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Débats - Page 22

  • « Luce », mascotte d'un catholicisme débile

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    De George Weigel sur le CWR :

    « Luce », mascotte d'un catholicisme débile

    Peut-être que les personnes à Rome qui nous ont donné cette mascotte idiote pourraient prendre un moment pour réfléchir au succès des initiatives de la Nouvelle Evangélisation qui, en fait, amènent de jeunes adultes au Christ aux Etats-Unis.

    4 décembre 2024

    La Porte Sainte est l'entrée la plus au nord de la basilique Saint-Pierre au Vatican. Elle est fermée par du ciment et n'est ouverte que pour les années jubilaires (Image : Wikipedia) : à droite : La mascotte officielle de l'année jubilaire 2025 de l'Église catholique s'appelle « Luce », ce qui signifie « lumière » en italien. (Crédit : Simone Legno / tokidoki/Vatican Media)

    Pendant les années où il a enseigné la théologie fondamentale à l'Université pontificale grégorienne de Rome, Salvatore « Rino » Fisichella a souvent été cité par les séminaristes américains comme leur professeur préféré - un représentant de l'orthodoxie dynamique dont le style engageant en classe était un soulagement béni par rapport aux méthodes austères de l'académie romaine. Plus tard, après la publication par le pape Jean-Paul II de Fides et Ratio [Foi et raison], l'encyclique de 1998 qui a fait se retourner Voltaire dans sa tombe, la plaisanterie à Rome était que, compte tenu des rédacteurs probables du texte, le « F » et le « R » de Fides et Ratio signifiaient « Fisichella » et « Ratzinger ». Ordonné évêque en 1998 par le grand cardinal Camillo Ruini, vicaire de Jean-Paul pour Rome, Fisichella a joué un rôle clé dans l'élaboration du contenu du Grand Jubilé de 2000, après quoi il a été un recteur efficace de l'Université pontificale du Latran et un avocat éloquent en tant que président de l'Académie pontificale pour la vie.

    Alors que faisait cet éminent homme d'église, théologien et administrateur compétent, le 28 octobre dernier, en essayant d'expliquer lors d'une conférence de presse au Vatican pourquoi le Jubilé de 2025 avait besoin d'une mascotte nommée « Luce » [italien pour « lumière »], qui avait l'air d'avoir été conçue dans une classe d'art de sixième année spécialisée dans la caricature ?

    En parcourant rapidement un commentaire sur « Luce », j'ai d'abord pensé que l'auteur avait qualifié la mascotte d'« asinine », ce qui était assez vrai ; en y regardant de plus près, cependant, « Luce » est ce qu'on appelle un personnage d'« anime », un genre d'« art » généré par ordinateur dans lequel les personnalités mignonnes se caractérisent généralement (selon une source que j'ai consultée) par de « grands yeux émotifs ». C'est certainement le cas de « Luce ». Mais les yeux de l'archevêque Fisichella étaient encore plus tristes lors de la conférence de presse, alors qu'il tentait de faire valoir que « Luce » reflétait le désir de l'Église « de vivre au sein même de la culture pop tant aimée par nos jeunes ».

    Il s'agit là d'une prise de position en faveur de l'équipe. Mais l'équipe de quoi ?

    En quoi le fait de réduire le catholicisme à des personnages d'animation (j'ai failli écrire « asins » !) va-t-il attirer les jeunes adultes vers le Christ ? Jean-Paul II était un joueur de flûte pour les jeunes et il n'a jamais, jamais abruti les choses. Il a rendu la foi accessible, certes, mais il n'a jamais abruti le catholicisme. Il a lancé des défis, mais il n'a jamais été complaisant. À Westerplatte, en Pologne, en 1987, il n'a pas fait appel à la culture pop, mais à l'exemple inspirant des jeunes soldats polonais qui ont repoussé l'assaut allemand sur cette péninsule au cours de la première semaine de la Seconde Guerre mondiale.

    Nous avons parcouru un long chemin depuis les extraordinaires fresques de Michel-Ange sur le plafond de la chapelle Sixtine jusqu'à « Luce ». Nous avons parcouru un chemin encore plus long depuis la magnifique homélie de Jean-Paul II lors de l'achèvement de la restauration de ces fresques - dans laquelle le pape parlait de la Sixtine comme du « sanctuaire de la théologie du corps » - jusqu'à l'idée qu'un personnage d'anime vaguement androgyne, bien que prétendument féminin, va amener les jeunes adultes au Christ.

    Le Jubilé 2025 n'est pas célébré simplement parce qu'un autre quart de siècle s'est écoulé et que les portes saintes des quatre basiliques papales de Rome peuvent être ouvertes, que les pèlerins peuvent affluer vers la Ville éternelle, que les indulgences peuvent être accordées et que l'économie touristique de l'Italie peut s'emballer. Non, 2025 est le 1700e anniversaire du premier concile de Nicée, un événement d'une importance capitale pour l'histoire du christianisme. C'est en effet à Nicée I que l'Église a affronté de front la menace de l'arianisme, qui niait la divinité du Christ et remettait ainsi en cause les deux doctrines fondamentales de la foi, l'Incarnation et la Trinité. Si les ariens l'avaient emporté à Nicée - et ils avaient fait un excellent travail de propagation de leur hérésie dans tout le monde méditerranéen - le christianisme tel que nous le connaissons n'existerait pas. La victoire du parti de l'orthodoxie à Nicée I mérite donc d'être célébrée en ce jour anniversaire.

    Mais avec « Luce » ? S!il vous plaît !

    Au cours de l’année du Jubilé, peut-être les gens de Rome qui nous ont donné cette idiotie de mascotte pourraient-ils prendre un moment pour réfléchir au succès des initiatives de Nouvelle Évangélisation qui, en fait, amènent les jeunes adultes à Christ aux États-Unis, y compris les ministères dynamiques sur les campus comme ceux de  Texas A&M ,  de North Dakota State et de l’  Université du Maryland-Baltimore County ; l’ Institut thomiste  et  Aquinas 101 dirigés par les Dominicains  ; et le travail dirigé par les jeunes de l’  Institut Augustin  et  de Word on Fire Ministries . Le catholicisme abrutissant, se vautrant dans le kitsch, n’intéresse personne – et certainement pas un jeune adulte qui s’interroge sérieusement. Le catholicisme dans son intégralité l’est, car comme on nous l’a enseigné il y a longtemps, « la vérité vous rendra libres » (Jn 8.32).

    J'imagine que saint Athanase et les vainqueurs de Nicée seraient d'accord.

  • « Foi et raison, reprenons la leçon de saint Jean-Paul II ».

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    D'Antonio Tarallo sur la NBQ :

    « Foi et raison, reprenons la leçon de saint Jean-Paul II ».

    « Jean-Paul II soutenait que la raison sans la foi risque de tomber dans le nihilisme. Tandis que la foi sans la raison peut glisser vers le fanatisme ». La Bussola s'entretient avec le professeur Mariusz Kuciński, directeur du Centre d'études Ratzinger. La recherche de la vérité. Et le nœud IA.

    3_12_2024

    Du 26 au 29 novembre, les Journées de saint Jean-Paul II se sont tenues à Rome, organisées conjointement par la Fondation Jean-Paul II, l'Université pontificale de Cracovie et l'église et l'hospice Saint-Stanislas dans la Ville éternelle, sous le patronage du Dicastère du Saint-Siège pour la culture et l'éducation. Il s'agissait d'un moment de réflexion précieux et très actuel sur la pensée théologique du pontife polonais. L'événement s'est inspiré des Journées Jean-Paul II à Cracovie, où des conférences consacrées au magistère du pape Wojtyła sont organisées chaque année depuis près de vingt ans.

    Le thème de cette première édition « italienne » était : Foi et raison dans la pensée de saint Jean-Paul II. Quatre jours intenses de débats et de symposiums ont vu la participation de plusieurs universités pontificales telles que la Grégorienne, l'Angelicum (St. Thomas d'Aquin) et la Sainte-Croix. Parmi les intervenants figurait le professeur Don Mariusz Kuciński, directeur du Centre d'études Ratzinger et membre de l'Académie de Cuivie-Poméranie à Bydgoszcz. La Nouvelle Boussole l'a interviewé.

    Professeur Kuciński, quel était le sens de la foi pour Saint Jean-Paul II ?

    Saint Jean-Paul II considérait la foi comme le cœur battant de la vie humaine, non seulement comme un acte individuel de confiance en Dieu, mais aussi comme le fondement même de l'être humain. Dans son encyclique Fides et ratio, il souligne que la foi et la raison sont « les deux ailes avec lesquelles l'esprit humain s'élève à la contemplation de la vérité ». Cela montre à quel point la foi est profondément liée à la recherche humaine de la vérité. La foi est donc essentielle à l'épanouissement de l'homme.

    Et si l'on parle de foi, on ne peut pas ne pas parler de théologie.

    Oui, certainement. Pour Jean-Paul II, la théologie était étroitement liée à la pastorale et à l'évangélisation. Il voyait la théologie comme un instrument pour répondre aux questions profondes de l'homme contemporain. En lui, nous trouvons une théologie qui se devait d'être proche des gens. D'ailleurs, Jean-Paul II apportait le message théologique directement aux gens : on peut donc parler d'une théologie en action.

    Le rôle de la culture était très important pour le pape Wojtyła. Pourquoi joue-t-elle un rôle aussi fondamental dans le dialogue entre la foi et la raison ?

    La culture a été très importante dans le pontificat de Wojtyła : c'est en elle, selon Jean-Paul II, que l'homme peut exprimer son humanité et chercher le sens de la vie. Dans son magistère, nous avons la possibilité de comprendre comment la foi chrétienne peut enrichir chaque culture, et en même temps s'enrichir de la diversité culturelle. Jean-Paul II, dans Fides et ratio, un document magnifique et très actuel, a affirmé que la raison sans la foi risque de tomber dans le nihilisme. Tandis que la foi sans la raison peut glisser vers le fanatisme. Pour lui, la philosophie et la théologie doivent dialoguer pour répondre aux questions humaines fondamentales. En outre, il a abordé des questions morales complexes, telles que la bioéthique, la famille et la sexualité, en plaçant toujours la dignité de la personne au centre.

    Qu'est-ce que Jean-Paul II a donné à l'Église de tous les temps, au monde ?

    Jean-Paul II a offert au monde une vision profonde et multiforme de la relation entre la foi, la théologie et la culture. Il a beaucoup insisté sur la nécessité d'un dialogue sincère entre l'Église et le monde contemporain, afin de répondre aux défis de la modernité. Point central : la dignité humaine. Dans son magistère, nous trouvons un équilibre parfait entre la foi et la raison, entre la tradition et l'ouverture au dialogue, entre l'identité chrétienne et le respect des autres cultures et religions. Nous devons considérer tout cela comme une source d'inspiration pour les croyants et pour tous ceux qui cherchent des réponses aux grandes questions de l'existence humaine. 

    Nous vivons aujourd'hui une époque où divers aspects de la société semblent nier la vérité. Et nous savons combien Jean-Paul II a pris cette question à cœur. Comment l'encyclique Fides et ratio peut-elle nous aider dans ce moment historique ?

    Nous vivons une époque où la société nie la vérité. Je pense en particulier au milieu universitaire. On dit : la vérité, même si elle est là, nous ne pouvons pas la connaître en tant qu'hommes, et donc il ne sert à rien de la chercher. Je parlerais d'une certaine méfiance : « ça ne m'intéresse pas », dit-on aujourd'hui.  En ce moment de l'histoire, il semble vraiment que la science n'aide pas à la chercher : ces milieux ne veulent pas la chercher ! L'encyclique nous aide à voir que c'est Dieu qui fonde la dignité humaine, et pour cela nous avons besoin des deux ailes qui sont soulignées dans le document papal : la foi et la raison.

    Dans le contexte actuel, un certain débat sur l'intelligence artificielle (IA) est désormais répandu dans la société et dans l'Église. Fides et ratio peut-elle nous aider à comprendre les potentialités et les risques de l'IA elle-même ?

    Évidemment, l'encyclique n'a pas parlé de l'IA, mais elle parvient à nous donner une aide précieuse pour évoluer dans ce monde moderne qui apporte ces différentes possibilités de développement humain. Il existe un document sur les nouvelles technologies écrit par Jean-Paul II quelques mois avant sa mort, la lettre apostolique Le développement rapide (2005) : dans ce document, le pontife nous dit que les nouveaux médias sont des dons de Dieu. C'est vrai : ce sont des dons de Dieu. Le Seigneur nous donne la possibilité de vivre avec l'IA de différentes manières et cela peut, en principe, nous aider à mieux vivre. Mais pour pouvoir utiliser au mieux l'IA, il est important de connaître sa nature : nous devons apprendre à connaître ce don de Dieu que nous ne connaissons pas encore bien. Et il est nécessaire d'apprendre à utiliser l'IA de manière à ce qu'elle soit source de développement et non de destruction ou de préjudice, car elle pourrait en même temps comporter d'énormes risques. Fides et ratio nous donne la dignité humaine comme fondement : un moyen de développement technologique qui ne la reconnaît pas ne peut être que contre l'homme. Si nous avons une vision de l'homme comme un robot, alors nous enlevons la dignité humaine. Tout moyen qui enlève ou nie la nature humaine est un moyen qui va contre l'homme. Jean-Paul II nous a appris à toujours mettre l'homme au centre : il suffit donc d'être attentif aux développements de ce grand phénomène qu'est l'intelligence artificielle. L'Église peut et doit indiquer sa direction dans ce domaine. Et la direction est celle que Jean-Paul II nous a indiquée dans son Magistère pétrinien. L'œuvre de Jean-Paul II représente un trésor de sagesse et d'humanité, une invitation à ne pas craindre les défis du présent, mais à les affronter avec confiance, sachant que la foi éclaire la raison et que la culture enrichit l'expérience humaine de la recherche de Dieu.

  • Pour en revenir à la question "tradi"

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    L'éditorial de Christophe Geffroy, numéro 375 de La Nef (décembre 2024) :

    Retour sur la question « tradi »

    Le cardinal Ratzinger, défenseur de « l’herméneutique de la réforme dans la continuité » (en 1992) © Domaine public

    ÉDITORIAL

    Christophe Geffroy revient ici sur deux points très sensibles dans un certain monde « tradi » : la réception du concile Vatican II et la réforme liturgique qui en est issue. Dans les débats qui ont cours et les légitimes discours critiques, tout l’enjeu est d’envisager le magistère sans rupture fondamentale. Quels garde-fous et quel état d’esprit devons-nous faire nôtres dans ces débats ?

    (...)

    Deux points fondamentaux

    La question « traditionaliste » tourne autour de deux points fondamentaux : celle du concile Vatican II et du magistère qui a suivi ; et celle de la réforme liturgique menée par Paul VI. Le concile marque-t-il une rupture dans l’enseignement traditionnel de l’Église, notamment sur la liberté religieuse ou l’œcuménisme ? Et la messe dite de Paul VI est-elle « déficiente » au point d’être un danger pour la foi ? Au point donc de ne pouvoir être célébrée par les prêtres et fréquentée sans dommages par les fidèles ? On sait que pour la Fraternité Saint-Pie X (FSPX), la réponse à ces deux questions est claire et nette : il y a une rupture doctrinale qui se produit avec le concile, lequel est ainsi rejeté ; et la messe réformée, qualifiée par Mgr Lefebvre de « messe de Luther », est jugée quasiment hérétique, « incélébrable », si bien que les fidèles sont appelés à rester chez eux le dimanche s’ils n’ont à disposition que cette liturgie réformée.

    Historiquement, Mgr Lefebvre ne s’est pas contenté de maintenir l’ancienne messe, il est parti en guerre contre le concile Vatican II et la réforme liturgique, c’est cela qui a braqué le pape Paul VI contre lui. Mgr Lefebvre a souvent soufflé le chaud et le froid, le « froid » atteignant parfois une violence inouïe. À maintes reprises, Paul VI a demandé à Mgr Lefebvre de rétracter sa sulfureuse déclaration du 21 novembre 1974 où il disait notamment : « Nous refusons… et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues. » Et à propos de la réforme liturgique : « Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l’hérésie et aboutit à l’hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d’adopter cette Réforme et de s’y soumettre de quelque manière que ce soit. » Mgr Lefebvre a toujours refusé de retirer ses propos et ses successeurs, encore aujourd’hui, se réclament de cette déclaration.

    Le débat dans l’Église

    En Église, cette position ne relève pas d’un débat : le refus global d’un concile œcuménique, du magistère ordinaire universel depuis plus d’un demi-siècle et d’une réforme liturgique qui serait un poison donné aux fidèles est ecclésialement injustifiable et intenable, une telle attitude ne peut que jeter un doute sur l’indéfectibilité de l’Église (cf. Mt 16, 18). Cela ne signifie pas, toutefois, qu’il est interdit d’exprimer sa perplexité ou des critiques, l’Église n’est pas une caserne et n’impose pas une obéissance aveugle. Concrètement, l’obéissance à l’Église n’exclut pas un discernement éclairé sur la cohérence du magistère avec ses enseignements constants antérieurs. Mais le questionnement adressé à l’autorité n’est pas de même nature que celui qui régit les débats dans la sphère profane ou politique (1). Son esprit est censé être animé de bienveillance à l’égard du magistère, d’obéissance a priori acquise à l’autorité légitime, et finalement de confiance surnaturelle en l’Église qui est notre Mère, par-delà les incompréhensions parfois suscitées par certain personnel ecclésiastique du moment.

    Revenons au concile et à la messe. Les communautés traditionalistes en pleine communion avec Rome forment un monde qui est loin d’être uniforme ; néanmoins leur conception sur ces sujets n’est pas celle, extrême, de la FSPX. Elles reçoivent Vatican II avec plus ou moins d’enthousiasme et acceptent, soit de célébrer la messe actuelle, soit d’y communier lors de la messe chrismale. Sur la liberté religieuse, par exemple, le Barroux et la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier ont mené des études poussées montrant la continuité du magistère. Seule, me semble-t-il, une minorité dans ce monde « tradi » tient encore une ligne proche de la FSPX en refusant le concile et la messe.

    Assurément, l’une des difficultés aujourd’hui est l’absence de culture du débat sur les questions doctrinales ouvertes : prétendre imposer de force l’acceptation du concile et de la messe réformée sans entendre les objections n’est pas la bonne méthode. Mais force est de constater que des réponses argumentées ont été apportées aux critiques des traditionalistes, aussi bien par des théologiens privés, comme on l’a vu à propos de la liberté religieuse, que par le magistère (sur le subsistit in de Lumen gentium, par exemple, ou l’œcuménisme et le dialogue interreligieux avec Dominus Jesus, sans parler du Catéchisme de l’Église catholique). Et des colloques théologiques ont été organisés par Rome entre des théologiens mandatés par l’Église et ceux de la FSPX. Le débat doctrinal existe donc bel et bien, mais il n’a rien résolu à ce jour, car l’enjeu est davantage une nécessaire conversion des cœurs, de part et d’autre, que l’acceptation d’une démonstration théologique.

    Continuité ou rupture ?

    La question n’est pas de faire ou non des « concessions doctrinales » à propos des réformes de Vatican II. La question est de savoir si l’Église est crédible et propose ainsi un magistère cohérent et sans rupture dans la durée sur ce qui relève de la foi et des mœurs, les autres aspects pouvant dépendre d’une contingence historique qui admet des discontinuités. La question posée par Benoît XVI de « l’herméneutique de la réforme dans la continuité » n’est pas anecdotique, elle est au cœur de toute la problématique actuelle. Car si l’on juge qu’il y a une rupture – pour le déplorer comme certains traditionalistes (qui estiment le magistère infidèle à la Tradition), ou pour s’en réjouir comme certains progressistes (qui abhorrent le passé forcément obscurantiste) –, il faut alors admettre que l’Église s’est trompée sur des points essentiels, soit hier, soit aujourd’hui. La seule ligne ecclésiale conforme à l’essence de l’Église est de ne voir aucune rupture magistérielle, tout en reconnaissant de réelles nouveautés s’inscrivant dans un développement doctrinal homogène, ainsi que saint John Henry Newman l’a explicité, les ruptures ne concernant alors que des points contingents de la doctrine. Cela laisse la porte ouverte à un questionnement sur tel ou tel aspect du concile, non à son rejet.

    Il en va de même pour la réforme liturgique, comme Benoît XVI l’avait affirmé dans sa magnifique lettre accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum. Pour suivre ce pape, la défense – légitime – de la messe de saint Pie V doit être décorrélée du refus – illégitime – de la messe de Paul VI (et bien sûr du concile). Autrement dit, la défense de l’ancien Ordo ne doit pas signifier le rejet du nouvel Ordo et donc le refus de principe de le célébrer. Ces deux messes nous sont données par l’Église : il est compréhensible d’en préférer une, non d’écarter l’autre comme étant mauvaise.
    La nécessaire réconciliation liturgique est à ce prix.

    Christophe Geffroy

    (1) Cf. Congrégation pour la Doctrine de la foi, Donum Veritatis « Sur la vocation ecclésiale du théologien », le 25 mai 1990.

  • La thèse du pape illégitime, une fausse solution à la crise

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    De Mgr Athanase Schneider sur la NBQ :

    La thèse du pape illégitime, une fausse solution à la crise

    Les théories sur l'invalidité présumée de François proposent un faux diagnostic des maux de l'Église et un remède encore pire. Si elles étaient vraies, on aboutirait à une impasse avec de graves conséquences pour le salut des âmes, comme l'explique Mgr. Athanase Schneider dans cet écrit envoyé à La Bussola .

    28_11_2024

    Concernant la récente controverse sur la prétendue invalidité de la démission de Benoît XVI et de l'élection de François, nous publions une intervention, écrite pour La Bussola par Mgr. Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de la Très Sainte Marie à Astana (Kazakhstan).

    ***

    Le principe directeur le plus sûr dans cette question cruciale pour la vie de l'Église devrait être la pratique dominante avec laquelle les cas de renonciation ou respectivement d'élection pontificale présumée invalide ont été résolus. En cela, le sensus perennis ecclesiae s'est manifesté.
    Le principe de légalité appliqué ad litteram ou de positivisme juridique n'était pas considéré comme un principe absolu dans la grande pratique de l'Église, puisque dans le cas de la législation sur l'élection papale, il s'agissait d'une question de droit humain et non divin.

    La loi humaine qui régularise l'accession à la charge papale ou la démission de la charge papale doit être subordonnée au plus grand bien de toute l'Église, qui dans ce cas est l'existence réelle du chef visible de l'Église et la certitude de cette existence pour le corps tout entier de l'Église, clergé et fidèles, puisque cette existence visible du chef et sa certitude sont exigées par la nature même de l'Église. L'Église universelle ne peut exister longtemps sans chef visible, sans successeur de Pierre, puisque de lui dépend l'activité vitale de l'Église universelle, comme par exemple la nomination des évêques et des cardinaux diocésains, nominations qui nécessitent l'existence d'un pape valide. Le bien spirituel des fidèles dépend à son tour d'une nomination valide d'un évêque, car dans le cas d'une nomination épiscopale invalide (dûe à un pape prétendument invalide), les prêtres manqueraient de juridiction pastorale (confession, mariage). De là dépendent aussi les dispenses que seul le Pontife Romain peut accorder, ainsi que les indulgences : tout cela pour le bien spirituel et le salut éternel des âmes.

    L'acceptation de la possibilité d'une période prolongée de sedisvacantia papalis conduit facilement à l'esprit de sédévacantisme, un phénomène sectaire et quasi-hérétique apparu au cours des soixante dernières années en raison des problèmes liés au Concile Vatican II et aux papes conciliaires et post-conciliaires.

    Le bien spirituel et le salut éternel des fidèles constituent la loi suprême du système régulateur de l’Église. C'est pour cette raison qu'il existe le principe de « supplet ecclesia » ou « sanatio in radice » : c'est-à-dire que l'Église complète ce qui était contraire à la loi, dans le cas des sacrements, par exemple la confession, le mariage, la confirmation ou la charge des intentions des messes.

    Guidé par ce principe véritablement pastoral, l'instinct de l'Église a appliqué le « supplet ecclesia » ou la « sanatio in radice » même en cas de doutes sur une renonciation ou une élection pontificale. Concrètement, la « sanatio in radice » d'une élection papale invalide s'est exprimée dans l'acceptation pacifique et moralement universelle du nouveau Pontife par l'épiscopat et le peuple catholique, du même fait que ce Pontife élu (prétendument invalide) a été nommé dans le Canon de la Messe par pratiquement le tout le clergé catholique.

    L'histoire de l'Église est un enseignement sûr sur cette questionLa plus longue sedisvacantia papalis a duré deux ans et neuf mois (du 29 novembre 1268 au 1er septembre 1271). Il y eut évidemment des élections papales non valables, c'est-à-dire des prises de possession non valables de la fonction papale : par exemple, Grégoire VI devint pape parce qu'il avait acheté la papauté avec une grosse somme d'argent à son prédécesseur Benoît IX en l'an 1045. L'Église romaine l'a toujours considéré comme un pape valide et même Hildebrand de Soana, qui devint plus tard le pape saint Grégoire VII, considérait Grégoire VI comme un pape légitime. Le pape Urbain VI avait été élu sous d'énormes pressions et menaces de la part du peuple romain. Certains cardinaux électeurs craignaient pour leur vie. Telle était l'atmosphère de l'élection d'Urbain VI en 1378. Lors du couronnement du nouveau pape, tous les cardinaux électeurs lui ont rendu hommage et l'ont reconnu comme pape au cours des premiers mois. Cependant, après quelques mois, certains cardinaux, en particulier les Français, commencèrent à douter de la validité de l'élection en raison des circonstances menaçantes et de la pression morale qu'ils devaient subir. C'est pourquoi ces cardinaux élurent un nouveau pape qui prit le nom de Clément VII, un Français qui choisit Avignon comme résidence. C'est ainsi que commença l'une des crises les plus désastreuses de toute l'histoire de l'Église, le Grand Schisme d'Occident, qui dura près de quarante ans, déchirant l'unité de l'Église et portant un grave préjudice au bien spirituel des âmes. L'Église romaine a toujours reconnu Urbain VI comme un pape valide, malgré les facteurs invalidants avérés de son élection.

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  • Le 27 novembre 1095 : l'appel lancé pour porter secours aux chrétiens d'Orient et aux pèlerins

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    Du site "Pour une école libre au Québec" :

    27 novembre 1095 — Appel lancé pour porter secours aux chrétiens d'Orient et aux pèlerins

    C’était il y a près de mille ans. À la fin du XIe siècle, le royaume de France était en petite forme. Il ne représentait pas plus de deux ou trois fois l’actuelle région d’Île-de-France ; le domaine royal était bordé par Compiègne au nord, Orléans au sud, Dreux à l’ouest. Les Capétiens régnaient, mais, dit Jacques Bainville qui est indulgent, ce sont des « règnes sans éclat ». Qui se souvient de ces rois-là, les premiers héritiers du fondateur de la dynastie, Robert le Pieux, Henri Ier, Philippe Ier ? C’est à l’extérieur du royaume que les choses se passent. Chez les Normands en particulier : le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, a mis la main sur l’Angleterre (victoire de Hastings, en 1066, illustrée par la tapisserie de Bayeux), et ce sont aussi des Normands qui sont allés délivrer, à leur demande, les populations catholiques de l’Italie méridionale des expéditions sarrasines.


    « Les malheurs des pèlerins »

    Car c’est un temps de pèlerinages. Des foules de pèlerins chrétiens se déplacent en longues colonnes vers Rome ou Saint-Jacques-de-Compostelle, au nord de l’Espagne, venant manifester leur soutien aux dernières victoires de la Reconquista sur l’islam, après des siècles de conquêtes et de conversions musulmanes induites par des vexations et une forte taxation. Mais c’est le pèlerinage de Jérusalem, par terre et par mer, qui attire les fidèles les plus nombreux et les plus ardents, à partir des sols européens, notamment français. « Il crée une vie neuve, il marque la crise décisive où le vieil homme se dépouille », notent les chroniqueurs de l’époque.

    Ces mouvements de population de l’Occident vers les Lieux saints d’Orient créent des routes, des escales, des dispensaires ; ils développent des échanges de toute nature. Arrivés sur place, les pèlerins rencontrent d’autres chrétiens, d’ancienne tradition qui constitue encore une grande partie de la Syrie et de la Palestine, peut-être encore la majorité des habitants, mais aussi des musulmans. Les communautés prospèrent dans des quartiers séparés. Jusqu’à l’arrivée des Turcs seldjoukides. Les anciens « maîtres tolérants et policés venus d’Égypte font place à des fanatiques durs et tracassiers ». La conquête de Jérusalem par ces Turcs s’accompagne de la persécution et du massacre des chrétiens. Les pèlerins rentrent chez eux effrayés. La nouvelle enflamme la fin de ce XIe siècle. Les Seldjoukides se sont emparés de l’Arménie si lointainement chrétienne, de Smyrne, de Nicée, près de Constantinople.

    L’intervention des barons occidentaux permit de libérer de nombreuses villes (Nicée, Sardes, Tarse, Antioche) récemment conquises par les Turcs après la catastrophe de Manzikert en 1071

    L’Empire byzantin menace de disparaître. Une vague de fond soulève la chrétienté.

    L’Empire byzantin est confronté à l’avancée des Turcs seldjoukides. Depuis la désastreuse défaite subie à Manzikert l’arménienne en 1071, de nombreux territoires sont passés entre les mains de ces nouveaux musulmans venus d’Asie centrale et récemment convertis. Leur présence complique encore davantage le pèlerinage sur les Lieux saints qui connaît à l’époque un essor remarquable.

    Qui va délivrer le Saint-Sépulcre ? Les monarques en sont incapables, qu’ils soient trop faibles, comme le roi de France, qu’ils se disputent entre eux, et notamment avec l’empereur d’Allemagne, ou qu’ils contestent l’autorité de l’Église de Rome. C’est donc elle qui va se substituer à eux, cette Église de Rome qui révèle sa solidité en résistant au grand schisme d’Orient d’un côté et aux « antipapes » de l’autre. C’est elle qui peut porter secours aux chrétiens de Terre sainte. Mais avec quels moyens le peut-elle ? Quels hommes ? Quel argent ? Quelles armes ? Elle va les mobiliser.

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  • Une chaîne de télévision française condamnée à une amende pour avoir qualifié l'avortement de principale cause de mortalité dans le monde

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    Du site d'European Conservative (Hélène de Lauzun) :

  • Israël génocidaire ? Quand le Pape se lance dans la guerre des mots

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :

    Israël génocidaire ? Quand le Pape se lance dans la guerre des mots

    Selon Edith Bruck, l’écrivaine juive survivante de la Shoah qui a eu, il y a deux ans, la surprise de recevoir chez elle la visite du Pape François, ce dernier « n’a pas le contrôle de ce qu’il dit ». En particulier d’un mot : « génocide ».

    Mme Bruck faisait référence à ce que François avait déclaré dans son énième livre annoncé le 17 novembre en Italie par « La Stampa » et en Espagne par « El País » : « Je pense à ceux qui abandonnent Gaza au beau milieu de la famine qui frappe les frères Palestiniens face à la difficulté de faire entrer l’aide et la nourriture dans leur territoire. Selon certains experts, ce qui est en train de se passer à Gaza a les caractéristiques d’un génocide. Il faudrait analyser attentivement pour déterminer si cela s’inscrit dans la définition technique formulée par les juristes et les organismes internationaux. »

    Mais les faits interdisent de penser que le Pape aurait laissé échapper le mot « génocide » par erreur. Il y a un an, le 22 novembre 2023, il avait rencontré au Vatican la famille de Palestiniens détenus dans les geôles israéliennes et déjà à l’époque, aux dire de tous ceux qui étaient là, il avait qualifié de « génocide » l’attaque à Gaza en cours depuis quelques semaines seulement. Et une heure plus tard, à l’audience publique générale du mercredi, il avait ajouté de lui-même, s’écartant de son texte écrit, que « ce n’est pas faire la guerre, ça, c’est du terrorisme ».

    La secrétairerie d’État avait bien essayé d’ouvrir le parapluie. « Il est irréaliste que le pape ait parlé de génocide », avait déclaré le cardinal Pietro Parolin. Mais le 10 mai de cette année, les diplomates du Vatican ont à nouveau été mis en difficulté quand, place Saint-Pierre, à l’occasion d’une rencontre mondiale sur l’encyclique « Fratelli tutti », le Yéménite Tawakkol Karman, le prix Nobel de la paix 2011, a encore une fois accusé Israël de « nettoyage ethnique et de génocide ». Cette fois-là, le Vatican n’avait publié aucun rectificatif.

    Pareil après cette autre sortie du pape qui, comme les précédentes, est arrivée un peu par surprise, totalement à l’insu de la Secrétairerie d’État. Le cardinal Parolin s’était borné à commenter que : « il faut toujours étudier ces choses, parce qu’il y a des critères techniques pour définir le concept de génocide. Le pape a dit ce que nous avons toujours répété ».

    Alors qu’en revanche, certains ont lu bien plus que cela dans les déclarations du pape, comme l’archevêque et théologien Bruno Forte, qui lui était déjà proche pendant les premières années de son pontificat, et qui, dans une interview au « Corriere della Sera », a déclaré qu’il était juste « d’appliquer la définition de génocide à ce que le gouvernement israélien est en train de faire à Gaza », si l’en s’en tient à la manière dont les Nations Unies l’ont définie en 1948 : « l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe national ethnique, racial ou religieux en tant que tel ».

    Bref, en ce qui concerne le Pape, il s’agit davantage d’un choix délibéré qu’un accident verbal, avec la volonté de prendre part, en tant que protagoniste non neutre, à une controverse qui se fait de plus en plus vive, aussi bien chez les catholiques que chez les juifs, quant à savoir si Israël serait coupable non seulement de génocide mais également de nettoyage ethnique, d’« apartheid », de colonialisme oppresseur et de crimes contre l’humanité.

    Du côté juif, on peut citer Anna Foa, une historienne réputée, dont le dernier livre intitulé « Il suicidio d’Israele » lui a valu une grande interview dans les colonnes de « L’Osservatore Romano » du 13 novembre.

    Interpellée après la sortie du Pape sur le génocide, elle a déclaré à « La Stampa » que Jorge Mario Bergoglio a exprimé « un doute légitime » et que « même s’il ne s’agissait pas d’un génocide, ces dizaines de milliers de victimes palestiniennes à Gaza sont certainement un crime contre l’humanité ».

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  • "Les sept péchés contre le Saint-Esprit : une tragédie synodale" par le cardinal Müller

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    Du cardinal Gerhard Müller sur First Things :

    Les sept péchés contre le Saint-Esprit : une tragédie synodale

    L« Et quiconque a des oreilles, entend ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2, 11). Ce passage de l’Écriture est fréquemment cité pour justifier une soi-disant « Église synodale », un concept qui contredit au moins partiellement, sinon complètement, la conception catholique de l’Église. Des factions aux motivations cachées ont détourné le principe traditionnel de la synodalité, c’est-à-dire la collaboration entre les évêques (collégialité) et entre tous les croyants et pasteurs de l’Église (sur la base du sacerdoce commun de tous ceux qui sont baptisés dans la foi), pour faire avancer leur programme progressiste. En effectuant un virage à 180 degrés, la doctrine, la liturgie et la moralité de l’Église catholique doivent être rendues compatibles avec une idéologie néo-gnostique éveillée. 

    Leurs tactiques sont remarquablement similaires à celles des anciens gnostiques, dont Irénée de Lyon, élevé au rang de docteur de l’Église par le pape François, a écrit : « Au moyen de leurs plausibilités astucieusement construites, ils détournent l’esprit des inexpérimentés et les prennent en otage. . . . Ces hommes falsifient les oracles de Dieu et se révèlent de mauvais interprètes de la bonne parole de la révélation. Au moyen de paroles spécieuses et plausibles, ils incitent astucieusement les simples d’esprit à s’interroger [sur une compréhension plus contemporaine] » jusqu’à ce qu’ils soient incapables « de distinguer le mensonge de la vérité » ( Contre les hérésies , livre I, préface). La révélation divine directe est utilisée comme arme pour rendre acceptable l’auto-relativisation de l’Église du Christ (« toutes les religions sont des chemins vers Dieu »). La communication directe entre le Saint-Esprit et les participants au Synode est invoquée pour justifier des concessions doctrinales arbitraires (« le mariage pour tous » ; des fonctionnaires laïcs à la tête du « pouvoir » ecclésiastique ; l'ordination de femmes diacres comme trophée dans la lutte pour les droits des femmes) comme le résultat d'une vision supérieure, qui peut surmonter toutes les objections de la doctrine catholique établie.

    Mais celui qui, en faisant appel à l’inspiration personnelle et collective de l’Esprit Saint, cherche à concilier l’enseignement de l’Église avec une idéologie hostile à la révélation et avec la tyrannie du relativisme, se rend coupable de diverses manières d’un « péché contre l’Esprit Saint » (Mt 12, 31 ; Mc 3, 29 ; Lc 12, 10). Il ne s’agit là, comme nous l’expliquerons ci-dessous sous sept aspects différents, que d’une « résistance à la vérité connue » lorsque « un homme résiste à la vérité qu’il a reconnue, afin de pécher plus librement » (Thomas d’Aquin, Somme théologique II-II, q. 14, a. 2).

    1. Considérant le Saint-Esprit comme une personne divine

    C'est un péché contre le Saint-Esprit que de ne pas le confesser comme la personne divine qui, en unité avec le Père et le Fils, est l'unique Dieu, mais de le confondre avec la divinité numineuse anonyme des études religieuses comparées, l'esprit populaire collectif des Romantiques, la volonté générale de Jean-Jacques Rousseau, le Weltgeist de Georg WF Hegel, ou la dialectique historique de Karl Marx, et enfin avec les utopies politiques, du communisme au transhumanisme athée.

    2. Considérer Jésus-Christ comme la plénitude de la vérité et de la grâce

    C’est un péché contre le Saint-Esprit que de réinterpréter l’histoire du dogme chrétien comme une évolution de la révélation, reflétée par des niveaux de conscience avancés dans l’Église collective, au lieu de confesser la plénitude insurpassable de la grâce et de la vérité en Jésus-Christ, le Verbe de Dieu fait chair (Jean 1:14-18).

    Irénée de Lyon, le Doctor Unitatis , a établi une fois pour toutes, contre les gnostiques de tous les temps, les critères de l'herméneutique catholique (c'est-à-dire de l'épistémologie théologique) : 1) l'Écriture Sainte ; 2) la tradition apostolique ; 3) l'autorité doctrinale des évêques en vertu de la succession apostolique.

    Selon l’analogie de l’être et de la foi, les vérités révélées de la foi ne peuvent jamais contredire la raison naturelle, mais peuvent (et le font) entrer en conflit avec son utilisation idéologique abusive. Il n’existe a priori aucune nouvelle connaissance scientifique (qui est toujours faillible en principe) qui puisse remplacer les vérités de la révélation surnaturelle et de la loi morale naturelle (qui sont toujours infaillibles dans leur nature profonde). Le pape ne peut donc ni réaliser ni décevoir les espoirs de changement dans les doctrines révélées de la foi, car « cette fonction d’enseignement n’est pas au-dessus de la parole de Dieu, mais la sert, en enseignant seulement ce qui a été transmis » ( Dei Verbum , 10).

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  • Désastreux : alors que Jimmy Lai attire le soutien du monde entier, le Vatican préfère garder le silence

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    D'Edward Pentin sur le NCR :

    Alors que Jimmy Lai attire le soutien du monde entier, le Vatican garde le silence

    Plus de 100 hommes politiques de 24 pays sont venus défendre Lai.

    Le magnat des médias de Hong Kong Jimmy Lai.
    Jimmy Lai, magnat des médias de Hong Kong. (Photo : Crédit : Napa Institute / Napa Institute)

    Des dirigeants politiques, un organisme des Nations Unies et des groupes de défense des droits de l'homme se sont publiquement exprimés en faveur de Jimmy Lai, le magnat des médias catholique de Hong Kong qui risque la prison à vie pour son implication dans des manifestations en faveur de la démocratie, tandis que le Vatican et de hauts dirigeants de l'Église continuent de refuser de faire des déclarations publiques sur cette affaire.

    Lai a comparu devant un tribunal de Hong Kong pendant trois jours cette semaine, accusé de collusion étrangère et de sédition, résultat d'une loi stricte sur la sécurité nationale entrée en vigueur en 2020.

    Il a constamment nié les accusations qui tournent jusqu'à présent autour d'une série d'articles qu'il a écrits dans son journal Apple Daily en 2019 et 2020, critiquant la répression des libertés civiles à Hong Kong.

    La loi sur la sécurité nationale a été promulguée pour punir ce que la Chine considère comme de la subversion, de la sécession, du terrorisme et de la collaboration avec des puissances étrangères, mais ses critiques affirment qu'elle est utilisée pour écraser la dissidence en supprimant les libertés civiles et la liberté d'expression.

    La comparution de Lai devant le tribunal, la première fois qu'il a été autorisé à témoigner depuis son arrestation et son incarcération il y a quatre ans, fait suite à l' emprisonnement cette semaine de 45 militants pro-démocratie de Hong Kong pour des peines allant jusqu'à 10 ans dans une autre affaire de sécurité nationale.

    Selon le groupe de défense Hong Kong Watch, bien que Lai soit le prisonnier politique le plus célèbre, il y a plus de 1 800 prisonniers politiques à la suite de la répression des cinq dernières années, y compris des législateurs démocratiquement élus, des militants et des journalistes.

    Plus de 100 hommes politiques de 24 pays

    Plus de 100 responsables politiques de 24 pays ont pris la défense de Lai, en écrivant une lettre commune le 19 novembre, condamnant la Chine pour sa « détention arbitraire et son procès inéquitable ». Ils ont demandé « de toute urgence » la libération immédiate de Lai, 77 ans, détenu en isolement dans une prison de haute sécurité à Hong Kong. En septembre, il a été signalé qu'il était privé du droit de recevoir la Sainte Communion depuis décembre dernier.

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  • «Dans la foi, une diversité raisonnable ne peut pas se transformer en relativisme» (cardinal Zen)

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    De Samuele Pinna sur Il Timone :

    «Dans la foi, une diversité raisonnable ne peut pas se transformer en relativisme»
    18 novembre 2024

    «Dans la foi, une diversité raisonnable ne peut pas se transformer en relativisme»

    J'ai lu le livre du cardinal Joseph Zen, Una, santa, catholica e apostolica, d'une seule traite. De l'Église des Apôtres à l'Église « synodale » , édité par Aurelio Porfiri, publié par Ares. Après avoir fini de lire, j'ai imaginé - ne pouvant pas prendre l'avion pour Hong Kong - un dialogue entre moi et le Prélat, en empruntant ses paroles écrites dans le volume susmentionné. Nous vivons des temps de confusion, mais le cardinal nous invite à espérer : le Seigneur a toujours aidé l'Église « une, sainte, catholique et apostolique ». Aujourd'hui, cependant, l'unité de la foi n'est pas du tout une évidence : « Dans une époque moderne où il y a tant de courants de pensée confus - j'imagine la voix claire et ferme du Cardinal - , comment pouvons-nous promouvoir l'unité de la foi dans notre Église ? Cette unité de foi n’exclut pas une diversité saine et raisonnable, mais la diversité ne doit pas se transformer en relativisme , et des principes opposés ne peuvent être acceptés comme s’ils étaient tous deux valables. Insister sur des positions qui contredisent les enseignements traditionnels de l’Église, c’est promouvoir délibérément la division . » Allez, je voudrais maintenant parler de l'Épouse du Christ, car il me semble que l'idée d'ecclésiologie qui est populaire aujourd'hui est extrêmement faible. Ensuite, il y a l'erreur récurrente de penser l'Église comme une réalité formée après le Nouveau Testament, alors que c'est exactement le contraire : « Jésus a voulu bâtir son Église sur les apôtres, non sur un livre ». L'Évangile, écrit sous l'inspiration du Saint-Esprit, doit être interprété dans la Tradition Sacrée vivante. La Tradition sacrée, le Credo et le Magistère sont des éléments indispensables de l'Église. Si je dis : « Je veux le Christ seulement dans l’Évangile. Je ne veux pas de Tradition Sacrée. Je ne veux pas du Credo. Je ne veux pas du Magistère", je n'ai pas la moindre chance de trouver le Christ . C'est Lui qui veut être rencontré dans la Tradition Sacrée à travers le Credo et le Magistère. C'est Lui qui a appelé certains hommes à être des instruments de sa grâce . »

    Je me demande si avec cette pensée « forte » on ne perd pas de vue « les signes des temps » : « Certains considèrent le concile de Trente, l'encyclique Quanta Cura du pape Pie IX et la condamnation du modernisme par le pape Pie comme un refus pour s'adapter aux temps qui changent. Mais lorsqu’un organisme est touché par un virus, il a besoin d’un médicament qui empêche sa propagation. Les médicaments ne sont pas de la nourriture, et encore moins des friandises. Certains n'acceptent pas Veritatis Splendor de Jean-Paul II , mais face à la menace du relativisme éthique, comment le Pape pourrait-il ne pas défendre l'existence de valeurs morales objectives ? ». C'est la tâche, ou plutôt le service de l'autorité : « L'autorité représente Dieu. Sa tâche est de créer un pont entre le Ciel et l'humanité. Si, au lieu de servir de pont ou de passage entre le Ciel et l’homme, il devient un obstacle, il viole la volonté de Dieu. Être leader d’une communauté est une vocation et non une carrière. Celui qui est choisi ne doit pas regarder ses propres intérêts mais doit se soucier de plaire à Dieu et de servir ceux qui lui sont confiés. Au cours des deux mille dernières années, les apôtres et leurs successeurs ont-ils imité leur maître Jésus ? Ont-ils éprouvé un esprit de service ? Il est facile pour un chef religieux d’être idolâtré. Et plus ils sont idolâtrés, plus grande est la tentation de « contrôler les gens ». Pour entretenir la conscience de cette tentation, les papes se définissent généralement comme « le serviteur des serviteurs » .

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  • Fraternité Sacerdotale Saint Pie X : le Message du Supérieur général et de ses Assistants à l’occasion du cinquantième anniversaire de la déclaration du 21 novembre 1974

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    Message du Supérieur général et de ses Assistants à l’occasion du cinquantième anniversaire de la déclaration du 21 novembre 1974.

    Il y a cinquante ans, Mgr Marcel Lefebvre publiait une déclaration mémorable qui allait devenir la charte de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Véritable profession de foi aux résonances éternelles, cette déclaration exprime l’essence de la Fraternité, sa raison d’être, son identité doctrinale et morale, et par conséquent sa ligne de conduite. Aussi la Fraternité ne pourrait-elle s’écarter d’un iota de son contenu et de son esprit qui, cinquante ans plus tard, demeurent parfaitement appropriés à l’heure présente.

    Cette déclaration renferme deux idées absolument centrales, qui se complètent et se soutiennent mutuellement : la première affirme la nature essentiellement doctrinale du combat propre à la Fraternité ; la seconde exprime dans quel but il est mené.

    Il s’agit d’un combat doctrinal, face à un ennemi bien identifié : la Réforme du Concile, présentée comme un tout empoisonné, conçue dans l’erreur et menant à l’erreur. C’est son esprit de fond qui est remis en question, et par conséquent tout ce que cet esprit a pu produire : « Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l’hérésie et aboutit à l’hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d’adopter cette Réforme et de s’y soumettre de quelque manière que ce soit. La seule attitude de fidélité à l’Eglise et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acceptation de la Réforme. »

    L’histoire de ces cinquante dernières années n’a fait que confirmer la pertinence de cette analyse. La Réforme étant corrompue en elle-même et dans ses principes, il apparaît impossible de restaurer quoi que ce soit dans l’Eglise sans d’abord mettre en discussion les principes mêmes du Concile, et refuser toutes les erreurs qui y sont contenues : tous ceux qui se sont efforcés de garder à la fois la Tradition et la Réforme, de les marier ou de les enrichir mutuellement, ont inévitablement échoué. Parallèlement, le mépris et la haine envers la Tradition et la Messe de toujours n’ont cessé d’augmenter, manifestant d’une manière concrète qu’à deux doctrines incompatibles correspondent deux cultes inconciliables, deux façons irréductibles de concevoir l’Eglise et sa mission auprès des âmes.

    Commencée au Concile, cette Réforme est toujours en cours et continue de produire ses fruits. Aujourd’hui, à travers la synodalité, on assiste au renversement complet de la structure même de l’Eglise : à la transmission de la Vérité divine reçue du Verbe incarné, se substitue l’élaboration par l’homme d’un système où Dieu n’a plus sa place, et où l’esprit humain souffle à la place de l’Esprit-Saint. C’est le renversement diabolique de l’Evangile lui-même.

    Face à cette démolition de l’Eglise clairement dénoncée, Mgr Lefebvre nous encourage à poursuivre le combat doctrinal, c’est-à-dire à militer saintement pour le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, Voie, Vérité et Vie. Aujourd’hui comme hier, notre mission n’est autre que la restauration de toutes choses dans le Christ. Tout restaurer : à commencer par le sacerdoce, dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire ; restaurer le saint sacrifice de la messe, cœur de la vie de l’Eglise ; restaurer la vie chrétienne, qui n’est autre que la vie même du Christ, marquée de l’esprit de la croix, pour l’amour et la gloire du Père ; restaurer la vérité catholique, pour lui redonner sa splendeur et lui permettre d’illuminer le monde ; restaurer, dans l’Eglise et dans la société civile, la reconnaissance des droits du Christ, roi des nations.

    « Jésus-Christ était hier, il est aujourd’hui, et il sera le même dans tous les siècles. Ne vous laissez point emporter à une diversité d’opinions et à des doctrines étrangères. Car il est bon d’affermir son cœur par la grâce. » (He 13, 8-9)

    La seconde idée qui domine la déclaration de 1974 est la volonté lucide et déterminée d’agir dans le seul but de servir l’Eglise catholique et romaine.

    Ce n’est en effet que dans l’Eglise de toujours et dans sa Tradition constante que nous trouvons la garantie d’être dans la Vérité, de continuer à la prêcher et à la servir.

    Mais surtout, nous sommes bien conscients que le fait de garder la Tradition, et de prendre tous les moyens nécessaires pour la conserver et la transmettre, correspond à un devoir de charité que nous remplissons vis-à-vis de toutes les âmes et de l’Eglise tout entière. Dans cette perspective, notre combat est profondément désintéressé. La Fraternité ne recherche pas d’abord sa propre survie : elle cherche principalement le bien de l’Eglise universelle et, pour cette raison, elle est par excellence une œuvre d’Église, qui avec une liberté et une force uniques, répond adéquatement aux besoins propres d’une époque tragique sans précédent.

    Ce seul but est toujours le nôtre aujourd’hui, au même titre qu’il y a cinquante ans : « C’est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l’étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la sainte Église catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures. »

    C’est à l’Eglise que la Tradition appartient ; c’est en elle et pour elle que nous la gardons dans toute son intégrité, « en attendant que la vraie lumière de la Tradition dissipe les ténèbres qui obscurcissent le ciel de la Rome éternelle ». Dans la certitude surnaturelle et inébranlable que cette même Tradition triomphera, et avec elle l’Eglise tout entière. Et dans la certitude renouvelée que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle.

    Menzingen, le 21 novembre 2024

    Davide Pagliarani
    Supérieur général

    † Alfonso de Galarreta
    1er Assistant général

    Christian Bouchacourt
    2nd Assistant général

    source

  • L'ECLJ en appelle à la réforme du Programme de reproduction humaine de l’OMS

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    Du site de l'ECLJ (Louis-Marie Bonneau) :

    Appel à la réforme du Programme de reproduction humaine de l’OMS

    20 novembre 2024

    L’ECLJ enquête depuis plusieurs années sur le Programme de reproduction humaine (HRP) de l’OMS. Ce travail a permis de mettre en lumière l’activité de ce Programme créé en 1971 pour soutenir la recherche biomédicale sur la fertilité dans un but de réduction démographique. Un livre a ainsi été publié chez Ethics Press (anglais) et chez L’Harmattan (français). Cette enquête démontre que le HRP a développé les principaux contraceptifs et abortifs utilisés aujourd’hui dans le monde tout en les diffusant, soi-disant au nom des droits de l’homme. Le HRP est ainsi sorti du champ de la recherche biomédicale en promouvant des combats idéologiques. Cette orientation suscite des interrogations sur l’alignement du HRP avec les priorités de santé publique.

    Face à cette dérive, l’ECLJ prend une initiative importante en envoyant aux États membres de l’OMS une lettre cosignée par plusieurs ONG spécialisées: le Center for Family & Human Rights (C-Fam), Juristes pour l’enfance, Le Syndicat de la Famille, One Of Us et le Transatlantic Christian Council. Nous y appelons les États à entreprendre une réforme du Programme de reproduction humaine (HRP).

    Nous y soulignons en particulier l’influence croissante des financements privés, notamment ceux de la Susan Thompson Buffett Foundation, et nous nous inquiétons de l’impact de ces financements sur l’orientation stratégique du Programme. Nous demandons ainsi à l’OMS d’évaluer l’impact des financements privés et de renforcer la transparence et le contrôle du HRP pour garantir que ce Programme reste fidèle à sa mission de santé publique.

    Nous appelons donc à recentrer les efforts du HRP sur des enjeux biomédicaux réels et majeurs, tels que l’infertilité, tout en respectant les spécificités éthiques, légales et culturelles de chaque pays.

    Lire et signer la pétition