qu'une lutte pour le pouvoir au Vatican ou entre les cardinaux va maintenant éclater. Mais ce qui vaut pour le conclave vaut aussi pour les congrégations générales qui l'ont précédé : ce n'est pas seulement un temps d'échange, mais aussi de prière et de liturgies célébrées ensemble. Et de nombreuses personnes dans le monde prient pour que, malgré tout ce qui est humain, l'Esprit Saint trouve une piste d'atterrissage dans le cercle des électeurs du pape. Lorsque les électeurs se rendent au conclave, ils regardent le Jugement dernier de Michel-Ange. C'est devant lui qu'ils devront un jour répondre de ce qu'ils font actuellement lors de la prochaine élection papale.

  • La mort du pape François (2013-2025). La fin d'une époque ?

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    De Roberto de Mattei sur Corrispondenza Romana :

    La mort du pape François (2013-2025). Fin d'une époque ?

    À 7h35 du matin, le 21 avril 2025, lundi de Pâques, l'âme de Jorge Mario Bergoglio s'est séparée de son corps mortel pour se présenter au Jugement Divin. Ce n’est qu’au Jour du Jugement dernier que nous saurons quelle a été la sentence du Tribunal suprême devant lequel chacun de nous devra un jour comparaître pour le pape François. Aujourd'hui, nous prions pour le repos de son âme, comme l'Église le fait publiquement dans ses novendiaux, et, précisément parce que l'Église est une société publique, nous unissons à nos prières une tentative de jugement historique sur son pontificat. 

    Jorge Mario Bergoglio, le 266e pontife romain, le premier à porter le nom de François, fut le Vicaire du Christ pendant douze ans, même s'il préféra celui d'évêque de Rome à ce nom. Mais l'évêque de Rome devient tel au moment où, après l'élection, il accepte le munus pétrinien. En acceptant le pontificat, le Pape assume également les titres, rapportés dans l' Annuario Pontificio, d'Évêque de Rome, Vicaire de Jésus-Christ, Successeur du Prince des Apôtres, Souverain Pontife de l'Église universelle, Primat d'Italie, Archevêque et Métropolite de la Province romaine, Souverain de l'État de la Cité du Vatican, Serviteur des Serviteurs de Dieu, Patriarche d'Occident (ce dernier titre a été rétabli en 2024, après avoir été supprimé en 2006 par Benoît XVI).

    Ces titres méritent des honneurs particuliers, notamment celui de Vicaire du Christ qui fait du Pape non pas le successeur, mais le représentant sur terre de Jésus-Christ, Dieu-Homme, Rédempteur de l'humanité. Le Pape reçoit des honneurs non pas pour sa personne, mais pour la dignité de la mission que le Christ a confiée à Pierre. De même que dans les sacrements chrétiens un geste exprime une grâce invisible, de même les honneurs (titres, vêtements, cérémonies) sont des signes sensibles de réalités spirituelles, même institutionnelles. L’autorité est une réalité spirituelle et invisible, mais pour être reconnue, elle doit se manifester visiblement, à travers des gestes et des rituels. Sans cela, les institutions risquent de devenir invisibles et la société religieuse, comme la société politique, de sombrer dans le chaos. Le christianisme est fondé sur ce principe : le Dieu invisible a pris un visage, un corps, un nom : « Le Verbe s'est fait chair » ( Jn 1, 14) ; « Personne n’a jamais vu Dieu ; « Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui l'a fait connaître » ( Jn 1, 18). Parmi les auteurs du Nouveau Testament, saint Jean l'Évangéliste est celui qui élabore le plus intensément une théologie de la visibilité de l'invisible, dans son Évangile, mais surtout dans le Livre de l'Apocalypse , dans lequel le symbole devient une vision prophétique, pour montrer l'action cachée de Dieu dans l'histoire.

    Le pape François n'a montré aucun respect pour le décorum de la papauté, depuis son premier « Bonsoir, frères et sœurs » informel adressé depuis la loggia de Saint-Pierre le jour de son élection, jusqu'à son apparition publique le 9 avril dernier, lorsqu'il est apparu dans la basilique dans son fauteuil roulant, vêtu d'une couverture rayée ressemblant à un poncho, sans aucun signe de dignité papale. Le pape Bergoglio a remplacé le symbolisme sacré par un symbolisme médiatique, fait d'images, de mots et de rencontres, qui sont souvent devenus des messages plus forts que les documents officiels : de « Qui suis-je pour juger ? » au lavement des pieds des femmes et des musulmans, jusqu'à sa participation, en 2025, au festival de Sanremo, à travers un message vidéo. Certains disent que, ce faisant, le pape François a « humanisé » la papauté, mais en réalité, il l'a banalisée et mondanisée. C'est l'institution de la papauté, et non la personne de Jorge Mario Bergoglio, qui a été dégradée par ces gestes et d'innombrables autres, qui ont sécularisé le langage et les signes que l'Église a toujours utilisés pour exprimer le mystère divin. 

    Le premier à dépouiller l'Église de sa majesté ne fut pas François, mais Paul VI, à qui l'on doit la renonciation à la tiare, qu'il déposa le 13 novembre 1964 sur « l'autel du Concile », suivie de l'abolition de la sedia gestatoria, de la garde noble et de la cour papale, qui n'étaient pas des fioritures, mais des signes de l'honneur dû à l'Église catholique romaine, en tant qu'institution humano-divine, fondée par Jésus-Christ. De ce point de vue, le pontificat de François ne représente pas, comme certains le pensent, une « rupture » avec les précédents, mais apparaît plutôt comme l'accomplissement d'une ligne pastorale introduite par le Concile Vatican II, dont Benoît XVI n'a tenté que partiellement d'inverser le cours. 

    L’exhortation apostolique Amoris laetitia du 19 mars 2016 a certainement créé une situation de désorientation, en raison de l’ouverture aux couples divorcés remariés et aux couples en situation « irrégulière » ; le Document sur la fraternité humaine signé avec le Grand Imam de la mosquée Al-Azhar le 4 février 2019 a été une nouvelle étape sur la voie du faux œcuménisme ; l’encouragement à l’immigration, la promotion de l’agenda anti-mondialiste, la proclamation du « synodalisme », la discrimination des traditionalistes, la possibilité de bénir les couples homosexuels et celle accordée aux laïcs et aux femmes d’accéder à la direction d’un dicastère, sont autant d’événements qui ont provoqué des réactions légitimes dans le monde catholique. C'est aussi à cause de cette résistance que les objectifs que les évêques progressistes avaient voulu atteindre, comme l'ordination des femmes diacres, le mariage des prêtres, l'attribution de l'autorité doctrinale aux conférences épiscopales, n'ont pas été atteints sous le pape François, décevant ses plus ardents partisans. L’aspect le plus révolutionnaire de son pontificat demeure cependant la succession de paroles et d’actions qui ont transformé la perception publique de la primauté de Pierre, la rendant mondaine et l’affaiblissant.

    Aujourd’hui, une époque se termine et nous nous demandons quelle nouvelle ère s’ouvrira. Le prochain pape sera peut-être plus conservateur ou plus progressiste que François, mais il ne sera pas bergoglien, car le bergoglianisme n’était pas un projet idéologique, mais un style de gouvernement, pragmatique, autoritaire et souvent laissé à l’improvisation. En raison également de ce manque d’héritage, les fortes tensions et polarisations qui se sont développées sous le gouvernement de François pourraient exploser dès les jours du conclave. 

    Il faut également rappeler que François a déclaré une Année Saint Joseph en 2021 ; a consacré la Russie et l'Ukraine au Cœur Immaculé de Marie le 25 mars 2022 ; il a consacré sa quatrième encyclique,  Dilexit nos, du 24 octobre 2024, au culte du Sacré-Cœur : autant de gestes en ligne avec la spiritualité traditionnelle de l'Église et très différents du culte païen de la Pachamama auquel, cependant, le Pape a rendu hommage au Vatican. Les contradictions caractérisent donc l’ère bergoglienne. François, par exemple, a nié le titre de corédemptrice à Notre-Dame et l’a qualifiée de « méticcia » du Mystère de l’Incarnation, mais dans son testament, il a écrit qu’il avait toujours confié sa vie et son ministère « à la Mère de Notre Seigneur, la Très Sainte Vierge Marie ». Il a donc demandé que sa dépouille mortelle « repose en attendant le jour de la résurrection dans la basilique papale de Sainte-Marie-Majeure ». « Je souhaite que mon dernier voyage terrestre se termine précisément dans cet antique sanctuaire marial où j’allais prier au début et à la fin de chaque voyage apostolique pour confier avec confiance mes intentions à la Mère Immaculée et la remercier de ses soins dociles et maternels ».

    La Bienheureuse Vierge Marie se voit désormais confier son dernier voyage, alors que l’Église fait face à un moment de son histoire d’une gravité et d’une complexité extraordinaires. Et c'est à elle, Mère du Corps mystique du Christ, que nous confions aujourd'hui toutes nos espérances, dans la certitude qu'aux jours de souffrance de l'Église succèderont bientôt ceux de sa Résurrection et de sa gloire.

  • Pourquoi un baptême ne peut pas être supprimé des registres de l’Église

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    De zenit.org :

    Pourquoi un baptême ne peut-il pas être supprimé du registre de l’Église ?

    Note explicative du Vatican

    22 avril 2025

    Le jeudi 17 avril, une note du Dicastère pour les textes législatifs a été rendue publique, expliquant pourquoi il n’est pas possible d’annuler un baptême du registre paroissial.

    Le texte qui suit a été traduit en français par ZENIT.  

    Note explicative du Dica avril stère pour les textes législatifs sur l’interdiction des annulations dans le Registre paroissial des baptêmes

    Le Droit Canonique (CIC) ne permet pas de modifier ou d’annuler les inscriptions faites dans le registre des baptêmes, sauf pour corriger d’éventuelles erreurs de transcription. Le but de ce registre est de donner une certitude sur certains actes, en permettant de vérifier leur existence réelle.

    Le canon 535 CIC exige obligatoirement que chaque paroisse ait son propre Registre des Baptêmes. Ce Registre, que la paroisse est tenue de conserver (can. 535 §1 CIC), sert à enregistrer les sacrements qui, comme le Baptême, ne sont administrés qu’une seule fois par l’Église Catholique.   

    Le Baptême étant la condition pour recevoir les autres sacrements, l’administration des autres sacrements qui ne peuvent être répétés (Confirmation et Ordres sacrés), et d’autres actes tels que la célébration du sacrement de mariage (qui ne peut être renouvelé que si le lien est déclaré nul), la profession perpétuelle dans un institut religieux, qui à son tour interdit l’accès au mariage (canon 535 §2 CIC), sont éventuellement inscrits en même temps que la mention du Baptême. 535 §2 CIC), le changement de rite (c. 535 §2 CIC) et l’adoption (c. 877 §3 CIC), qui génère un empêchement matrimonial dans l’Église (c. 1094 CIC).

    Le Registre des Baptêmes représente donc l’enregistrement objectif des actions sacramentelles, ou relatives aux sacrements, réalisées historiquement par l’Église. Il s’agit de faits ecclésiastiques historiques qui doivent être pris en compte pour des raisons de bon ordre administratif et pastoral, pour des raisons théologiques, pour des raisons de sécurité juridique et aussi pour la protection éventuelle des droits de l’intéressé et de tiers.   

    Par conséquent, il n’est pas permis de modifier ou de supprimer les données inscrites dans le registre, sauf pour corriger d’éventuelles erreurs de transcription. Bien que le canon 535 du Code de droit canonique ne le dise pas explicitement, cette interdiction absolue est indubitablement déduite de la formulation impérative des règles qui prescrivent l’enregistrement et la certification des actes. Si l’Église ne disposait pas de ces règles générales sur l’enregistrement obligatoire du Baptême, il ne lui serait pas possible d’exercer elle-même l’activité sacramentelle, puisque la réception « valide » des sacrements exige la certitude de la réception du Baptême. Un ministre ne peut pas permettre la célébration d’autres sacrements si la réception du Baptême n’est pas certifiée.

    En revanche, toute nouvelle circonstance pertinente indiquée par le droit canonique doit être ajoutée au Registre des Baptêmes par une disposition légale qui, en règle générale, doit être portée à la connaissance du titulaire de la paroisse, en tant que responsable du Registre. C’est le cas, comme on l’a déjà dit, de la réception effective de la confirmation, des ordres sacrés, de la célébration du mariage, de la profession religieuse, du changement de rite et de l’adoption. Le non-enregistrement de ces actes empêcherait l’administration normale et simple des sacrements dans l’Église, car il n’est pas raisonnable de devoir vérifier, au cas par cas et individuellement, la réception effective et préalable de ces sacrements, condition de validité pour la réception d’autres sacrements.

    Le Registre des Baptêmes n’est pas une liste de membres, mais un registre des baptêmes qui ont eu lieu. Son seul but étant de certifier un « fait » ecclésial historique, il n’est pas destiné à attester la foi religieuse des individus ou le fait qu’une personne est membre de l’Église. En effet, les sacrements reçus et les inscriptions effectuées ne limitent en rien le libre arbitre des croyants chrétiens qui, en vertu de ces sacrements, décident de quitter l’Église.

    L’«actus formalis defectionis ab Ecclesia Catholica » doit être ajouté au Registre des Baptêmes, si nécessaire, lorsqu’une personne indique qu’elle souhaite quitter l’Église catholique. Bien que les données contenues dans les Registres Ecclésiastiques ne puissent pas être effacées, dans l’intérêt de la personne et de toutes les personnes impliquées, il est permis, sur simple demande de la personne concernée, d’ajouter ses déclarations d’intention à cet effet dans le cadre d’un procès contradictoire.

    Le registre des baptêmes permet de délivrer des certificats de baptême si l’intéressé entend recevoir d’autres sacrements. Dans ce cas, outre l’enregistrement de l’état baptismal de l’intéressé, le registre constitue une garantie vis-à-vis des tiers à l’Église catholique, tant dans le cas de la célébration du mariage que vis-à-vis de ceux qui ont pour tâche d’assurer l’administration valide des sacrements ultérieurs ou la prise d’engagements spécifiques (comme la profession perpétuelle dans la vie religieuse), qui ont le baptême comme condition préalable.

    L’ensemble de l’ordre canonique est cohérent avec ces principes. Le canon 869 du CIC, par exemple, ne représente pas du tout une nouvelle administration du Baptême. Il permet seulement au ministre d’administrer le Baptême « sub conditione » dans les cas où il n’est pas certain qu’un sujet – habituellement un enfant – ait reçu le sacrement. Dans ce cas, il n’y a pas de nouvelle administration du baptême, puisque le ministre pose comme condition de l’efficacité de ses actes qu’il ne souhaite pas administrer le baptême si le sujet a déjà été baptisé. 

    En effet, la condition d’avoir été baptisé est un élément « objectif », et il n’est pas possible de baptiser quelqu’un qui l’a déjà été, car cette action serait tout simplement « nulle et non avenue » du point de vue sacramentel. 

    Pour que les actes soient enregistrés, il est nécessaire d’avoir une connaissance certaine de l’événement qui s’est produit. C’est pourquoi le canon 875 du Code de Droit Canonique exige la présence de témoins lors de la célébration du baptême – comme pour les autres sacrements non-baptismaux – afin que leur témoignage apporte au greffier la certitude nécessaire de l’événement qui s’est produit et qu’il doit enregistrer. Cette attestation ne peut pas remplacer le Registre, car elle n’est qu’un élément de certitude pour la personne qui doit procéder à l’enregistrement.

    Filippo Iannone O. Carm.  Préfet 

    Juan Ignacio Arrieta  Secrétaire

    Cité du Vatican 7 avril 2025

    Pourquoi un baptême ne peut-il pas être supprimé du registre de l’Église ? | ZENIT - Français

  • Que Dieu ait le pape en paix. Et voici la suite

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    De J.D. Flynn sur The Pillar :

    Que Dieu ait le pape en paix. Voici la suite.

    Bonjour à tous,

    Le pape François est mort, pour commencer.

    Hier soir à Rome, le cardinal Kevin Farrell a supervisé la pose des scellés dans les appartements officiels du pape au Palais apostolique du Vatican.

    Peu de temps après, Farrell supervisa la fermeture des portes de la suite de chambres du pape dans la maison d'hôtes de Santa Marta :

    Crédit : Vatican Media.

    Partout à Rome, et loin de la ville, les cloches sonnaient dans les clochers des églises.

    Dans les basiliques de l'Église, les umbrellinos — symboles du leadership universel du pontife — ont été discrètement fermés, pour signifier une chaise papale vacante à Rome.

    Et les prêtres, aux autels des églises de presque tous les pays de la planète, ont eu l'étrange expérience de prier le canon sans référence au pape à Rome - pour beaucoup, ordonnés au cours de la dernière décennie, c'était la première fois qu'ils priaient de cette façon.


    Le pape est décédé près d’un mois après sa sortie de l’hôpital Gemelli, où il a passé des semaines en soins intensifs, le monde recevant des informations quotidiennes sur la façon dont il dormait, dont il mangeait, dont il respirait.

    Lorsqu'il a quitté l'hôpital, il semblait reprendre des forces, quittant sa chambre en fauteuil roulant pour prier dans la basilique Saint-Pierre, pour rencontrer le roi, la reine et le vice-président, pour saluer les enfants et leurs parents surpris, puis, le dimanche de Pâques, pour être conduit pour un dernier tour autour de la place Saint-Pierre, saluant faiblement les pèlerins.

    Peut-être que ses proches savaient que c’était la fin, mais pour de nombreux catholiques, il semblait que les choses s’amélioraient pour le pape, qu’il lui restait peut-être encore des mois à vivre, que sa maladie était derrière lui.

    Et puis il est mort, le lundi matin de Pâques — il a eu un accident vasculaire cérébral, et son cœur s’est effondré.

    Son corps repose désormais en chapelle ardente dans laquelle il a prié :

    Crédit : Vatican Media.

    On nous dit qu'ils enterreront le pape François samedi à la basilique Sainte-Marie-Majeure, son église romaine préférée.

    Lire la suite