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Livres - Publications - Page 5

  • Hélène Carrère d’Encausse : la disparition d'une incarnation du bon sens et de l’intelligence

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    De Jean-Paul Brighelli sur Causeur :

    Hélène Carrère d’Encausse, ou la défense de la langue et de la culture françaises

    Disparition d'une incarnation du bon sens et de l’intelligence


    On a peu vu Hélène Carrère d’Encausse dans les médias depuis deux ans. Pourtant, cette grande spécialiste de la Russie aurait eu certainement des choses à dire sur la guerre en cours. Mais on préfère inviter des spécialistes auto-proclamés stipendiés par les Services américains, et des généraux qui ont glané leurs étoiles dans les cabinets ministériels et prédisent avec gourmandise l’effondrement de la Russie. Ah oui ?

    Peut-être la vieille dame était-elle moins glamour que les imbéciles frétillants qui se répandent sur les ondes. L’épidémie de jeunisme a frappé aussi les rédactions — et pourtant, la jeunesse aussi est un naufrage. La nôtre, en particulier. Et de façon plus générale, tous les jeunes qui vouent un culte à l’idéologie woke[1], mangent exclusivement des crudités et croient que Greta Thunberg pense. Ils n’ont plus des rendez-vous ou des rencarts, mais des dates. Quand ça marche, on ne parle plus d’atomes crochus, mais de crush. Et quand ça foire, c’est hard.

    D’ailleurs, tout est hard pour cette génération de crétins décervelés par un système scolaire qui a répudié les valeurs Travail et Transmission. Symptôme ultime du vide intellectuel, la certitude d’exister pleinement via Tik-Tok. L’individualisme triomphant est le signe le plus certain de l’absence de pensée, et le franglais est son véhicule.

    Avec Hélène Carrère d’Encausse, c’est l’une des dernières représentantes du bon sens et de l’intelligence française qui disparaît. Une génération s’étiole par la force et la faiblesse de l’âge. Qui pense encore, dans l’intelligentsia ? Elisabeth Badinter (79 ans), Régis Debray (82 ans), Sylviane Agacinski (78) ou Alain Finkielkraut (74 ans — un jeunot). La Faucheuse éteindra bientôt ces ultimes voix, et vous vous repaîtrez désormais de Sandrine Rousseau et de Caroline de Haas. Bon appétit.

    Hélène Carrère d’Encausse n’a pas chômé depuis son élection à l’Académie en 1990. Sous sa houlette, la vénérable institution qu’a jadis voulue Richelieu, qui avait compris que la France était certes un territoire, mais aussi une langue et une culture, a affirmé la suprématie du français sur les langues régionales (2008), a condamné l’écriture inclusive (2017), émis des réserves fondamentales sur la marche à féminisation forcée (2019), et la Secrétaire perpétuelle de cette assemblée de doctes a interpelé le Premier ministre Jean Castex en janvier 2022 sur la nouvelle carte d’identité bilingue. Le diable est dans les détails. Cette carte d’identité franco-anglaise (ou plus exactement franco-américaine, appelons les choses par leur nom) est significative d’une allégeance totale à l’Oncle Sam — et elle ne sert à rien sinon à entériner notre servitude, puisque pour entrer aux USA, il faut toujours un visa. À vrai dire, cette soumission, part de loin. Le wokisme n’est que l’un des multiples chevaux de Troie de l’impérialisme yankee.

    De Gaulle considérait déjà Jean Monnet comme le petit télégraphiste d’Eisenhower. En 1968, l’un des leaders du mouvement étudiant, Jacques Sauvageot, alors « patron » de l’UNEF (hier atlantiste en sous-main, aujourd’hui islamo-gauchiste), était financé par la CIA : c’est ce qu’affirme Yves de Gaulle dans un documentaire intitulé De Gaulle, un homme à abattre : le général gênait les Américains depuis 1940. Puis ce furent Giscard et sa dérive atlantiste, Juan Manuel Barroso extrait par la CIA de son groupuscule maoïste pour diriger l’Europe sous la houlette américaine, la France participant, sans déclaration de guerre, au bombardement criminel de Belgrade, Sarkozy rejoignant le commandement intégré de l’OTAN, et j’en passe. Oui, le mal vient de très loin. C’est en 1964 que le professeur Etiemble publie Parlez-vous franglais ?. Que dirait-il aujourd’hui, où les jeunes beuglent « Fuck you » au lieu de dire, en bon français, « Allez-vous faire foutre » — la seule réponse à lancer à tous ceux qui maltraitent la langue en croyant être originaux alors qu’ils sont esclaves volontaires.

    L’invasion de l’américain dans la langue française n’est pas anecdotique : elle est le véhicule d’une terreur idéologique dont la motivation ultime est la conquête de marchés : tout comme les attaques contre De Gaulle visaient à mettre la main sur les ressources énergétiques de l’Afrique du Nord et à transformer le Maghreb en base avancée de la lutté contre l’URSS, l’américanisation aveugle qui déferle sur les ondes sert les intérêts du bloc Atlantique dans tous les événements récents : qui niera que la guerre russo-ukrainienne, la rupture d’un gazoduc en Baltique, l’asservissement de la France au gaz de schiste américain ou à l’énergie allemande — le bon petit soldat de l’Amérique depuis le Plan Marshall — sont des coups de boutoir sur notre indépendance et notre existence même ?

    A lire aussi: Le wokisme ne passera pas!

    Hélène Carrère d’Encausse avait bien cerné le danger. Interrogée par Le Figaro en février 2022 sur le « risque de fracture sociale et générationnelle », elle répondait avec une acuité intellectuelle que je me souhaite si un jour j’atteins son âge : « La fracture est déjà doublement là. Il y a d’un côté les happy few, les sachants pour qui l’anglais apparaît comme la langue de la mondialisation et la voie unique du progrès. Il y a de l’autre côté le bon peuple condamné à admirer ou à adopter ce modèle. Les gens ont l’impression de vivre en dehors de cet univers où se décide leur destin. Les protestations auxquelles on assiste procèdent d’un sentiment de dépossession de leur identité réelle, qui est d’abord celle de la langue. L’insécurité linguistique est là ! Les gens ne savent plus comment parler. Si vous ajoutez au problème du franglais celui de l’écriture inclusive, les gens ne comprennent plus leur propre langue… ». Il faut réagir, et vite. Boycottons les produits qui croient intelligent de se vendre en parlant américain. Giflons nos enfants et nos petits-enfants quand ils baragouinent un anglais approximatif par ignorance — la qualité qu’ils partagent le mieux. Et dégageons à la première occasion un Président qui n’est que l’employé des multinationales de Wall Street.


    [1] Le numéro d’été de La Revue des deux Mondes est consacré au wokisme, et sa lecture réjouit l’esprit.

  • La vérité est toujours splendide : Veritatis Splendor du pape saint Jean-Paul II à 30 ans

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    De Samuel Gregg sur le Catholic World Report :

    La vérité est toujours splendide : Veritatis Splendor du pape saint Jean-Paul II à 30 ans

    La grande encyclique du défunt pontife, la plus controversée, sur la morale et la théologie morale, publiée le 6 août 1993, répond toujours à certaines des questions les plus cruciales de notre époque.

    6 août 2023

    En dehors du monde catholique, la publication des encycliques papales retient rarement l'attention. Ce n'était pourtant pas le cas lorsque, il y a 30 ans, Jean-Paul II a promulgué, le 6 août 1993, l'encyclique la plus controversée de son long pontificat.

    Son titre même, Veritatis Splendor (La splendeur de la vérité), jetait un gant à des sociétés - et à une Église - de plus en plus sous l'emprise du relativisme. Les grands journaux n'ont pas seulement accordé une couverture considérable à la publication de Veritatis Splendor ; ils ont ouvert leurs pages d'opinion aux partisans et aux détracteurs de l'encyclique, catholiques et non-catholiques se retrouvant dans les deux camps.

    Le fait que cette division ne se soit pas faite selon le schéma "catholiques contre tout le monde" est révélateur. Tout d'abord, il a mis en évidence le fait que certains universitaires catholiques avaient effectivement rejeté quelque chose que l'Église a enseigné sans ambiguïté depuis ses débuts : que certains actes sont intrinsèquement mauvais (intrinsece malum) et qu'ils ne doivent jamais être choisis. Deuxièmement, il est apparu que de nombreux non-catholiques comprenaient comment le fait de nier de tels absolus moraux touche au cœur de toute société qui aspire à être civilisée.

    J'avais à peine une vingtaine d'années lorsque l'encyclique a été publiée. Je n'oublierai jamais, cependant, le commentaire d'un ami juif qui la considérait comme une lecture indispensable pour tous ceux qui ne voulaient pas voir l'Occident s'effondrer davantage dans un marasme d'incohérence morale. Il n'y avait tout simplement, disait-il, aucun autre document contemporain comme celui-ci.

    Veritatis Splendor était certainement cette rareté : un texte postérieur aux années 1960 qui remettait en question le subjectivisme moral et le sentimentalisme qui avaient imprégné la plupart des institutions culturelles occidentales. Mais l'encyclique ne se contentait pas de réaffirmer l'enseignement moral catholique de base. Elle cherchait à présenter à une Église et à un monde qui se complaisent de plus en plus dans la médiocrité morale un récit convaincant sur ce que sont réellement la liberté et la bonne vie.

    L'essor de la nouvelle morale

    Le scepticisme quant à la capacité de l'homme à connaître la vérité remonte au philosophe grec Pyrrho d'Elis (vers 365-275 av. J.-C.). Le christianisme, cependant, a toujours insisté sur le fait que les humains peuvent connaître la vérité morale par la foi et la raison.

    Cela inclut la vérité, comme l'a écrit Jean-Paul dans son exhortation de 1984 Reconciliatio et paenitentia, qu'il y a "des actes qui, en soi et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, sont toujours gravement répréhensibles en raison de leur objet". La ligne suivante décrit cela comme "une doctrine, basée sur le Décalogue et sur la prédication du Nouveau Testament, assimilée au kérygme des Apôtres et appartenant à l'enseignement le plus ancien de l'Église" (RP 17).

    C'est à peu près tout ce qu'un pape peut faire de plus précis. Mais la réaffirmation sans ambiguïté par Jean-Paul de l'existence de ce que l'on appelle les normes morales sans exception indique qu'il était conscient que certains théologiens catholiques avaient pratiquement abandonné ce que Veritatis Splendor décrirait comme une question de "foi révélée" (VS 29).

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  • Lumumba : une histoire encombré de mythes

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    De Paul Vaute sur son blog "Le Passé belge" :

    Lumumba, « une histoire encombrée de mythes »

    La « responsabilité morale » du gouvernement belge dans l’assassinat du Premier ministre congolais demeure la vérité « officielle » depuis qu’une commission d’enquête parlementaire a conclu en ce sens. Mais la responsabilité des acteurs locaux et les crimes que suscita le « héros de l’indépendance » sont absents de ce récit (1960-1961)

    Le retour d’un héros: sous ce titre, un film récemment promotionné relate les manifestations et célébrations qui ont accompagné et suivi la restitution aux représentants de la République démocratique du Congo (RDC), le 20 juin 2022, d’une relique supposée de Patrice Lumumba. Le documentaire donne largement la parole au sociologue Ludo De Witte, auteur d’un livre qui fit grand bruit, il y a plus de vingt ans, en présentant l’assassinat du leader du Mouvement national congolais (MNC) et de deux de ses compagnons, le 17 janvier 1961, comme le résultat d’un complot fomenté par les milieux dirigeants politiques et économiques belges [1]. En dépit du fait que la commission d’enquête parlementaire mise sur pied à la suite de cette parution arriva, quant à elle, à de tout autres conclusions…

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  • Les confidences de Martin Mosebach, écrivain allemand catholique et réactionnaire

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    De Thomas Ribi et Benoît Neff  sur Neue Zürcher Zeitung :

    Martin Mosebach : "Je refuse de participer à l'hystérie de l'opinion publique allemande".

    Conservateur, catholique fervent et rétif à toutes les tendances à la mode : Martin Mosebach est tout ce qu'un écrivain allemand n'est pas aujourd'hui. Un entretien sur la patrie, l'Eglise et l'étrange travail d'écriture.

    20.07.2023

    "L'existence d'un écrivain est risquée. Si l'on devient un mauvais écrivain, on a raté sa vie" : Martin Mosebach.

    Le quartier de Westend à Francfort. Entre des bâtiments commerciaux sans visage et d'élégantes villas de l'époque des fondateurs, un immeuble d'habitation sans charme. Sur les balcons, des boulettes de nourriture sont accrochées pour les mésanges. Au troisième étage, un appartement étroit, encombré de meubles anciens, des bibliothèques, des tableaux du XIXe siècle sur les murs peints en sombre. Martin Mosebach, 71 ans, invite à entrer dans le salon, sert du café dans une cafetière en argent. "Nous sommes dans l'arche rescapée", dit-il. L'appartement dans lequel lui et sa femme ont longtemps vécu a brûlé il y a quatre ans. 

    Le jour de l'Épiphanie, l'arbre de Noël a pris feu et la moitié du mobilier a été détruite. Avec ce qui restait, Mosebach s'est retiré ici. Il s'assoit sur un élégant canapé Empire. Le vent souffle à travers les fenêtres ouvertes, par-dessus la rue, on aperçoit le parc Rothschild.

    Monsieur Mosebach, vous revenez tout juste de Rome, où vous avez travaillé sur votre prochain roman. Comment doit-on s'imaginer cela ? Vous vous asseyez à votre bureau à huit heures du matin et vous écrivez toute la journée ?

    Non, certainement pas à huit heures. Le début de matinée est consacré à la lecture. J'aime lire longtemps au lit. Ce qui est bien quand on travaille à l'étranger, c'est qu'il n'y a alors pas d'obligations, pas de repas en commun et ainsi de suite. Je ne dois tenir compte de rien. Je peux me glisser lentement dans l'écriture. Et ensuite y rester aussi longtemps que je le souhaite.

    Comment arrivez-vous malgré tout à une activité disciplinée ? Vous pourriez bien sûr avoir envie de rester au lit.

    Mais j'ai un objectif : le nouveau livre. Et c'est lié à une certaine inquiétude, surtout tant que j'en suis encore à un stade très précoce, où beaucoup de choses ne sont pas fixées. J'espère qu'il y aura des surprises, ce qui ne peut arriver que si l'on ne sait pas trop tôt où tout cela va aller.

    Ne craignez-vous pas que dans trois mois, vous ne sachiez toujours pas où vous en êtes ?

    C'est tout à fait possible. Mais c'est mon quatorzième roman. Il y a donc une certaine confiance. Même si, à chaque nouveau livre, j'ai l'impression d'avoir déjà écrit : C'est mon premier roman, je n'en ai jamais écrit et je ne peux pas m'appuyer sur une expérience. A un moment donné, une voix intérieure me dit : "Allez, ne fais pas semblant. Tu sais bien que même les situations les plus désespérées finissent par s'éclaircir."

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  • Une crise pire que la controverse arienne du IVe siècle

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    D'Edward Pentin sur son blog :

    Professeur Rist : L'Église catholique pourrait être confrontée à une crise pire que la controverse arienne du 4e siècle

    24 juillet 2023

    La récente suspension d'un prêtre italien pour avoir écrit une critique savante de l'exhortation apostolique Amoris Laetitia du pape François était une décision insensée et "totalement injuste", mais qui souligne la profondeur d'une crise dans l'Église qui pourrait être pire que la controverse arienne, a déclaré le professeur John Rist.

    Considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de l'Église en matière de philosophie ancienne, de lettres classiques, de philosophie et de théologie du christianisme primitif, M. Rist estime que la suspension du père Tullio Rotondo en avril n'aurait jamais eu lieu sous un pontificat antérieur et attribue cette décision en partie à une papauté trop centralisée qui a permis à de "mauvais papes" d'agir sans loi et en toute impunité.

    Le père Rotondo, docteur en théologie et auteur de plusieurs livres, reste suspendu a divinis par son évêque, Mgr. Camillo Cibotti d'Isernia-Venafro, pour avoir écrit "Trahison de la saine doctrine par "Amoris Laetitia" - Comment le pape François et certains de ses collaborateurs diffusent une morale contraire au dépôt de la foi" (la traduction française peut être lue dans son intégralité en ligne ici).

    Selon sa description, le livre met en lumière "diverses erreurs que le pape et certains de ses collaborateurs répandent au sujet du sacrement de la confession, de la conscience morale, de la loi morale et de la peine de mort". Il comprend également une critique de poids de certains écrits du nouveau préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, l'archevêque Victor Manuel Fernández.

    Le professeur Rist, qui en 2019 faisait partie des 19 signataires d'une lettre adressée aux cardinaux et évêques du monde entier accusant le pape François d'hérésie, a déclaré que la suspension du père Rotondo était symptomatique d'une crise doctrinale qui, selon lui, est "encore plus grave" que celle de la Réforme.

    "Il faut remonter à la controverse arienne pour trouver quelque chose de comparable", m'a dit M. Rist récemment à son domicile de Cambridge. "Mais je pense qu'en termes de dommages qu'elle pourrait causer, de ce qui pourrait arriver à l'Église à l'avenir, cette affaire va causer plus de problèmes, plus que tout ce que nous avons vu auparavant.

    Le philosophe anglais cite le père Rotondo dans son nouveau livre, Infallibility, Integrity and Obedience : The Papacy and the Roman Catholic Church, 1848-2023 (Infaillibilité, intégrité et obéissance : la papauté et l'Église catholique romaine, 1848-2023), qui sera publié jeudi 27 juillet.

    Dans ce livre à paraître, Rist expose les développements qui ont conduit à la crise doctrinale et structurelle actuelle de l'Église, et explique pourquoi il pense qu'une mauvaise compréhension de la nature et de la définition de l'infaillibilité papale est à l'origine de la crise à laquelle l'Église est confrontée aujourd'hui. Il propose également des solutions pour inverser les décisions conciliaires et individuelles qui ont conduit à la situation actuelle, et pour récupérer le rôle propre du pape pour le bien de l'Église.

    Professeur Rist, que pensez-vous de la suspension du père Rotondo pour avoir écrit le livre dont vous avez rédigé la préface ?

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  • La dissociété selon Marcel De Corte

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    Une brillante video du site "Ego-non" (Antoine Dresse) :

    "Dans cette vidéo, nous nous pencherons sur les réflexions de Marcel De Corte, philosophe belge aristotélicien, sur la dissolution de la société moderne. Dans son ouvrage, « De la dissociété », Marcel De Corte montre les bases naturelles sur lesquelles repose toute société saine et harmonieuse, en se référant notamment aux travaux de Georges Dumézil. Ensuite, à travers une lecture critique de l’histoire de la société européenne, il nous livre certaines pensées intéressantes sur l’individualisme moderne dont l’origine remonterait à la sécularisation du christianisme."

    Une grande partie du texte de Marcel De Corte est ici

  • Vacances... et si on (re)lisait Chesterton ?

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    De Philippe Maxence sur Famille Chrétienne (archive du

    Après avoir subi une éclipse dans les années 1960, l’écrivain anglais Gilbert Keith Chesterton (1874-1936) connaît à nouveau les faveurs du public qui, depuis quelques années, peut se plonger avec intérêt dans les livres de ce surprenant saltimbanque des lettres.

    Mais, pourquoi lire Chesterton, aujourd’hui ? À vrai dire, il n’y a pas de réponse unique à cette question. En refusant l’œil borgne du spécialiste, Chesterton s’est épanoui dans des directions qui semblent souvent s’opposer et qui ne font que se compléter, au service d’une vision du monde et de l’existence en parfaite consonance avec le catholicisme.

    On en trouvera un exemple dans l’inédit en langue française que viennent de publier les éditions DDB sous le titre Le Puits et les Bas-Fonds, traduction littérale de The Wells and The Shallows. Dans son introduction, le Polonais Wojciech Golonka, auteur d’une sérieuse thèse philosophique sur l’écrivain, explique le sens du titre, énigmatique, de ce recueil d’essais, publié en 1935 : « Pour Chesterton, le puits, c’est l’Église catholique, source religieuse inépuisable ; les bas-fonds desséchés, la religion issue de la Réforme anglicane. »

    La joie surnaturelle, le « secret gigantesque du chrétien »

    Avec scrupule, cette traduction reprend l’intégralité du volume d’origine alors que celui-ci souffre peut-être d’un manque de cohérence, entre une première partie consacrée aux allitérations dans la langue anglaise et une troisième partie qui rassemble une trentaine de textes disparates. Entre les deux, Chesterton souligne, en sept chapitres, pourquoi il serait devenu catholique s’il n’avait pas déjà fait le pas en 1922. C’est de loin la partie la plus passionnante et la plus aboutie.

    Dans la même veine reparaît l’un de ses chefs-d’œuvre, Saint François d’Assise, dans la traduction qu’en avait donnée Isabelle Rivière en 1925. Avec sa forte intuition, Chesterton permet au lecteur de saisir d’emblée ce qui caractérise la démarche franciscaine : la joie surnaturelle. Cette joie dont il avait écrit dans Orthodoxie qu’elle est le « secret gigantesque du chrétien » et qui se trouve à la base de sa proche vision du monde, empreint de gratitude permanente envers le Créateur.

    C’est un autre aspect de Chesterton que permet de saisir l’édition de deux autres inédits en langue française, entièrement consacrés à l’Irlande et réunis en un seul volume, magnifiquement préfacé par Pierre Joannon, le grand spécialiste français de ce pays et un très fin connaisseur de l’écrivain. Le premier de ces inédits rassemble les « impressions irlandaises » de Chesterton lors de sa visite du pays en 1918, aux lendemains du tragique soulèvement de Pâques 1916  (1). Le second, La Chrétienté à Dublin, a été écrit à l’occasion du Congrès eucharistique international qui s’était tenu en Irlande en 1932.

    C’est peu dire que Chesterton aime la verte Erin. Il y a trouvé quasiment à l’état chimiquement pur une nation qui incarne ses idéaux et qui avait su maintenir les fils secrets qui reliaient le Ciel et la Terre. Là où d’autres journalistes se contentent de faire de l’actuel avec de l’éphémère, l’écrivain parvient pour sa part à déceler les vérités permanentes qui se cachent constamment derrière le bousculement des faits. Au fond, c’est du secret de notre âme qu’il continue à nous entretenir derrière un festival de paradoxes et la plongée dans les secrets d’une nation étrangère. 

    Famille Chrétienne

  • De nouveaux documents prochainement diffusés permettront d'approfondir le pontificat de Pie XII

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    De zenit.org :

    De nouveaux documents provenant du pontificat de Pie XII

    Incidences dans les relations entre juifs et chrétiens

    De nouveaux documents provenant du pontificat de Pie XII et leurs incidences dans les relations entre Juifs et chrétiens seront prochainement diffusés. C’est un dialogue entre historiens et théologiens.

    Une conférence internationale se tiendra du 9 au 11 octobre prochains à l’Aula Magna de l’Université pontificale grégorienne Piazza della Pilotta 4 – Rome (Italie)

    En mars 2020, le pape François a rendu publics des millions de documents relatifs au pontificat du pape Pie XII (1939-1958). Il faudra des décennies d’examen et d’analyse pour déterminer toute la signification de ces archives estimées à au moins 16 millions de pages, mais d’importantes découvertes ont été réalisées et doivent être diffusées. Ces documents peuvent être étudiés sous un angle historique et théologique.

    La conférence relative aux « nouveaux documents du pontificat du pape Pie XII et leurs incidences dans les relations entre Juifs et chrétiens » mettra en lumière :

    • la manière dont ces archives ont éclairé les controverses historiques et théologiques concernant le pape Pie XII et le Vatican pendant l’Holocauste
    • les relations entre Juifs et chrétiens à de multiples niveaux, touchant aussi bien des personnes ordinaires que des personnalités.

    En 1965, l’Église catholique a publié un nouvel enseignement, Nostra Aetate, qui condamnait l’antisémitisme et présentait le peuple juif comme béni par Dieu. Que nous révèlent ces nouveaux documents sur les échanges qui ont conduit à ce tournant dans l’enseignement de l’Église ? Cette conférence réunira des historiens et des théologiens, des chrétiens et des Juifs, qui approfondiront ensemble les connaissances historiques et les relations judéo-chrétiennes.

    L’événement sera ouvert au public et aux médias accrédités. De plus amples informations, ainsi que les procédures d’accréditation à la conférence, seront communiquées en septembre. Pour toute question, veuillez contacter le Dr. Paolo Pegoraro (Bureau de presse et de communication de l’Université pontificale grégorienne : press@unigre.it).

    La conférence internationale est organisée par:

    • CDEC – Fondation du Centre de documentation juive contemporaine (Milan, Italie)
    • le Centre d’études judaïques Cardinal Bea et la Faculté d’histoire et de patrimoine culturel de l’Église, Université pontificale grégorienne (Rome, Italie)
    • Programmes sur l’éthique, la religion et l’Holocauste, au Jack, Joseph and Morton Mandel Center forAdvancedHolocaust Studies, U.S. Holocaust Memorial Museum (Washington DC, USA)
    • Institute for International Research Yad Vashem World Holocaust Remembrance Center (Jérusalem, Israël)
    • Center for Catholic-Jewish Studies, Saint Leo University (Saint Leo, Floride, États-Unis).

    La conférence internationale est parrainée par :

    • UCEI – Union des communautés juives d’Italie
    • Le Saint-Siège, Archives apostoliques du Vatican
    • Le Saint-Siège, Dicastère pour la culture et l’éducation
    • Le Saint-Siège, Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens
    • Département d’État américain, Bureau de l’envoyé spécial pour les questions relatives à l’Holocauste
    • Ambassade des États-Unis auprès du Saint-Siège
    • Ambassade d’Israël auprès du Saint-Siège
    • FSCIRE – Fondazione per le Scienze Religiose Giovanni XXIII (Fondation pour les sciences religieuses Giovanni XXIII)
    • RESILIENCE, https://www.resilience-ri.eu
    • AJC – Comité juif américain.
  • Le "Lynx" de Lodz : qui est le nouveau cardinal polonais ?

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    De Luke Coppen sur The Pillar :

    Le "Lynx" de Lodz : Qui est le nouveau cardinal de Pologne ?

    11 juillet 2023

    C'est un historien de l'Église. Il a 59 ans. Il est l'archevêque de ce qui est probablement la ville la plus mal prononcée de Pologne. Et maintenant, il est le premier nouveau cardinal du pays depuis cinq ans.

    Sur le plan institutionnel, le cardinal élu Grzegorz Ryś n'est pas le choix le plus évident pour une barrette rouge. L'archevêque de Poznań, Stanisław Gądecki, et l'archevêque de Cracovie, Marek Jędraszewski, respectivement président et vice-président de la conférence épiscopale polonaise, auraient semblé être des candidats plus probables pour le consistoire qui créera de nouveaux cardinaux le 30 septembre.

    Mais un rapide coup d'œil dans la vitrine d'une librairie catholique en Pologne vous donnera une idée de la raison pour laquelle le pape François a opté pour l'archevêque de Łódź (prononcé "Woodge"), plus jeune et moins expérimenté.

    Dans la vitrine, vous êtes susceptible de voir des volumes tels que la belle trilogie 2019 de livres "Puissance de la parole", "Puissance de la foi" et "Puissance de l'espoir", que Ryś décrit comme "un voyage à travers la Bible."

    La courte biographie figurant sur la couverture décrit Ryś comme un "auteur de nombreux best-sellers" qui est "connu pour sa proclamation constante de l'Évangile en tout lieu et en tout temps".  

    Parmi la cinquantaine de livres qu'il a publiés, on trouve des titres tels que "Il y a de la place pour tout le monde dans l'Église", "L'Église a-t-elle un sens ?" et, en 2023, "Chrétiens contre Juifs : De Jésus à l'Inquisition, 15 siècles de relations difficiles".

    Les livres du cardinal élu donnent une bonne indication de ses centres d'intérêt : L'engagement avec le monde séculier, l'œcuménisme et le dialogue interreligieux. Ils mettent surtout en évidence sa volonté d'évangéliser, en particulier auprès des jeunes, ce qui a été reconnu lorsqu'il a été invité en 2011 à devenir le premier président de la nouvelle équipe d'évangélisation des évêques polonais. Il a occupé ce poste pendant deux mandats de cinq ans.

    Grzegorz Ryś - dont le nom de famille se prononce "Rish" et signifie "lynx" en polonais - est né le 9 février 1964 à Cracovie, la légendaire "ville des saints" de Pologne, où le futur pape Jean-Paul II a été archevêque.

    Ryś a été ordonné prêtre de l'archidiocèse de Cracovie en 1988 à la cathédrale royale du Wawel. En 1994, il a obtenu un doctorat avec une thèse sur la piété populaire médiévale polonaise et, en 2000, il a obtenu une habilitation, le plus haut grade universitaire polonais, avec un travail sur le théologien tchèque Jan Hus, qui a été brûlé sur le bûcher pour hérésie en 1415.

    Il a été directeur des archives du chapitre cathédral de Cracovie de 2004 à 2007. Il a ensuite été recteur du grand séminaire de l'archidiocèse jusqu'en 2011. Cette année-là, il a été nommé évêque auxiliaire de Cracovie, avec pour devise "Virtus in infirmitate" ("La force dans la faiblesse").

    Il a rédigé les réflexions utilisées lors du chemin de croix des Journées mondiales de la jeunesse de Cracovie en 2016. Un an plus tard, il a été choisi pour diriger l'archidiocèse de Łódź, qui dessert environ 1,3 million de catholiques dans la ville surnommée le "Manchester polonais" parce qu'elle était autrefois une locomotive de l'industrie textile.

    En 2018, Ryś a lancé un synode dans son archidiocèse, après quoi il a établi un centre de formation des diacres permanents, une école pour les catéchistes et un séminaire Redemptoris Mater lié au Chemin néocatéchuménal.

    En 2019, il reçoit un prix d'un organisme de promotion de la langue polonaise, qui loue ses homélies pour leur "naturel", leur clarté et leur "absence de jargon théologique".

    En 2020, Ryś est nommé administrateur apostolique du diocèse polonais de Kalisz, suite à la démission de l'évêque Edward Janiak, qui aurait fait preuve de négligence dans le traitement de cas d'abus. La même année, il a été nommé membre de la Congrégation pour les évêques du Vatican.

    Ryś est le premier nouveau cardinal polonais depuis le cardinal aumonier du pape Konrad Krajewski en 2018, qui était lui-même le premier depuis le cardinal Kazimierz Nycz de Varsovie en 2010. Avec le cardinal Stanisław Ryłko, la Pologne comptera désormais quatre cardinaux habilités à voter lors d'un prochain conclave.

    Il n'est pas facile de situer les dirigeants de l'Église polonaise sur l'échiquier ecclésial gauche-droite privilégié en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Mais une sélection de citations tirées d'entretiens que Ryś a accordés à l'hebdomadaire catholique polonais Gość Niedzielny suggère qu'il est bien en phase avec les préoccupations du pape François.

    "Je pense que nous sommes à un point où le Saint-Esprit nous appelle à dé-cléricaliser l'Église partout où nous le pouvons ", a-t-il déclaré dans une interview datant de 2022. "L'Église ne devrait pas être cléricale du tout."

    "Nous devons examiner attentivement les lieux où le prêtre est absolument irremplaçable et doit servir, et les lieux où un laïc, rempli des dons appropriés de l'Esprit Saint, peut entreprendre un ministère." 

    "C'est ce que nous apprenons dans l'Église synodale. Cette synodalité ne consiste pas à s'asseoir une fois par mois avec une petite équipe et à discuter de l'Église. Il s'agit d'une responsabilité partagée, d'une communion en action."

    Le 7 juillet, Mgr Ryś a été désigné comme l'une des personnes nommées par le pape au synode sur la synodalité d'octobre prochain.

    Dans un profil informatif publié le 10 juillet par l'hebdomadaire catholique Niedziela, Tomasz Królak a écrit que Ryś invitait "tout le monde à la conversation", quel que soit leur niveau de piété. 

    "Il établit des diagnostics importants, pose des questions pertinentes, décrit les défis avec audace et ne craint pas les réponses difficiles", a déclaré M. Królak. "C'est probablement la raison pour laquelle sa voix est écoutée attentivement non seulement par les catholiques, mais aussi par tous ceux qui prennent leur vie spirituelle au sérieux.

    M. Królak a noté que le cardinal élu comprenait intuitivement les luttes des jeunes.

    "Il est certainement l'un des évêques qui comprend le mieux les jeunes, mais pas seulement ceux qui se sentent liés à l'Église et participent à des pratiques religieuses", écrit-il. "Il semble vraiment comprendre leurs espoirs et leurs craintes, leurs rêves, mais aussi leurs sources de déception. 

    "Il leur parle dans différents forums, en les invitant à de petites réunions à la Curie ou en prenant la parole lors de grands rassemblements. Il tente de les convaincre que l'Évangile leur est également destiné et qu'il décrit aussi leurs questions et leurs luttes intérieures. 

    "S'adressant aux milliers de participants à la rencontre de jeunes de cette année à Lednica, il a affirmé que Dieu, qui se révèle en Jésus-Christ, aime chaque personne toujours, librement, inconditionnellement, de manière désintéressée, fidèlement et pas seulement 'pour quelque chose' - en dépit de tout."

    Ryś a dirigé avec enthousiasme des pèlerinages à pied au monastère de Jasna Góra à Częstochowa, où se trouve l'image très vénérée de la Vierge noire en Pologne. 

    Les personnes qui le connaissent témoignent de son sens de l'humour. Lors d'un pèlerinage à pied, il a diverti les pèlerins en leur racontant l'histoire d'un berger des Tatras, en Pologne, qui était assis avec ses moutons dans un pré lorsqu'un mystérieux étranger est arrivé.

    Marchant à vive allure sous le passage des camions, Ryś explique que le visiteur, qui portait un costume et une mallette, a demandé au berger de lui donner un mouton s'il évaluait correctement la taille de son troupeau. Lorsque le berger a accepté, l'étranger a deviné le nombre correctement et a choisi son mouton.

    Le berger a alors demandé s'il pouvait récupérer son mouton s'il devinait l'identité du visiteur. L'étranger accepta et le berger suggéra avec assurance qu'il était un spécialiste de l'agriculture envoyé par la puissante Union européenne.

    Le visiteur, surpris, demanda au berger comment il le savait.

    "Parce que vous avez pris mon chien de berger", répondit-il.

    Les pèlerins applaudissent Ryś à tout rompre et poursuivent leur chemin.

  • Quand Kundera rappelait aux Européens l’importance de leur héritage culturel

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    D'Eugénie Bastié sur le Figaro via artofuss.blog :

    Quand Milan Kundera rappelait aux Européens l’importance de leur héritage culturel

    12 juillet 2023

    DISPARITION – Alors qu’on vient d’apprendre la mort de l’écrivain tchèque, nous republions cette recension de deux textes majeurs où Kundera abordait sans complexe la nécessité de l’identité nationale.

    Cette chronique a été initialement publiée dans le Figaro Histoire de décembre 2021.

    "La Pologne n’a pas encore péri" : tel est le bouleversant premier vers de l’hymne national polonais. Loin des marches martiales des nations cossues de l’Ouest, cet appel à la résistance face à une disparition perpétuellement imminente est, pour Milan Kundera, exemplaire de la mentalité même des petites nations d’Europe de l’Est. Alors qu’un gouffre d’incompréhension ne cesse de se creuser entre une Europe de l’Ouest libérale, ouverte à tous vents, et une Europe de l’Est illibérale, désireuse de protéger farouchement ses frontières, la lecture de deux textes de l’écrivain tchèque, opportunément réédités par les éditions Gallimard, est précieuse.

    À lire aussi : Milan Kundera et le pouvoir subversif de l’ironie

    Toutes les petites nations valent-elles d’être sauvées? C’est la question que se posait Kundera dans un discours prononcé au Congrès des écrivains tchécoslovaques en 1967, dans un contexte de brève libération culturelle qui allait être brutalement brisée l’année suivante lors du printemps de Prague. Il rappelait le dilemme posé aux intellectuels praguois du XIXe siècle, qui s’étaient interrogés sur l’opportunité de la survie de la langue et de la nation tchèques: cela en valait-il la peine? Ne valait-il pas mieux accepter la germanisation, l’intégration dans l’ensemble culturel plus vaste de la Grande Allemagne?

    «Les leaders du renouveau tchèque ont lié la survie de la nation aux valeurs culturelles que cette dernière devrait produire», affirme Kundera. Parce que l’existence d’une production culturelle unique, irremplaçable, leur était apparue comme la seule raison de sauvegarder, en définitive, la nation. Face à la volonté d’acculturation soviétique, il était dès lors vain de prétendre sauver l’indépendance de la nation, si l’on ne maintenait pas, d’abord, vivante la culture qui en est la justification. Son effacement produirait au contraire nécessairement celui de la nation, avertissait Kundera, qui allait le vérifier lors de son exil en France en 1975, où il constaterait, amer, qu’à «Paris, même dans le milieu tout à fait cultivé, on discute pendant les dîners des émissions de télévision et non pas des revues».

    « La petite nation est celle dont l’existence peut être à n’importe quel moment mise en question, qui peut disparaître, et qui le sait – Milan Kundera

    Le second texte, Un Occident kidnappé, a été publié en 1983 dans la revue Le Débat. L’auteur de L’Insoutenable légèreté de l’être entendait rappeler que l’Europe centrale n’appartenait pas au bloc soviétique mais à l’Occident, historiquement et culturellement. Pour ces petites nations – la Pologne, la Hongrie, la Bohême-Moravie (future République tchèque) -, l’Europe n’est pas un ensemble géographique, encore moins un système de valeurs abstraites, mais une réalité culturelle.

    Au moment même où les intellectuels de Saint-Germain-des-Prés entendaient noyer sans regret une France ringarde dans le grand bain multiculturaliste, abolissaient toute référence aux racines chrétiennes et célébraient une Europe du marché (1983 est l’année du tournant libéral et européiste de Mitterrand), l’écrivain abordait sans complexes la nécessité de l’identité nationale. Écrasés entre l’Allemagne et la Russie, ces petits pays, qui ont donné au XIXe siècle une effervescence culturelle prodigieuse (songeons à la musique européenne qui serait peu de chose sans elles), se sont toujours posé la question de leur survie.

    À lire aussi Milan Kundera fait don de sa bibliothèque personnelle à Brno, sa ville natale

    «La petite nation est celle dont l’existence peut être à n’importe quel moment mise en question, qui peut disparaître, et qui le sait», écrit Kundera. «Toutes les nations européennes risquent de devenir bientôt petites nations et de subir leur sort», prédisait-il.

    Nous y sommes. Coincés entre les mastodontes chinois et américain, hantés par le vide spirituel, le déclassement économique et la submersion migratoire, nous sommes tous devenus tchèques, hongrois et polonais. Le patriotisme de conquête d’un Bonaparte a laissé place au «patriotisme de compassion» prôné par Simone Weil, le «sentiment de tendresse poignante pour une chose belle, précieuse, fragile et périssable». 

    Pour le pire comme pour le meilleur. Car, ce que nous enseigne également l’Est, c’est que l’adversité est aussi l’aiguillon du génie culturel et de la résistance politique.

    Dans deux textes opportunément réédités, Milan Kundera liait la survie des petites nations d’Europe centrale à leur capacité à maintenir leur culture vivante. Elles ont pour nous, aujourd’hui, valeur d’exemple.

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    Un Occident kidnappé. Ou la tragédie de l’Europe centrale, Milan Kundera, Gallimard  Gallimard

  • Papabili, dérives allemandes, idéologie du genre... : un nouveau numéro du magazine Cardinalis très instructif

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    Le nouveau numéro, accessible en ligne, du magazine Cardinalis propose un entretien avec le cardinal Arinze, qui estime que l’épiscopat allemand s’engage dans la voie de l’hérésie et du schisme, une longue analyse sur le pape et l’idéologie du genre, prônée par un certain nombre de prélats dont le fameux jésuite Martin, un portrait du cardinal Koch, ainsi qu’une liste des cardinaux papabili, que voici (cliquer sur l'image pour l'agrandir):

  • Un Soljenitsyne italien

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    De Caterina Maniaci sur ACI Stampa:

    Cent'anni di Eugenio Corti, che trovò un senso al male disumano nel mondo

    Lectures : le cas Eugenio Corti

    Cette année marque le 40e anniversaire de la première édition du "Cheval rouge", le chef-d'œuvre de Corti, publié en 1983.

    30 juin 2023

    Le "cas" Eugenio Corti peut se résumer en quelques mots : un grand écrivain, selon certains spécialistes internationaux le plus grand écrivain italien depuis les années 50, avec un lectorat en constante augmentation, mais presque ignoré par les critiques italiens. Un écrivain à contre-courant, à l'écriture tranchante et classique, ancré dans la réalité, dans la terre (en particulier sa Brianza) et le regard tourné vers le haut. Quoi de plus désuet et démodé ? Si peu adaptable, diffusable, réductible, et pourtant toujours capable d'attirer, de donner des réponses à cet inépuisable désir de sens. Cette année marque le 40e anniversaire de la première édition du "Cheval rouge", le chef-d'œuvre de Corti, publié en 1983. 

    La maison d'édition Ares, qui a toujours édité et publié ses œuvres, a voulu commémorer cet anniversaire et, pour l'occasion, Elena Rondena, professeur à l'Université catholique de Milan, a illustré l'exposition avec laquelle les Rencontres de Rimini (20-25 août) rendront hommage à l'écrivain et à son chef-d'œuvre littéraire. Corti est né à Besana en Brianza en 1921 et y est décédé en 2014 ; la Brianza, disions-nous, comme lieu de vie, de formation, d'inspiration, la terre d'où a jailli l'épopée du Cheval rouge, un roman qui a démontré, entre autres, que la littérature italienne peut atteindre la "longue foulée" d'un Tolstoï ou d'un Dostoïevski. Ses œuvres de fiction sont, outre "Il cavallo rosso", "I più non ritornano", "Gli ultimi soldati del re", "Il Medioevo e altri racconti" et les "Racconti per immagini", "Catone l'antico", "La terra dell'indio" et "L'isola del paradiso". À l'époque, il a écrit le drame "Procès et mort de Staline", qui a été très bien accueilli. En 2015, le volume "Je reviendrai" rassemble sa correspondance de la campagne de Russie ; en 2019, "Je veux ton amour" rassemble ses épîtres avec sa future femme Vanda, qui est également l'éditrice du volume ; en 2021, "Chacun est pressé par sa Providence" rassemble ses journaux intimes de 1940 à 1949.

    Préjugés idéologiques pendant longtemps, non-appartenance aux bons cercles, puis inattention, Corti semblait, et semble encore, dans l'ombre. Et pourtant... Ainsi, comme le rappelle Alessandro Zaccuri dans un article de l'Avvenire, "ses funérailles, célébrées dans la basilique à côté de laquelle se dresse le monument inspiré du Cheval rouge, avaient été un événement populaire bien plus qu'un événement de foule : la convocation d'une communauté de lecteurs qui avaient reconnu dans les pages d'Eugenio Corti leur propre vision du monde et leur propre expérience de la vie. En un mot, leur propre foi, qui était alors la foi inébranlable et obstinée des "paolotti", comme l'écrivain continuait à les appeler avec fierté, faisant justice au préjugé qui confinait le christianisme des "simples" aux marges de l'histoire.

    Oui, la foi, au centre de tout, la reconnaissance d'une communauté puis d'un peuple, dans la manière de vivre et donc d'écrire de ce Briançonnais sobre et vif, réservé mais plein d'élans et de fulgurances, premier des dix enfants d'une famille qui avait créé une solide entreprise industrielle.

    Formation religieuse et culturelle rigoureuse, université catholique, participation à la tragique campagne de Russie... Ses débuts d'écrivain avec I più non ritornano, mémoire de la retraite du Don, datent de 1947. Corti se fait connaître et apprécier dans le climat littéraire effervescent, et pas seulement, de l'après-guerre, mais se heurte ensuite aux idéologies dominantes, notamment lorsqu'il écrit et publie en 1962 le presque prophétique Procès et mort de Staline. La marginalisation est décrétée et promulguée. Mais Corti ne s'inquiète pas, il se met à l'écart pour préparer son chef-d'œuvre, ce "Cavallo rosso" (Cheval rouge) qui paraît en 1983, méticuleusement sédimenté, distillé entre souvenirs personnels et "lecture" d'événements historiques dans sa maison de Besana, avec sa femme Vanda toujours à ses côtés.

    Une épopée, une œuvre épique, rare dans notre panorama littéraire, d'une grande ampleur et surtout largement ouverte à une dimension spirituelle, de l'Histoire et des histoires de chaque personnage, le long d'un cycle historique si exigeant de 1940 à 1974. Foi, cohérence, guerre, violence, mort, amour, désillusion, désespoir : les grands thèmes éternels ne sont pas banalisés, éludés, réduits à des formules, mais joués à fond, dans la tension d'une écriture élaborée mais directe, comme de l'argile travaillée et modelée sur une longue période. Ce n'est pas un hasard si des auteurs comme Tolstoï et Dostoïevski ont été cités, avec des pierres angulaires de la littérature mondiale comme Guerre et Paix et Les Frères Karamazov. Mais aussi, bien sûr, les Promessi Sposi (Les Fiancés) de Manzoni, même si les différences sont nombreuses, y compris sur le plan théologique, si l'on peut dire, entre les deux auteurs. Plus de mille pages pour plonger dans une vision du monde, une lecture qui pénètre, interroge. Plus qu'une lecture, une expérience.

    Presque ignoré des circuits officiels en Italie, en France, en revanche, il devient rapidement un roman culte, traduit, diffusé, étudié, aimé. Mais là aussi, il s'est peut-être produit quelque chose d'inattendu : grâce à un bouche-à-oreille actif, sa notoriété s'est consolidée au fil du temps, ses lecteurs se sont multipliés et se sont attachés avec ténacité à l'écrivain, comme s'il était une présence concrète et réelle dans leur vie. Les centaines de lettres reçues au fil du temps en témoignent. On sort des pages de Il Cavallo Rosso comme d'un long voyage, même à l'intérieur de soi, illuminé par la certitude d'un sens authentique de ce qui se passe et nous entoure.